Vouloir une Europe  
|    de gauche
   pour la France 



L

N'en doutez pas,
l'avenir de la France
passe par l'Europe.
En servant l'une,
nous servons l'autre
 ".
François Mitterrand
Texte présenté par François Hollande, la direction nationale, et adopté par le Conseil national

a construction européenne se trouve à un nouveau tournant de son histoire. Pour deux raisons essentielles. La mise en œuvre de l'euro clôt une phase où l'Europe s'est construite par et pour l'économie. La perspective de l'élargissement à d'autres pays, d'une réunification de l'Europe, Impose une réforme des institutions européennes. À tous égards, la période qui s'ouvre doit être celle de l'Europe politique et sociale.

Face à cette nouvelle donne, les socialistes ont une responsabilité historique majeure. Il existe aujourd'hui une majorité de gouvernements socialistes et sociaux-démocrates au sein de l'Union européenne. D'ores et déjà le Manifeste, adopté par le Parti des socialistes européens, traduit une convergence Importante de grands objectifs programmatIques. Il faut maintenant une majorité de gauche au niveau du Parlement européen.


Les socialistes entendent affirmer quatre options claires :
La force et l'ancienneté de leur engagement européen ;
La nécessité d'accentuer la réorientation de la construction européenne contre le libéralisme dominant ;
Leur attachement à la nation comme espace vivant de démocratie et de solidarités ;
Une volonté de mener une confrontation politique entre la droite et la gauche au niveau européen.

Ces choix nous opposent évidemment au nationalisme xénophobe de l'extrême-droite. Ils nous opposent aussi à ceux qui, faisant de la nation une fin en soi, campent sur une vision nostalgique de la souveraineté nationale, érigée en principe mythique et absolu. Ils nous opposent également aux libéraux qui ne volent dans l'Europe qu'une zone de libre-échange soumise aux seules règles du marché. Ils nous distinguent, enfin, de ceux qui n'acceptent pas la part inévitable de débats, de compromis, de difficultés que suppose ce formidable pari historique, qui n'admettent pas que construire l'Union européenne suppose d'écouter les autres et, accumulant les exigences de toutes sortes, ruinent les chances de l'intégration européenne.

Loin d'opposer la citoyenneté européenne à la citoyenneté française, nous définissons aujourd'hui l'Union européenne comme une Fédération d'États nations. En assumant le fédéralisme nécessaire à l'existence d'une Europe bénéfique pour les peuples tout en réaffirmant les compétences essentielles de la nation, nous ouvrons la voie au renforcement, dans le siècle prochain, d'un ensemble européen, riche des identités de chaque pays.



I  Être citoyen :
| en France    
et en Europe
 




P
La Nation :
" un vouloir
vivre
ensemble "

our construire une relation avec le monde et avec autrui il faut pouvoir appartenir à différentes collectivités, plus ou moins larges, plus ou moins proches, inscrites dans l'espace et dans le temps. Les nations, qui se sont construites progressivement en Europe, ont créé des liens de solidarité entre des personnes et des groupes qui jusque-là étaient étrangers les uns aux autres. Surtout, lorsqu'elles ont pu coïncider avec un État, elles ont été le cadre de la souveraineté populaire et de la citoyenneté.

C'est la France - depuis la Révolution - qui a défini avec le plus de force une conception de la nation qui en fait avant tout une " communauté de citoyens ". L'identité républicaine française s'est fondée sur une aspiration universaliste qui lui a fait repousser toute définition de la nation par la race, la religion, la géographie, la langue même. La formule de Renan, " un vouloir vivre ensemble ", a été et demeure celle de tous les républicains. Les droits sociaux, qui complètent et accomplissent la citoyenneté politique, ont été acquis dans ce cadre national. L'État nation n'a pas effacé les diverses appartenances locales, professionnelles, communautaires parfois, mais il a su les dépasser, les faire coexister par le respect de la laïcité.

Les autres nations européennes ne s'appuient pas sur la même logique : la tradition anglaise fonde son État avant tout sur la défense des libertés individuelles, la tradition allemande sur l'existence d'un peuple fondé sur la culture et la langue ; elles n'ont pas construit souvent la même relation étroite que la France avec leurs États, mais elles ont rempli des fonctions semblables.

Plus d'Europe
pour plus
de cohésion
nationale

Les adversaires de l'Union européenne la rendent responsable d'une crise de la nation.
Le chômage, l'insécurité, l'immigration, les délocalisations des entreprises etc. tout cela serait, nous dit-on, le prix de l'Europe et des contraintes qu'elle impose. Ils ne veulent pas voir que les risques réels de dissociation de la nation tiennent à des causes plus larges, internes et externes, qui dépassent l'Europe et que l'Union européenne peut être justement une organisation pertinente pour surmonter les difficultés de la nation.
L'erreur contraire est évidemment d'ignorer ces difficultés en trouvant " ridicule " la diversité des nations. C'est alors faire l'impasse sur la réalité de la longue histoire de l'Europe et de ses nations et surtout sur la question clef du sentiment d'appartenance sans lequel il n'y a pas de société.

En fait, les interrogations tiennent à des mutations profondes.
La technologie progresse sans se soucier des frontières. L'information et la communication font de la planète un village. Les problèmes de l'environnement ont une portée mondiale etc. Le capitalisme financier est une réalité mondiale. Il impose les valeurs des actionnaires et favorise l'éclatement des formes de régulation publique. Tout cela suffit à ruiner les solitudes nationales.

Il faut, en même temps, être attentif d'autres phénomènes : la progression de l'individualisme, d'abord, qui peut conduire aussi au " chacun pour soi  " et miner ainsi l'idée même d'intérêt général, la tentation du communautarisme, ensuite, et parfois, sa réalité, qui se fonde sur des différences culturelles, des spécificités linguistiques, des croyances religieuses exclusives, manière de ruiner l'œuvre de l'intégration républicaine. Ajoutons le chômage et la précarité, qui nourrissent l'exclusion et la pauvreté dans une société riche et qui ne peuvent qu'amener un affaiblissement de la cohésion nationale. L'addition de ces phénomènes met en cause le sentiment d'appartenance et explique, sans les excuser, une part des violences que nous connaissons et qui menacent les institutions républicaines.

Ce sont là des défis pour notre nation comme pour l'Europe tout entière.
Dans une certaine mesure, elles sont toutes les deux à refonder. Car la crise de l'appartenance doit être au cœur de notre réflexion politique. L'Europe doit nous donner davantage de moyens d'action.
Nous avons besoin de plus d'Europe pour préserver la fonction d'intégration que remplissent les États nationaux.

La conception de la nation que nous défendons est celle qui respecte les différences, mais qui sait les intégrer, qui défend les valeurs de tolérance et de solidarité. La nation aujourd'hui ne doit pas se définir essentiellement par l'opposition à un ennemi ou s'affirmer contre les identités régionales, elle est un cadre essentiel de la citoyenneté et de la solidarité. L'État, lui, a évolué dans ses fonctions et dans son rôle, il évoluera encore. La puissance publique, aujourd'hui, n'a pas qu'une dimension nationale.

Nous devons donc assumer la mise en commun nécessaire d'éléments de souveraineté entre les États européens. C'est la part fédérale du système politique original que nous construisons. Il faut répondre aux évolutions du monde par la formation d'acteurs politiques plus forts. L'unité européenne que nous voulons n'est donc pas l'uniformité d'un espace centralisé, mais celle qu résulte d'une volonté politique, se traduisant dans des institutions et des politiques communes et agissant soit par elle-même, soit à travers les États.



II  L'Europe :
| pour     
les peuples
 


L

ors de la campagne pour les élections législatives du printemps 1997, nous avons fortement affirmé que nous nous opposions au cours libéral de la construction européenne, que nous voulions une vision politique et non technique de l'Europe, une approche dynamique et non comptable de l'Europe. Nous disions oui au passage à l'euro, mais à certaines conditions.
Le gouvernement de Lionel Jospin a tenu les engagements que le Parti socialiste avait pris devant les électeurs.

Onze États membres, dont l'Italie et l'Espagne, font partie de la zone euro sur la base de critères de convergence appréciés en tendance, comme nous le souhaitions.
Sur proposition française, des engagements concrets en faveur de l'emploi ont été pris et un Conseil de l'euro a été mis en place, qui devient peu à peu une enceinte privilégiée de coordination des politiques économiques. Dès son lancement, l'euro s'est affirmé comme une monnaie stable reflétant la compétitivité des économies des pays membres, inspirant confiance au reste du monde, et capable de contester la suprématie du dollar.

Mais ces résultats ne sont qu'une étape.
Le succès de l'euro crée des obligations vis-à-vis du reste du monde comme à l'égard des peuples européens. Une nouvelle période s'ouvre pour la construction européenne. Les élections européennes constituent une occasion privilégiée de lutter pour l'Europe de l'emploi, de la création, des droits fondamentaux, du développement durable et de la culture ; de construire, en un mot, une Europe pour les peuples.

A) Après l'euro, pour une Europe économique et sociale

    L'euro et le système monétaire international 

    Au plan extérieur, l'Europe doit assumer ses responsabilités pour réduire l'instabilité du système monétaire et financier international.
    Les gouvernements français et allemand ont fait, tout récemment, des propositions communes visant, au sein du Conseil de l'euro, à surveiller l'évolution des taux de change, à appliquer des politiques cohérentes avec la position commune adoptée, à convaincre les Etats-Unis qu'il est de leur intérêt comme de celui du reste du monde de stabiliser les parités de l'euro, et du dollar et que la coopération vaut mieux que la confrontation, enfin à œuvrer de concert à l'adoption de régimes de change avec les pays émergents d'Asie, d'Amérique latine et d'Europe centrale et orientale qui marient, à la fois, la flexibilité et la discipline nécessaires à leur développement.

    De nouvelles priorités budgétaires 

    L'Union européenne doit avoir les ressources suffisantes pour répondre aux espoirs que nous plaçons en elle et prendre en compte le soutien nécessaire à la croissance, à l'emploi, aux politiques structurelles et à l'élargissement.
    La proportion actuelle de 1,27 % du Produit européen brut, qui n'est même pas atteinte actuellement, devra à terme être dépassée. Il faut mettre en œuvre des ressources nouvelles pour financer l'investissement, notamment à travers des prêts accordés par la Banque européenne d'investissement, par le partenariat public-privé, par l'émission d'emprunts.

    Pour l'emploi 

    Le chômage a commencé à reculer dans nos pays, mais il reste plus de seize millions de femmes et d'hommes privés d'emploi et 55 millions de citoyens vivant dans des conditions précaires.
    Dans une approche qui doit être aussi ambitieuse qu'en matière monétaire, l'objectif majeur que l'Union européenne doit se fixer doit être une politique de retour au plein emploi attaquant le chômage par tous les moyens. Le pacte de stabilité était une condition dans la négociation du passage à l'euro. Il est une étape déjà dépassée. Les gouvernements doivent désormais privilégier un objectif d'évolution des dépenses tenant compte des différentes conjonctures économiques.

    Il importe, en tout premier lieu, d'agir de concert avec nos partenaires pour promouvoir une stratégie de croissance durable qui s'appuie à la fois sur la consommation et l'investissement. En desserrant la contrainte de change, l'euro rend des marges de manœuvre pour une politique monétaire active de soutien à la croissance. Dans un contexte d'inflation quasi nulle la Banque centrale européenne doit engager une baisse substantielle des taux d'intérêt. Une baisse ciblée des taux de la TVA doit également apporter une contribution à la croissance.

    Dans ce nouveau contexte politique et économique, nombre de recommandations qui figuraient dans le Livre blanc sur la croissance, la compétitivité et l'emploi, présenté par Jacques Delors en 1993, peuvent être reprises. C'est le cas en particulier des grands travaux d'infrastructures de transport qui sont des éléments essentiels de la compétitivité de nos économies, et c'est également le cas des technologies innovantes de l'information et de la communication, et d'une politique de construction de logement social, ces secteurs étant des leviers importants de création d'emplois. Ces investissements, pour une large part, peuvent être financés par un emprunt européen ne pesant que de manière marginale sur les budgets nationaux.

    Les plans nationaux pour l'emploi soumis à l'examen du Conseil doivent déboucher sur un pacte européen pour l'emploi qui fixe des critères de diminution du chômage et donne une dimension européenne à la négociation contractuelle.
    Pour qu'il y ait un véritable équilibre entre le pacte de stabilité et le futur pacte européen pour l'emploi, il ne faut pas se payer de mots : un strict parallélisme est nécessaire. Il faut donner la force contraignante, qu'elles n'ont pas actuellement, aux lignes directrices pour l'emploi, initiées au Conseil européen du Luxembourg de novembre 1997.

    Il s'agit de prévoir des pénalités financières à l'encontre des États qui, en l'absence de circonstances particulières pouvant le justifier, ne respecteraient pas les critères de convergence définis d'un commun accord en matière d'emploi. Ces objectifs seraient, par exemple : offrir un nouveau départ à tout jeune avant 6 mois de chômage, à tout chômeur avant un an, porter le pourcentage de chômeurs en formation au niveau de la moyenne des trois États membres les plus performants.

    Un " socle social " européen 

    L'histoire de la construction européenne est intrinsèquement liée à la promotion d'un niveau élevé de protection sociale. Cet engagement solennel figure dans les traités successifs qui ont jalonné les cinquante dernières années. Les conditions politiques n'ont jamais été aussi favorables pour donner un nouvel élan aux objectifs sociaux de l'Union européenne. Les politiques de redistribution sont de la compétence principale des États nationaux, mais les fortes interdépendances qui existent entre les économies européennes demandent un effort de convergence articulé à des critères exigeants. Nous devons travailler, au niveau communautaire, à la définition d'un socle de droits sociaux fondamentaux. Nous proposons :

    • la négociation d'un Traité social de même portée que les traités économiques et monétaires. Il contribuera puissamment à la prise de conscience, chez tous les Européens, de l'appartenance à une communauté de valeurs, à un modèle social. Il doit imposer des critères de convergence sociale inscrits dans un calendrier contraignant et contrôlé ;

    • un salaire minimum européen. Nous devons nous fixer des objectifs, des étapes et un échéancier.
      Dans un premier temps, chaque État membre aurait l'obligation de fixer un salaire minimum. Dans un second temps, un rapprochement des différents SMIC doit être mis en œuvre pour des zones qui regrouperont plusieurs pays, pour, à terme, arriver à un salaire minimum commun dont une étape pourrait être de 1000 euros pour tous ;

    • un mécanisme de convergence salariale européen. Sur le modèle des bandes de fluctuation entre monnaies en vigueur à l'époque du Système monétaire européen, nous préconisons la définition de marges de variation entre salaires moyens dans les différents États membres, de façon à prévenir les risques de dumping social ;

    • des conventions collectives européennes, et un droit du travail européen qui comprenne, notamment des normes minimales en matière de droit de grève, de droit syndical, de droit de licenciement ;

    • un processus de réduction du temps de travail à travers l'Union européenne. Les modalités peuvent en être diverses, " la négociation autant que possible, la loi autant que nécessaire ". Un objectif doit néanmoins être déterminé : la réduction de la durée légale du travail vers 35 heures entre 2002 et 2005. L'Europe s'est dotée d'une durée maximale hebdomadaire de travail de référence à 48 heures. Elle doit être d'abord partout respectée. Nous pouvons proposer un calendrier pour qu'elle baisse d'une heure par an, au moins, pendant cinq ans ;

    • une définition des principes d'une protection sociale minimale dans tous les États de l'Union.

    • une politique d'égalisation des chances envers ceux qui vivent des situations de handicap ou de précarité ;

    • un combat contre toutes les formes de discrimination en assurant notamment aux femmes, un accès égal à l'emploi, à l'éducation et aux responsabilités dans l'entreprise et le secteur public.



    Ces propositions doivent s'accompagner d'une relance du dialogue social européen.
    Pour rendre régulières de véritables négociations de branche, les syndicats de salariés doivent se structurer davantage au niveau communautaire. Cela relève évidemment de l'initiative des acteurs sociaux, mais les pouvoirs politiques peuvent apporter un soutien utile. Il faut, ainsi, inclure dans le traité que nous proposons de nouveaux droits d'association, de négociation et d'action au niveau communautaire, mais aussi dans les entreprises (obligation d'information et de consultation) ; créer ou renforcer, aux niveaux sectoriel et interprofessionnel, les instances qui peuvent servir de support à un dialogue permanent entre partenaires sociaux ; poser le principe de l'initiative du législateur européen en cas de carence du dialogue social ; assurer les règles de solidarité et de non-sélectivité des risques de l'assurance maladie, notamment dans l'assurance complémentaire ; créer un statut européen pour les associations.
    Des objectifs mobilisateurs comme la réduction du temps de travail ou une augmentation coordonnée des salaires, sont susceptibles de rassembler les syndicats européens. Seront ainsi définies les conditions d'un véritable contrat social européen.

    L'harmonisation fiscale 

    L'intégration économique et monétaire ne peut se satisfaire de pratiques de dumping fiscal ni de législations nationales qui, du fait de la libre circulation des mouvements de capitaux, pénalisent le travail au profit du capital et de la rente.
    Sous l'impulsion de la France, et en dépit de la règle de l'unanimité, la situation commence à changer.
    Les quinze pays de l'Union ont adopté un code de conduite sur la fiscalité des entreprises. La Commission a présenté une proposition de directive sur la taxation des revenus de l'épargne des non-résidents qui est actuellement en débat au Parlement européen. Nous proposons d'aller plus loin par :

    • la définition d'un taux minimum de taxation des revenus de l'épargne, applicable à tous les épargnants. Il convient d'étendre cette obligation aux territoires dépendants des États membres (îles anglo-normandes etc.) et de rechercher des accords comparables avec les pays tiers de l'Union, en particulier des pays proches, pour éviter l'évasion fiscale (Suisse, Monaco etc.).

    • une harmonisation de l'impôt sur les bénéfices des sociétés. Il s'agit pour les États de l'Union de trouver un accord sur une directive qui harmoniserait le mode de calcul de l'assiette de cet impôt et fixerait un taux minimal.

    • une taxation de la consommation d'énergie polluante, qui pourrait alimenter le budget de l'Union européenne.


    Il est évident que, pour cette fiscalité, le Conseil doit pouvoir prendre les décisions nécessaires à la majorité qualifiée. Il n'est plus acceptable que l'Union continue à héberger des " paradis fiscaux " du fait d'un droit de veto de certains États. Cet effort d'harmonisation doit s'accompagner d'une plus grande coopération entre services fiscaux, pour éviter, notamment le blanchiment de l'argent sale.

    Les services publics 


    Le traité d'Amsterdam érige les " services d'intérêt général " au rang des valeurs communes de l'Union, en reconnaissant leur rôle dans la promotion de sa cohésion territoriale et sociale. Il importe maintenant de lui donner une réalité concrète dans la pratique des institutions communautaires et d'inscrire le développement des services publics comme un objectif pour les pays de l'Union européenne.
    Les services publics non seulement ne sont pas contradictoires avec la construction européenne, mais ils contribuent à définir le modèle de civilisation que nous voulons. Nous devons continuer et prolonger le combat en faveur de la notion de service publie et de l'interprétation exigeante que nous en faisons. Il s'agit de forger une conception européenne des services d'intérêt général pour promouvoir la cohésion sociale et territoriale au niveau de l'Union, développer les réseaux transeuropéens, élargir des moyens d'intervention pour tenir compte des bouleversements technologiques.

    Pour construire une conception européenne des services publics, il faut partir non des mots ou des concepts différents employés dans les différents pays, mais des objectifs, missions, principes, obligations, droits et formes de régulation publique. Il s'agit de rééquilibrer la logique dominante de concurrence par celle de l'intérêt général. Toute nouvelle transposition de directives soumettant un service public à la concurrence fera dans cet esprit l'objet d'un examen vigilant, comme il a été fait récemment pour la directive électricité. Cela suppose une stratégie d'alliance au plan européen, en particulier au sein du PSE, pour faire converger tous les acteurs -collectivités publiques, organisations syndicales, associations diverses- pour qu'ils fassent entendre leurs voix. Il faut amener l'Union européenne, dans le nouveau traité social, à préciser davantage ses responsabilités en matière d'organisation, de régulation et d'évaluation des services publics, tout en laissant une large part aux États et aux collectivités territoriales pour leur mise en œuvre.



B) Pour les citoyens, un espace de liberté, de sécurité et de justice
    L'espace judiciaire européen recouvre les sujets qui touchent à la fois aux grands principes fondamentaux, à l'éthique et à la vie quotidienne des citoyens.

    La création d'un espace de liberté, de sécurité et de justice vient aujourd'hui au premier rang des priorités européennes. Il s'agit de permettre aux citoyens de délibérer sur les questions qui les préoccupent.

    • l'argent sale, le produit de la criminalité organisée, qui provient des trafics de drogues d'armes, d'êtres humains, et de profits de la grande délinquance financière, représente, selon les estimations d'Interpol, près de 500 milliards de dollars par an, soit l'équivalent du commerce pétrolier dans le monde. L'argent sale risque, en achetant des entreprises saines, de miner nos économies.

    • L'Europe doit être un espace de liberté, où les intérêts économiques ne doivent pas primer sur l'impératif de la protection des données personnelles, où les nouvelles technologies de l'information doivent être favorisées, mais accompagnées de régulations européennes.
      Un espace où la liberté de circulation des personnes -liberté fondamentale de l'Europe des citoyens- appelle cependant des encadrements et une approche convergente sur l'entrée et le séjour des étrangers, sur les règles de l'extradition ou sur celles de l'asile, dans le respect des engagements internationaux.

    • L'Union européenne doit enfin trouver des réponses aux problèmes concrets de la vie quotidienne. Un conflit familial, un divorce, quand il concerne un couple franco-allemand par exemple, place aujourd'hui des enfants dans des situations inextricables et douloureuses : on ne sait pas quel est le droit applicable, quel est le tribunal compétent.



    À terme, une telle orientation implique le choix d'une souveraineté partagée, dans des domaines relevant traditionnellement dans chaque État membre, des fonctions régaliennes.
    Mais dès à présent -le traité d'Amsterdam le permet- elle nécessite l'émergence d'une détermination pour mettre en œuvre des actions communes.
    Il s'agit de mesurer, d'abord, l'étendue des intérêts communs entre les différents pays et d'entreprendre, ensuite, des coopérations concrètes créant les instruments nécessaires à un rapprochement progressif des législations des États membres.

    COMMENT AGIR ?

    Des efforts ont été faits dans le domaine de la coopération policière avec Europol, mais il faut un développement parallèle de la coopération judiciaire.

    Les systèmes judiciaires nationaux demeureront le niveau privilégié de la lutte contre la criminalité organisée. Aussi, la priorité est de développer les coopérations de juge à juge, de faciliter l'entraide judiciaire, en somme de considérer que la justice de nos voisins est de même qualité que la nôtre.

    Il importe de définir des champs précis pour élaborer des règles communes. Il faut aussi se donner les moyens de traiter des problèmes transnationaux. Par exemple, mettre rapidement en œuvre la convention de Bruxelles Il qui établit la compétence d'un seul tribunal pour éviter des jugements contradictoires entre deux pays sur un problème de garde d'enfant d'un couple binational qui divorce.

    Le traité d'Amsterdam autorise une politique commune de la coopération judiciaire civile, c'est-à-dire un droit d'initiative de la Commission beaucoup plus étendu, le contrôle de la Cour de justice des Communautés européennes, et après la période probatoire de cinq ans, des décisions votées à la majorité par le Conseil et soumises au Parlement européen. Le Conseil Justice-Affaires intérieures doit ouvrir rapidement un débat avec le Parlement européen afin de permettre une discussion et des décisions.

    L'Europe doit donc être un pôle de régulation par le droit comme elle l'est en matière économique avec la création de l'euro.



C) Pour une réforme des politiques communes
    L'industrie, l'innovation et le développement technologique  

    L'industrie, l'innovation et le développement technologique ont beaucoup à gagner de l'Europe.

    Dans le contexte d'une concurrence exacerbée, les entreprises européennes doivent souvent former des alliances, voire fusionner entre elles, pour atteindre la taille critique que leur impose leur nouvel environnement.
    Nous avons besoin d'une politique industrielle européenne ambitieuse, fondée sur une vision stratégique, déterminant les enjeux de long terme, arrêtant des choix et fixant des priorités. Cela implique la redéfinition de la politique de concurrence menée par la Commission de Bruxelles, marquée par un interventionnisme devenu excessif, et une conception par trop idéologique du rôle et des règles du marché. Le droit à la concurrence ne doit pas être, de fait, le seul vecteur de l'intégration européenne. La mise en place d'un statut de la Société européenne est à ce titre tout à fait cruciale pour faciliter la coopération entre les entreprises européennes et leur donner une base statutaire unique.

    Ce qui a été fait pour l'aéronautique, avec Airbus, et l'espace avec l'Agence spatiale européenne, doit s'étendre à d'autres domaines nouveaux, comme, par exemple, le génie génétique, les technologies de l'information et de la communication, le commerce électronique, les transports non polluants. Cela nécessite des moyens financiers au niveau communautaire sous le contrôle d'agences d'évaluation.

    La politique agricole commune, les fonds structurels, l'Europe des villes 

    • La mise en œuvre d'une stratégie de croissance durable au niveau européen doit être compatible avec les politiques communes, au premier chef la politique agricole commune et la politique de cohésion économique et sociale à travers les fonds structurels.

    • La PAC est indispensable dans un secteur soumis à de nombreux aléas, aux implications sensibles tant sur l'équilibre de nos territoires que sur le respect de l'environnement et des exigences de santé publique. L'agriculture nécessite toujours de la part des pouvoirs publics une forte régulation.

      La Commission européenne a soumis des propositions de réforme de la PAC qui visent à approfondir la réforme de 1992 dans le sens d'une plus grande ouverture aux marchés mondiaux.
      Les socialistes savent la nécessité d'une réforme, mais entendent l'infléchir sérieusement et concilier les différentes missions de l'agriculture. La nouvelle réforme de la PAC doit traduire un modèle européen d'agriculture fondé sur des exploitations nombreuses, multi-fonctionnelles, bien réparties sur les territoires et orientées vers des productions de qualité dans le respect de l'environnement. Les soutiens publics affectés à l'agriculture doivent être orientés dans ce sens, et leur répartition entre les agriculteurs doit devenir plus équitable, en s'appuyant sur la complémentarité des dispositifs européens et des Contrats territoriaux d'exploitation mis en place dans la Loi d'Orientation agricole.

    • Les fonds structurels ont pour mission de compenser les disparités régionales au sein de l'Union européenne. Ils sont dans nos régions, la première manifestation de l'existence de l'Europe.
      Beaucoup a été fait, notamment sous l'impulsion de Jacques Delors, pour revaloriser les dotations budgétaires et concentrer les crédits sur les régions en retard de développement. La Commission a soumis des propositions d'adaptation de ces fonds structurels dans le cadre de l'Agenda 2000. Nous considérons qu'une réforme de la politique structurelle européenne est indispensable, vu la complexité du dispositif actuel et la nécessité de l'adapter aux conditions de la zone euro et d'une Europe élargie et donc plus solidaire. Nous militerons en faveur de la poursuite d'un soutien communautaire actif à la politique régionale de la France, de la simplification des procédures d'octroi des crédits et de la concentration géographique des interventions qui prennent pleinement en compte la réalité urbaine de l'Europe.

      En 1994, le programme URBAN a permis à plus de cent quartiers de villes européennes de bénéficier d'un soutien de fonds structurels. Ce mouvement doit être amplifié et renouvelé pour rendre les interventions européennes plus perceptibles dans la vie quotidienne, pour créer des forums urbains qui échangent leurs pratiques et leurs initiatives, pour mettre en œuvre un développement durable des villes, reposant sur la recherche d'un équilibre des fonctions urbaines et de la mixité sociale. Créer une Europe des villes doit être une composante importante d'une Europe sociale.



    L'Europe et l'Outre-mer 


    Les départements d'outre-mer attendent de l'Europe qu'elle les aide à rattraper leur retard en matière de développement, non seulement à travers les dotations des fonds structurels ou le programme POSEIDOM, mais aussi en défendant la préférence communautaire pour leurs productions traditionnelles, comme la banane et le sucre, y compris contre les visées hégémoniques et libérales des États-Unis, et en favorisant des échanges plus équilibrés avec les pays de leur environnement, signataires de la convention de Lomé.

    Hier, certains tentaient de faire de l'Europe un épouvantail, le " grand méchant loup " qui allait faire disparaître l'économie et la culture traditionnelle de l'Outre-mer. Aujourd'hui chacun comprend mieux que L'Europe, en reconnaissant encore davantage les difficultés spécifiques des régions " ultrapériphériques ", comme le prévoit le traité d'Amsterdam, peut être un atout pour le développement et la solidarité.

    La renégociation de la convention d'association avec les PTOM (territoires et collectivités d'outre-mer qui n'appartiennent pas à l'espace économique européen) devra prendre en compte les évolutions institutionnelles décidées par la Nouvelle-Calédonie, ou envisagées pour la Polynésie et Mayotte. Pour Mayotte, les socialistes revendiquent un programme analogue à celui mis en œuvre pour les Canaries, qui s'inspire des mécanismes des fonds structurels.

    L'environnement 

    Les pollutions ne connaissent pas de frontière ; certaines, comme les gaz à effet de serre, menacent l'avenir de la planète. Le développement durable correspond aux exigences de nos concitoyens pour un cadre de vie de qualité. Environnement et développement sont de plus en plus étroitement liés.

    L'acquis communautaire est important en matière de normes (qualité de l'eau, déchets, ...) mais les actions sont beaucoup plus modestes dès qu'il s'agit d'investir de l'argent public, et les résultats concrets restent nettement insuffisants.

    Nous proposons donc que le développement durable inspire plus nettement l'ensemble des politiques communautaires, en matière d'agriculture, d'aménagement du territoire, d'environnement urbain, de transports, de grands travaux. Nous souhaitons un plan volontariste de l'Union européenne pour réduire les gaz à effet de serre. Nous voulons enfin que, sur la chasse, un compromis soit trouvé entre les gens raisonnables des deux bords, permettant de préciser les modalités d'application des textes protégeant les oiseaux migrateurs.


D) Pour une Europe de l'éducation, de la recherche, de la culture et de la jeunesse


La liberté de circulation des hommes et des idées a été un souci originel et constant de l'Europe communautaire.

En matière de connaissance et de culture, plus qu'en tout autre domaine, nous devons concilier l'unité et la diversité. La France n'a pas à craindre une dilution dam l'espace européen. Elle est à la pointe du combat contre la standardisation culturelle et le modèle que tendent à imposer les États-Unis. Elle peut grandement contribuer au rayonnement d'une Europe des savoirs et des cultures.

    La jeunesse et l'Europe 


    Les jeunes Européens incarnent l'avenir de l'Union. Plus encore que les générations qui les ont précédés, ils doivent être sensibilisés aux enjeux de la construction de l'Union et de leur qualité de citoyens européens, et apprendre à vivre dans un espace civique, économique et social européen, ce qui implique naturellement une grande ouverture aux autres. Il convient de défendre le principe de l'apprentissage obligatoire dans tous les pays de deux langues vivantes dans l'enseignement secondaire, et d'une " initiation à l'Europe ", dans ses dimensions tant culturelles qu'économiques et civiques. Dans l'enseignement supérieur, il s'agit de promouvoir la reconnaissance mutuelle des diplômes et de faciliter l'interpénétration des cursus, ce qui suppose le rapprochement de leur durée, tout en s'appuyant sur l'autonomie des universités, élément essentiel du " modèle éducatif européen ", notamment en favorisant les projets de coopération entre elles.

    Dans le domaine de la recherche également, la coopération entre organismes européens est un facteur d'efficacité : cela passe, tout d'abord, par la multiplication des échanges entre écoles, universités, laboratoires de recherche. Cela passe, aussi, par une volonté politique clairement affichée des États européens de promouvoir la recherche dans tel ou tel domaine, les différents organismes nationaux de recherche-développement travaillant de concert, se répartissant les tâches, confrontant leurs analyses.

    Il convient enfin, de créer des instruments permettant à la jeunesse européenne de s'engager dans cette aventure humaine à la mesure de leur idéal, en particulier au moment où nous voulons réaffirmer la visée principalement sociale de la construction communautaire. Par exemple, le service volontaire européen pour la jeunesse leur donne les moyens d'accomplir à l'étranger des tâches d'intérêt général, au service de la cohésion sociale, de la protection de l'environnement de la préservation et de la restauration du patrimoine culturel et historique européen, de la prévention de la délinquance, qui sont des objectifs partagés par tous les peuples européens.

    L'Europe et la culture  


    En Europe, par-delà la diversité nationale, existe une longue histoire d'échanges culturels qui, par le passé, ont enrichi nos pays. Aujourd'hui, il faut travailler collectivement à l'épanouissement de ces échanges et pour cela, aller au-delà des programmes communautaires existants. La promotion sur une base transnationale de la création et la diffusion, en particulier audiovisuelle, appelle un renforcement de la coordination des politiques culturelles nationales, ainsi que la mise en commun d'une partie des moyens qui y sont consacrés. Un programme-cadre européen doit être proposé. Un changement d'échelle pour les ressources financières est nécessaire : pourquoi pas 1 % du budget communautaire consacré à la culture ? Il faut des actions symboliques fortes et un souci constant de la défense de la diversité et du pluralisme, qui peut passer, le cas échéant par des mesures rigoureuses ou vigoureuses limitant la concentration dans les médias et affermissant la place qu'ils font à la création européenne. Au sein de la Commission européenne, un pôle unifié et fort doit être constitué pour regrouper l'éducation, la recherche, la culture et la communication.



III  La France, :
| l'Europe    
et le monde
 


 



    Une politique étrangère et de sécurité commune 


    À plusieurs reprises dans son histoire, la France a incarné des idéaux, des valeurs qui dépassaient son seul intérêt national et qui rencontraient les aspirations de nombreux autres peuples.
    Aujourd'hui, quatrième puissance économique mondiale, membre permanent du Conseil de sécurité, présente dans toutes les grandes organisations internationales, elle joue à l'échelle de la planète un rôle reconnu auquel elle n'entend pas renoncer. Mais elle trouve dans la mise en œuvre d'une politique étrangère et de sécurité commune à tous les États de l'Union européenne, à la définition et à la conduite de laquelle elle se consacre pleinement une nouvelle dimension de sa présence au monde. Nombreux sont les sujets sur lesquels les Européens peuvent et doivent parler d'une seule voix et agir ensemble. La nomination à venir d'un responsable de la politique étrangère et de sécurité commune revêt pour ce faire, une grande importance.

    Dans le contexte international actuel, marqué par les phénomènes de mondialisation, où les forums de négociations et les lieux de pouvoir se démultiplient, et où une seule hyperpuissance cherche à imposer ses choix et à faire respecter unilatéralement ses décisions, l'Europe est, pour les peuples qu'elle rassemble, un rempart et un tremplin.

    Un rempart, lorsqu'il s'agit de se défendre contre les pressions extérieures, les agressions, qui ne sont pas toujours militaires. C'est au niveau de l'Europe que se jouent les grandes négociations commerciales, que s'organisent les relations avec les autres grands ensembles, que se négocient les réformes nécessaires du système économique et financier international, que se défend l'exception culturelle. Et c'est en étant active et présente dans les instances qualifiées de l'Union européenne, en contribuant à orienter la politique extérieure de l'Europe tout entière, que la France défend le mieux les principes qui lui sont chers et sa propre conception des équilibres que la mondialisation impose d'instaurer à l'échelle de la planète.
    C'est vrai aussi, lorsqu'il s'agit de peser dans les grandes négociations internationales, qu'il s'agisse de la protection de l'environnement et de la lutte contre l'effet de serre, de la réglementation du travail et de la protection sociale, du désarmement et de la non-prolifération des armes de destruction massive. En ce sens, la dimension européenne permet de se faire entendre, et de peser beaucoup plus, beaucoup mieux que nous ne le ferions seuls.

    L'Europe-puissance  


    Mais l'Europe est aussi un tremplin. Chacun des États qui la composent, lui ouvre une mer, un océan, un continent. Ce n'est pas une faiblesse. C'est une chance.
    La France apporte à l'Europe un réseau irremplaçable de relations et d'amitiés nées de l'Histoire et souvent d'une culture partagée. Elle le met à la disposition et au service de l'Union. Elle est elle-même, enrichie par les apports de ses partenaires européens, chacun porteur d'une vision du monde. De ces échanges naît un ensemble de valeurs qui sont communes à tous les Européens, et que l'Union européenne défend et représente au niveau mondial. C'est ainsi qu'une " Europe-puissance " permet de limiter les effets négatifs de la mondialisation à l'intérieur de ses frontières, et propose au reste du monde un modèle démocratique débarrassé de toute tentation hégémonique, respectueux des identités, et porteur d'un contenu social avancé.

    L'Histoire, comme les réalités du monde d'aujourd'hui, dictent à l'Europe et à la France, l'impérieux devoir d'agir pour la croissance économique et le développement des pays les plus pauvres. S'il faut rénover les mécanismes mis en place par les accords de Lomé, pour les adapter aux engagements pris en matière économique et commerciale, il faut maintenir, en niveau et en qualité, l'effort de l'Europe en matière d'aide publique au développement et veiller au maintien de la parité entre l'euro et le franc CFA. La réduction des inégalités entre le Nord et le Sud de la planète est un impératif à la fois moral et politique, auquel on ne répondra pas simplement en faisant confiance au marché.
    La croissance est nécessaire mais ne peut suffire à l'éradication de la pauvreté. Il y faut une attaque directe appuyée sur une économie populaire diffusant des micro-crédits et intensifiant la recherche sur les technologies de première ligne en matière de survie. Il n'y aura d'ailleurs pas de régulation des flux migratoires sans organisation du codéveloppement. Là aussi, c'est s'il s'étend à la dimension de l'Europe que l'engagement de la France vers la solidarité à l'égard du monde en développement prendra tout son sens. Ainsi, dans le cadre du processus de Barcelone, c'est avec l'ensemble des pays méditerranéens que l'Europe doit resserrer ses liens, pour faire de la Méditerranée une zone de prospérité et de paix.

    La France, l'OTAN et la défense européenne 


    La disparition du clivage Est-Ouest a mis fin à la menace militaire qui pesait sur l'Europe et aux risques d'affrontements majeurs sur notre continent. Pourtant les conflits se multiplient le plus souvent à l'intérieur des frontières des Etats existants. Ni la France ni l'Europe ne peuvent s'en désintéresser. Nous devons travailler à un XXIe siècle qui sera celui de la paix. Et chacun comprend qu'il n'est pas possible que l'Europe soit une oasis protégée au milieu d'un monde ravagé par la guerre. Il faut donc poursuivre les efforts pour la mise en place, en Europe et dans le monde, de systèmes de sécurité collective réellement efficaces, contribuer aux actions de maintien ou de rétablissement de la paix partout où est nécessaire. La France le fait. Elle le fera avec d'autant plus d'efficacité que l'Europe se dotera de tous les moyens qui lui permettront de le faire. Il faut y travailler, tout particulièrement en constituant la base industrielle et technologique nécessaire pour rivaliser avec les grands groupes américains.

    La paix, et la sécurité de l'Europe, dépendent en partie des relations établies avec les États-Unis dans le cadre de l'Alliance atlantique.
    L'OTAN incarne et concrétise le rapport privilégié que la plupart de nos partenaires jugent toujours nécessaire d'entretenir avec les États-Unis. La France, dont les forces armées ne sont pas parties prenantes des organismes intégrés de l'OTAN, mais qui demeure membre influent de cette Alliance, doit d'une part, souhaiter que s'affirme au sein de l'Alliance une identité européenne de défense plus clairement définie, et d'autre part, poursuivre ses efforts pour que les Etats européens, dans le cadre de l'Union, soient de plus en plus en état d'assurer eux-mêmes leur propre sécurité, et de contribuer par eux-mêmes à l'organisation de la sécurité internationale. Les armes de la France sont au service de la sécurité de l'Europe, et seront un jour à la disposition d'une Union européenne qui se sera dotée d'une véritable autonomie stratégique.

    L'Europe doit contribuer à l'émergence d'un monde multipolaire, condition d'une plus grande démocratie mondiale. Elle doit se renforcer pour mettre en avant ses valeurs : équilibre entre individu et société, respect des droits de l'homme et du droit international, préférence pour les solutions négociées et les instances multilatérales, préservation de l'environnement et rééquilibrage économique de la planète.



IV  L'Europe, :
| la nation    
et les institutions
 


 



Nous nous refusons à traiter les institutions d'une manière abstraite, en les réduisant à des considérations d'équilibre et d'efficacité. La réforme des institutions européennes n'a de sens que dans la mesure où elle peut mieux permettre la réalisation de notre projet national et européen.

    La nation française dans l'Europe 


    La Fédération d'États Nations doit nécessairement réaliser un équilibre entre deux principes et une exigence :

    Nous avons besoin de l'Europe pour assurer la paix et le progrès social sur notre continent, nous inscrire dans la mondialisation sans craindre un hégémonisme extérieur, faire face au changement d'échelle de questions essentielles pour nous : régulation économique, rôle de la monnaie et des échanges financiers, sécurité intérieure et extérieure, préservation de l'environnement, coopération internationale. Nous voulons également que ce que nous avons souverainement décidé de faire ensemble lors des principales étapes de la construction européenne (traité de Rome, Acte unique, traité de Maastricht) soit bien fait c'est-à-dire que les institutions européennes soient efficaces et fortes, capables de décider et d'assurer le contrôle politique collectif sur l'économique et le social.

    Mais nous avons aussi besoin de la nation, en ce qu'elle constitue le cadre privilégié de notre identité culturelle et citoyenne. Elle reste le lieu où se forment notre accord pour vivre ensemble et la volonté politique qui nous permet de le réaliser.
    Les graves problèmes que pose à notre identité républicaine, la consolidation d'un chômage de masse et de phénomènes d'exclusion d'une brutalité et d'une ampleur nouvelles, ne sauraient être transférés à un niveau supranational, même si leur similitude avec ceux de nos partenaires européens ouvre d'évidentes perspectives de coopération. Nous ne pourrions reconstituer au niveau européen une cohésion de la société durablement rompue dans la nation française, et le politique serait accusé de démission de ses responsabilités s'il laissait subsister une quelconque ambiguïté en ce sens.

    Nous devons préparer l'élargissement.
    S'il répond à une nécessité historique, l'élargissement n'en fait pas moins peser une menace sur la cohésion de l'Union. À l'effet de nombre qui rendra les décisions plus difficiles s'adjoindra une exacerbation de tous les clivages qui rendent déjà difficile à quinze l'aggiornamento des institutions : augmentation du poids des petits et moyens États, accentuation des disparités économiques et sociales, et de la demande de fonds de cohésion, diversification des approches nationales. Le risque est ainsi réel de voir l'Union évoluer vers une simple zone de libre-échange faiblement régulée, par blocage des processus décisionnels. C'est cette perspective que refusent les socialistes. Une révision institutionnelle garantissant l'efficacité du fonctionnement de la régulation politique dam l'Union élargie est ainsi nécessaire avant toute nouvelle adhésion. Il est de la responsabilité des Quinze de mener cette révision dans des conditions qui n'apparaissent pas dilatoires à l'égard des futures adhésions, d'affirmer les missions des institutions communes et de garantir l'efficacité de leur fonctionnement.

    Ces analyses conduisent à des conclusions institutionnelles précises :

    1. La fonction de proposition de la Commission est plus que jamais nécessaire à la dynamique d'une Union sans cesse plus nombreuse, ainsi que son rôle de gardienne des Traités sous le contrôle -de la Cour de Justice. Son caractère collégial doit pour ce faire être renforcé, en donnant à son président une légitimité politique et la capacité de proposer au Conseil et au Parlement une véritable équipe. Chacun des partis représentés au Parlement européen pourrait désigner, préalablement aux élections européennes et au renouvellement de la Commission, son candidat à la présidence de la Commission.

    2. Le Conseil doit pouvoir décider efficacement et équitablement. Le recours systématique au vote à la majorité doit s'accompagner d'une pondération des voix qui garantisse l'Union contre les risques de dictature de la majorité ou de prise de gages par des minorités de population surreprésentées. Le conseil des Affaires générales doit retrouver son rôle de coordination en étant composé de ministres ayant la même autorité au sein des différents États membres. Les ministres en charge des Affaires européennes devraient dans tous les pays de l'Union, être placés directement auprès du Premier ministre ;

    3. Le Parlement, seule expression directe du suffrage universel doit voir son rôle de colégislateur généralisé à l'ensemble des domaines où le Conseil décide à la majorité qualifiée, et sa fonction de contrôle démocratique sur l'ensemble des activités de l'Union clairement affirmée, selon des procédures lisibles ; il doit renforcer son contrôle sur l'exécution du budget par la Commission ;

    4. La Cour de Justice doit être reconnue comme la seule instance arbitrale suprême des conflits institutionnels dans les domaines communautaires et trouver dans le droit positif européen les références nécessaires.


    La démocratie européenne 


    L'enrichissement continu du champ des compétences et institutions européennes impose que soit définie la façon dont s'y exerce la souveraineté du peuple, principe constitutif de toutes les démocraties européennes, et pour nous, fondement de la République. La transformation de compétences nationales en compétences déléguées ou partagées au niveau européen ne serait pas viable si elle devait s'accompagner d'un recul de la démocratie. Le fonctionnement démocratique de l'Europe est la condition indispensable d'une citoyenneté européenne. Celle-ci naît de la participation des citoyens aux mécanismes communautaires et n'a de sens que dans les limites de leurs compétences. Cela suppose que ces mécanismes communautaires soient connus, donc qu'ils soient simplifiés pour pouvoir être appréhendés.

    La citoyenneté européenne ne se substitue pas à la citoyenneté nationale, elle en est le complément nécessaire. Elle constitue le pendant démocratique des transferts de compétences souverainement acceptés par les États dans le cadre de l'Union, en respectant la souveraineté populaire à tous les niveaux de décision.

    Il reste beaucoup à faire pour que cette exigence soit satisfaite et que l'Europe cesse d'apparaître comme une construction lointaine et technocratique dans laquelle la volonté populaire peine à s'exprimer :

    1. Le Manifeste des Socialistes européens retient parmi ses 21 points, la nécessité de rapprocher l'Europe des citoyens et de réformer les institutions européennes. Tous les pays sont désormais amenés à répondre à la double question " quelles institutions politiques pour quelle Europe ? ". L'idée d'un texte constitutif européen n'est plus l'apanage de quelques visionnaires. L'heure est venue de rebaptiser les textes qui régissent l'Union européenne, de les fusionner, de les simplifier, de les réformer, de les soumettre aux peuples européens. La prochaine réforme des institutions doit être l'occasion d'intégrer les traités de Rome et de Maastricht et toutes leurs modifications (Acte unique, Amsterdam...) dans un texte unique.

      Donner demain aux citoyens d'Europe, un texte lisible fixant les valeurs communes des pays de l'Union, les compétences qui doivent être exercées ensemble, les institutions qui en ont la charge, les rapports qu'elles doivent entretenir pour forger avec plus de liberté et d'efficacité notre destin commun, est une ambition que nous, socialistes, défendons.

      Dénommons Constitution de l'Union européenne ce texte refondateur. En son début devra figurer une " déclaration des droits civiques et sociaux " récapitulant les droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels, environnementaux, communs aux États européens. Les grandes règles actuelles seront maintenues, mais clarifiées pour être lisibles parles citoyens. Les progrès institutionnels nécessaires seront intégrés ; la hiérarchie entre droit communautaire et droit national confirmée. Une annexe organique traitera des développements les plus techniques.

      C'est au Parlement européen, représentant des peuples de l'Union, que reviendra le soin de préparer, avec les parlements nationaux, cette Constitution de l'Union, au Conseil européen celui de l'amender, aux peuples celui de l'approuver par un référendum simultané dans tous les États membres. La Constitution entrant en vigueur si elle obtient une majorité de voix et l'approbation dans une majorité d'États. Cette Constitution couronnera une phase de modernisation et de rénovation des institutions et des règles communes.

    2. La Prochaine révision des institutions, nécessaire avant tout nouvel élargissement ne doit pas rester de la seule compétence des gouvernements, avec l'obligation d'en réserver la préparation à une conférence intergouvernementale. Cette préparation doit associer pleinement le Parlement européen, expression du suffrage universel, qui exercera ainsi la fonction constituante dont nous avons aujourd'hui besoin, et donner lieu par ce biais à une large consultation des forces civiques et sociales même si, en fin de processus, les modifications institutionnelles seront signées puis ratifiées par les États. Dans une démocratie politique, la citoyenneté n'est pas octroyée, mais construite et discutée. Il est nécessaire que les procédures communautaires, en particulier dam le domaine économique et social, permettent l'expression des forces civiques et sociales. Ceci nécessite la mise en œuvre concrète de droits à l'information, à l'expression et à la participation aux actions communes.

    3. Les institutions communes doivent être placées de façon visible sous contrôle démocratique. Pour le Conseil, cela renvoie à l'amélioration des procédures nationales de contrôle parlementaire pour les questions européennes et à la publicité de ses débats quand il délibère et agit comme législateur européen. Le rôle des délégations et commissions parlementaires nationales pour les questions européennes doit être renforcé. Les gouvernements doivent être incités à les consulter le plus largement possible. La question est plus frontale pour le Parlement européen. Comme dans toutes les démocraties, le Parlement doit voter le budget les lois et contrôler l'exécutif. Sa légitimité devra être renforcée et harmonisée par une procédure électorale permettant aux citoyens européens un accès effectif et égal à leurs élus. Nous souhaitons une réforme du mode de scrutin aux élections européennes qui permette de les organiser sur une base régionale. Nous attendons du groupe PSE au prochain Parlement européen qu'il y instaure des procédures permanentes d'information et de consultation des forces civiques et sociales.

    4. La Commission, dans sa fonction d'exécutif commun, doit être clairement responsable devant les peuples. Il est pour cela nécessaire et non suffisant qu'elle soit sous le contrôle du Parlement. Dans le cadre de la prochaine réforme institutionnelle, il conviendra d'imaginer une relation entre son mode de désignation et le suffrage universel, qu'il s'agisse d'en parlementariser la composition ou de lier le choix de son président et/ou de ses principaux membres à l'élection européenne.



V  Conclusion
 


 

La vocation européenne de la France et la responsabilité des socialistes


Affaiblies toutes ensemble après 1945, les nations européennes ont fini par comprendre qu'aucune d'entre elles ne pouvait durablement unifier l'Europe par la force et que seule leur union organique pouvait pacifier le continent. Cette histoire est bien connue de nous, moins connue est une autre relation de notre nation à l'Europe.

Nous avons toujours projeté d'étendre nos valeurs nationales au-delà de nos frontières, car nous croyons à leur universalité. Ce n'est certes pas un hasard si la Déclaration de 1789 se voulait universelle, si tant de génies européens ont vu dans notre Révolution un événement capital pour toutes les nations européennes, et si enfin le mouvement démocratique européen de 1848 s'est ancré dans le précédent français.
Cette expansion de nos valeurs avait cependant été constamment contrecarrée par notre propre impérialisme, car nos voisins ne pouvaient les reprendre tant qu'elles s'accompagnaient de la domination française. Avec la construction européenne, cet obstacle infranchissable disparaît et cette caractéristique essentielle de notre culture nationale qui constitue la réalité de notre exception culturelle -l'universalité de la démarche française- peut enfin s'épanouir sur tout le continent si nous avons assez confiance en nos propres valeurs pour convaincre les autres nations de les adopter et accepter en échange ce qu'elles peuvent nous apporter en retour.

Nous n'avons pas à roter de nos valeurs, car elles sont propres, plus que d'autres, à organiser la démocratie européenne que nous voulons. Le droit du sol est préférable au droit du sang, la laïcité plus apte à faim régner la tolérance que toute religion d'État, la fraternité est préférable à l'égoïsme, les libertés à la passivité, l'égalité à l'arrogance de la richesse. La démocratie européenne sera le meilleur vecteur de l'universalité française sur notre continent et dans le monde. Ainsi les valeurs de la laïcité sont à même de faim reculer deux des principaux obstacles à la construction d'une Europe élargie et unie : le nationalisme, cette perversion du sentiment national, ainsi que le repli communautaire, le refus de l'autre. Le moment est venu d'accomplir un progrès décisif, analogue à l'échelle continentale à ce que fut en son temps pour nous l'instauration de la République : la création d'une démocratie européenne qui ne sépare pas l'économique, le social et le politique.

La démocratie nationale et la démocratie européenne doivent vivre ensemble. La citoyenneté française et la citoyenneté européenne sont complémentaires. Il doit ainsi y avoir plusieurs échelles de citoyenneté. À chaque niveau, elle possède des pouvoirs et des compétences propres. Cette approche rend nécessaire d'établir une continuité entre le débat politique national et le débat politique européen.

Les socialistes doivent politiser l'Europe.
Il n'est pas vrai, comme le prétend Jacques Chirac, que l'Europe n'est ni de droite ni de gauche. L'Union européenne comprise comme une Fédération d'États nations veut dire que nous sommes des citoyens français, mais qu'en plus, nous sommes des citoyens européens avec des droits et des devoirs, qui reflètent une communauté de valeurs. Ces deux réalités demandent que les choix politiques soient premiers. Il faut rompre avec l'habitude des " consensus mous ". Les différentes forces politiques européennes doivent présenter leurs propres projets pour l'avenir de l'Union européenne.

Les socialistes, qui constituent la principale force politique européenne, se sont déjà donné une structure commune, le Parti des socialisles européens. Mais il faut davantage le faire vivre pour en faire autre chose qu'un cartel de partis. L'actuel " Manifeste commun du PSE pour les élections européennes " exprime, pour la première fois, les engagements communs des socialistes européens.
Il faut maintenant une circulation efficace de l'information, des débats communs, une délibération des militants sur les mêmes thèmes, des structures de base communes. Les socialistes français doivent faire plusieurs propositions aux autres socialistes européens : permettre l'appartenance à un parti membre du PSE pour ceux et celles qui vivent dans l'Union européenne hors de leur pays d'origine, l'organisation de conventions thématiques, distribuer à tous les adhérents des différents partis socialistes et sociaux-démocrates de l'Union européenne une carte du PSE, permettre la participation des militants aux débats et au déroulement des congrès du PSE, tenir avec les syndicats adhérents à la Confédération européenne des syndicats, des états généraux de la gauche européenne. Ce sont les conditions politiques pour que nous puissions organiser de véritables campagnes d'actions communes et contribuer ainsi à forger un véritable espace publie européen.

Ainsi serons-nous fidèles à la tradition qui nous porte. " Le progrès politique de l'humanité, disait Léon Blum au soir de sa vie, m'apparaît dam une conciliation de plus en plus intime, de plus en pins exacte entre l'indépendance, l'originalité respective de chaque nation, et l'organisation, l'unification progressive de l'humanité ".

1er mars 1999




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