La France en 2005 :
un diagnostic
Texte présenté et débattu au Conseil national du 20 mars 2005


Pourquoi commencer notre Projet par un diagnostic de la société française ? Parce que c'est à partir d'une compréhension lucide de l'état de la réalité sociale que nous pouvons bâtir une alternative politique redonnant confiance aux citoyens. Faute de prendre la mesure des mutations intervenues depuis des années, nous manquerions l'essentiel et serions condamnés à reproduire les mêmes éléments de programme sans s'interroger sur leur pertinence.

Nous savons évidemment que la plupart des évolutions à l'œuvre en France, en Europe, et dans le monde, tiennent à des causes profondes. Le capitalisme mondialisé, structuré aujourd'hui par le libéralisme financier, entraîne des bouleversements profonds pour toute la planète. Ce sont un mode de production et un mode de consommation au sens large du terme qui changent. Les règles et les institutions collectives définies et mises en œuvre dans la période précédente, dans le cadre essentiellement des Etats nationaux sont en cause. C'est ainsi tout l'apport - et il a été et demeure majeur - du socialisme démocratique qui est bousculé. Nous devons désormais lutter à différents niveaux du local au mondial, et à tous les niveaux en même temps. C'est le défi du nouveau siècle. Il est bien sûr fondamentalement économique, puisqu'il s'agit d'un rapport de forces planétaire entre le capital et le travail.

Mais il n'est pas que cela. La mondialisation actuelle est, en effet, un « fait total » avec des dimensions sociales, culturelles, politiques, écologiques. Elle représente pour nous autant de défis. Nos devanciers avaient l'intuition qu'il ne pouvait pas y avoir de socialisme sans internationalisme. Aujourd'hui, nous sommes au pied du mur pour fondre dans un même projet nos ambitions pour la France, pour l'Europe et pour le monde.

Dans ce premier texte nous avons voulu, à partir des travaux déjà menés par les commissions nationales et les commissions fédérales, centrer notre analyse sur la société française pour mettre au jour la manière et les logiques par lesquelles les contradictions du capitalisme mondialisé sont à l'œuvre.

Disons le d'emblée. Nous vivons dans une société fragmentée, profondément inégalitaire, inquiète de l'avenir, oscillant entre le repli individuel et des aspirations généreuses. Ces conditions rendent évidemment l'action publique plus difficile à mettre en œuvre. C'est cela qui nourrit les inquiétudes et le pessimisme d'un grand nombre de Français. Mais c'est ce qui explique tout autant les aspirations pour une autre société autour d'attentes simples mais essentielles une sécurité tout au long de la vie, une véritable égalité des chances, une capacité à maîtriser librement ses conditions de vie et celles de sa famille. Dans le contexte d'un capitalisme mondialisé, les réformes à faire et les mesures à prendre demanderont une forte volonté de notre part.

Ce qui est parfaitement clair également est que désormais deux logiques politiques se font face: celle de la droite, qui, au-delà d'un discours compassionnel, considère que le modèle social français a vécu, prépare une société où chacun est laissé à son malheur ou à son succès ; celle des socialistes et de la gauche réformiste qui fait au contraire de l'égalité des chances le meilleur chemin pour la réussite du pays, qui ne sépare pas la production des richesses de sa juste redistribution, qui veut donner à chacun les conditions réelles de son émancipation personnelle.

A rebours de ce que la droite veut nous faire croire, la France n'est pas un pays en déclin.

Cette thèse est d'ailleurs une vieille idée réactionnaire, toujours émise à des fins culpabilisatrices. La France dispose des atouts nécessaires et des ressources humaines pour réussir dans le monde qui vient. Comment croire que le pays qui a la démographie la plus dynamique d'Europe, une main d'œuvre qualifiée et bien formée, des services publics de qualité, une vie culturelle exceptionnellement riche, qui est la quatrième puissance économique du monde, a la première agriculture d'Europe, l'une des industries les plus compétitives, une vitalité associative, une économie sociale dynamique, comment croire que ce pays doive abandonner ce qui constitue son identité pour convenir à on ne sait quel modèle néo-libéral ? Nous ne le croyons pas; c'est en étant fidèle à elle-même que la France trouvera les clés de son avenir.

En posant ce diagnostic, nous devons être sans concession vis-à-vis de nous mêmes. Quand les socialistes ont gouverné, encore récemment, pendant cinq années, il se sont saisis - souvent avec succès - des problèmes majeurs du pays. Mais, il nous revient de reconnaître que sur certaines questions importantes, nous ne sommes allés ni assez loin, ni assez vite. Pas assez loin sur le logement, le pouvoir d'achat, ou la réforme du système fiscal. Pas assez vite sur la sécurité. Nous n'avons pas su non plus conduire suffisamment des réformes dans la durée, celles de l'Etat notamment. Surtout, nous n'avons pas assez mesuré l'éclatement de la société et l'affaiblissement des valeurs communes. Les raisons politiques, tout particulièrement, la division de la gauche plurielle ont certes été majeures dans le résultat du 21 avril 2002, mais il a traduit aussi le délitement de notre société. Tout cela nous devons l'avoir en mémoire pour ne pas ignorer certes les difficultés de la tâche, mais plus encore pour puiser un élan plus fort en attaquant les problèmes plus à la racine, plus en amont, pour ne pas se satisfaire d'une action réparatrice aussi nécessaire soit elle.

Les socialistes aujourd'hui doivent trouver une confiance en eux pour susciter l'adhésion du pays. « Comprendre ensemble » est le préalable indispensable au «vouloir ensemble». Ne brûlons pas les étapes. C'est en étant sûrs ensemble du point dont il faut partir, que nous préparerons un projet qui ne sera pas livré trop rapidement « à la critique rongeuse des souris »…

Nous avons voulu d'abord commencer par les principaux problèmes concrets qui se posent aux Français, pour caractériser ensuite clairement les politiques menées depuis presque trois ans par la droite, avant d'examiner plus précisément le contexte dans lequel nous vivons et devons agir, et de tirer, enfin les conclusions pour les propositions que nous serons amenés à faire ensemble dans les mois qui viennent.

I. Une France inquiète

Les difficultés que vivent aujourd'hui les Français sont de trois ordres : économique avec le poids du chômage, social avec des inégalités multiples et cumulatives, sociétal avec la difficulté de vivre ensemble notre citoyenneté.
1- le poids du chômage
    Le chômage de masse demeure, aux yeux des Français, la preuve la plus évidente des défaillances économiques de notre pays. Dans le même temps, le partage de la valeur ajoutée s'avère défavorable aux revenus du travail, donc au pouvoir d'achat de la plupart des ménages. Et notre croissance aujourd'hui est trop molle pour permettre la résorption rapide de ces fractures.
      Un sous-emploi structurel
    En France, les taux d'activité, c'est-à-dire le rapport entre la population active et la population en âge de travailler, sont particulièrement bas pour les 15-24 ans et les 55-64 ans, comme si le travail tendait à être concentré sur une seule génération de 25 à 54 ans. Cette spécificité nationale a plusieurs causes: à un bout de la chaîne une augmentation de la durée des études mais aussi les difficultés de notre système productif à intégrer des jeunes et à leur faire confiance; à l'autre bout une politique de l'emploi qui favorise le retrait précoce de la population active à l'initiative du patronat. De manière globale, le taux d'activité, atteint à peine 70 %, soit 6 points de moins que l'Allemagne.

    Cette situation est d'autant plus insupportable qu'elle s'accompagne de la permanence d'un taux de chômage élevé, 10 % de la population active, soit environ 2 500 000 chômeurs dont 1/3 le sont depuis plus d'un an. Les jeunes et les femmes en sont les principales victimes.

    Et, pourtant, de fortes tensions existent sur le marché du travail, créant des pénuries de main d'œuvre dans des secteurs d'activité dynamiques.

    La conjugaison d'une forte proportion d'inactifs et d'un chômage élevé explique que le taux d'emploi, qui traduit le rapport entre le nombre de personnes employées et la population en âge de travailler, reste anormalement bas en France. Notre position est d'ailleurs singulière en Europe. Non seulement le taux d'emploi est faible mais il a de surcroît fortement baissé, dans la première moitié des années 80, pour ne recommencer à croître qu'à compter de 1997.

    Depuis 1975 et le début de la crise industrielle, les changements se sont accumulés : chute du non salariat, augmentation massive du travail féminin, développement du temps partiel et montée des emplois précaires. Entre 1978 et 1999, quand la France créait 1,5 million d'emplois nets, elle en créait en réalité 2,5 millions à temps partiel et en détruisait 1 million à temps plein. La précarité de l'emploi est une réalité. Mais elle touche très inégalement les salariés. Ce sont les moins qualifiés qui connaissent le plus d'instabilité.
      Un partage salaires/profits défavorable aux salariés
    Avec le chômage et la précarité, le pouvoir d'achat est l'une des premières préoccupations des Français, notamment des ménages modestes. Depuis l'arrivée du gouvernement de Jean Pïerre Raffarin, il a en effet augmenté de 1,4 % par an seulement en moyenne, contre 3 % l'an sous le gouvernement précédent.

    Le partage de la valeur ajoutée se déforme à l'avantage du capital. En effet, la masse salariale nette n'a progressé que de 0,5 % en pouvoir d'achat en moyenne depuis deux ans, pour une croissance de 1,5 % l'an. Là encore cette situation tranche avec la précédente mandature, où les salaires réels nets progressaient de 4,5 % l'an pour 3 % de croissance moyenne.

    Cette répartition des fruits de la croissance qui ignore les salaires, au-delà même de l'injustice sociale, nourrit la faiblesse de la consommation et par suite celle de la croissance.

    Malheureusement, la croissance ne bénéficie pas non plus à l'investissement, mais essentiellement aux profits financiers. Le niveau déraisonnable de rendement demandé aux entreprises par les actionnaires (souvent plus de 15 %) dissuade en effet les investissements normaux. C'est l'arrêt de la recherche, la renonciation à des projets à horizon long. Un capitalisme sans projets. La mondialisation fait croire un temps que ce type de rendement peut être obtenu. C'est un leurre. Pour reprendre les termes de Patrick Artus, économiste en chef de la Caisse des Dépôts et Consignations, « le capitalisme est en train de s'autodétruire avec ce genre d'exigence ».

    Cette faiblesse fragilise notre économie. Elle bride notre marché intérieur à travers une évolution erratique de notre consommation intérieure. Elle contribue au développement d'un taux d'épargne anormalement élevé.

    Parallèlement la charge de la dette des sociétés non financières a diminué d'environ 3 points depuis 15 ans. Le bénéfice de cette baisse a été intégralement versé aux actionnaires. Il a donc totalement échappé aux salariés comme au développement du financement direct de l'investissement des entreprises.

    Cet accaparement par les seuls actionnaires paraît d'autant plus inacceptable que la baisse de la charge de la dette des entreprises s'explique, en partie, par la stagnation salariale, constatée depuis plusieurs années.
      Une compétitivité altérée
    Ce qui frappe c'est la mollesse de la croissance de l'économie française et européenne au regard du dynamisme asiatique mais aussi américain. Ce qui est préoccupant pour l'avenir, c'est le décalage entre le niveau de nos dépenses de recherche et de développement, notamment l'insuffisance des dépenses des entreprises, de nos investissements dans les technologies nouvelles, de notre enseignement supérieur par rapport, non seulement aux Etats-Unis, mais aussi aux pays du Nord de l'Europe à l'Allemagne et au Royaume-Uni. Les spécialisations industrielles à l'exportation sont insuffisamment tournées vers les secteurs à forte valeur ajoutée. Notre secteur bancaire est trop rigide et trop rentier pour permettre aux entreprises innovantes d'accéder à des financements dont elles ont besoin.

    Il ne s'agit donc pas d'un «déclin français» mais d'une insuffisante valorisation de nos ressources. Les atouts du pays sont trop négligés: sa situation géographique en Europe, la qualité de la main d'œuvre, la forte productivité horaire, les infrastructures de transports et de télécom, l'efficacité des services publics qui sont des déterminants de notre attractivité. Des capacités de rebond existent donc - comme nous l'avons vu en 1997 où la France était le meilleur élève de la classe européenne avec 3 % de croissance en moyenne. Mais, elles demandent de prendre à bras le corps les problèmes des conditions de la croissance et de la production des richesses - d'autant plus qu'avec la droite, depuis 2002, les déficits ont crû, passant de 2,25 % à 3,7 % du PIB et la dette de 58 % à plus de 65 % du PIB. La mobilisation de tous pour la croissance sera une nécessité pour retrouver une France, active, compétitive, capable de redistribuer plus équitablement les richesses produites.
2 - L'addition des inégalités
    Les disparités de revenus et de patrimoine se conjuguent à de nouvelles sources d'inégalités pour accroître les différences de situation entre les individus alors que la garantie offerte par la protection sociale est devenue plus fragile.
      Les inégalités de revenus et de patrimoines
    Les revenus du patrimoine augmentent plus que la rémunération du travail. Depuis les années 1980, la croissance annuelle moyenne des salaires s'est nettement ralentie alors que celle du revenu du capital s'est accélérée. Le rendement des actifs financiers est de plus en plus élevé. Les revenus provenant du patrimoine constituent la ressource dont la masse s'est le plus accrue depuis le début des années 70.

    Actuellement, 40 % du patrimoine total sont détenus par 10 % des ménages les plus riches. Dans le même temps, 50 % des ménages ne possèdent que 10 % du patrimoine global. Plus significatif encore. D'après de récentes études réalisées sur la base du fichier de l'ISF, et des déclarations de succession, l'INSEE estime que 1 % des plus riches détiennent entre 14 % et 20 % du patrimoine des ménages.

    Aujourd'hui, l'impôt sur le revenu, hors CSG - principal impôt direct progressif - ne représente plus que 3 % à peine du PIB. L'ISF est progressivement rogné. Les exonérations sur donations ou transmissions de patrimoines s'accumulent. Simultanément, les recettes issues des prélèvements indirects battent des records de hausse et renforcent les injustices devant l'impôt. L'impôt n'est plus l'instrument de réduction des inégalités qu'il a été.
      Les inégalités dans l'accès au savoir
    Jusqu'au milieu des années 1990, l'école s'est fortement démocratisée : alors que 34 % d'une classe d'âge accédait au niveau du baccalauréat en 1980, cette proportion s'élève aujourd'hui à près de 70 % Ce doublement a été le produit d'une demande sociale mais aussi la conséquence des politiques suivies par les gouvernements de gauche qui ont largement augmenté les moyens consacrés à l'école. Depuis trois ans, cependant notre système éducatif ne progresse plus. Le pourcentage des bacheliers a décru; le nombre des jeunes qui sortent sans diplôme atteint 100 000 en 2004 - dont 60 000 sans aucune qualification ; les jeunes Français engagés dans les études supérieures en sortent proportionnellement moins souvent diplômés que les autres jeunes des pays de l'OCDE; les enfants issus de familles ouvrières ne représentent toujours que 10,8 % des étudiants. Un effort considérable « de montée en qualification » tant par de la formation continue qu'initiale est à accomplir dans les dix ans à venir pour combler le retard accumulé en matière de formation, et faire face au choc à venir des départs en retraite. La proportion de bas niveaux de qualifications et de formations reste très importante puisque si l'on intègre les inactifs d'âge actif le pourcentage de sans diplôme atteignait 54 % en l'an 2000 alors que celle des BAC + 2 n'était que de 11 %.

    Ce rappel de quelques données montre que le problème de l'école française aujourd'hui est d'abord dans le nombre trop important de « non diplômés » du secondaire et dans les difficultés rencontrées par les étudiants dans les universités. Une école juste ne peut pas effacer toutes les inégalités, mais elle doit contribuer activement à les résorber au lieu de les perpétuer.

    L'école a du mal à assurer, la promotion sociale des enfants des classes populaires; il existe toujours une corrélation forte entre la réussite scolaire et l'origine sociale. Les enfants issus de familles aisées ou ayant des parents diplômés de l'enseignement supérieur bénéficient d'une meilleure réussite scolaire. L'égalité des chances pour chaque jeune d'accéder au savoir et à une promotion sociale au travers de l'école républicaine s'éloigne. L'égalité des destins reste une perspective lointaine.

    Les moyens dégagés pour les Zones d'Education Prioritaire ont donné des résultats mitigés en raison de l'évitement scolaire développé par les familles les mieux dotées, des difficultés familiales de nombre d'enfants dans les quartiers et de l'enfermement spatial. Car l'effort déployé, bien que conséquent, est saupoudré sur une grande quantité de zones et un si grand nombre d'enfants, qu'au total, les ressources allouées en moyenne sont à peine de 8 % à 10 % supérieures à celles allouées à un enfant hors ZEP.

    Les déterminismes sociaux pèsent lourdement sur les choix culturels. Les diplômés de l'enseignement supérieur fréquentent plus les musées, les spectacles, les expositions que les personnes ayant quitté le système scolaire sans diplômes. Les cadres et professions libérales assistent beaucoup plus souvent à des manifestations théâtrales et des concerts que les ouvriers. Si les pratiques culturelles acquises dans l'enfance, essentiellement dans le milieu scolaire, ont un impact sur les pratiques culturelles des adultes, elles ne suffisent pas à compenser les différences dues au milieu social.

    La culture demeure trop un privilège. La tendance libérale qui consiste à considérer la création culturelle comme une marchandise comme une autre, porte un coup à l'ouverture d'esprit des citoyens et à leur épanouissement. Nous avons besoin d'une production culturelle diversifiée, accessible à tous.
      Les inégalités territoriales
    Elles concentrent les inégalités en les exacerbant. Le droit à un logement de qualité n'est plus accessible à une large partie de la population. Le logement social ne parvient pas à accueillir la population théoriquement bénéficiaire, quant à l'accession à la propriété elle devient de plus en plus coûteuse sauf à disposer d'un patrimoine suffisant pour échapper aux contraintes de remboursement du prêt immobilier. D'où un creusement d'inégalités lié au lieu d'habitat.

    La bonne localisation sur le territoire est un phénomène qui déborde le cadre des villes et des quartiers. On détermine le choix d'une commune en fonction de la qualité de la vie, des services notamment l'école et du niveau de sécurité. L'appartenance à un territoire signe de plus en plus l'appartenance à la catégorie sociale. La résidence étant devenue déterminante pour la scolarisation des enfants et plus tard pour l'accès à l'emploi.

    En dépit de la politique de la ville mise en œuvre depuis 30 ans, les cités d'habitat populaire continuent de regrouper les populations qui cumulent les handicaps. Malgré les opérations de réhabilitation du bâti, du cadre de vie, les politiques positives visant à casser l'isolement social, économique, culturel et géographique, les cités ne sont pas devenues des lieux de résidences choisis mais subis qui continuent de regrouper les populations les plus fragiles.

    Elles vivent une double ségrégation: fonctionnelle car le logement est prédominant par rapport aux entreprises, aux lieux sportifs ou culturels, aux services publics. Elles ne constituent plus de vrais morceaux de villes mais de simples zones de résidence. Ce phénomène associé à une qualité des logements et des espaces publics médiocres, engendre la ségrégation sociale.

    Avec le développement de l'accession à la propriété individuelle, à la périphérie des villes en favorisant les lotissements, et l'équipement en voitures, les habitants des couches moyennes n'ont cessé depuis la fin des années 70 de s'éloigner des centres-villes.

    Les problèmes urbains ne doivent pas cependant occulter les bouleversements intervenus sur l'ensemble du territoire. Ainsi, depuis une vingtaine d'années on assiste à un phénomène de retour vers « les campagnes ». Ces migrations au cours de la dernière décennie (400 000 personnes par an) devraient se poursuivre. Selon la DATAR, 2,4 millions de citadins envisagent de s'installer à la campagne d'ici 5 ans. Beaucoup de ces migrations sont contraintes par le prix de l'immobilier des villes. L'espace rural n'est plus exclusivement agricole, (les agriculteurs en occupent 60 % de sa superficie) et son occupation donne lieu à des conflits d'usage entre agriculteurs, résidentiels, artisans, PME ou « consommateurs » de nature. Ce rejet vers la périphérie urbaine crée aussi des difficiles problèmes de coûts pour les services publics que les collectivités concernées ne peuvent pas seules résoudre. Cependant, un tiers du territoire rural demeure à l'écart de ce mouvement avec une structure démographique dégradée, ou tributaire d'activités agricoles ou industrielles en crise.

    Les agriculteurs ne représentent plus aujourd'hui que 4 % de la population active. Et, la société leur demande, au-delà de leurs fonctions productives et nourricières, un rôle d'aménageur du territoire et de l'espace. Cette nouvelle demande crée un certain malaise au sein de la profession, comme entre le monde agricole et le reste de la société. L'agriculture française est aujourd'hui dépendante de la Politique agricole Commune et de l'OMC. Elle devient à ce titre un objet de débat dans des négociations internationales. Elle connaît une concentration des exploitations avec la disparition de 15 000 exploitations par an, le blocage du renouvellement des générations d'agriculteurs. La désertification des territoires risque de s'accélérer.

    La réforme de la PAC de juin 2003 est d'ailleurs une véritable révolution pour l'agriculture européenne et donc française. Elle étend le principe de la baisse des prix de soutien compensée par des aides directes. Contrairement à d'autres pays européens, le gouvernement français a opté pour un système privilégiant le recouplage partiel, la référence individuelle des droits de paiement…Ce sont là des choix qui génèrent un système beaucoup plus complexe et inéquitable que celui des autres grands pays agricoles d'Europe.

    Cette perspective est d'autant plus inquiétante, qu'au cours de ces trois dernières années, on a constaté un désengagement de l'Etat en matière d'aménagement du territoire et une réduction des moyens permettant de satisfaire les besoins de la population rurale notamment dans le domaine des services publics.

    La question de la mobilité est toute aussi centrale dans les territoires ruraux que dans les territoires urbains, au risque de voir s'installer des déséquilibres territoriaux et dans certaines parties une nouvelle ségrégation entre les territoires favorables à la spéculation immobilière et les autres.
      Les inégalités entre les hommes et les femmes
    Si l'égalité formelle entre les hommes et les femmes a progressé en un demi-siècle, un décalage persiste entre l'égalité en droit et les inégalités dans les faits.

    En dépit des lois sur l'égalité professionnelle, les écarts dans les évolutions de carrières entre les hommes et les femmes continuent de spécialiser la division du travail au sein de la famille.

    Concernant les salaires, les femmes gagnent toujours en moyenne 25 % de moins que les hommes et à poste égal 15 % de moins. Ces inégalités pèsent encore plus fortement sur les conditions de vie des familles monoparentales qui dépendent majoritairement d'un salaire féminin. Elles peuvent inciter les femmes les plus faiblement rémunérées à se retirer de la vie professionnelle pour peu que les politiques familiales tendent à les y inciter. Pour les femmes, le souci d'articuler vie professionnelle et vie familiale est un souci majeur qui, en raison des modes de garde d'enfants insuffisants et inadaptés, est un véritable parcours du combattant. Il se prolonge sur le plan des retraites quand on sait que les femmes retraitées ont touché en moyenne, en 2001, une retraite équivalant à 58 % de la retraite moyenne d'un homme.

    Les modifications de la structure familiale revêtent aujourd'hui une grande importance. Le déclin du mariage dans notre pays et en Europe, la progression des couples non mariés, l'arrivée plus tardive des enfants et l'augmentation continue des divorces et des familles monoparentales dont les chefs de familles sont des femmes, modifient les rôles parentaux, mais ce sont toujours les femmes qui assurent à 80 % l'éducation des enfants et les tâches ménagères.

    La lutte contre le sexisme, les violences spécifiques, la marchandisation du corps féminin restent des causes de mobilisation pour l'ensemble de la société. La garantie des droits spécifiques n'est jamais acquise, comme le montrent les difficultés rencontrées par les femmes et les jeunes filles les plus modestes pour y accéder. Difficultés accrues sous les effets d'une politique qui dégrade notamment les conditions d'accès à l'IVG et les structures hospitalières.

    Incontestablement la loi sur la parité en politique a permis des évolutions importantes pour les scrutins de liste, mais elle n'est pas appliquée dans les exécutifs locaux où une minorité seulement de femmes occupe les fonctions de maire, de présidentes des assemblées départementales et régionales. Au Parlement, les résultats sont encore plus décevants : 12 % de femmes députées; leur représentation a progressé au Sénat mais insuffisamment à cause de la présence des listes dissidentes de sénateurs de droite sortants refusant de laisser la place aux femmes.

    Le constat de ces inégalités persistantes, dans le champ professionnel et privé, fait du féminisme, aujourd'hui comme hier, un projet politique de transformation sociale et sociétale.
      Les inégalités générationnelles
    La situation des jeunes ménages s'est dégradée dans les années 90. Leur niveau de vie a stagné alors que celui des autres classes d'âge continuait d'augmenter et la proportion des ménages pauvres a augmenté plus rapidement chez les moins de 30 ans.

    Le financement des retraites qui soulève à terme de fortes inquiétudes ne pourra que s'aggraver pour une partie des jeunes qui auront de plus en plus de mal à se constituer un patrimoine ou des droits à la retraite en raison de la précarité de leurs emplois et de l'irrégularité de leur carrière professionnelle, si ces tendances ne sont pas inversées.
      Les inégalités liées au handicap
    Les personnes handicapées restent toujours exclues, avec pour la plupart d'entre elles une pension à la limite du seuil de pauvreté.

    Alors que le XXème siècle a progressivement pris conscience du handicap, la charité règne encore trop souvent à son égard. Malgré quelques avancées, la société française demeure incapable d'inclure réellement les personnes handicapées dans les domaines essentiels comme le travail, le logement, les transports, les revenus. Elle ne permet pas l'exercice complet et véritable de leur citoyenneté.
      L'effritement de la protection sociale
    Le système mis en place, avec la Sécurité Sociale, en 1945, a joué un rôle décisif tant au plan économique que social. Il a favorisé l'emploi et la croissance. Il a réduit les inégalités et la dépendance vis-à-vis des risques majeurs de l'existence. Il a accompagné un formidable bond en avant de l'espérance de vie (20 ans de progression en un peu plus de deux générations).

    Cet acquis est fondé sur le principe de répartition. Ses recettes ont dépassé depuis 20 ans déjà, celles du budget de l'Etat.

    Les besoins de financement sont aujourd'hui de plus en plus importants.

    D'abord pour des raisons considérées comme conjoncturelles, mais qui se révèlent être durables. La crise perdure en effet depuis plus de 30 ans. Depuis 1974, notre société connaît une panne de croissance en dépit de certaines fluctuations heureuses, et un chômage de masse, d'un niveau inégalé dans l'histoire économique et sociale de notre pays. Ce double phénomène pèse directement sur un système, dont les deux piliers sont précisément l'emploi et la croissance. A l'arrivée, moins de recettes et plus de dépenses à assumer, d'où un effet de ciseaux générant des déficits...
      Le défi démographique
    A l'instar des autres pays européens, la société française connaîtra dans les deux décennies à venir un phénomène de vieillissement inéluctable de sa population. Quelles que soient les hypothèses de calcul retenues, l'augmentation de la part des plus âgés dans la population est confirmée, sauf rupture imprévisible dans l'évolution des taux de fécondité et de mortalité, et à flux migratoires inchangés. Il s'agit là d'un choc majeur qui conditionne nos politiques en matière d'éducation et de formation tout au long de la vie.

    On estime qu'à l'horizon 2020, les plus de 60 ans devraient augmenter de plusieurs millions par rapport au recensement de 1999, alors que le nombre d'actifs et la population de moins de 20 ans, devraient, selon les mêmes projections, baisser de 1 million. Les départs en retraite vont être multipliés par près de deux à partir de 2007, soit 3 millions de départs supplémentaires sur les dix ans à venir. Les deux tiers de ces départs concernent les cadres et les professions intermédiaires alors que les deux tiers des chômeurs, aujourd'hui, n'ont aucun diplôme. Compte tenu de ce décalage, le chômage ne baissera pas spontanément. Il faudra donc entreprendre pour la formation un effort de grande ampleur avec un droit à la formation pour tous ceux qui ont quitté l'école de manière précoce.

    Parallèlement, il faudra répondre aux attentes des retraités, qui exigeront, à bon droit, un taux de remplacement décent, et l'allongement de la durée de la vie demande et demandera des aides importantes pour assurer des conditions de vie dignes. La France a des atouts pour y faire face.

    La santé est et sera également de plus en plus une question politique prioritaire. Les exigences de qualité, de sécurité, de proximité sont et seront des demandes de plus en plus fortes dans la population. Alors que notre système de soins demeure globalement efficace, et même envié partout dans le monde, les inégalités, notamment sociales, mais aussi régionales, face à la maladie et à la mort, n'ont pas été entamées. L'espérance de vie des ouvriers a autant progressé que celle des catégories supérieures mais l'écart entre les deux ne s'est pas réduit.

    Notre système de soins est un des meilleurs du monde mais notre politique de prévention (alimentation, conditions de travail, conduites addictives, suicides des jeunes, problèmes psychiatriques...) est extrêmement faible.

    Les défis sont clairs: la pérennité d'un système de santé solidaire et efficace, la préservation du système de retraite et la gestion dynamique des âges d'activité, une politique familiale active, une anticipation et la prise en charge du grand âge, une réponse plus efficace aux réalités de l'exclusion.



    Ainsi, les inégalités continuent de miner notre société. Mais aux inégalités traditionnelles de revenus et de patrimoine, se sont ajoutées d'autres inégalités dont l'accumulation marque certaines parties du territoire. Si bien que nous avons besoin, aujourd'hui, de multiplier et de diversifier nos moyens d'intervention. Il ne suffit plus de disposer de dispositifs toujours plus importants pour corriger après coup les inégalités de ressources; ces moyens restent nécessaires, mais il faut aussi attaquer ces inégalités à la racine, là où elles se forment, à l'école, à l'hôpital comme dans le système productif.
3 - Les incertitudes du modèle républicain
    La citoyenneté repose fondamentalement sur l'idée que nous voulons nous donner un avenir commun. Le malaise qui gagne aujourd'hui la vie démocratique illustre les interrogations qui entament la confiance placée dans nos institutions. Il s'exprime alors que notre société doit assumer sa pluralité. Enfin, la prise en compte du nouvel enjeu environnemental impose d'imaginer également un vivre ensemble à l'échelle mondiale.
      Le malaise démocratique
    L'abstention aux différents scrutins marque la période. Elle est le signe d'un malaise profond. Cette diminution de la participation électorale est particulièrement sensible chez les jeunes et parmi les classes populaires. Elle se prolonge et s'accentue au fil des années même si elle fluctue selon les enjeux. Ainsi, les dernières élections européennes du 13 juin 2004 ont mobilisé dans notre pays, moins d'un électeur inscrit sur deux, en dépit d'une offre politique diversifiée. La France n'échappe pas à un mouvement, qui frappe la plupart des grandes démocraties européennes.

    En fait, aujourd'hui, la participation aux élections politiques n'est plus considérée comme un engagement civique incontournable, comme un fondement majeur de la démocratie.

    Cette réticence de plus en plus affirmée, voire revendiquée, à voter, symbolise une forme de dépolitisation de notre société. Cette tendance à l'œuvre depuis plus de deux décennies se matérialise également à travers la perte de crédibilité des partis politiques, une certaine incompréhension de leur langage et de leurs discours. Cette réalité dépasse largement les frontières de «l'antiparlementarisme» traditionnel. On est également frappé par la faiblesse des effectifs adhérents et militants des formations politiques, par leur vieillissement aussi. Les scores du Front national depuis plus de vingt ans sont aussi les signes d'un réel malaise. Depuis 1984 et le scrutin européen de cette année-là, l'extrême droite réalise quasiment à chaque consultation, des résultats à deux chiffres, sur des thèmes politiques ou des slogans incompatibles avec ceux qui fondent notre pacte républicain et démocratique. Cet enracinement dans le paysage politique français au-delà des péripéties et des oscillations électorales, interdit de parler d'accidents ou de simples votes protestataires occasionnels. La présence d'un candidat du Front national au deuxième tour de l'élection majeure de notre vie démocratique, l'élection présidentielle, est ce qu'il ne faut plus revoir.

    Si la désaffection électorale traduit une forme de dépolitisation, elle ne signifie pas cependant seulement un repli des citoyens sur leur vie privée, si l'on en juge par les grands mouvements de mobilisation citoyenne. Ces formes d'engagement montrent un militantisme toujours présent mais qui ne se reconnaît que rarement dans l'adhésion à un projet global tel qu'il peut être exprimé par les partis politiques. Elles constituent une nouvelle forme d'expression démocratique qui ne peut être considérée comme mineure.

    Sur le terrain de la démocratie sociale, la désyndicalisation révèle aussi, à sa manière, une certaine crise de la représentation. Avec moins de 9 % de syndiqués parmi les salariés, alors qu'ils étaient 25 % à la fin des années 70, notre pays détient un record européen. Cette grave faiblesse est tempérée par une participation, un peu plus satisfaisante, aux élections professionnelles. Première conséquence: la faiblesse du dialogue social dans notre pays, confortée par un patronat généralement réticent et dépourvu d'une culture de négociation contrairement à ses homologues dans de nombreux pays européens.

    Les éléments d'un affaiblissement de la démocratie sont donc largement réunis. Il faut y ajouter quatre autres problèmes majeurs :

    Nos institutions, celles de la Vème république, sont essoufflées. La présidentialisation atteint des proportions inacceptables. Le Président exerce tous les pouvoirs sans être contrôlé, ni risquer d'être sanctionné, en toute irresponsabilité. La dyarchie au sein de l'exécutif est de plus en plus factice. Le Parlement ne joue toujours pas le rôle qui devrait être le sien. Il n'a pas la maîtrise du temps, à la fois pour la définition de son ordre du jour et pour l'examen des textes. Le cumul des mandats rend la pratique parlementaire incomplète. La justice n'a pas de moyens suffisants, elle donne encore trop souvent le sentiment d'être à « deux vitesses », de manquer d'indépendance, et cela exaspère et décourage les Français. Les grands médias, de plus en plus soumis à la concentration financière sont trop uniformes. Le CSA ne remplit pas le rôle qui devrait être le sien. Le Conseil Constitutionnel, par le mode de désignation de ses membres, exerce de moins en moins son rôle de gardien des principes fondamentaux de notre Droit.

    L'esprit de la décentralisation voulue par la gauche apparaît de plus en plus altéré. Le désengagement de l'Etat prive les collectivités locales des moyens nécessaires à leurs nouvelles responsabilités et accroît les disparités territoriales. La multiplicité et l'enchevêtrement des niveaux de décision, Etat, région, département, pays, communautés de communes ou d'agglomérations, communes, entraînent illisibilité et paralysie. Ainsi, la construction d'habitat social, est un parcours de saut d'obstacles entre l'opérateur de logement social et les différentes instances de décisions, locales, départementales, régionales et nationales. Cette situation entraîne l'incompréhension des citoyens.

    L'Etat est aujourd'hui jugé moins efficace, moins sûr dans ses missions de sécurité, mais aussi dans sa capacité à incarner l'intérêt général, à rendre ou préserver la justice, à protéger.

    Il apparaît, non seulement tatillon, mais aussi ballotté par des évènements qui le dépassent, quand il n'est pas à l'origine de dysfonctionnements. Pour autant, et simultanément, il représente toujours un recours, un refuge, cristallisant les impatiences et les attentes. Nous assistons en fait à un double phénomène contradictoire à l'égard de l'Etat. D'un côté, une aspiration à moins de prélèvements moins de contrôles, moins de contraintes, sur laquelle joue la droite, et en même temps une sollicitation qui ne se dément pas pour son intervention dans les fonctions régaliennes de gestion et de sécurité comme dans le fonctionnement des services publics, dans les conflits sociaux, d'intérêts ou environnementaux. Bien plus, l'Etat est aujourd'hui requis pour intervenir dans les domaines les plus intimes (droit de la famille…) aux plus globaux ( bioéthique…).

    Enfin, dernière tendance lourde, une image brouillée de la laïcité directement liée à une aspiration de plus en plus contradictoire à l'égalité et au droit à la différence. Ce brouillage nécessite une redéfinition collective de ce que sont l'intérêt général, le sens civique, les droits et les devoirs de l'individu. C'est là, la clé, d'un réapprentissage du vivre ensemble, d'une capacité à faire vivre notre diversité dans la République.
      Les difficultés de vivre ensemble
    L'accroissement des inégalités sociales et le doute quant à l'efficacité des institutions pour les réduire portent un coup aux valeurs démocratiques et républicaines, qui structurent la société française. Les difficultés de l'école pour assurer la promotion sociale et l'intégration à la société sont une cause majeure de tensions sociales.

    La ségrégation spatiale qui tend à aboutir à la formation de « communautés » disposant des mêmes ressources, des mêmes aspirations personnelles pour se préserver de tout ce qui pourrait menacer leur sécurité et leur identité est la tendance la plus alarmante. Le regroupement avec ses « pareils » que ce soit dans les modes de vie, les lieux de résidences, les fréquentations scolaires des enfants, signe l'appartenance sociale, rassure. Il incite, ici ou là, à la valorisation des communautés cultuelles et ethniques.

    La République française affirme l'ambition d'intégrer les individus et les groupes sociaux à la vie du pays, par le travail, l'école, la culture…Elle ne concerne pas uniquement les jeunes Français issus de l'immigration mais toutes les catégories sociales.

    C'est certainement le débat ouvert sur la laïcité qui pose le mieux la question de l'identité française et de la citoyenneté. Le droit à la différence revendiqué dans les années 80 ne remettait pas directement en cause le cadre laïque qui se trouve aujourd'hui débordé par les demandes de reconnaissance, non pas uniquement des faits religieux (ce qui est déjà institutionnalisé) mais de pratiques cultuelles, notamment par le port de signes ostensibles, demandant à s'exprimer dans la sphère publique. Pourtant, nous savons que la laïcité est le cadre indispensable de notre vie en commun. Nous devrons travailler à en établir solidement les conditions de possibilité dans la vie politique comme dans la vie sociale.

    Notre culture démocratique et républicaine combat les discriminations sous toutes leurs formes: raciales, sexuelles, religieuses. Nous devons porter une extrême vigilance à la manifestation de toutes les discriminations et sanctionner durement le racisme, l'antisémitisme, l'islamophobie, le sexisme, l'homophobie.

    80 % des jeunes Français dont les parents sont nés hors de France, ne maîtrisent plus vraiment leur langue d'origine et font le plus souvent le lien entre la réussite scolaire et l'intégration à la société. Ils aspirent majoritairement à construire leur vie dans la société française. Mais ces jeunes, qu'il faut cesser de qualifier de Français issus de l'immigration alors que leurs familles sont installées en France depuis près de 50 ans, rencontrent des obstacles importants. La promotion sociale de certains d'entre eux ne tient aujourd'hui qu'à leurs qualités propres et non à une éradication des discriminations dont ils sont victimes. Elle ne peut servir d'alibi à une absence de politique d'égal accès de tous à l'insertion professionnelle et sociale.

    Les lois actuelles régissant le contrôle des flux migratoires ne sont pas suffisamment adaptées à la réalité de la situation. Elles continuent de fabriquer des « sans-papiers », et donnent lieu à des applications relevant de la bonne ou mauvaise volonté des préfectures. Elles ne prennent en compte ni la situation du marché du travail, ni la nécessité du co-développement et du respect des pays d'origine des migrants. La lutte contre l'immigration clandestine est évidemment une nécessité. Mais elle ne peut tenir lieu de politique.

    L'environnement international en raison des situations politiques chaotiques de nombreux pays qui combinent une explosion démographique, un sous-développement et des régimes attentatoires aux libertés, comme la situation du marché de l'emploi en France appellent la définition d'une nouvelle politique de l'immigration.
      L'aspiration à un environnement maîtrisé
    Depuis une vingtaine d'années les menaces qui pèsent sur la planète sont de plus en plus précises et pour beaucoup d'entre-elles scientifiquement mesurables. Le changement du climat, la diminution de la biodiversité, la dégradation de la couche d'ozone, l'augmentation de l'effet de serre, la quantité et la qualité des ressources vitales, l'eau, l'air, les sols, les pollutions de toutes sortes sont des sources de préoccupation majeure pour l'humanité.

    Les catastrophes écologiques, intervenues depuis la fin des années 70 (les marées noires, les catastrophes de Tchernobyl, Seveso, Bhopal,…) auraient dû constituer autant d'alarmes quant aux risques que fait courir un développement économique exclusivement soumis à la rentabilité financière, ou trop peu contrôlé - les deux pouvant aller de pair - peu soucieux des ressources naturelles disponibles, de la sécurité environnementale et de la santé des hommes.

    Les Français sont inquiets devant l'ampleur des dégradations environnementales car ils ne sont pas épargnés par les marées noires successives, les inondations récurrentes, les catastrophes industrielles, (AZF ,Metaleurop), les farines animales… Ils subissent également l'augmentation des pathologies respiratoires dans les villes, les nuisances du bruit, expriment des craintes concernant les aliments génétiquement modifiés. Ils attendent beaucoup des progrès scientifiques, mais ils sont également interrogatifs sur leurs effets secondaires. La politique environnementale menée de 1997 à 2002 s'était traduite par des initiatives en faveur du transport ferroviaire, une diversification des sources d'énergie et l'introduction d'une fiscalité écologique.

    Les déclarations d'intention aujourd'hui ne parviennent pas à masquer les reculs qui s'accumulent dans les actes. Les moyens réduits accordés aux transports collectifs, au ferroutage et la priorité donnée à un transport routier des marchandises contredisent les annonces en faveur de la lutte contre l'effet de serre. Le réseau Natura 2000 qui participe à la préservation de la biodiversité nationale n'avance pas, le plan d'action pour la réduction des déchets ne repose que sur l'incitation. Le projet de loi sur l'eau indispensable quand on connaît l'état de ces ressources dans une partie de nos régions, la diversification énergétique, l'Agenda 21 sont revus à la baisse. Le développement des énergies renouvelables est freiné, pire, la France produit aujourd'hui moins d'électricité, en part relative, à partir d'énergies renouvelables qu'elle ne le faisait en 1990. La recherche sur l'énergie est sacrifiée sur l'autel des réductions budgétaires alors qu'elle est indispensable à tout projet de développement durable.

    Dans le domaine de l'agriculture, l'actuel gouvernement a laissé les mains libres à la Commission pour lever le moratoire sur l'importation de nouveaux OGM. Les avis négatifs des citoyens, que l'on feint de consulter sur les nouveaux programmes d'essais transgéniques en plein champ, ne sont pas pris en considération. Parallèlement, les seuils d'autorisation pour les installations classées des élevages ont été revus à la hausse alors qu'aucune disposition n'est prise pour lutter contre les pollutions de l'eau et du sol d'origine agricole.

    Enfin la volonté des citoyens de participer aux choix qui les concernent ne trouve guère de place dans les procédures de décision des grands équipements ou des choix énergétiques majeurs.

    Pour relever les défis de la dégradation de l'environnement et en tout premier lieu, agir sur la principale menace des décennies à venir, le changement climatique, il est nécessaire de substituer à la vision libérale du développement durable, notre conception fondée sur la solidarité planétaire et intergénérationnelle, un ordre mondial juste et d'affirmer la nécessité de conjuguer économie-environnement.



    Tel est le constat que nous faisons aujourd'hui. C'est celui d'une société où les inégalités n'opposent plus seulement des groupes sociaux homogènes mais au contraire fragmentent à ce point le corps social qu'elles peuvent conduire chacun à ce se replier sur ses problèmes personnels, risquant ainsi de ce fait de délaisser l'ambition d'un projet commun. C'est ce projet que nous voulons réhabiliter. Celui qui forge l'avenir d'une nation et qui traduit les aspirations de celles et ceux qui la forment.


II. La droite aggrave la crise

Pour réaliser un diagnostic, il nous faut caractériser la politique menée depuis ces trois dernières années.

Il y a d'abord la revanche. La majeure partie des réformes sociales et sociétales engagées avec succès, à la fin de la dernière décennie, ont été battues en brèche, ou délibérément démolies. Il y a ensuite l'hypocrisie à l'égard des citoyens. Le discours apparemment compassionnel, prodigué au gré des circonstances, masque de plus en plus mal la dureté des actes et des décisions - et la brutalité des comportements réels.

Le libéralisme à tout crin des choix économiques et sociaux se conjugue avec un autoritarisme volontiers donneur de leçons. Le dialogue social, le souci de concertation se sont évanouis.

Il en va ainsi de l'apologie déclarée du travail, qui permet de pointer d'un doigt accusateur les chômeurs, les allocataires du RMI, et les salariés en général, au moment même où nous connaissons, du fait d'une politique économique injuste et inefficace, un reflux sensible du nombre annuel d'heures travaillées (-2,5 milliards en 30 mois), un taux record de chômage, et une stagnation de l'emploi depuis deux ans.

Enfin, il y a l'échec. Il est sans appel avec la remontée du chômage, la stagnation du pouvoir d'achat, la perte de compétitivité, le creusement des déficits, associés à une régression sociale dans tous les domaines.
1- L'avenir sacrifié
    Dans le domaine de la recherche, la droite a commis une faute capitale. Les crédits publics ont diminué de 500 millions d'euros sur les deux premiers exercices budgétaires de l'actuelle législature. Cette carence a conduit à une fragilisation des organismes publics de recherche, au gel des emplois scientifiques, à la perte de confiance des jeunes chercheurs et des doctorants.

    Le mouvement des chercheurs est venu, avec force et résolution, dénoncer un comportement politique rétrograde et malthusien. Soutenu par une opinion publique consciente des enjeux et des défis de l'avenir, ce mouvement a contraint le gouvernement à promettre une nouvelle loi d'orientation sur la recherche, dont le contenu et le flou ne dissipent pas l'inquiétude.

    En effet, le nécessaire rapprochement entre organismes de recherche et enseignement supérieur n'est pas abordé. La programmation d'emplois scientifiques demeure insuffisante, en particulier au regard de l'accélération des départs en retraite dans les prochaines années.

    Quant aux moyens financiers, ils sont sans commune mesure avec les objectifs d'une puissance moderne et industrialisée, qui entend parier sur l'intelligence et la connaissance, pour réussir son entrée dans le XXIème siècle.

    Sur le terrain de l'éducation, c'est la même démission. Alors que l'enseignement supérieur rencontre une vraie paupérisation et une incapacité à se démocratiser davantage, l'éducation nationale a cessé d'être la priorité, qu'elle était devenue, sous la précédente législature. Les suppressions de postes et de classes se multiplient. Les emplois jeunes, en milieu scolaire, ont été les premières victimes de la disparition programmée du dispositif, au risque d'aviver l'insécurité, dans les établissements et à leurs proches abords.

    Quant à la loi Fillon, elle affronte la mobilisation lycéenne, le mécontentement des enseignants, et la critique des parents et des élèves. Le plus grave, est que ce projet , qui s'appuie sur une conception étriquée de l'éducation et ne combat pas l'échec scolaire, au coeur même de la reproduction des inégalités sociales, instaure très tôt une sélection entre les élèves. Et pourtant, l'émancipation de chacun, le progrès social comme le développement économique exigent un effort majeur, dans l'éducation en liaison avec les politiques de la famille, du logement et de la ville.
2 - Un échec économique
    La droite a, durant des décennies, insisté sur son sens de la gestion, se targuant d'une supériorité au-dessus de tous soupçons, dans ce domaine.

    Les performances respectives d'Edouard Balladur et d'Alain Juppé, sur ce plan, au cours de la période 1993-1997, avaient déjà largement démenti cette prétention.

    Les résultats des 33 mois de gouvernement Chirac-Raffarin-Sarkozy vont au-delà, malheureusement, de la simple confirmation des doutes sur les capacités de la droite à bien gérer le pays. Le « bon père de famille » se montre prodigue avec bien peu et inflexible avec beaucoup...

    En 2004, le déficit budgétaire de l'Etat atteint, en dépit de privatisations « bouche trou » sans logique industrielle, près de 50 milliards d'euros.

    Les déficits des comptes sociaux - sécurité sociale-assurance chômage et régimes spéciaux agricoles - avoisineront les 20 milliards d'euros en 2004, signant par là-même l'échec d'une politique d'emploi, qui n'est plus une priorité.

    L'équilibre du commerce extérieur a été remis en cause dans le courant de l'année 2004. Depuis lors, notre économie accumule régulièrement, mois après mois, les déficits commerciaux. 7,76 milliards d'euros de déficit en 2004, soit plus de 50 milliards de francs. Il s'agit là de la plus grave contre-performance, depuis 1991. En outre, l'argument du gonflement de la facture énergétique, convoqué précipitamment pour justifier le dérapage, ne résiste pas à l'analyse. La hausse de l'euro a amorti sensiblement le choc.

    Plus grave encore, pour l'avenir et les générations futures, la dette publique s'envole. Elle est passée à plus de 65 % en 2004, soit environ 7 points de plus qu'en 2002 - 1 point représentant près de 16 milliards d'euros -. Soit une dette moyenne de 17 000 euros par Français ! Inutile de dire que la norme de l'Union européenne, fixée à 60 % du PIB est, cette fois-ci, pulvérisée. La droite, qui avait hérité, d'un déficit budgétaire inférieur à 2 % du PIB, d'un commerce extérieur largement excédentaire, de comptes sociaux légèrement au-dessus de l'équilibre, a fait passer tous les indicateurs au rouge, en moins de trois ans.
3 - Une impasse sociale
    La plus grande réussite de la gauche au pouvoir entre 1997 à 2002 concerne les créations d'emplois - plus de 2 millions en 5 ans - et la diminution du chômage - moins 916 000 demandeurs d'emplois - pour un taux de chômage au regard de la population active, passant de 12,6 % à 9 %. En contrepoint, c'est sur ce terrain que le gouvernement Raffarin connaît son revers le plus douloureux: 200 000 chômeurs de plus, en 33 mois, et une stagnation de l'emploi, malgré la reprise de la croissance en 2004, avec comme corollaire une sensible augmentation du chômage des jeunes.

    Au-delà de l'emploi, c'est l'ensemble de notre système de protection et de relations du travail qui est mis en cause. La méthode Raffarin/Chirac pratique on le sait, l'impasse sur la négociation sociale et a fortiori sur la démocratie sociale. Les organisations syndicales ne sont pas écoutées, elles sont à peine consultées dans le meilleur cas. Le paritarisme est marginalisé.

    La référence à une démarche majoritaire dans les accords professionnels en dépit de déclarations sans lendemain a été détournée de son sens. Pire la hiérarchie des normes en matière du droit du travail a été battue en brèche avec la primauté des accords d'entreprises et l'individualisation des rapports du travail. C'est bien là, l'objectif: casser les protections légales et négociées. Remettre le salarié seul face au chef d'entreprise : c'est un recul d'un demi-siècle.

    En fait, la droite a pris, par sectarisme mais aussi par souci de ses clientèles et de leurs intérêts bien compris, le contre-pied des orientations du gouvernement de la gauche. Suppression progressive et programmée de 250 000 emplois jeunes, remise en cause des politiques d'insertion, et en particulier du programme TRACE, chute de l'emploi public, coup d'arrêt à la politique de réduction du temps hebdomadaire du travail.

    Alors que le gouvernement Chirac/Raffarin ne cesse d'invoquer une «valorisation du travail», il multiplie, les actes concrets et quotidiens, qui réduisent le nombre d'heures travaillées et la rémunération de l'activité.

    Les initiatives prises, ces derniers mois, confirment et amplifient d'ailleurs ce paradoxe. Les facilités données aux employeurs pour licencier, à travers la loi dite de « cohésion sociale » - par antiphrase sans doute -, la remise en cause des 35 heures, à la faveur d'une initiative parlementaire, convergent dans la même direction: affaiblir individuellement et collectivement les salariés, ceux qui ne vivent que de leur travail, tout en tournant le dos à une politique dynamique de l'emploi.

    A la source de tous les blocages de la société française, il y a la peur du chômage et la fragilisation du salariat face à l'avenir et à la possibilité d'envisager des projets à terme.

    Les plans sociaux se multiplient - 1300 en 2003, 1000 en 2004 -, la précarité augmente à travers les CDD, l'intérim et les temps partiels subis, les pathologies liées à la dégradation des conditions de travail se développent notamment le stress, le chômage atteint 10 % de la population active, soit en données brutes plus de 2 800 000 personnes.

    Les choix gouvernementaux en portent une large responsabilité: les exonérations de cotisations sociales sans aucune contrepartie du côté des entreprises coûtent cher (15 milliards d'euros) mais sont sans impact direct et durable, sauf de brefs effets d'aubaine.

    Les pronostics affirmés péremptoirement d'une baisse imminente du chômage sont systématiquement démentis, et ce en dépit d'une évolution démographique qui aurait dû depuis plusieurs semestres déjà, favoriser une diminution statistique du nombre de demandeurs d'emploi. Elle conjugue ainsi piètres résultats, promesses mensongères, et culpabilisation des victimes de sa politique.

    Plus consternant encore, les deux innovations Fillon - Revenu Minimum d'Activité (RMA) et le Contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) - se sont soldés par un échec sans appel avec respectivement, 1000 et 300 contrats signés depuis leur origine. Quant aux contrats d'avenir de Borloo, ils restent virtuels, faute de financement.

    La fin programmée des 35 heures aboutie à un recours plus facile aux heures supplémentaires au risque de réduire les opportunités d'embauche. Elle constitue un recul de société. La réduction du temps de travail, en effet, est la réponse positive aux progrès mécaniques et technologiques, aux avancées de la production, aux bonds de la productivité.

    La mise en concurrence généralisée, et en particulier celle des territoires, des salariés, des individus, placés ainsi en situation de se juger eux-mêmes, seuls responsables de leurs insuccès ou de leur marginalisation, constitue l'un des fondements du néo-libéralisme, en cours depuis trente ans.

    Incontestablement la pauvreté progresse. Près de 4 millions d'hommes et de femmes vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté dont un nombre croissant d'actifs. Plus indécent encore, près de 30 % de SDF, en région parisienne travaillent régulièrement, même dans l'intermittence. Le travail ne constitue plus un passeport contre l'exclusion et la grande pauvreté, au moment où il est pourtant présenté, en toute impudence, comme le sésame de la réussite individuelle.

    Les SDF recensés sont près de 100 000; les mal logés, environ 2 millions, alors que la flambée du prix des loyers fait des ravages. Le nombre d'allocataires du RMI a progressé de plus de 12 % sur les 12 derniers mois, pour atteindre près de 1,2 million de personnes. On dénombre, enfin, près d'un million d'enfants pauvres.

    Dans ce contexte, les menaces qui pèsent sur la Sécurité Sociale accentuent encore une inquiétude par rapport à l'avenir.

    La réforme des retraites, imposée au printemps 2003, avec une négociation tronquée, ne règle pas le problème financier à moyen terme. En revanche elle organise, par la baisse programmée des pensions, l'allongement des conditions d'accès, le recours progressif et subreptice aux fonds de pensions. Au bout du processus, il y a la remise en cause de la solidarité intergénérationnelle, et pour beaucoup de salariés, dépourvus de patrimoine, victimes du chômage ou de ruptures de trajectoire professionnelle, c'est le retour de la peur des « vieux jours ».

    La réforme, ou plutôt la « contre réforme », de l'assurance-maladie, imposée toujours sans véritable négociation, va dans le même sens. Au-delà de la complexité d'un mécanisme peu lisible, alliant bureaucratie et culpabilisation, injuste et inefficace, ce dispositif engage le déremboursement des assurés sociaux et met en place une médecine à plusieurs vitesses, comme cela a été aussi le cas par la suppression de la péréquation des moyens hospitaliers entre les régions.

    Cette tendance aggrave les inégalités entre praticiens, entre territoires et entre assurés sociaux, tout en pratiquant l'impasse sur une des priorités susceptible de faire progresser notre système de santé : la prévention.
4 - Des services publics menacés
    Depuis 2002, le plus grand plan social jamais réalisé, l'a été à l'initiative de l'Etat : suppression de 130 000 emplois jeunes, de plusieurs dizaines de milliers d'emplois aidés et d'économie solidaire, de milliers de postes dans les entreprises publiques ou à mission de service public, de milliers de postes de fonctionnaires d'Etat. Quel gâchis !

    Cette politique d'affaiblissement des services publics, s'accompagne d'une fausse décentralisation qui s'apparente plutôt à un vrai désaménagement du territoire.

    En combinant paupérisation des services publics, désengagement de l'Etat, et transfert des charges sur les collectivités territoriales, sans moyens correspondants, la droite tend à produire trois effets destructeurs: fragilisation des personnels concernés, inégalités territoriales aggravées, transfert sur les élus locaux de la responsabilité fiscale et des hausses inévitables pour préserver l'essentiel.
5 - Un recul aussi en matière de justice et de sécurité
    La loi dite Perben I consacre la mise en place d'une justice expéditive, en étendant les cas de recours au juge unique ou la comparution immédiate et en renfonçant le rôle du procureur dans les décisions de détention provisoire.

    La loi dite Perben II « portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité » marque, quant à elle un recul grave, en soumettant la justice aux influences politiques, et en banalisant les procédures d'exception, désormais applicables à tous. Cette loi affirme de manière inquiétante la subordination hiérarchique des magistrats du Parquet au Garde des Sceaux dans la gestion des procédures pénales.

    Les « innovations » sont elles aussi contestables. Le plaider coupable peut menacer, le droit à un procès public équitable, la séparation des autorités d'instruction et de jugement, mais aussi l'égalité entre les justiciables et la défense des droits des victimes. La justice de proximité dans l'application qui en est faite, faute de moyens et de garanties, pose plus de problèmes qu'elle n'en résout.

    En matière de sécurité, des discours véhéments ont été tenus à la faveur de lois d'affichage au contenu contestable. Pour autant, la police de proximité recule et le sentiment d'insécurité perdure. De 2003 à 2004, les crimes et délits contre les personnes continuent leur progression (+4,36 %). Les coups et blessures (+2,12 %), les violences sexuelles (+2,2 %), les séquestrations (+6,28 %), les violences et maltraitances à enfant, augmentent régulièrement, y compris en 2004. Les incidents en milieu scolaire progressent d'environ 10 % l'an, depuis deux ans, tandis que près d'un Français sur cinq aurait été victime de violence, sur les 12 derniers mois, selon une enquête conduite par le Haut Comité pour la Santé publique.

    Mais ces mauvais chiffres ne suffisent pas à décrire l'insécurité, les agressions et les violences subie par les habitants de nombreux quartiers. En fait, la tendance continue à la montée de la violence (+82 % d'augmentation des violences physiques non crapuleuses entre 1996 et 2004 selon l'Observatoire national de la délinquance) n'a été ni stoppée, ni inversée. Elle est révélatrice du durcissement de la criminalité mais aussi de son enracinement. L'économie souterraine n'a pas reculé et continue de véhiculer un modèle de comportements violents fait de loi du plus fort, d'argent facile, d'affrontements entre bandes rivales et de machisme. La banalisation des affrontements parfois mortels, entre ces bandes, et le nombre de voitures brûlées, complètent un tableau, éloigné des considérations officielles. Parallèlement, le recours systématique à la solution carcérale, en cas de délit constaté, crée une situation explosive dans les prisons surpeuplées, et déclenche, de surcroît, une machine à fabriquer de la récidive.

    Ainsi, l'inflation carcérale est insoutenable aussi bien pour le personnel de l'administration pénitentiaire que pour les détenus. Début juillet, on comptait 64 500 détenus pour environ 49 000 places contre 47 992 détenus au 1er février 2001 (soit presque 16 000 de plus en trois ans).

    Cette situation inacceptable, indigne d'une démocratie, résulte de l'abandon par le gouvernement actuel de la loi pénitentiaire préparée par le gouvernement précédent après une longue concertation avec les acteurs du système pénitentiaire. Elle résulte aussi d'une fuite en avant vers le « tout carcéral », alors qu'il faudrait aussi développer les mesures alternatives à la prison.

    En outre, les besoins éducatifs, de soutien à la fonction parentale, d'éducation, d'apprentissage des règles collectives et du civisme, de prévention pour agir en amont des comportements violents ont été ignorés. Pire, le gouvernement a supprimé les moyens des acteurs de terrain. L'aggravation de la violence et son omniprésence dans les rapports sociaux est également un des indicateurs de la crise sociale qui ne s'est pas résorbée, loin de là. A la souffrance des victimes s'ajoutent les effets dévastateurs d'une insécurité qui amplifient les phénomènes de ségrégation urbaine et scolaire et aggravent les inégalités sociales.

    Près de trois ans après, l'insécurité réelle, dans toutes ses dimensions, reste très présente dans la société française. Elle alimente un réflexe de repli et de peur que certains se plaisent à renforcer, nourrit des doutes et des appréhensions, favorise des tentations extrémistes et populistes.


III. Défis et atouts


Nos constats reflètent le regard que notre société porte sur elle-même, avec ses inquiétudes et ses difficultés. Leur explication renvoie à l'analyse des forces, des dynamiques qui la travaillent. Articuler une alternative politique à la hauteur des enjeux suppose de maîtriser ces forces, c'est-à-dire de les comprendre, pour pouvoir les infléchir, les renforcer ou les combattre au service de notre projet.

Nous devons donc faire l'état des forces en présence : les défis auxquels nous sommes confrontés et les atouts dont nous disposons pour les relever.
1- Dans quelle société vivons-nous ?
    A l'échelle de notre société, le principal défi est lié à la dynamique de fragmentation, qui à la fois, oppose les différentes catégories sociales et les traverse.
      Une société fragmentée
    Le fait dominant tient aux conséquences de l'éclatement des structures de la société industrielle. Les appartenances collectives sont en crise. Les communautés professionnelles, géographiques, culturelles tendent à les remplacer. Les causes sont variées et interdépendantes, les unes tiennent à l'évolution du système de production capitaliste dans l'organisation du travail et dans l'emploi. Les autres sont de nature culturelle et proviennent, à la fois, des opportunités et des frustrations de la société de consommation et de la progression de valeurs individualistes.

    L'individualisme contemporain ne peut donc pas avoir une lecture simple. Il est le produit souvent de situations contraintes, il peut être plus subi que voulu. Les socialistes ont toujours mené un combat pour l'émancipation des individus. Et celle-ci trouve un écho dans toutes les catégories de la société - elle n'est pas l'apanage des seules catégories urbaines aisées. Il est clair que notre société « libérée » élargit des possibilités de choix. Mais, d'une part, tous les Français sont loin d'être égaux devant la capacité à choisir sa vie, à être émancipé.

    Et, là il y a bien encore des combats à mener. D'autre part, l'émancipation personnelle ne doit pas être synonyme d'isolement - source bien souvent alors de concurrence interindividuelle généralisée où « l'adversaire » est de façon paradoxale, le plus proche socialement.

    L'individualisme contemporain peut se traduire ainsi, bien souvent par une dégradation du rapport à l'autre, dont la montée de la violence est l'illustration extrême. C'est en ce sens que nous le combattons. Réussir sa vie ne devrait pas être incompatible avec le sentiment d'une responsabilité sociale.

    Ces réalités sont importantes et demandent à être débattues. En effet, une des tâches majeures du politique dans notre société est de concilier les droits individuels et les droits collectifs, de contribuer à établir ainsi une « morale » publique. Le politique est ainsi sollicité sur des terrains qui paraissent traditionnels, l'évolution du droit de la famille, la définition de la parentalité, la reconnaissance des couples homosexuels,etc. mais aussi sur des terrains nouveaux, de grande portée pour l'avenir, le débat sur la bioéthique, tout particulièrement les recherches sur l'embryon humain, le clonage thérapeutique, la brevetabilité du vivant, le choix de fin de vie, etc.

    Nous sommes dans une société fragmentée. C'est un fait. Cela demande de faire évoluer notre grille d'analyse qui date des années 1970, 1980. Mais, si nous ne pouvons plus parler de classes au sens propre, il y a bien des principes collectifs d'organisation et de domination à l'œuvre. Ils recoupent évidemment les inégalités sociales. La tendance la plus préoccupante est ségrégative, elle isole de plus en plus les catégories sociales entre elles tentées de se replier sur elles-mêmes. Les catégories les plus riches font « sécession ». Les catégories moyennes craignent le déclassement, les catégories populaires l'exclusion ou la relégation.

    Nous ne sommes donc pas dans une « société des individus ». Les logiques sociales à l'œuvre sont fortes et créent des clivages importants qui rendent difficiles la réalisation de la mixité sociale et culturelle. L'école et l'habitat sont les deux domaines où cette tendance ségrégative se traduit particulièrement. Le maintien d'un chômage de masse depuis trente ans maintenant, les difficultés de la protection sociale, avec ce que cela représente d'inquiétude pour l'avenir, l'anxiété scolaire pour les parents comme pour les adolescents, etc. tout cela donne le sentiment que les mécaniques collectives ne garantissent plus la sécurité et la promotion. Cela rend compte aussi d'une violence latente, et parfois exprimée, qui existe dans notre société.
      Une société du travail émiettée
    Au coeur des problèmes de notre société sont les évolutions du travail et de l'emploi. Nous devons en prendre la mesure. Avoir un travail, c'est d'abord pouvoir gagner sa vie, mais c'est aussi la reconnaissance de son utilité sociale.

    Le travail est pour la très grande majorité des individus, la condition déterminante des conditions d'existence, mais l'importance du travail à temps partiel, des contrats précaires, l'inégale progression des salaires et la diminution de leur part dans les revenus des ménages, constituent une forte remise en question de la « valeur travail ».

    Si avoir un emploi est une condition nécessaire pour éviter l'exclusion, ce n'est plus pour beaucoup la condition suffisante pour éviter la pauvreté, la précarité, et garantir leur avenir et celui de leurs enfants. L'insécurité qui en résulte s'accompagne d'un sentiment d'injustice quand on compare les rémunérations des hauts dirigeants et des actionnaires avec la faible progression des rémunérations dans les catégories socio-professionnelles populaires et intermédiaires.

    L'exclusion permanente ou intermittente du travail a conduit une importante partie de la population à l'exclusion sociale. La concentration de la pauvreté dans les mêmes familles, depuis deux générations, conforte l'exclusion sociale et culturelle et rend souvent illusoire, du point de vue de la population concernée, un espoir de réinsertion, le RMI n'étant plus une situation transitoire.

    Le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) est encore la norme pour la majorité des salariés mais les embauches s'effectuent aujourd'hui, le plus souvent, sous forme de contrat à durée déterminée (CDD). La montée des CDD, temps partiels, et les différentes formes d'emplois aidés pour lutter contre le chômage instaure une « mobilité-précarité » qui n'a rien de commun avec la mobilité qualifiante recherchée par les salariés les plus qualifiés.

    A qualification égale, le statut de l'entreprise modifie celui des salariés. Pour un profil de départ parfois identique, il y a une différence notable entre le salarié bénéficiant d'une certaine stabilité, et le salarié intérimaire. Les salariés d'exécution du secteur public ne vivent pas le monde du travail comme ceux du secteur privé. Les salariés des grandes entreprises sont généralement mieux défendus que ceux travaillant dans les PME/PMI. Des disparités existent également selon que l'on est salarié dans tel ou tel secteur des services, de l'industrie ou de l'artisanat.

    Les « salariés stables » bénéficient à des degrés divers d'une certaine garantie de déroulement de carrière, de l'accès aux services de l'entreprise (Comités d'entreprises notamment), éventuellement d'une possibilité d'intéressement aux bénéfices, à la formation continue…Les autres, partagent leur temps entre le travail intérimaire et des stages de formation qui ne sont pas toujours adaptés aux emplois successifs qui constituent leur carrière professionnelle. Cette précarité n'épargne aucune catégorie professionnelle même si celles-ci ne sont pas touchées au même degré. Cette instabilité accroît, pour les plus modestes, le risque de basculer dans la catégorie des « travailleurs pauvres », pour les autres , celui du déclassement.

    L'instabilité qui affecte à la fois les travailleurs âgés (50 ans et + parfois même à partir de 45 ans) et les jeunes sans formation gagne aussi du terrain, depuis les années 90, dans les autres catégories salariées. Les cadres eux-mêmes ne sont pas épargnés par les restructurations, les délocalisations. Ils sont devenus toujours plus dépendants de la concurrence et de la rente exigée par les actionnaires de grandes entreprises. Cette vulnérabilité n'est pas toujours ressentie comme un état partagé par l'ensemble de la catégorie dans la mesure où la performance individuelle ou des caractéristiques personnelles comme l'âge peuvent l'atténuer ou au contraire l'exacerber.

    Des conflits apparaissent à l'intérieur des catégories socioprofessionnelles, notamment intermédiaires. Le métier et la qualification professionnelle sont de moins en moins la référence des rémunérations, ni celle de la définition des tâches, a fortiori de l'évolution des carrières.

    Les inégalités d'accès à la formation continue pénalisent les trajectoires professionnelles. Les entreprises prennent en charge la formation d'un personnel apte à se former aux changements technologiques nécessaires à leur productivité. Parallèlement, elles externalisent les tâches les moins qualifiées augmentant ainsi la précarisation et le chômage des employés les plus modestes, écartés alors de formation et de moins en moins en capacité de faire valoir leurs acquis professionnels.

    La polyvalence, qualité pour laquelle le niveau culturel joue un rôle important, change la nature des métiers et permet d'échapper aux définitions de tâches relevant des métiers tels qu'ils sont définis dans les accords et conventions collectives. Les primes individuelles tendent à supplanter les avantages salariaux affaiblissant ainsi les revendications collectives Avec les nouveaux modes de travail, les nouvelles technologies, « la réactivité », les « façons de faire » rapides, « le juste à temps », « les flux tendus » qui imposent une cadence au travail, une compétition se développe à nouveau entre les travailleurs. La valorisation de l'autonomie au travail peut être alors un leurre. Celle-ci d'ailleurs relève plus de la capacité personnelle à gérer les contraintes qu'à exprimer réellement sa responsabilité et à construire son rythme. Elle masque souvent la pression du stress.

    Cet éclatement et cette dérégulation aggravent les conditions de travail. Celles-ci s'étaient améliorées, depuis le milieu des années 70, grâce au progrès technologique, au renforcement de la législation et à l'action des syndicats mais depuis 10 ans on constate une augmentation des accidents du travail et des pathologies liés aux contraintes organisationnelles, aux pénibilités physiques et à l'exposition aux produits chimiques. Les accidents du travail s'accroissent et les maladies professionnelles sont en forte augmentation. Les maux musculo-squelettiques représentent aujourd'hui près de la moitié des maladies professionnelles et les troubles psychiques et psychologiques (souffrance au travail) sont en augmentation. Une grande opacité règne sur la réalité des accidents au travail, la reconnaissance des maladies professionnelles et sur leur coût pour les individus et la collectivité.
      Une société médiatisée
    Si la montée en puissance des media ne date pas d'hier, elle a indéniablement connu dans les dix dernières années une forte accélération. Quelles sont les manifestations de cette accélération ? Que signifie-t-elle pour les choix individuels et collectifs ?

    Nous n'avons jamais eu à notre disposition autant d'outils de communication. Les media dominants sont désormais la télévision, Internet et la téléphonie mobile. Nous vivons dans la société des écrans. En 2004, les Français regardent la télévision pendant une durée supérieure à trois heures trente par jour. Ceux d'entre eux qui ont accès à Internet y consacrent, chaque année, hors de leur travail, de plus en plus de temps. Télévision numérique, email, messages instantanés, forums : jamais les citoyens n'ont reçu autant de communications. Mieux encore, ils quittent leur rôle passif de récepteur, tirent profit des nouvelles technologies et deviennent eux aussi des sources individuelles d'information. Il existe à présent sur Internet, et plusieurs dizaines de millions de blogs, ou carnets d'informations, tenus par des individus. Il est temps de mesurer la force et les conséquences des écrans sur la société contemporaine.

    Mais, la médiatisation de nos sociétés n'est pas dénuée ni de risques, ni d'inégalités. L'inégalité, c'est d'abord celle des contenus. Si les citoyens regardent de plus en plus la télévision, ils ne l'utilisent pas pour satisfaire les mêmes besoins. L'information coexiste avec le divertissement. L'un comme l'autre sont parfaitement légitimes.

    Reste qu'il faut constater que, dans un monde où les médias sont essentiellement financés par la publicité, la tentation est grande de proposer au public des contenus aptes à attirer les annonceurs, d'amalgamer l'utile et le futile. Autre source d'inégalité, les disparités d'équipement entre les citoyens. La fracture numérique est une réalité, non seulement à l'échelle du monde, mais aussi à l'échelle de notre pays. Ne sous-estimons pas les conséquences graves de cette fracture sur l'égalité des chances, notamment en matière d'éducation et d'emploi.

    Des risques aussi, puisque la société des écrans est potentiellement le lieu d'une iconographie brutale. La multiplication des supports a permis aux images violentes de tapisser l'espace public. Le fait qu'un enfant, lorsqu'il passe sa dixième année, a en moyenne vu à la télévision plus de sept mille meurtres, n'est sans doute pas sans conséquence. Risque aussi, de la déception. Car parallèlement au côté noir, celui de la violence, les écrans sont aussi le lieu des contes de fées. Devenir célèbre, devenir riche grâce aux écrans. Devenir heureux, aussi, comme donnent le sentiment de l'être tant de gens dans cet univers où la prééminence est donnée à la réussite, à la jeunesse, à la beauté, à la richesse. Cette vie à travers les media est rarement réaliste, dans un sens comme dans l'autre. Tantôt noire, violente; tantôt rose, utopiquement virtuelle. Sans éducation à l'image, des conséquences, là aussi. Il y a là une forme de colonisation des esprits qui représente un danger. L'imaginaire ne peut sans conséquence être envahi par des schémas virtuels qui trouvent leur source dans les logiques commerciales.

    Le risque de l'uniformisation, et de la standardisation qui n'interdit ni le cloisonnement, ni le repli individuel, est réel. L'impact des images et des sons c'est-à-dire de l'émotion sans recul l'emporte largement sur le raisonnement, la distance, le souci de l'analyse, l'esprit critique.

    L'information de réaction ou de sur-réaction prend largement le pas sur celle de l'analyse et du libre débat.

    Ainsi, les formations politiques, les syndicats sont bousculés et parfois instrumentalisés; ce ne sont plus les faits qui génèrent l'information mais le commentaire réitéré qui crée le fait, au risque de déterminer une opinion univoque. Le citoyen devient progressivement l'usager puis le consommateur, un paramètre d'une part de marché.

    En effet, la médiatisation apparaît inséparable d'une forme de marchandisation, réduisant le service public à une « peau de chagrin ». Cette tendance est aggravée par des concentrations en particulier au niveau de la presse audiovisuelle mais également écrite. Ce phénomène se cumule avec simultanément des positions économiques et financières dominantes dans d'autres secteurs d'activités (BTP, Banque, Industries de pointe, Armement...).

    Or, nous savons aujourd'hui qu'une vraie démocratie suppose non seulement des institutions équilibrées et démocratiques mais aussi des conditions médiatiques à la fois pluralistes et transparentes. Tel n'est pas le cas aujourd'hui.
      Une société qui connaît une crise des valeurs collectives
    Il n'est pas vrai de dire que les Français « ne croient plus en rien ». Les mouvements de solidarité et les mobilisations sont là pour le montrer. Mais ils doutent beaucoup –tout particulièrement de l'action politique. Cette perte de confiance dans l'efficience des structures collectives favorise évidemment le populisme mais elle peut aussi donner un écho aux idées libérales qui entendent «privatiser» la société, en faisant reposer les réussites et les échecs seulement sur les capacités individuelles.

    Cet affaiblissement des valeurs collectives nourrit aussi des clivages qui traversent les catégories et les groupes sociaux. La crainte du déclassement social, les rapports inégalitaires entre - et à l'intérieur - des couches sociales sont des sources de conflits.

    La permanence du chômage de masse, le déclin relatif de l'industrie dans la part des actifs occupés, les délocalisations ont installé l'idée que les ouvriers n'ont plus d'avenir en tant que groupe social. La tertiarisation des emplois, l'utilisation des moyens techniques pour mener à bien les tâches manuelles, la substitution progressive des qualifications d'opérateur et de technicien à celles d'ouvrier, ont contribué à donné un corps idéologique à ce présupposé.

    En fait, les ouvriers représentent encore près de 30 % des salariés. Et une part des activités de services se rapproche de plus en plus de la condition ouvrière (transports, centres d'appel, livraison…). Si les ouvriers disposent généralement de rémunérations équivalentes à celles des employés et bien qu'ils vivent souvent sous le même toit (40 % des enfants sont aujourd'hui élevés dans une famille où l'un des deux parents est ouvrier), ceux-ci ne constituent pas une couche sociale populaire homogène. Ainsi, selon une étude de 2004, plus de 40 % des employés, contre 29 % des ouvriers, ont le sentiment d'appartenir aux classes moyennes.

    Le fait qu'une partie importante de ces catégories possède des revenus à peine plus élevés de ceux de la population qui vivent des prestations (autour de 1 000 par mois, soit entre la moitié et les trois quarts du revenu médian) leur fait craindre le basculement dans l'exclusion. Des tensions fortes existent également à l'intérieur des classes moyennes. 90 % perçoivent des revenus provenant essentiellement du travail (salaires, pensions de retraites, autres prestations sociales), ce qui les distingue des catégories supérieures dont la part des salaires décroît, au fur et à mesure que des revenus liés au capital, au patrimoine, ou à des bénéfices non commerciaux augmentent.

    De profondes disparités de salaires demeurent: en 2004, le salaire mensuel moyen avant imposition, dans le secteur privé était de 1 328 € , pour les ouvriers et employés, de 1 900 € , pour les professions intermédiaires, et de 3 746 € pour les cadres. D'autres études donnent des classes moyennes dans une fourchette de revenus de 1 435 € à 2 980 € , ou dans une variante un peu plus large jusqu'à 3 900 € de salaire mensuel. Ces distorsions sont aggravées par les avantages annexes, liés aux salaires, en fonction de l'importance ou du statut de l'entreprise (Comité d'entreprise, intéressement…), et ceux inhérents à la nature des tâches (exécution ou d'encadrement). Moins visibles, ils constituent néanmoins des indicateurs réels de l'hétérogénéité de cette catégorie.

    Les classes moyennes sont également déstabilisées dans le monde du travail. Le personnel d'encadrement intermédiaire est fragilisé par l'effondrement de l'organisation pyramidale des grandes entreprises et l'individualisation du travail.

    La mixité sociale n'est aujourd'hui revendiquée essentiellement que par les plus défavorisés qui y voient une façon d'améliorer leurs conditions. Si elle est une valeur théoriquement positive pour une majorité de Français, ceux-ci ne sont pas disposés à lui sacrifier leur avenir et celui de leurs enfants. Il n'est pas rare que des élus soient confrontés à des oppositions quand il s'agit de construire des logements sociaux ou des structures d'accueil pour des populations en difficulté. La politique d'intégration républicaine marque ainsi le pas. Il n'est donc pas surprenant que les Français aient des perceptions différentes de l'avenir du pays. Les uns voient dans l'ouverture sur le monde et l'intégration européenne une opportunité; une autre partie s'en inquiète, voyant là une source d'insécurité supplémentaire, une altération de leur mode de vie et l'irruption de modèles culturels différents.
2 - Dans quel monde sommes-nous ?
    Les forces à l'œuvre dans notre société trouvent bien souvent leur origine dans les évolutions qui agitent le monde dans lequel elle s'insèrent.
      Un capitalisme mondialisé
    Depuis la fin des années 1980, nous sommes entrés dans une phase nouvelle de la mondialisation. Nous en avons déjà connu trois, celle du capitalisme marchand jusqu'au XIXème siècle, le temps des révolutions industrielles et de la colonisation jusqu'en 1914, une période chaotique, faite de tâtonnements, marquée par la division du monde entre système capitaliste et système communiste jusqu'en 1991. Aujourd'hui, nous voyons celle de la constitution d'une « économie-monde », appuyée par une nouvelle révolution de la production et une libéralisation complète des mouvements financiers, faisant converger l'information, les télécommunications et l'audiovisuel, qui assure la domination de l'économie de marché, avec une mobilité croissante des marchandises, des capitaux, de l'information. Elle s'accompagne d'une nouvelle organisation du travail et de nouveaux rapports sociaux. Le capitalisme s'est restructuré depuis les années 1960 mettant fin au type d'organisation « fordiste », qui a caractérisé la phase précédente, avec les grandes organisations pyramidales dans lesquelles toute la société était représentée, articulant la production et la consommation sous l'égide de l'Etat. Les rapports de force économiques évoluent à grande vitesse avec la croissance soutenue de la Chine, de l'Inde et du Brésil. La compétition dans le monde devient plus intense et elle concerne désormais l'ensemble des systèmes économiques et sociaux. Le capitalisme financier, aujourd'hui dominant, impose ses règles, sa volatilité, ses exigences de rendement supérieures aux possibilités de croissance réelle de l'économie. Il organise la mise en concurrence à l'échelle internationale des systèmes sociaux, fiscaux et environnementaux des Etats, exerçant une forte pression sur leur capacité de réglementation. Il pousse à la marchandisation de toutes les activités humaines.

    Mais cette mondialisation n'est en rien homogène. D'un côté, elle produit des inégalités à mesure qu'elle crée des richesses puisqu'elle repose sur une organisation hiérarchisée et sur des interdépendances définies par les Etats les plus puissants et par les entreprises multinationales. Elle engendre un modèle de développement et de croissance, destructeur des ressources naturelles et de l'environnement. Elle doit donc faire face à une contradiction majeure: en intégrant potentiellement l'ensemble de la planète dans une logique libérale, elle fait émerger une contestation et un débat politique touchant ses effets comme son mode d'organisation.

    De l'autre, elle présente des opportunités réelles. L'ouverture des marchés à l'échelle mondiale porte un grand potentiel de croissance. Elle a permis à des populations nombreuses en Asie, en Amérique Latine d'entrer dans le développement, mais au prix d'un creusement des écarts entre les pays comme entre les individus. Les problèmes les plus graves sont cependant pour les régions, notamment le continent africain, qui restent largement en dehors de la mondialisation et pour celles qui ont subi le contrecoup de politiques d'ajustement destructrices comme l'Argentine. La grande pauvreté reste un défi majeur sur tous les continents du monde en développement. D'après les Nations unies, le nombre de personnes vivant avec moins de deux dollars par jour en Afrique subsaharienne est passé de 227 millions à 313 millions entre 1990 et 2001. Il a légèrement diminué en Asie de l'Est (de 1 milliard 116 millions à 865 millions) mais a augmenté en Asie du Sud (de 958 millions à plus d'un milliard) et s'est stabilisé en Amérique latine (128 millions). 800 millions de personnes continuent à souffrir de malnutrition dans le monde et ce n'est pas un hasard si Lula, le Président du Brésil, a fait de la lutte contre la faim l'une des priorités de son gouvernement.

    De même, l'accès aux soins et aux médicaments restent des défis majeurs. Les grandes pandémies ne sont pas enrayées. Plus de 40 millions de personnes dans le monde sont infectées par le virus du sida, dont 25 millions en Afrique subsaharienne et l'on estime à 4,8 millions le nombre de personnes nouvellement infectées par le VIH pour la seule année 2003.

    Lors de leur prochain sommet en septembre 2005, les Nations unies constateront qu'à tiers de parcours la communauté internationale est loin de remplir les Objectifs de Développement du Millénaire qu'elle s'était fixés en 2000 pour réduire de moitié la grande pauvreté avant 2015, garantir l'accès à l'éducation, à la santé, à l'eau potable sur toute la planète.

    La mondialisation crée ainsi un destin mondial et une conscience croissante de celui-ci. Avec le pire, le terrorisme, la criminalité maffieuse, les trafics, les dérèglements climatiques, les menaces sur la biodiversité mais aussi avec le meilleur, les informations, les images, le tourisme qui peuvent être ainsi un vecteur pour les progrès de la démocratie et de la solidarité mondiale.

    Partout l'on assiste à la poussée de l'aspiration démocratique. Aucun continent, aucune civilisation n'est à l'écart de ce mouvement des peuples vers la liberté qui se heurte encore dans de nombreux pays à la dictature et parfois à la complaisance de la communauté internationale pour le statu quo et l'ordre ancien.

    La croissance mondiale peut-elle être durable et solide ? Les libéraux pensent que le marché crée naturellement un système d'autorégulation fiable. Les crises à répétition, financières, politiques, sociales, démontrent le contraire. Nous savons que les phénomènes de reflux des investissements financiers peuvent être aussi rapides que leur arrivée. On a vu ainsi dans les dernières années se succéder plusieurs secousses monétaires et financières de grande ampleur. Aucune d'elles, il est vrai, n'a revêtu jusqu'ici le caractère de la crise des années 1930. Mais la prudence devrait s'imposer. Il ne faut pas non plus oublier que l'extrême volatilité et la liquidité des marchés favorisent les évasions massives vers les paradis fiscaux. Ce sont là des effets déstabilisants qui font du marché mondial des capitaux « un mystère et une menace », alors que les grandes institutions internationales, tendent à ne pas prendre en considération les spécificités et les réalités des économies nationales.

    Les dégâts sociaux sont notables. La mondialisation libérale sape la cohésion sociale en provoquant une répartition trop favorable aux profits et aux revenus élevés, en affaiblissant le droit du travail, en amenant une contraction des ressources destinées à la protection sociale dans des sociétés qui vieillissent (pas seulement en Europe mais aussi au Japon et en Chine). Les risques politiques sont réels également avec la mise en cause du rôle des Etats. Et, la « dépolitisation », que portent les marchés quand ils sont laissés à eux mêmes, fait dépérir la démocratie en repoussant dans des limites étroites les choix politiques.

    La France est de plain-pied dans la mondialisation depuis une vingtaine d'années. Elle en connaît les effets. Elle en tire des avantages mais elle doit affronter également ses contradictions et agir pour les maîtriser.

    Le phénomène des délocalisations et le chômage industriel en sont une des traductions. Les transferts d'activité se limitent pour l'heure à quelques secteurs d'activité, mais ils engendrent, toujours et à chaque fois, pertes d'emplois, de savoirs-faire et détresse sociale, désindustrialisation et déséquilibre du territoire.

    Dire qu'elles résultent de la division internationale du travail, imposée par la mondialisation, est une banalité.

    Rappeler que cette situation ne doit pas conduire à une opposition avec les pays émergents au plan économique est une nécessité, d'autant que l'essentiel de la compétition dans laquelle nous sommes engagés concerne bien davantage les pays développés.

    La réponse à cette menace, bien réelle pour nos emplois, ne réside ni dans la remise en cause des acquis sociaux, ni dans la réduction des salaires, comme tentent de nous en convaincre les libéraux.

    Seule une stratégie offensive peut être victorieuse. Elle réside d'abord dans le maintien de l'activité là où les possibilités existent. Et l'Etat devra y jouer son rôle au titre de la politique industrielle. Pour l'avenir, elle suppose qu'un effort considérable doit être réalisé pour l'innovation, la recherche et le développement, la formation, l'investissement de long terme.

    Dans l'intervalle, il faut accompagner, former et reclasser les salariés concernés, bassin d'emploi par bassin d'emploi. Un plan national de traitement des délocalisations et des restructurations devra figurer dans notre Projet.
      Unilatéralisme américain, réponse multilatérale
    Nous assistons à un double mouvement. Après l'effondrement de l'URSS, les Etats-Unis cumulent, seuls désormais, tous les attributs de la puissance technologique, économique, culturelle, politique et militaire. Mais, ils ne peuvent pas pour autant établir une domination mondiale tant les contradictions sont importantes et les intérêts divergents entre pays.

    Les Etats-Unis bénéficient aujourd'hui d'une conjoncture historique exceptionnellement favorable à l'affirmation de leur hégémonie. Contrôlant un immense territoire, donc d'importantes ressources, ils représentent 31 % de l'économie mondiale, 25 % de la production de haute technologie, 40 % de la recherche-innovation, en puisant largement parmi les chercheurs du monde entier et 15 % du commerce mondial. Ils tiennent aussi la première place financière et sont le premier centre de création culturelle et audiovisuelle.

    Enfin 65 % des réserves mondiales de change sont en dollars. Avec ces moyens d'influence, « l'administration Bush » cherche à construire un monde au service de ses intérêts et de ses entreprises. En témoignent, les multiples pressions sur les organisations internationales, le refus d'adhérer au Protocole de Kyoto, la volonté de contrôler les nouvelles technologies, etc.

    Avec leur budget militaire, 401 milliards de dollars en 2004, les Etats-Unis réalisent 40 % des dépenses militaires mondiales, très loin devant les autres pays (6 % pour la France).

    Mais les déséquilibres et les excès engendrés sont déstabilisateurs. Ils peuvent fournir un terrain favorable à la violence aveugle et aux réseaux terroristes qui ont leurs déterminations propres, comme nous le voyons aujourd'hui avec le fanatisme islamiste après le 11 septembre 2001. Et, les difficultés rencontrées en Irak, mais également dans d'autres parties du monde, montrent que cette volonté de puissance unilatérale s'accompagne d'une mauvaise évaluation de la complexité géopolitique et des particularités mondiales, qui peut produire des effets inverses à ceux recherchés. Les divergences affirmées avec les Etats-Unis sur la guerre en Irak ont prouvé que des Etats et les opinions publiques, notamment en Europe, peuvent s'opposer à ces prétentions et restent attachés à une conception équilibrée du monde. Malgré ses faiblesses, l'ONU demeure le seul organisme international détenteur d'une légitimité mondiale pour faire face aux nouvelles menaces de prolifération nucléaire, chimique, biologique, aux guerres pour les ressources rares (énergie, eau…) aux guerres civiles et aux génocides. Elle doit toutefois voir son rôle économique et social largement réinventé et élargi à l'ensemble des institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OMC…) Enfin, on assiste progressivement à la montée en puissance ou à la création d'instruments qui jettent les bases de ce que pourrait être une autre gestion multilatérale du monde. Cela se traduit par exemple, par le renforcement de l'effectivité du droit international avec la création de la Cour pénale internationale.

    Nous devons prendre également en compte l'émergence d'une opinion publique mondiale, favorisée par les nouvelles technologies de la communication. En son sein se développent de multiples réseaux internationaux: plus de 50 000 ONG sont aujourd'hui dénombrées dans le monde. Les plus importantes constituent de vastes réseaux associatifs multinationaux à vocation humanitaire ou environnementale. Leur expertise, leur capacité de mobilisation, la part qu'elles prennent à l'élaboration d'un droit international en font des acteurs de la mondialisation. Beaucoup d'entre elles ont pris part à l'émergence du mouvement altermondialiste et aux succès des Forums Sociaux qui ont imposé de nouveaux thèmes dans le débat mondial (biens publics mondiaux, taxes internationales, transparence et réformes des institutions financières et commerciales internationales). Ce mouvement a d'ores et déjà une influence notable dans les opinions publiques - en dépit (ou à cause) de sa diversité. Il souligne l'urgence d'une nouvelle gouvernance de la mondialisation, par la constitution « d'une coalition globale » sociale et politique.

    Nous sommes donc loin d'un «ordre mondial» juste. Nous vivons plutôt dans un système instable, conflictuel et déséquilibré qui est confronté à des enjeux considérables. Puissances étatiques traditionnelles, organisations internationales, regroupements régionaux, entreprises transnationales, groupes financiers mondiaux, ONG, réseaux criminels…Tout cela constitue la réalité du monde.

    La définition de règles et la réforme des instances internationales sont et seront de plus en plus des priorités indispensables à la maîtrise de la mondialisation.
      Le défi européen
    Ces réalités mondiales montrent la nécessité d'une Europe politique. La construction de l'Union européenne vise, entre autres objectifs, à restituer aux Etats-nations un pouvoir de régulation que les progrès de la mondialisation leur ont en partie fait perdre. Les socialistes partagent tous cet objectif.

    L'Europe est au coeur de notre combat politique. Elle souffre essentiellement d'un manque de volonté politique. Les problèmes sont connus : l'insuffisance du budget européen, l'absence d'une réelle politique industrielle, les désaccords sur l'harmonisation des droits sociaux et fiscaux, et les divisions des Européens concernant la politique étrangère. Tout cela est vrai. Nous pourrons résoudre ces difficultés et trouver les solutions si nous comprenons bien et faisons comprendre que l'histoire n'attend pas. Vouloir un ensemble géopolitique et économique susceptible de maîtriser la mondialisation, et de faire reculer la guerre, l'intolérance et le mépris de l'autre, telle doit être la vocation de l'Europe.

    Elle a besoin d'une vision et de réalisme. Bâtir une Fédération politique, compétente pour porter le modèle de société des Européens, dotées de responsabilités élargies dans le monde : tel est l'objectif de long terme que nous devons nous fixer. Il est fondamental pour la paix qui n'est jamais donnée une fois pour toutes. Le Traité constitutionnel, qui a un caractère inévitable de compromis, est l'étape nécessaire pour trouver un nouvel élan politique. Mais il n'est qu'une étape. Les socialistes européens ont alors une responsabilité majeure pour l'avenir. Tous font le constat que l'Europe n'exerce pas le rôle qui devrait être le sien pour maîtriser la mondialisation. Tous se sont mis d'accord aussi sur un ensemble de règles institutionnelles. L'accélération de la construction politique passe maintenant par le développement d'un vrai parti socialiste européen, lié au monde du travail, aux forces syndicales et aux associations, capable de proposer un programme aux peuples européens lors des élections et de constituer la colonne vertébrale de la Commission. C'est à partir de là, que les avancées que contient le Traité, pourront entrer dans la réalité, notamment les coopérations renforcées, le droit d'initiative citoyenne, la capacité d'initiative constitutionnelle du Parlement européen permettant la mise en œuvre d'une politique plus favorable à la croissance et à l'emploi, promouvant la démocratie et la paix dans le monde, offrant un autre monde que celui de l'unilatéralisme américain.. Nous avons là un horizon politique pour une action ambitieuse et persévérante.

    Une question clé pour notre projet sera de ne pas seulement définir des objectifs dans le monde et en Europe. Car, pour les atteindre, les oppositions et les obstacles sont réels; il y a des Etats qui n'ont pas d'intérêt à une mondialisation régulée, des grandes entreprises qui veulent garder leur pleine autonomie, des partis politiques en Europe même, divisés sur les moyens à mettre en œuvre. Nous devrons donc proposer des stratégies, trouver des alliés, proposer des politiques courageuses parce que réalistes.
3 - Quels sont nos atouts ?
    Pas de diagnostic non plus sans une identification des atouts de la France, notamment sur le plan économique et social, mais aussi culturel, car c'est sur ceux-ci qu'il faudra s'appuyer pour repartir de l'avant. Et nos atouts ne manquent pas, ce qui rend d'autant plus inacceptable la situation dans laquelle nous nous retrouvons aujourd'hui.
      Notre première force, ce sont les Français et les Françaises eux-mêmes
    Une population dynamique, tout d'abord, puisque que nous disposons d'un des meilleurs taux d'accroissement naturel d'Europe (+ 0,4 % par an, contre par exemple + 0,1% en Allemagne et au Royaume Uni).

    Une main d'œuvre efficace ensuite avec un fort taux de population active féminine. La productivité horaire des Français est la plus élevée au monde : 120 en moyenne sur 2000-2003 contre 100 en moyenne en Europe et 115 aux Etats-Unis.

    La population française est également, de manière globale, une des mieux formée au monde notamment en ce qui concerne les jeunes, 54 % des 20-24 ans sont scolarisés, ce qui nous place avec la Finlande au deuxième rang dans le monde (tout juste derrière le Danemark 55 %), loin devant les Etats-Unis (34 %), le RU (33 %), l'Allemagne (35 %), l'Italie (37 %)…L'importance des disciplines scientifiques est aussi un atout économique important. Sur 1000 jeunes de 20 à 29 ans, 20 sont diplômés en sciences et technologie, ce qui nous situe au deuxième rang mondial, très loin devant Italie (5), l'Allemagne (8), les EU (10), et le RU (16).
      Deuxième atout, la qualité de nos infrastructures et de nos services publics
    Toutes les études internationales confirment : l'un des atouts majeurs de la France est la grande qualité de ses infrastructures et services publics, l'une des toutes premières au monde.

    - c'est le transport bien-sûr, avec le TGV (premier rang mondial avec 25 km par millions d'habitants contre 17 au Japon, 12 en Espagne…) - , un réseau routier (plus long réseau d'Europe) et autoroutier dense (3ème rang mondial) et de qualité, des transports en commun performants. Globalement la France est classée 3ème parmi les 10 pays de référence dans les enquêtes internationales comme celle de l'IMD (International Institut for Management Developpement).

    - C'est le système éducatif, ensuite, qui reste certes à améliorer, mais qui est de grande qualité ;

    - C'est le système de santé aussi, pour lequel nous sommes classé au premier rang mondial par l'OMS.
      Troisième atout, notre puissance économique mondiale
    5ème PIB au monde, 4ème puissance mondiale en matière d'exportations de biens, 3ème en matière de services, 2ème investisseur mondial à étranger derrière les Etats-Unis, 1ère agriculture en Europe: la France est l'une des premières puissances économiques mondiales.

    Notre position géographique au coeur de l'Europe est éminemment stratégique. C'est en effet le premier marché du monde, 450 millions de consommateurs, premier investisseur au monde, l'Europe à 25 représente 40 % du commerce mondial contre 19 % pour l'ALENA (USA, Mexique, Canada) et 5 % pour la Chine et l'Asie du Sud-Est.

    L'industrie française, avec ses grandes entreprises et leurs salariés, est un pays pionnier en matière d'innovation: TGV, Airbus A380, Ariane, carte à puce, minitel…Si bien que la France dispose de champions mondiaux dans tous les domaines (aéronautique, électricité, distribution, banque, automobile, BTP, pétrole…) : 10 entreprises françaises dans les 100 plus grands groupes mondiaux.
      La France est un pays attractif
    La France est la 2ème terre d'investissement mondial après la Chine mais devant les Etats-Unis.

    La 2ème en Europe pour les implantations d'entreprises (plus de 300 en 2003), et 2ème pour les investissements créateurs d'emploi avec 20 000 à 30 000 emplois chaque année.

    Elle attire aussi les compétences: 130 000 cadres étrangers travaillent en France en 2002. C'est 50 % de plus qu'en 1990. Ils représentent désormais 8 % de l'ensemble des cadres. Il y a aussi 3 600 chercheurs et 220 000 étudiants étrangers dans notre pays. Les touristes : la France est le pays le plus visité au monde, pour son patrimoine historique bien sûr, mais aussi pour ses espaces naturels et sa qualité de vie.
      Une vie culturelle exceptionnelle
    Notre attractivité n'est pas seulement économique. La France fait une place à la création artistique et culturelle qui fait référence dans le monde entier.

    Elle a mis en place un cadre exceptionnel de développement pour la création et les œuvres artistiques dans la défense de l'exception culturelle. Le cinéma et le secteur audiovisuel sont encore indépendants avec 200 films de long métrage produits par an, les industries culturelles et les réseaux de distribution sont solides et présents dans le monde : édition, cinéma, grande distribution des produits culturels (60 000 titres de livres édités produits par 300 maisons d'édition, 12 000 titres de disques déposés par an).

    Elle est la voix forte au sein de l'Union Européenne pour défendre la place de la création culturelle et du secteur indépendant.

    Elle dispose d'outils et de modes de financement au service de la création et du développement culturel, porté par l'Etat et les Collectivités Locales. Le statut économique existant jusqu'à ces derniers mois pour les artistes avait permis le développement et la pérennisation de la création (429 000 emplois artistiques, de grands noms de la création). Il faut en remettre un en place.

    La France est une terre d'accueil pour les artistes du monde entier, garante de la liberté d'expression de chacun et du débat démocratique.

    Elle bénéficie d'un réseau d'établissements culturels et de formation artistique au service de la création, de la diffusion et de l'accès de tous à la culture. C'est son histoire. C'est aujourd'hui un réseau de grands établissements et institutions de création et de diffusion, établissements publics, réseau décentralisé dans le domaine du spectacle vivant, associations culturelles, son réseau de formation artistique national et local est reconnu: écoles de théâtre, école nationale du cirque, écoles nationales et conservatoires de musique et de danse, écoles d'art, écoles d'architectes.
      Une histoire qui nous confère la possibilité de peser sur le cours des choses dans le monde
    Notre histoire nous confère également une influence forte, dans le monde entier, sur les valeurs que nous défendons. Les grands débats qui nous animent et les positions que nous prenons ne sont jamais regardés avec indifférence. C'est une responsabilité importante, mais cela nous donne aussi la possibilité de peser largement sur le cours des événements, qu'il s'agisse de faire progresser la paix et les droits de l'homme dans le monde, d'augmenter la solidarité à l'égard des pays pauvres, de mieux protéger l'environnement, ou de faire émerger une économie plus favorable aux salariés et à l'emploi.


IV. Et maintenant ?


Notre diagnostic sur la France montre l'urgence de renouer avec une ambition collective pour préparer l'avenir. Il est temps d'en finir avec une société qui installe la défiance et la crainte des uns vis-à-vis des autres pour une société qui donnera toutes ses chances à chacun tout au long de la vie.

Une société juste doit lutter contre la marchandisation érigée en règle qui veut tout distribuer par le marché même les biens publics les plus essentiels, l'éducation, la santé, l'environnement, la sécurité. La qualité des relations individuelles et collectives en dépend.

Sinon, comme nous en voyons, malheureusement, des manifestations, la loi du plus fort l'emporterait avec son cortège d'injustices et de violences. Notre société a besoin de retrouver du sens. Elle ne le fera pas dans le seul culte de la consommation qui crée autant et plus de frustrations que de contentements. Il y a une attente pour une ambition collective généreuse.

C'est le moyen pour dépasser le 21 avril, trouver l'accord de toutes celles et de tous ceux qui agissent solidairement dans notre société, contrer les dérives du libéralisme financier dans notre pays, en Europe et dans le monde.

Cette perspective est possible. D'autres pays en Europe du Nord sous l'influence des sociaux-démocrates, tentent de le faire aujourd'hui, sachant allier dynamique économique et innovation avec la solidarité et la sécurité pour tous. Attachés à la liberté des individus nous le sommes tout autant à l'égalité dans les actes. De notre histoire, en cette année du Centenaire de notre parti, nous avons appris avec Jean Jaurès, l'importance de la République, qui donne la priorité à l'éducation et à la laïcité, avec Léon Blum, celle des libertés, des droits de la personne et d'une démocratie vivante, avec Pierre Mendès-France, celle de la production et de la redistribution des richesses, qui définissent un réformisme conséquent, avec François Mitterrand, celle des réformes qui font avancer la société et de la perspective européenne dans laquelle s'inscrit notre avenir.

Nous n'avons donc pas à nous interroger sur nos valeurs mais à les mettre en œuvre dans un monde et une société qui ont changé. La France de 2005 n'est déjà plus celle de 1997 ! Elle est certes reconnaissable…Mais le diagnostic auquel nous avons procédé montre que les problèmes français aujourd'hui appellent une réponse politique aussi nouvelle que forte. Il ne peut s'agir, en effet, d'appliquer mécaniquement les «recettes» d'hier, il ne peut pas s'agir non plus d'accompagner seulement mieux que la droite les évolutions économiques, sociales, culturelles, politiques du monde tel qu'il est. Pour ce faire, la volonté collective et les politiques publiques sont plus que jamais nécessaires. Certes, les échelles d'intervention sont nombreuses, du local au mondial, et l'action publique ne peut être vraiment efficace sans la responsabilité des citoyens et celle du mouvement social, mais les exigences demeurent : la régulation de l'économie de marché, la production de richesses et leur juste redistribution, la fourniture de biens et de services publics, la préparation de l'avenir, la participation des citoyens,etc. C'est à partir d'elles qu'il nous faut construire pour les Français et pour la France.

Nous devons porter un projet authentiquement réformiste pour changer de société. Il ne sert à rien, en effet, de se laisser aller à une rhétorique ambiguë : les socialistes ne proposent pas une «rupture» avec l'économie de marché ou une sortie de la mondialisation. La pratique l'a démontré, le discours doit désormais l'assumer. La révolte légitime provoquée par les dégâts sociaux de la mondialisation libérale ne justifie pas une régression idéologique vers une posture seulement protestataire qui ne permet pas de construire les réformes nécessaires.

Dénoncer sans agir, c'est en quelque sorte accepter l'impuissance, renoncer au volontarisme, et donc à la politique. Notre réflexion et nos politiques doivent porter sur la manière de surmonter les défaillances graves du marché, lequel privilégie le court terme, ne connaît que la demande solvable et distribue inégalement les richesses.

Notre fil rouge dans ce projet doit être le combat pour l'égalité qui doit s'imposer comme la priorité politique de notre agenda. Pour nous socialistes, il n'y a pas de liberté sans égalité. Et le succès demandera, nous le savons, des efforts considérables. Quelques conclusions peuvent et doivent être tirées de notre réflexion. Elles fournissent en quelque sorte un cahier des charges pour la suite de notre travail.

Une première exigence s'impose: la rénovation profonde de notre démocratie. Nous savons bien que l'érosion des valeurs traduit toujours un malaise social. Mais il n'empêche.

Pour changer de politiques, il faudra changer la politique. Cela passe par une réforme profonde des institutions, celle de l'Etat, mais aussi de notre organisation territoriale, du renouvellement des mandats, des modes de scrutin et par un changement des règles de notre démocratie sociale pour mieux fonder la représentativité de ses acteurs et leur donner les moyens d'exercer leurs responsabilités. Mais cela demande surtout une mise en mouvement de la société en luttant contre le désintérêt, la désillusion, l'éloignement des pratiques démocratiques, qu'elles soient politiques ou sociales.

La seconde exigence sera d'accroître l'influence de la France en Europe, de l'Europe dans le monde. Politique extérieure et politique intérieure sont désormais étroitement liées. Peser sur le cours de la mondialisation demande de mettre l'action de notre pays d'abord au service d'une Europe forte, capable d'assurer un partenariat équilibré avec les Etats-Unis, de défendre une approche multilatérale des problèmes du monde, de proposer avec d'autres pays et les ONG, dans le cadre de l'ONU et des institutions multilatérales des solutions aux problèmes criants d'aujourd'hui, la paix, le développement, le respect des équilibres écologiques.

La dernière exigence, c'est de penser et de mettre en œuvre ensemble la production des richesses et une redistribution permettant de combattre les inégalités à la racine. De la croissance, en effet, dépend largement le financement de la solidarité au sens le plus large du terme. De l'existence de cette solidarité, que cela soit dans l'école, dans le logement, dans le travail, dans la maladie, etc. dépend le «vivre ensemble» dans les droits et les devoirs d'une République profondément rénovée. Il y a là un «cercle vertueux» qui doit commander notre projet et notre manière de poser les problèmes en voyant comment ils sont liés entre eux.

Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, la mise en œuvre d'une réforme du système fiscal, souvent annoncée, rarement tenue, n'a des chances que si elle affiche nettement ses objectifs pour la mettre au service de la production et de la redistribution.

A partir de là se détachent cinq chantiers majeurs où nous devrons faire avancer concrètement l'égalité en luttant dans chacun d'entre eux contre les discriminations quelle que soit leur nature, qu'elles tiennent à l'origine, au sexe, au handicap, etc.
    1) L'éducation et la formation pour faire entrer pleinement la France dans une société de la connaissance ;
    2) La préparation de l'avenir par la recherche, l'innovation, la culture ;
    3) Le travail et l'emploi pour garantir la sécurité et la réussite de tous ;
    4) Le logement et l'organisation des territoires urbains comme ruraux pour offrir à chacun la qualité de vie à laquelle il a droit ;
    5) Un développement durable pour préserver nos ressources et notre environnement.
Il est évident que toutes nos politiques nationales auront besoin d'être insérées dans un combat permanent pour une Europe plus politique et plus sociale.

Ce que nous demande avant tout les Français, c'est d'affirmer une vision : un combat pour l'égalité des chances entre les individus, les territoires, les nations. Pour ce faire, nous avons naturellement besoin du service public et de l'Etat.

La protection des plus faibles ou des plus démunis, la réduction des injustices, la lutte pour l'égalité d'accès à des fonctions essentielles, supposent un service public, efficace et performant, capable d'évoluer pour améliorer la prestation rendue aux citoyens. La mondialisation ne doit pas servir d'alibi pour réduire le service public, son rôle et ses missions, elle les justifie au contraire.

Il ne s'agit pas, dans notre esprit, d'une défense de structures en place. La modernisation, la démocratisation, des services publics, la recherche de leur plus grande efficience, sont, non seulement indispensables, mais urgentes. C'est le mouvement qui fait la légitimité de l'Etat. Le service public ne représente pas simplement un clivage traditionnel entre la gauche et la droite. C'est un enjeu décisif pour la démocratie, tout simplement. C'est lui qui permet l'accès au droit de tous les citoyens, à travers les territoires.

C'est parce que nous réussissons à mettre l'égalité dans la réalité que nous pouvons demander à nos concitoyens de respecter les règles, de respecter les autres, d'être solidaires.

Notre action doit être en même temps animée par l'écoute, le dialogue permanent, la volonté de faire vivre la citoyenneté sous tous ses formes. Contre ceux qui prétendent la France « in-réformable », nous devons dresser la perspective d'un pays capable de se retrouver, au-delà de l'émiettement, de la fragmentation et de l'individualisme, autour d'un projet collectif, négocié, discuté, accepté, un projet renouant avec la belle idée des Lumières, d'une maîtrise possible d'un destin collectif, un projet donnant la confiance dans la démocratie, un projet s'inscrivant sans réticence dans un avenir européen.

La démarche du Parti socialiste n'est pas simplement de construire un programme de plus : nous en avons fait beaucoup dans le passé; ils ne produisent pas toujours la mobilisation attendue. Nous souhaitons aujourd'hui construire une stratégie de longue durée, fixant l'objectif que nous voulons atteindre pour les dix années prochaines. Nous souhaitons ainsi donner le cap, la direction, la perspective qui inspirera notre action lorsque de nouveau nous exercerons des responsabilités. Le travail qu'il nous faut maintenant mener ensemble sera inspiré par deux principes: reconnaître la vérité et faire preuve de volonté.

Reconnaître la vérité, cela n'est pas simplement appréhender le réel, faire la somme des contraintes, recenser les rigidités. C'est aussi voir toutes les aspirations, toutes les ressources, toutes les possibilités, toutes les marges de manœuvre pour une politique de changement. La vérité c'est aussi d'assumer la cohérence: cohérence entre ce qu'on dit dans l'opposition, ce que l'on a fait au pouvoir et ce qu'on sera prêt à faire demain. La cohérence entre le discours et les actes, la cohérence entre l'idéologie affichée et la pratique qui en découle. C'est pourquoi le premier mouvement doit être celui de la vérité.

La volonté politique, ensuite. Cette volonté qui consiste à affirmer et décider de ce que nous pouvons changer en un temps donné, et aussi à ne pas dissimuler ce que nous ne pouvons pas changer. C'est pourquoi la notion de projet est essentielle, l'inscription dans la durée est indispensable. La volonté politique, c'est aussi de considérer que le projet doit se construire en commun, à travers le dialogue, la concertation.

Nous voulons prouver qu'il y a des façons de penser en commun autant que des façons d'agir en commun. Sur la base de ce texte d'orientation, la réflexion et le débat doivent continuer dans le parti et avec les Français, pour que nous précisions et enrichissions ce texte en vue de l'écriture finale du projet, et, surtout, que nous en déduisions nos principales propositions qui seront au coeur de nos débats dans les mois à venir.


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