Attika : la motion

Congrès de Grenoble de novembre 2000,
motion présentée par la Gauche socialiste.


 

Je ne suis pas d’accord
avec cette idée que
pour respecter l’environnement,
il faudrait revenir en arrière,
raser les villes et vivre
comme à l’âge de pierre

Le 28 septembre.
Cher François,

Il paraît que j’ai tout faux : j’aurais dû te tutoyer dès le début. Au PS on est tous camarades ! C’est vrai que " vous ", ça faisait un peu aristo. Alors maintenant, on se tutoie. Cela ne te gêne pas que je dise " tu " ? Même si je sais bien qu’on n’est pas chez les Verts, ambiance baba-cool et compagnie.

Ecologie et socialisme, c’est un peu comme Laurel et Hardy, ils sont inséparables

D’ailleurs François,  à propos des Verts, pourquoi ne sont-ils pas au PS eux aussi ? Ecologie et socialisme, c’est un peu comme Laurel et Hardy, ils sont inséparables. Malbouffe, vache folle, bœuf aux hormones, effet de serre, marée noire, tempêtes, tous ces désastres sont le résultat de la logique du système : le profit de quelques-uns s’oppose à l’intérêt général. On fait du business sur le dos de l’exploitation des gens comme on peut en faire sur le dos de l’environnement, avec le plus grand mépris pour l’épanouissement individuel comme pour le devenir de notre planète. Je ne sais pas si tu as été à la manif de Seattle. Là-bas, t’aurais vu ! Tout le monde était au coude à coude : les syndicats qui veulent des lois sociales, les paysans contre les OGM, les ONG du Tiers Monde et tous ceux qui se battent pour les droits des citoyens contre la loi des multinationales. Alors tu vois, s’il y a bien une chose dont je suis convaincue, c’est que le combat pour le respect des hommes et de la nature c’est kif-kif. L’écologie, ça fait partie des idées socialistes. La question du mode de production capitaliste et de ses ravages sur notre environnement forment un seul et même problème.

Cela va peut-être te surprendre, mais je suis 100% d’accord avec toi quand tu dis que notre parti ne doit pas sous-traiter l’écologie aux Verts. A nous donc d’être des militants actifs pour ne pas s’habituer à voir l’Afrique mourir de la misère, du paludisme et du Sida, aux cotes d’alerte de pollution de l’air, aux légumes sans goût dans leurs assiettes, à l’hosto pour les gamins qui ont des bronchiolites, aux nitrates dans la flotte. Je me demande même si un jour on ne se retrouvera pas au beau milieu de " Soleil Vert " sans que ce soit de la science-fiction. Franchement, la situation est suffisamment grave pour qu’on prenne les choses au sérieux et qu’on arrête avec les gadgets. La gauche a quand même mieux à proposer que la " journée sans voiture " pour lutter contre l’effet de serre.

J’ai toujours rigolé quand ma grand-mère disait que le temps se détraque et que tout ça c’est la faute à ces inventions, à la bombe atomique et à la modernité. Il y avait du vrai dans ce qu’elle disait. Mais je ne suis toujours pas d’accord avec cette idée que pour respecter l’environnement, il faudrait revenir en arrière, raser les villes, et vivre comme à l’âge de pierre. Bonjour le dilemme pour l’humanité : arrêter le progrès ou mourir ! Pour moi, l’écologie ce n’est pas " no futur ", ça devrait être une autre façon de penser et d’organiser le progrès collectif. D’ailleurs, si on parle aujourd’hui de " développement durable " c’est bien parce qu’il s’agit de développement, et non pas de recul ou de stagnation. Notre pari, c’est de concilier le développement humain et la protection de la planète et de l’environnement. On est capables d’envoyer des robos sur Mars et on serait pas foutus d’engager la dépollution généralisée, d’avoir un développement des activités humaines qui ne nuisent ni à l’homme ni à la nature ? Faut pas essayer de me faire croire ça ! L’intelligence humaine serait tout à fait capable d’inventer des trucs fabuleux si elle était mise au service de cette cause : promouvoir un mode de développement durable qui prenne en compte le non-renouvellement des ressources et le sort des générations futures. Simplement, j’ai la désagréable impression qu’on met plus d’inventivité pour sortir de nouveaux produits financiers, pour faire circuler l’argent plus vite, pour fabriquer des armes super-sophistiquées, que pour protéger les hommes et la planète.

Ce n’est pas à Neuilly qu’on aurait laissé des résidences envahies de mouches pendant des mois à cause de l’usine voisine, c’est dans une ville du Pas-de-Calais, pas franchement connue pour son nombre d’habitants qui payent l’ISF

Mais moi, je pense que l’écologie et les écolos doivent faire attention. On ne peut pas en parler qu’en terme de contraintes : des interdits, des taxes, des réglementations et des sur-réglementations dont personne ne veut et dont on est bien incapable de contrôler l’application ! Pire, l’écologie sert parfois de prétexte à quelques mauvais coups sociaux ! Les taxes, les prix élevés, la chasse au gaspi, sont seulement une incitation morale pour les riches, alors qu’ils sont une terrible obligation pour les pauvres ! On a même inventé des compteurs d’eau et d’électricité pour qu’ils ne consomment pas plus que ce qu’ils peuvent payer… Les taxes ne sont pas le fin du fin de l’écologie, surtout quand elles sont indirectes ! Il n’y a pas besoin d’être un génie pour voir que les inégalités écologiques et les inégalités sociales se cumulent. Le Tiers Monde connaît le refrain : comme la planète se dérègle, il ne faut surtout pas que d’autres pays que les occidentaux se développent ! Voilà la nouvelle version politiquement correcte matinée de bonne conscience " écolo " qui justifie que la majorité de la population mondiale reste cantonnée à la pauvreté absolue. Chez nous, c’est pareil : ce n’est pas à Neuilly qu’on aurait laissé des résidences envahies de mouches pendant des mois à cause de l’usine voisine, c’est dans une ville du Pas-de-Calais, pas franchement connue pour son nombre d’habitants qui payent l’ISF.

S’il y a une certitude pour la gauche, c’est que ce n’est pas la loi du marché qui va spontanément organiser le bien être collectif. Pour les libéraux, tout est marchandise. Tiens, ils veulent même breveter le vivant. Imagine le cauchemard ! On assiste à une vaste marchandisation de tout. Bientôt même l’air sera payant. La dernière en date ?  La pollution elle-même est devenue une marchandise. Bientôt, il suffira de payer une taxe, et tu auras le droit de vider tes cuves de produits chimiques dans la rivière !

Il existe déjà une bourse où l’on s’échange les créances du Tiers Monde, bientôt, on aura celle des droits à polluer !

D’ailleurs, ça m’a démoralisée de voir qu’on s’apprêtait à avaliser les " échanges d’autorisation d’émission de CO2 " comme on dit dans les sommets sur l’environnement. En apparence, le but est noble puisqu’il s’agit d’imposer des normes pour lutter contre l’effet de serre. En réalité, les multinationales achètent le droit de se dispenser de tout effort en contournant leurs obligations. Désormais, chaque pays aura son quota de production de CO2. Vu son déclin industriel, la Russie a plein de " droit à polluer " à vendre, les américains sont déjà sur les rangs, la mafia va s’en mettre plein les poches. Quand on parle de capitalisme financier, ici c’est le bouquet ! Il existe déjà une bourse où l’on s’échange les créances du Tiers Monde, bientôt, on aura celle des droits à polluer !

L’eau, c’est un bien public, une " res publica "

Tu seras d’accord avec moi que la première chose à faire pour les socialistes, c’est de mettre un coup d’arrêt à cette marchandisation tous azimuts. Chaque matin quand je prends ma douche, j’entends " dling - dling ", le jackpot dans les caisses de Vivendi, Bouygues et consors. Avoue que ça gâche le plaisir ! Je ne te parle même pas de tous ceux qui sont condamnés à payer l’approvisionnement en eau minérale en plus de la facture d’eau parce que celle du robinet est imbuvable. Bonjour les profits énormes sur le dos du patrimoine public ! Pourquoi est-ce que la gauche est si timide ? Je suis sûre que si tu prenais le problème à bras le corps pour que cette arnaque cesse enfin, personne ne t’en voudrait, au contraire. L’eau, c’est un bien public, une " res publica ", alors c’est le service public, local ou national, qui doit en assumer la gestion !

Une telle décision, ce serait donner un vrai coup d’arrêt à la marchandisation du monde. D’ailleurs, souviens-toi : c’est parce que des pans entiers de l’activité humaine sont tout simplement incompatibles avec la loi du profit que la France avait refusé l’AMI. Mais je ne comprends pas pourquoi ce qui est valable pour la culture ne le serait pas pour l’eau, la santé, l’éducation. Le moratoire sur toutes les négociations commerciales et la réforme de l’OMC, c’est pour quand ?

Je te demande ça parce que ça urge ! Ce n’est que le point de départ de ce qu’il faut faire. Car le développement durable, c’est aussi proposer une méthode qui s’oppose à la logique du profit et qui invente une nouvelle façon de faire vivre des politiques publiques, de stimuler les initiatives et l’évolution des entreprises dans tous les secteurs d’activités. Sur l’effet de serre, par exemple, la solution n’est pas d’augmenter le prix de l’essence. D’ailleurs, t’as vu le succès ! Les prix prennent à la gorge tous ceux qui utilisent leur bagnole parce que, comme dit ma mère " les transports c’est la croix et la bannière, pour aller au boulot, soit y’en a pas, soit il faut compter 1h50 et la carte mensuelle vaut 500 balles !". Moi, j’aurais bien aimé qu’on dise que la solution c’est d’investir massivement pour des transports collectifs performants, moins chers et non polluants. Je connais la chanson : tu vas me dire qu’il y a plein de projets de tramway, de bus, de ferroroutage, mais c’est tellement long, long, long à mettre en place qu’on a l’impression qu’ils ne verront jamais le jour ! Et puis, le Maire de ma ville a annoncé que tous les véhicules municipaux seraient au GNV. Mais il a fallu faire signer une pétition pour qu’il y ait une pompe GNV dans le coin parce qu’il faut - paraît-il - que GDF soit sûr qu’elle sera rentable… Avec des principes pareils, c’est sûr qu’on n’avance pas !

J’entends déjà le couplet : " Attika, on peut pas faire tout ça, cela coûterait trop cher "

J’entends déjà le couplet : " Attika, on peut pas faire tout ça, cela coûterait trop cher ". Alors il faut que je te le dise François : depuis toute petite je vois défiler à la télévision des messieurs très coincés qui me prennent à partie avec une angoissante question : " que penseront de nous les générations futures si nous leur léguons un budget de l’Etat en déficit et des dettes publiques qui crèvent le plafond ? ". Je n’ai pas de réponse à leur question. Mais en tout cas, je peux déjà leur dire comment je les juge pour nous avoir transmis une couche d’ozone bouffée aux mites, des fleuves dans lesquels on n’ose pas tremper l’orteil, ou pour avoir laissé s’enfoncer le Tiers Monde et rouiller les armes nucléaires à Mourmansk ? Je ne sais pas où tu as passé tes vacances, mais moi le séjour en Bretagne, ça m’a marqué ! L’agriculture productiviste, non seulement elle m’a gaché le séjour, mais en plus elle m’est restée en travers de la gorge. Le résultat est lamentable pour l’environnement, et dégueulasse dans nos assiettes.

Bon. Je te laisse, parce que parler de bouffe donne faim. Ce soir, farandole de salades (maïs, tomates, concombres), pièce du boucher aux trois sels et coulis de caramel sur flan (un Dany quoi).
A bientôt,
Attika.

Les propositions de la Gauche socialiste

Refuser la marchandisation de tous les aspects de la vie humaine

  • Moratoire sur toutes les négociations commerciales de l'OMC, tant que cette organisation n’est pas subordonnée à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, à la déclaration de Rio et aux normes de l’Organisation Internationale du Travail afin que les normes sociales, sanitaires et environnementales ne soient pas remises en cause au nom du libre-échange.

  • Interdiction de la brevetabilité du vivant (plantes, animaux, micro-organismes, gènes, génome humain).

  • L'eau doit devenir un bien public : création d'un service public de l'eau, copilotage par les Régions et les Agences de l'eau, permettant de mettre fin aux délégations de la gestion publique au privé.

  • Renforcement des règles de protection de la mer : Augmentation des effectifs des brigades de protection de la mer, renforcement de leurs moyens et équipements. Application effective de la loi sur le littoral : le parquet doit émettre des instructions dans ce sens.

  • Mise en œuvre d'un Indice de Développement Humain intégrant les exigences du développement durable comme alternative aux indicateurs purement marchands (PNB, PIB …) pour évaluer l'action des gouvernements et des organismes publics.

  • Création d'un laboratoire public de la recherche pharmaceutique en charge de la recherche, de l'élaboration et de la commercialisation des traitements que le marché néglige, financé par une taxe sur les profits des laboratoires pharmaceutiques.

  • Refus de la mise en place en Europe d'échanges de permis d'émission de gaz à effet de serre (droits à polluer).

Une loi d’orientation pour le développement durable

  • Fixer les grands défis écologiques que la France doit relever dans les 10 ans à venir:
     réduire de 8 % par rapport à 1992 nos émissions de gaz à effet de serre,
     remise en état écologique de toutes les eaux de surface et interdiction du déversement des substances dangereuses,
     réduire la part du nucléaire dans la production électrique par le développement d'énergies alternatives,
     réduire de 2DB en moyenne le bruit dans les villes,
     réduire la masse des déchets produits par habitant, tri sélectif généralisé et recyclage renforcé.

  • Définir les grands chantiers écologiques qui feront l'objet d'investissements publics  :
     développement du ferro-routage, financement de la dépollution, nouveau plan de tramway et de transports en commun…
     création d’un fonds national abondé par des prélèvements sur les profits des entreprises intervenant dans ce secteur,
     redéploiement de la fonction publique nationale et territoriale et création de postes au ministère de l'environnement,
     création d'une véritable police verte permettant de contrôler l’application des normes et des lois concernant l'environnement.

  • Organiser un réseau d'observation et de mesures qui suive l’application et l’efficacité des mesures pour établir partout en France des états périodes sur l’environnement, examinés dans les assemblées élues pour démocratiser les choix écologiques.

  • Clarifier les compétences entre les collectivités en confiant à une instance élue au niveau pertinent le pilotage complet de la politique de l'environnement.

  • Programmer un effort considérable de la recherche dans le secteur du développement durable (énergies renouvelables...)

En urgence, une loi de programmation de lutte contre l’effet de serre

  • Respect des objectifs de la convention de Rio : baisse de 8 % des gaz à effet de serre et bilan public présenté chaque année au Parlement.

  • Un programme massif sur les énergies renouvelables :
     incitations fiscales pour les véhicules propres (GPL, GNV, hydrogène, air comprimé) et obligation d’équipement des administrations et des collectivités en véhicules non polluants,
     création d'un réseau de distribution de ces carburants sur l'ensemble du territoire,
     équipement sur 10 ans de tous les bâtiments publics d’une carte énergétique visant à l’optimum énergétique pour de considérables économies d'énergie,
     les régions voteront des plans de réduction de l'émission de gaz à effet de serre et de diversification énergétique.

  • Plan de développement des transports collectifs non-polluants urbains, interurbains et du ferro-routage, conjugué à une baisse drastique des prix, pour limiter considérablement l’usage de la voiture.

  • Préparer la sortie du nucléaire : EDF doit investir l'équivalent du coût de 2 nouvelles centrales nucléaires avec mission de produire ou d'économiser avec cet argent la même quantité d'énergie que celle qu'auraient produite ces centrales.

  • Création d'une agence internationale de l'énergie solaire pour le transfert libre et non commercial de technologies reposant sur les énergies renouvelables.

Assurer la securité alimentaire

  • Respect systématique du principe de précaution en matière de sécurité alimentaire.

  • Interdiction des OGM et des farines animales.

  • Maintien de l'interdiction de la viande aux hormones.

  • Développement de l’agriculture non productiviste de qualité : mise en place d'un certificat de qualité facilement identifiable par le consommateur, correspondant à un cahier des charges.

  • Révision des critères de subvention de la PAC.

Pour une politique de co-developpement

  • Suppression de la dette des pays en développement.

  • Mise en place d'une taxe à l'entrée des pays importateurs de matière première afin de financer un fonds de stabilisation du cours des matières premières.

  • S'opposer aux règles actuelles du FMI dites " politiques d'ajustement structurel ".

  • Création d'un Fonds mondial " SIDA et maladies endémiques " et gratuité des traitements.

Pour en finir avec l'Etat-Banque
il faut une Europe Fédérale

Le 29 septembre.
François,

Tu te souviens sûrement de Pétra, ma copine allemande qui vit à Hambourg, celle qui préfère les cigares alors que moi j’aime mieux les cigarettes. Elle m’a enfin répondu, mais vu le pavé qu’elle m’a envoyé, c’est normal qu’elle ait mis le temps. Dès que j’ai fini de lire sa lettre, je me suis mise à la traduire pour que tu puisses la lire. Et si tu me dis que c’était pas la peine parce que t’es balèze en allemand, je serais verte de rage parce que j’ai vraiment galéré avec mon dico Français-Allemand.

Lettre de Pétra :
Attika,

Tu sais qui c’est, toi, ces trois sages ? Parce que moi, si jamais je pouvais trouver des photos d’eux, je leur ferais bien des petites moustaches. Comme ces trois mecs n’ont pas été élus et qu’on ne peut même pas voter contre eux, c’est tout ce qui me reste à faire pour passer mes nerfs. Tu dois certainement être excédée toi aussi. Mais tu sais Attika, je suis allemande… et qu’on accepte dans le cadre de l’Europe un gouvernement facho, ça m’écoeure. Ils sont devenus dingues ou quoi ?

Qu’on accepte dans le cadre de l’Europe un gouvernement facho, ça m’écœure. Ils sont devenus dingues ou quoi ?

J’ai vu que chez toi aussi, les responsables politiques vous ont resservi les déclarations honteuses du genre " on reste vigilants ". Chez nous, il régnait une ambiance bizarre… Les plus anciens comme mon grand-père sont sous le choc et m’ont dit qu’ils espéraient que ça finirait pas pareil qu’à leur époque, même si ça a commencé pareil. J’avais la chair de poule.

C’est une preuve de plus - mais elle est de taille - que cette Europe-là n’a aucun rapport avec celle dont on rêve toi et moi. Celle de la paix, de la fraternité, de la justice et de la prospérité pour tous.

Un à un, tous les services publics sont attaqués au nom de la concurrence

Je suis bien d’accord avec ce que tu m’as écrit à ce sujet avant les vacances. L’Europe pour l’instant est très libérale. On pourrait même écrire au dessus du bâtiment qui abrite la Commission à Bruxelles : " Libéraux de toute l’Europe : unissez-vous ! ". Mais ça ne m’étonne pas du tout vu que pour bâtir cette Europe, on a mis la charrue avant les bœufs, l’économie avant le politique. Alors ça s’aggrave de jour en jour. Un à un, tous les services publics sont attaqués au nom de la concurrence. Après l’électricité et le gaz, ça va être au tour de la Poste. Et le pire, c’est que personne n’a jamais pu donner son avis. On a beau élire des députés européens, tout ce qui se décide semble provenir d’une sorte de super-pouvoir qui prend des décisions tout seul et ne rend jamais de compte.

Il y a un Parlement, mais c’est le 3ème bureau d’une direction mystérieuse dirigée par Monsieur Robo-techno que personne ne connaît qui prend les décisions

Mais où et quand les citoyens d’Europe ont-ils décidé que les services publics devaient disparaître ? Où et quand ont-ils décidé que la " règle " de la concurrence était supérieure aux lois sociales ?

Plus de la moitié des décisions qui influent sur nos vies partout en Europe est prise sans contrôle démocratique, par des instances opaques, complexes, auxquelles personne ne comprend grand chose. Il y a un Parlement, mais c’est le 3ème bureau d’une direction mystérieuse dirigée par Monsieur Robo-techno que personne ne connaît qui prend les décisions. Et évidemment, le Monsieur Robo-techno, c’est comme les trois " sages ", on ne sait pas pourquoi ni comment il est arrivé là, et on ne peut pas le faire partir. Du coup, il a les mains libres.

C’est la même histoire pour l’Euro. On a l’impression que cette monnaie, elle est seulement commune aux banquiers de la Banque centrale. Tu vois, là-dessus, moi j’ai changé. Au début, quand tu me disais que le problème, c’est qu’elle était indépendante, je ne te comprenais pas. En Allemagne, on était assez coincés sur ce principe. Mais il faut nous comprendre : on nous raconte tellement la fameuse période des années 30 où on payait son pain avec des brouettes de Marks qu’on a tous l’impression de l’avoir vécue. Mais pour moi, les faits comptent plus que les phobies et l’Euro dégringole alors que la BCE est indépendante… En vérité, on laisse piloter notre monnaie par le seul marché. Du coup, ça recommence, ils parlent à nouveau de monter les taux d’intérêts pour contrer la chute. Tu connais la suite : crédit plus cher, donc moins de consommation et d’investissement, donc menaces sur la croissance.

Ces deux caractéristiques de l’Europe actuelle, absence de pouvoir démocratique et libéralisme économique, ne sont pas déliées. L’une ne va pas sans l’autre. Précisément parce que les avancées du libéralisme ont pour préalable le vide démocratique. Les patrons se frottent les mains : moins de pouvoir aux politiques et aux citoyens, bref, plus rien qui ne puisse entraver leurs intérêts. Pour le moment, Attika, cette Europe-là est un Etat-Banque !

Après les déclarations de Joshka Fischer – dont tu m’as dis qu’elles avaient été largement débattues en France – j’ai un avis très clair sur la question. Pour en finir avec l’Etat-Banque, il faut une Europe fédérale. Tu as dû le remarquer aussi : tout le monde raconte qu’il faut donner plus de pouvoir aux citoyens. Mais la méthode est décisive : les rafistolages et les aménagements de fortune ne feraient qu’aggraver la situation. Au final, c’est l’idée d’Europe tout court qui pourrait être rejetée par la population si le bric-à-brac institutionnel se complique encore.

On ne peut pas se contenter de " passer-de-l’unanimité-à-la-majorité-qualifiée-dans-les-règles-de-votation-au-Conseil-pour les-articles-42, 57-2ème alinéa, 159, 162 et 166-en-élargissant-les-domaines-de-la-décision-pour-les-procédures-au-parlement-européen ". Il ne faut pas tourner autour du pot mais changer radicalement les règles du jeu : la souveraineté ne doit appartenir qu’au peuple.

Je sais bien que beaucoup disent qu’il n’y a pas beaucoup de pays parmi les 15 qui sont prêts à passer le cap. Et alors ? Comme si on ne pouvait pas commencer à 4, à 6 ou à 9

C’est là que je ne comprends pas ce que vous faites en France. C’est bien vous qui répétez tout le temps qu’en matière de démocratie, la République vous a appris que tout commence par une Constitution ? Alors pourquoi on ne vous a pas entendus après que Fisher a proposé une constitution européenne? Je sais bien que beaucoup disent qu’il n’y a pas beaucoup de pays parmi les 15 qui sont prêts à passer le cap. Et alors ? Comme si on ne pouvait pas commencer à 4, à 6 ou à 9. Nous verrons bien. Mais l’objectif est bien celui-là : créer un nouveau pays en quelque sorte, une fédération. En Allemagne comme en France, on croit trop souvent que c’est toujours la faute du voisin si on avance pas. Fais passer le message : ici aussi, beaucoup pensent que ce qu’il faut faire en Europe, c’est une République fédérale et sociale. Le cercle de Francfort, le club de la gauche du SPD, propose même que la prochaine étape de la construction européenne soit l’élection d’une assemblée constituante.

C’est le Parlement Européen qui désignerait par un vote le gouvernement de l’Europe

Une constitution clarifierait le partage entre ce qui doit rester de compétence nationale et ce qui relève de la compétence fédérale. Sur le plan démocratique, ça ferait une sacrée différence. C’est le Parlement européen qui désignerait par un vote le gouvernement de l’Europe. Il ne serait alors qu’un exécutif. Le programme politique, lui, procéderait du Parlement. Cela modifierait beaucoup le déroulement des élections européennes. Et ça obligerait sans doute les partis sociaux-démocrates à se mettre d’accord sur un projet commun de gouvernement. J’imagine que c’est pareil en France, mais moi je suis très choquée par les élections européennes. Les gens votent comme s’il s’agissait d’une élection nationale dans laquelle les partis comptent leurs voix. Mais savoir qui de la gauche ou de la droite aura la majorité au Parlement, on a l’impression que ça n’est pas l’enjeu. Avec un vrai régime parlementaire européen, ça serait différent.

Avec un Parlement européen, que j’imagine de gauche bien sûr, on pourrait aussi harmoniser les droits sociaux en Europe et s’accorder sur un traité social. Quand tu sais que dans un an on aura tous la même monnaie, on se demande bien pourquoi on n’aurait pas le même salaire, ou la même durée du temps de travail. Et on peut faire le même raisonnement pour les services publics. J’ai appris quelque chose d’incroyable : il paraît que les trains de marchandises ne dépassent pas les frontières de leurs pays. On comprend mieux pourquoi il y a autant de camions qui sillonnent l’Europe. C’est insensé !

Tu vois, je suis inquiète. J’ai peur qu’à force de construire l’Europe sans union, loin du cœur et loin des yeux, on se lasse. Je ne délire pas : il n’y a qu’à voir les Danois qui ont encore dit non à l’Europe. D’autres n’en restent pas à l’euroscepticisme, ils deviennent anti-européens, puis ils deviennent nationalistes, populistes, régionalistes, et les Haider se mettent à pousser comme des champignons.

Notre génération elle peut faire bouger les frontières et changer l’Europe. Dis lui à François Hollande qu’il doit s’appuyer sur nous.

Il faut aussi que je te raconte avec Hans, je lui ai proposé d’aller réviser nos exams au bord du lac….
Pétra

P.S. : François, la suite est difficilement publiable dans l’hebdo des socialistes. C’est important pour Pétra, mais pas essentiel pour l’avenir de l’Europe.

Attika.

Les propositions de la Gauche socialiste
Pour la république sociale européenne

Une Europe federale et démocratique

  • Une Assemblée Constituante européenne élue au suffrage universel :
     qui élabore un projet de Constitution, d’abord débattu dans l’ensemble des pays européens au sein des Parlements nationaux, puis voté par elle,
     la Constitution est soumise à référendum dans l’ensemble des pays,
     ceux qui l’adoptent constituent la Fédération européenne, le noyau dur de l’Union qui permet à un premier cercle de pays d’aller de l’avant dans l’intégration politique pour entraîner les autres.

  • Une Constitution qui proclame :
     un Parlement européen souverain, qui vote les lois européennes avec une seconde chambre représentant les Etats membres de la Fédération,
     un gouvernement européen investi par le Parlement Européen devant lequel il est responsable,
     une Banque Centrale Européenne placée sous le contrôle du Parlement et du gouvernement européens,
     réduction du mandat des gouverneurs de la BCE à cinq ans et révocabilité par le Parlement.

Un Traite social établissant des critères de convergence sociaux et un calendrier impératifs

  • SMIC européen aligné sur le revenu minimum national le plus élevé par étapes d’ici à 2005.

  • Les 35 heures hebdomadaires instaurées en Europe au plus tard en 2005.

  • Réduction des durées maxima journalières et hebdomadaires s’imposant à tous sans exception, y compris dans le transport routier.

  • Fondation d’un droit du travail européen : instauration d’un contrôle administratif des licenciements, création systématique des CE Européens avec droits d’information, d’expression et de contrôle alignés sur le droit le plus élevé des différents pays concernés.

  • Retrait des dispositions des Traités d’Admsterdam et de Luxembourg qui recommandent aux Etats membres de flexibiliser leur marché du travail, obligation de contrats de travail écrits partout en Europe.

Une Directive cadre sur les services publics

  • Fin du démantèlement des services publics.

  • Création de grands services publics européens (transports, énergie, télécommunications...).

  • Reconnaissance du principe de péréquation tarifaire.

  • Protection des régies de service public locales (transports urbains, eau...) et financement de leur développement par un Fonds Européen pour les Services d’Intérêt Général assis sur l’impôt sur les sociétés.

Pour la croissance, l’emploi et la redistribution en Europe

  • Inscription dans les statuts de la Banque Centrale Européenne de la croissance et l’emploi en tant qu’objectifs premiers.

  • Suppression du principe et des mécanismes de sanction du Pacte de stabilité de Dublin qui supprime le droit pour les pays européens de décider librement de leur budget.

  • Une fiscalité européenne au service de la redistribution :
     taux de TVA harmonisés vers le bas : 14 % maximum,
     harmonisation de l’impôt sur les sociétés à un taux de 50 %,
     création d’un impôt européen progressif sur le revenu qui devra intégrer dans son barème les revenus financiers et pas seulement les salaires,
     interdiction des paradis fiscaux, obligation de levée du secret bancaire en Europe,
     faire de l’Europe la première zone Tobin.

  • Lancement d’un programme de grands travaux européens (ferroutage, transports multimodaux, dépollution, solidarité avec les pays en voie de développement... ).

Un vrai congres des socialistes europeens

  • Tenue d’un vrai congrès du Parti Socialiste Européen sur la base de débats associant l’ensemble des adhérents, des fédérations de chaque parti socialiste en Europe avec des contributions et des motions européennes soumises au vote des militants.

La République,
je l'ai vue un 12 juillet
sur les Champs-Elysées

Le 30 septembre.
Cher François,

Cela fait une semaine que défilent devant moi, sur le petit écran, les sourires crispés de nos responsables politiques analysant les résultats du référendum. Ils semblent tous désemparés face à l’abstention massive et leur inquiétude est légitime. 70 % des Français se moquent-ils à ce point des institutions de leur pays ? La République ne serait-elle plus qu’un concept creux, sans vie, sans souffle, juste bon à rester sur le fronton des mairies et dans les livres d’histoire ? Beaucoup le pensent, moi pas. La République, je l’ai vue un 12 juillet, sur les Champs-Elysées. Elle avait des millions de visages différents, elle était jeune ou plus âgée, ronchonne ou révolutionnaire, chic ou en casquette, elle était diverse, multiple mais unie autour d’un même drapeau et d’une même fierté d’être ensemble.

Les politiques n’ont plus le pouvoir, voilà pourquoi on n’attend plus grand-chose de leur part

Premier secrétaire d’un grand parti, tu te dois d’être sérieux. Tu dois te dire que c’est un peu tiré par les cheveux de comparer les résultats du scrutin et la passion populaire autour de l’équipe de France de foot. Alors dénoue le nœud de cravate et laisse moi t’expliquer mes convictions.

Oui c’est vrai, il y a un décalage énorme entre les responsables politiques et les citoyens, ce n’est pas un problème de " mœurs " politiques, ou de look des élus. On n’écoute plus les politiques parce qu’ils disent, à quelques nuances près, la même chose lorsqu’on les confronte à nos difficultés ou à nos besoins : " il n’y a pas de baguette magique, vous savez c’est compliqué… ". Bien entendu il y a encore une droite et une gauche, mais face à nous il n’y a toujours que la technostructure et l’administration et leurs lettres mortellement désespérantes.

Les politiques n’ont plus le pouvoir, voilà pourquoi on n’attend plus grand-chose de leur part. N’importe quoi ? (Je sais que tu l’as pensé !). Dis-moi alors qui décide de la politique monétaire ? Qui décide de la politique industrielle ? Vous, les élus de la nation ou les technos de Bruxelles ? Plus près de nous, combien de fois nous annonce-t-on la construction d’un lycée, d’un commissariat ou d’un équipement public qui, malgré la décision des élus et l’obtention d’un budget, risque de ne jamais voir le jour tant les procédures administratives viennent à bout des meilleures volontés ? Quant à l’Assemblée nationale seule légitime représentante du peuple, elle n’a le droit que d’obéir à l’exécutif et ne débat que d’une part infime du budget de la nation. Alors, il est où ton pouvoir ?

Redonner du sens au politique, c’est d’abord en finir avec cette Vème République fondée sur le pouvoir d’un homme

Vois-tu, François, redonner du sens au politique, c’est d’abord en finir avec cette Vème République fondée sur le pouvoir d’un homme (le président) et une logique hypercentralisée. Notre pays a changé, les citoyens veulent être plus écoutés, plus responsabilisés, alors qu’on continue à vivre sous des institutions obsolètes et autoritaires. J’exagère à peine. Regarde : le Président de la République peut dissoudre quand bon lui semble l’Assemblée. Quant à l’argument que l’on ressert sans cesse sur la stabilité de la Vème République, on peut rétorquer que le prix à payer pour cette " stabilité ", c’est la perte de la légitimité des institutions.

Alors, quand est-ce que l’on fait une VIème République ? Une République où le Parlement peut débattre de tout, peut choisir ses priorités budgétaires, peut initier des réformes et surtout contrôler leur application. Une République avec moins de décrets et moins de Bercy en quelque sorte.

Une VIème République, c’est aussi une vraie décentralisation et non pas le système actuel où l’on a créé des baronnies qui à l’échelle des régions ou des départements reproduisent les pires schémas du centralisme. Comment peut-on encore, aujourd’hui, imposer une autoroute ou une centrale nucléaire sans concertation réelle avec les citoyens ?

Quand est-ce que l’on fait une VIème République ? Une République où le Parlement peut débattre de tout. Une République avec moins de décrets et moins de Bercy

Une VIème République, ce sera l’occasion de changer enfin les rapports entre les citoyens et la justice. L’idée d’affirmer son indépendance est bonne. Je peux même te suggérer quelques idées pour améliorer l’état d’esprit des juges : aérer leur recrutement qui sent le renfermé, leur conférer un statut distinct de celui des membres du parquet, les inciter fermement à choisir des solutions alternatives à la prison, surtout pour les plus jeunes. Mais l’indépendance du parquet, des magistrats qui ne jugent pas mais portent l’accusation, je ne suis pas d’accord. Ils sont là pour appliquer une politique judiciaire voulue par le gouvernement, issue du suffrage universel, et bénéficient ainsi de sa légitimité. Réprimer les discriminations ou les infractions au droit du travail, ce n’est pas pareil que de poursuivre de malheureux sans papiers ou des gamins qui chapardent. Ce choix appartient au gouvernement donc à la démocratie, et pas à des individus isolés plus souvent soucieux de leurs carrières qu’inquiétés par leur conscience. Il faudra aussi ériger en principe institutionnel le droit de chaque citoyen d’accéder à la justice pour faire valoir ses droits et pas seulement ceux qui ont les moyens de se payer des avocats : ce sera l’enjeu d’une véritable sécurité sociale judiciaire.

Une VIème République c’est enfin un peu d’air frais dans la représentation politique. La loi sur la parité, c’est super mais ce n’est qu’un début et non pas une fin en soi. Il faut aussi s’ouvrir aux nouvelles générations de Français, sans attendre des quotas, et amplifier la citoyenneté locale en permettant aux étrangers d’élire eux-aussi leur maire. Et pour faire de la place à une nouvelle génération d’élus, c’est bien sûr limiter le cumul des mandats et garantir un statut pour les élus et les anciens élus pour que la politique ne soit plus réservée aux bourgeois ou aux hauts fonctionnaires.

Tu vois, avec ces réformes, la politique renouerait déjà le contact avec les citoyens.

Mais la République, ce n’est pas seulement les institutions. C’est d’ailleurs bien là son originalité si on la compare avec les autres modèles démocratiques. Le libre choix ne se résume pas au multipartisme et à l’isoloir mais aussi aux moyens que l’on donne pour que chaque citoyen ait pleinement conscience de ses choix. L’éducation, les transports, la santé, le logement sont aussi la base d’une vraie démocratie. Comme dit l’un de mes bons copains : " les idées naissent dans le ventre ".

L’impôt républicain est un fondement de notre vie en commun

Ne t’inquiète pas François, je ne vais pas ici reprendre les mille et une idées que je t’ai déjà fait parvenir. Non, en fait après une discussion avec Didier qui est fonctionnaire aux impôts, je me suis rendue compte que la grogne des Français sur la fiscalité est plus que justifiée. Si on continue à faire toujours payer les mêmes, autrement dit les salariés, on risque de voir l’égoïsme et le chacun pour soi l’emporter. L’impôt républicain est un fondement de notre vie en commun. En principe, chacun fait selon ses moyens, mais en réalité plus on est riche moins on cotise pour le collectif. Alors si on ne veut pas d’un pays où règnent les assurances privées, les écoles privées, les routes privées, les transports privés, la santé privée, si l’on veut de vrais services publics, il faut une vraie révolution fiscale.

Les principes sont simples :
1. Tout le monde doit acquitter l’impôt,
2. L’impôt direct doit être la source principale de recettes,
3. L’impôt doit être progressif,
4. Le capital doit être taxé au moins autant que le travail.

Et si certains menacent de quitter le pays, je pense qu’il faut leur dire chiche ! Après tout, vivre en France, profiter de notre pays, ce n’est pas gratuit ! Sois certain que, contrairement aux légendes bien entretenues par les hebdos de droite, ils ne se précipiteront pas à Londres pour manger des fish and chips. Comme à chacune de mes lettres, je te joins quelques propositions plus précises qui n’attendent que de la bonne volonté pour être mises en mouvement.

Je comprends mieux qu’être française, c’est être républicaine

Avant, quand j’étais plus petite, on me demandait si j’étais française. C’est bête, mais comme beaucoup de jeunes, j’avais du mal à répondre, alors je disais " citoyenne du monde ", " sans patrie ni frontières ". Je n’avais pas tort. Seulement avec l’évolution du monde d’aujourd’hui, le règne de la loi de l’argent et du modèle Mac Donald’s, je comprends mieux qu’être française, c’est être républicaine.

J’aime la République pas simplement pour son histoire, pas comme un musée qu’on admire. Non, je l’aime quand elle reste fidèle au serment de sa naissance, celui du Jeu de Paume où les Français se sont promis de rester ensemble jusqu’à ce que soit mise à bas la tyrannie. Le combat continue aujourd’hui, il nous faut donc rester ensemble parce que c’est comme ça qu’on est forts.

Dans quel pays peut-on être plus libre d’être, de croire ce que l’on veut, si ce n’est notre République laïque ?

C’est beau la République, et d’ailleurs, je ne comprends pas qu’on la présente comme un monstre froid qui nie les identités. Dans quel pays peut-on être plus libre d’être, de croire ce que l’on veut, si ce n’est notre République laïque ? Ce n’est pas la République qui oppresse les corses, mais plutôt l’insuffisance de République, et je ne crois pas qu’ils seraient plus heureux sous le règne des vieilles familles, des clans et de leurs méthodes moyenâgeuses.

La loi est une et indivisible. Est-ce que 300 ans après on va revenir en arrière avec des poids et des mesures ?

François, pourquoi tout d’un coup nous perdons confiance dans les principes qui nous ont tout de même permis d’être un pays heureux au regard du reste du monde, et où se conjuguent aussi bien les libertés individuelles que les libertés collectives ? Tu sais, le 14 juillet dernier à l’incroyable pique-nique de la Méridienne verte, quelqu’un me rappelait que s’il y a eu la Révolution en 1789, c’était au départ pour protester contre le système de deux poids – deux mesures. C’est cela la République : la loi est une et indivisible. Est-ce que 300 ans après on va revenir en arrière avec des poids et des mesures, des lois à géométrie variable en Corse ou ailleurs ? Et de ce point de vue, il me semble que les accords de Matignon posent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent.

Bon, François, je vais te laisser sur cette exhortation. J’ai encore mille choses à te dire mais je sais que tu as fort à faire dans ce parti où tu dois sans cesse avoir l’œil rivé sur tes " amis " de la majorité si prompts à faire ton bonheur (on peut rigoler un peu non ?). Mais saches que dans notre pays, nous sommes des millions à vouloir t’aider toi et les autres pour que la République retrouve son élan. Une République sociale, démocratique, ouverte sur le monde, c’est le challenge que veut relever notre génération.

Tu dois te dire qu’on n’a pas froid aux yeux et tu as raison. Tu sais pourquoi ? Parce qu’on est champions du monde ! (putain que c’est bon…).

Attika.

Les propositions de la Gauche socialiste
Pour la République Sociale

La VIème République

  • Un exécutif unifié et responsable devant le Parlement :
     le Premier Ministre désigné par les députés et responsable devant eux est le chef de l’exécutif,
     suppression des pouvoirs exorbitants du président sont supprimés (droit de dissolution, " domaine réservé ", initiative du referendum, article 16…),
     suppression des dispositifs d’étouffement du Parlement (art. 49.3, 40, 44, domaine de la loi et du règlement).

  • Clarification des compétences respectives de l’Etat, des conseils régionaux et généraux en préalable à un renforcement de la décentralisation.

  • Une loi pour le statut des élu(e)s et limitation du cumul des mandats.

  • La réforme de la justice :
     affirmer l’indépendance des juges, assumer la hiérarchie des parquets,
     instaurer une véritable sécurité sociale judiciaire donnant à tous les citoyens les moyens effectifs de se défendre.

La révolution fiscale

  • Acquitement de l’impôt par tous.

  • Renforcement de la progressivité de l’impôt (renforcement de la progressivité des impôts locaux et des droits de succession, suppression des exonérations et niches fiscales non justifiées économiquement).

  • Réduction des impôts indirects : baisse de la TVA, taux zéro sur tous les produits de consommation courante, harmonisation avec nos partenaires européens sur les autres biens et services (taux entre 14 et 16 %).

  • Taxer plus fortement les revenus financiers pour rééquilibrer l’imposition entre le capital et le travail et, notamment supprimer le système de l’avoir fiscal et du prélèvement libératoire.

  • Instauration de la Taxe Tobin par la France, qui appellerait en même temps l’Europe à faire de la zone euro la première zone Tobin du monde.

  • Lutter contre les paradis fiscaux :
     taxe dissuasive sur les mouvements de capitaux qui proviennent des paradis fiscaux ou se dirigent vers eux,
     interdiction des paradis fiscaux en Europe,
     sanctions internationales à l’encontre des pays récalcitrants.

Des services publics utiles et efficaces

  • Une loi cadre pour le service public pour tous et partout doit garantir la présence des services publics du plus petit village aux quartiers de nos grandes villes, qu’il s’agisse des services publics " traditionnels " (écoles, bureaux de postes,...) ou de nouveaux services publics (accès aux nouvelles technologies, transports publics performants...).

  • Embauches massives dans les services publics qui souffrent d’un déficit en personnel (éducation, santé ...). Après l’abandon officiel du gel de l’emploi public, le dogme de la stabilité des dépenses publiques doit être définitivement enterré.

  • Plan de résorption de la précarité dans la fonction publique.

  • Promouvoir des services publics de proximité et de qualité, notamment par la déconcentration des services qui permettrait une présence accrue d’agents directement au contact avec les usagers.

  • Une loi pour assurer la gratuité des services bancaires, notamment les chèques.

La République pour tous

  • Lutter contre les discriminations : dans le cadre de la politique judiciaire, faire appliquer la loi pour que cessent les discriminations raciales à l’embauche, dans l’accès aux loisirs, aux stages.…

  • Réorienter la politique familiale vers l’objectif de la parité domestique entre hommes et femmes : prise en charge par la collectivité (et pas seulement par les municipalités) d’une partie des contraintes qui pèsent sur les femmes telles que la garde d’enfants : instauration d’une réglementation à l’image de la loi sur les logements sociaux qui impose des normes minimales de places de parking lors de la construction de nouveaux logements.

  • Droit de vote aux élections locales des étrangers non communautaires.

  • Régularisation des sans-papiers qui en ont fait la demande

  • Droit du sol intégral dès la naissance et réforme des procédures de naturalisation pour faciliter l’accès à la nationalité française sur la base de critères objectifs.


Cher(ère)s camarades,

La révolte est bonne conseillère. En tout cas bien meilleure que le fatalisme et la résignation de ceux qui pensent que tout est joué d’avance ou qu’après tout, le monde n’est pas si mal que cela. La révolte d’Attika, nous en avons fait le texte de notre motion pour le congrès du Parti Socialiste. Certains nous moqueront peut-être d’avoir mis des mots simples sur la réalité complexe de notre société. Nous assumons pleinement ce choix. Parler simplement de politique ce n’est pas facile, surtout quand on ne veut rien brader sur le fond des idées. Mais c’est un bon exercice de retour dans la vie ordinaire. Nous voulons que notre texte puisse être lu par tout un chacun. Et surtout à l’extérieur du Parti pour convaincre de rejoindre notre engagement socialiste. Parce que le parti socialiste appartient d’abord à toute la gauche. C’est lui qui a été le pivot de la gauche plurielle et quand il a été prêt pour cette alliance Rouge-Rose-Verts, la victoire a été là. Il ne faut jamais l’oublier. A présent, il faut élargir cet élan. L’union du sommet doit s’ancrer à la base. A la base, c’est le grand nombre qui n’a pas de carte de parti. C’est lui qu’il faut aller interroger et mobiliser. C’est pour cela que nous proposons de ressourcer toute la gauche sur le terrain, avec des Etats-Généraux de la gauche dans chaque circonscription. Nous croyons que ce soucis sera compris par les hommes et les femmes simples, militants de notre parti, qui, dans l’ombre du quotidien, font vivre l’idéal socialiste.

C’est vrai, être militant socialiste, ce n’est pas facile. Pas pour les mêmes raisons qu’hier, à l’époque où beaucoup ont payé cher par un licenciement et des représailles de toutes sortes, leur engagement socialiste. Encore que...

Aujourd’hui, c’est l’indifférence qui fait le plus mal à celles et ceux qui souvent depuis des années, ne comptent ni les réunions, ni les manifs, ni les diffusions de tracts consacrés à leur combat.

Pourquoi ne pourrait-on plus porter fièrement le poing et la rose chez les nôtres ? Pourquoi sommes-nous mal vus, et il faut le dire, parfois même mal aimés dans les quartiers populaires ? Peut-être simplement parce que nous ne parlons plus comme Attika. Mais autant le dire franchement : la forme c’est aussi le fond. La langue de la révolte et de ses solutions est peu amie de l’ambiguïté et du mi-chèvre mi-chou qui est le plus souvent le style ordinaire de notre parti. Il arrive qu’on n’y comprenne rien et ce n’est pas toujours involontaire… D’ou cela vient-il ? Il faut y répondre. Car le problème de la gauche aujourd’hui, c’est le peuple populaire. Les 23 millions de personnes qui vivent dans une famille d’ouvriers et d’employés. Ils s’abstiennent en masse. Ils nous lâchent dans les sondages. Ils nous tournent souvent le dos. Et si le problème du peuple c’était sa Gauche ?

Pour nous, la Gauche Socialiste, les difficultés rencontrées par le socialisme ne peuvent simplement se réduire à la comparaison du talent des individus qui en sont les porte-paroles. C’est vrai, le monde a changé et il faut donc un autre style pour notre époque. Mais ce qui n’a pas changé, c’est le capitalisme. Il a bien sûr profondément évolué. Mais son ressort, son énergie, il les tire toujours de l’exploitation d’une majorité au seul profit d’une minorité. Jamais cela n’a été aussi aveuglément clair qu’aujourd’hui où trois personnes possèdent autant que 40 pays produisent en une année. Pourtant combien parmi nous pensent quand même que ce système est le " moins pire des systèmes ". Ils tirent, qu’ils le veuillent ou non, un trait sur la souffrance humaine grandissante à travers le monde. Ils ferment aussi les yeux sur la dureté du combat quotidien de celles et ceux qui font vivre leur famille avec moins de 7000 Francs par mois.

Tout ceux qui ne disent pas quand ça finira, et comment, n’intéressent plus ceux qui subissent sans espoir cette réalité.

Il y a plus encore. Si le socialisme est seulement la somme des bonnes intentions des socialistes, ça ne fait pas davantage que la plupart des discours humanitaires. Oui ou non le socialisme est-il un projet concret alternatif au capitalisme ? Nous pensons que oui. Notre motion s’inscrit dans cette tradition de notre parti. Comment faut-il nommer ce projet ? C’est " la République Sociale " de Jean Jaurès. Il ne s’agit plus de vouloir des égaux, il s’agit d’en faire.

La Gauche Socialiste


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