Comment lutter contre la violence et la délinquance des jeunes ?

Contribution au Congrès de Grenoble de novembre 2000,
présentée par Martine Roure, Gérard Bertrand, Nicolas Beugnies, Jean-François Debat, Jean Excoffier, Sylvie Guillaume et Edouard Simonian.


 
La délinquance des mineurs n'est plus une délinquance due à un parcours accidenté mais elle est souvent une délinquance d'exclusion.
A la tentation du répressif, nous pouvons et devons répondre par une alternative plus ambitieuse qui nécessite concertation et refonte des institutions et des attitudes sociétales.

Nous sommes à un moment où les sociétés européennes commencent à répondre à la violence des jeunes autrement que par la prison. L'augmentation des effectifs policiers, l'aggravation des sanctions et la multiplication des détentions ne donnent que des effets médiocres et peu durables, si on n'a que cette réponse, surtout lorsque l'on sait que souvent les sanctions ne tombent qu'après 18 ans, et que le jeune auparavant peut se croire tout permis. Ces mesures du tout répressif, préconisées par certains, institutionnalisent un climat de violence, renforcent l'exclusion des délinquants et favorisent la récidive.

Dans nos villes, la violence juvénile nous désarçonne et désarçonne nos institutions.

Nous assistons périodiquement et encore récemment à des flambées de violence.

Jusqu'à il y a peu, nous avons répondu confusément et dans l'urgence, mais nous nous sommes rapidement aperçus que nous ne répondions pas de façon positive et constructive.

Nous avons compris que la vraie priorité était d'édifier des institutions susceptibles de répondre à cette délinquance d'exclusion, alors entre autres sont apparus les contrats de ville, qui sont un outil parmi d'autres, mais, qui peuvent selon leur utilisation se révéler particulièrement efficaces.

Nous sommes, et c'est vrai, déroutés par les manifestations multiples de la violence de nos jeunes et trop souvent nos procédures ne répondent pas.

Exemple de ce désarroi : l'absence de réponse à la violence de nos enfants entre 6 et 13 ans. Ils sont trop jeunes pour être pénalement responsables mais ils sont pourtant utilisés dans le trafic de drogues par leurs aînés. Un sentiment de toute puissance les atteint alors et, leur fausse le jugement, il faut savoir qu'ils se croient invulnérables.

Pour eux rapidement, le rapport à la drogue s'insère simplement dans un marché ; toute la cité est imprégnée de ce marché et il constitue pour certaines familles une source importante de revenus.

Le jeune croit qu'il est inutile de travailler à l'école ou de suivre un projet d'insertion alors que l'argent est facile.

Nous devons prendre conscience que la délinquance d'exclusion est une forme désespérée de survie.

Que peut alors faire la justice face à ces jeunes qui sont nés de l'échec scolaire et de l'exclusion sociale ?

Souvent nous nous demandons comment nous en sommes arrivés là. Si cette violence et cette délinquance étaient spécifique à notre pays, nous analyserions nos pratiques et nos politiques, nous ferions un travail de comparaison avec d'autres pays et nous trouverions peut-être la solution. Mais ce n'est pas vraiment le cas.

Face à un monde politique qui n'inspire plus confiance, face à des responsables qui sont trop souvent perçus comme des démagogues, les jeunes ne croient plus personne (et en personne).

Partout en Europe on a assisté à un redéploiement de l'intervention de l'Etat. En France et en Belgique on a suscité une politique de la ville où les parquets jouent un rôle moteur, où ils ont leur place par les contrats locaux de sécurité par exemple.

En Allemagne et en Grande Bretagne, la prévention est organisée par les administrations locales sans que la justice y joue un rôle direct.

Partout on peut constater que les politiques sécuritaires et les politiques sociales sont menées de front.

A l'inverse des Etats Unis nous avons fait le choix d'une politique de prévention, parallèlement à la répression nécessaire.

A l'origine de cette nouvelle politique de prévention se trouve la reconquête politique des territoires. Nous agissons enfin et depuis peu sur les causes que sont l'insécurité scolaire et le défaut d'insertion. Nous devons continuer dans cette voie dont le but est d'aborder dans un même regard la prévention policière et l'action éducative.

Cette façon d'aborder les choses n'est pas toujours bien comprise.

Il est difficile de faire comprendre par exemple aux établissements scolaires la nécessité du signalement à la justice alors qu'ils gèrent habituellement en interne leurs difficultés.

Il est fondamental que nous cessions les actions "d'orthopédie" en matière de lutte contre la délinquance. Nous devons nous attaquer aux racines même du mal et aller au plus près des familles.

Les pays européens ont pleinement conscience de l'enjeu de ces prochaines années puisqu'il est demandé aux Etats membres de l'Union d'adopter des mesures à caractère social susceptibles de contrecarrer l'effet de certains facteurs porteurs de criminalité tels que l'exclusion sociale, le chômage des jeunes ou la pauvreté.

Nous devons à ces jeunes tout d'abord le respect, le respect à l'école, le respect dans la vie sociale. Ces jeunes qui n'ont jamais été respectés, même dans leur propre famille, comment pouvons nous leur demander le respect des autres et des institutions. Et pourtant c'est une demande qu'ils nous font : " ils veulent être respectés ". Nous pourrons exiger d'eux ce respect si nous sommes tous capables de donner l'exemple.

Cette reconnaissance c'est bien le contraire de la spirale de l'exclusion et c'est bien pourquoi nous devons lutter contre la violence. Alors que chacun a son discours sur la violence des jeunes et que certains en font leurs choux gras avec des propositions de plus en plus démagogiques, il est enfin grand temps de regarder les choses en face et de trouver des solutions applicables, réalistes et véritablement efficaces. Il faut une réelle volonté politique pour faire face à la violence des jeunes qui n'est pas inéluctable mais il faut traiter les maux à leurs sources et ne pas se contenter de traiter les symptômes. Il est bien plus efficace de se prémunir contre la maladie que de la soigner.

Notre but est bien d'être plus à l'écoute de chacun afin que chacun soit reconnu.

Alors que nous voyons le contexte socio-économique actuel évoluer de façon un peu plus favorable, notre impuissance à régler le problème de la violence nous oblige à inventer de nouvelles réponses, de nouvelles attitudes sociales, en tant que politique, professionnel ou simple citoyen afin que chacun soit acteur de son présent et de son avenir.

La violence collective est celle qui se voit le plus mais les violences quotidiennes, les femmes et les enfants battus, les problèmes de voisinage que l'on qualifie parfois de petites violences, les humiliations à l'école, sont un creuset de souffrances et c'est dans cette souffrance que naissent, que grandissent certains enfants aujourd'hui.
Les réponses du corps social à travers ses institutions sont souvent tout aussi violentes.

Le processus de socialisation s'acquiert d'abord à l'intérieur de la famille, La violence est indicatrice des problèmes sociaux à prendre en compte d'une manière urgente.

Nous devons privilégier des solutions de prévention et permettre grâce à un contexte familial différent, moins de souffrances individuelles et sociales inutiles et ainsi nous pratiquerons une véritable politique d'insertion et de socialisation dès la naissance, avec les familles

Les actions que nous pouvons mettre en place :

1. Nous devons absolument dans l'avenir être extrêmement vigilant dans notre lutte contre la délinquance et il est absolument nécessaire que toutes les subventions soient analysées et évaluées afin d'éviter cette démarche politique exécrable qui se borne à verser de l'argent aux quartiers afin de réduire les tensions.

2. Nous devrions aider la jeune mère dès la grossesse. Certaines, complètement dépassées, humiliées ou trop seules ne sont pas en mesure d'accueillir un enfant.

Un suivi qui ne soit pas ressenti comme venant de l'institution doit être proposé. Cela suppose une écoute particulière, écoute du médecin, des travailleurs sociaux, et du quartier (en lien avec les lieux d'écoute et de paroles qu'il serait utile de mettre en place dans tous les quartiers).

3. L'importance de la petite enfance n'est plus à démontrer. Les lieux d'accueil parents enfants sont extrêmement précieux, il faut les multiplier, les laisser ouverts toute la journée et éventuellement la nuit dans certains quartiers, mais il faut aussi aider les familles au plus près et aller au devant d'elles. Il faut soutenir les jeunes mères qui sont dépassées et souvent dépressives face à leur enfant.

Une aide psychologique et morale des nouveaux parents est souvent nécessaire. C'est pourquoi ces lieux d'écoute et de paroles, ouverts avec des personnes disponibles et compétentes (la compétence n'étant pas obligatoirement liée au nombre de diplômes mais surtout à l'expérience et à la capacité d'écoute et d'analyse des situations), sont indispensables ; ils remplacent le village ou la famille élargie d'autrefois.

Les Conseils Généraux pourraient prendre leur place à côté des services de l'Etat (liaison avec les écoles, les collèges..) dans ces nouveaux lieux. Le but principal étant de ne jamais laisser la souffrance et la violence s'installer sans réactions, sans proposition d'aide.

4. Il est fondamental d'ouvrir l'école maternelle dès deux ans avec une structure d'accueil spécifique pour les enfants de cet âge là qui n'ont pas les mêmes besoins que les enfants plus âgés.

5. On doit pouvoir donner de vrais moyens à la Protection Maternelle et Infantile, et ainsi permettre aux éducatrices de jeunes enfants, aux puéricultrices, aux médecins, aux psychologues de faire un travail efficace et salutaire. On doit pouvoir aider les parents afin qu'ils puissent surmonter leurs difficultés éducatives car, contrairement à ce que l'on affirme, éduquer un enfant ce n'est pas facile, c'est le plus difficile des métiers.

6. Il faut redonner confiance à ces parents, leur donner les moyens d'être de bons parents, car leur enfant a besoin d'eux. De nouveaux métiers sont nécessaires et à inventer : assistant de quartier, éducatrice ou éducateur de jeunes enfants attaché au quartier…(en lien avec la P.M.I., les services sociaux).

Il s'agit enfin d'optimiser ce qui existe déjà et de développer entre les différents services un partenariat plus étroit et des concertations plus précises. Le coût social en serait réduit et l'efficacité augmentée.

En conclusion, si la répression est nécessaire car nous ne pouvons vivre dans un tel climat et laisser nos enfants se perdre eux-mêmes, nous nous devons de mettre en place une vraie prévention primaire, sinon nous serons éternellement condamnés à réparer nos erreurs et nous aurons condamné définitivement une partie de notre jeunesse et cela nous n'en avons pas le droit sauf à décider que notre société doit mourir.

– Contribution présentée par :

Martine ROURE, députée au Parlement européen  Gérard BERTRAND, premier secrétaire fédéral de la Drôme  Nicolas BEUGNIES, premier secrétaire fédéral de l'Ardèche  Jean-François DEBAT, premier secrétaire fédéral de l'Ain  Jean EXCOFFIER premier secrétaire fédéral de Haute-Savoie  Sylvie GUILLAUME, première secrétaire fédérale du Rhône  Edouard SIMONIAN, premier secrétaire fédéral de Savoie.



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