Propositions du gouvernement
soumises aux représentants
des élus de la Corse


Les propositions de Lionel Jospin pour l'avenir de la Corse ont été remises aux élus de l'île, à l'Hôtel Matignon, le 20 juillet 2000. A Ajaccio, le 28 juillet, l'Assemblée de Corse, toutes tendances confondues, les a approuvées par 44 voix contre 2, avec 5 abstentions.


 
Paris, le 20 juillet 2000

Les discussions qui ont eu lieu depuis le 13 décembre 1999 entre le Gouvernement et des représentants élus de la Corse ont conduit le Gouvernement aux conclusions suivantes, qui doivent permettre l'aboutissement positif de ces discussions.

Afin de mieux prendre en compte les spécificités de la Corse dans la République, tenant à sa situation insulaire et à son histoire, ainsi que les enseignements de l'application de son statut particulier et dans le but de clarifier les responsabilités dans la gestion des affaires de l'île, de favoriser son développement économique et social et de fonder durablement la paix civile :

 Des réformes seront proposées dans les domaines suivants :
   L 'organisation administrative de la Corse et les compétences de la collectivité territoriale ;
   le statut fiscal, la fiscalité sur les successions et le financement de l'économie ;
   l'enseignement de la langue corse.

 Un projet de loi de programmation sera élaboré, pour permettre une mise à niveau des infrastructures publiques.

 Des discussions seront engagées avec la Commission européenne, sur la base du document annexé, élaboré conjointement.


1- L'organisation administrative de la Corse
et les compétences de la collectivité territoriale

  1. La simplification de l'organisation administrative :


  2. L'existence d'une collectivité territoriale et de deux départements pour l'administration de la Corse ne favorise ni la clarification des responsabilités, ni l'efficacité de la gestion.

    Une première solution, pour laquelle le Gouvernement avait exprimé une préférence, parce qu'elle semblait pouvoir être menée à terme sans révision de la Constitution, consistait dans la suppression d'un département. Le département désormais unique et la collectivité territoriale auraient eu une assemblée et un exécutif communs.

    Lors de la réunion des présidents de groupe de l'assemblée de Corse, une préférence s'est nettement exprimée pour la suppression des deux départements et la mise en place d'une collectivité unique, cette réforme ne devant intervenir qu'à l'expiration du mandat de l'assemblée de Corse, en 2004.

    Le Gouvernement est disposé à se placer dans cette perspective, tout en relevant que celle-ci n'a pas à être concrétisée durant la présente législature et qu'elle impliquerait une révision constitutionnelle.

    La suppression envisagée des départements ne devrait porter atteinte ni à la qualité du service public, ni à l'équilibre entre les parties de la Corse. L'organisation et l'implantation des services de l'Etat et de la collectivité territoriale devraient tenir compte de ces impératifs.

    La réorganisation des services serait alors conduite en concertation avec les organisations représentatives des personnels.

    Tant que les trois collectivités subsisteront, la collectivité territoriale de Corse pourra mettre en place avec les deux départements un dispositif de coordination de leurs politiques, dans le respect des compétences de chacun.

    Une amélioration de l'organisation des institutions de la collectivité territoriale devra également être recherchée.

  3. La décentralisation de nouvelles compétences :


  4. De nouvelles compétences seront décentralisées au profit de la collectivité territoriale de Corse.

    Elles pourraient concerner les champs d'activité suivants :
       l'aménagement de l'espace,
       le développement économique,
       l'éducation,
       la formation professionnelle,
       les sports,
       le tourisme,
       la protection de l'environnement,
       la gestion des infrastructures et des services de proximité,
       les transports.

    Ces transferts de compétences seront opérés avec le souci de favoriser la constitution de " blocs de compétences " cohérents. Des discussions ultérieures entre le Gouvernement et les élus de Corse permettront d'en préciser les contenus.

    L'organisation des services de l'Etat sera modifiée, après concertation avec les organisations syndicales, pour tenir compte des transferts de compétences réalisés. L'Etat conservera dans tous les cas la capacité de mettre en œuvre les politiques nationales et d'exercer ses missions de contrôle.

  5. L'adaptation des normes :


  6. Les spécificités de la Corse peuvent justifier que des normes réglementaires voire certaines dispositions législatives soient adaptées à la Corse.

    Le statut actuel de la Corse prévoit déjà, dans son article 26, que " L'assemblée de Corse peut présenter des propositions tendant à modifier ou adapter des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ou en cours d'élaboration concernant les compétences, l'organisation et le fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales de Corse, ainsi que toutes dispositions législatives ou réglementaires concernant le développement économique, social et culturel de la Corse ".

    Ce mécanisme n'a pas fonctionné. Il apparaît aujourd'hui que cette faculté d'adaptation, qui est nécessaire, serait mieux mise en œuvre si la collectivité territoriale de Corse pouvait procéder à certaines adaptations par les délibérations de son assemblée, dans des conditions qui seraient déterminées par la loi.

    Le Gouvernement proposera au Parlement de doter la collectivité territoriale de Corse d'un pouvoir réglementaire, permettant d'adapter les textes réglementaires par délibération de l'assemblée.

    S'agissant de l'adaptation de dispositions législatives, le Gouvernement proposera au Parlement de donner à la collectivité territoriale de Corse la possibilité de déroger, par ses délibérations, à certaines dispositions législatives, dans des conditions que le Parlement définirait, les adaptations ainsi intervenues à l'initiative de l'assemblée devant, comme le prévoit la décision n° 93-322 du conseil constitutionnel du 28 juillet 1993 qui affirme la conformité à la Constitution de telles expérimentations, être ensuite évaluées avant que le Parlement ne décide de les maintenir, de les modifier ou de les abandonner.

    Les élus de l'assemblée de Corse ont également exprimé le souhait qu'au-delà de cette procédure autorisant des délégations temporaires par le Parlement du pouvoir de déroger à des dispositions législatives, et à l'issue de ce qu'ils qualifient de période transitoire s'achevant avec la mise en place de la collectivité unique, soit reconnue de manière permanente à la collectivité territoriale de Corse la possibilité d'adapter par ses délibérations des dispositions législatives, selon des principes généraux et dans des conditions fixées par le Parlement.

    Dans cet esprit, il peut apparaître cohérent avec une démarche de responsabilisation des institutions de la Corse d'envisager l'élargissement et la pérennisation du dispositif qui aurait été mis en œuvre sur la base de la décision du conseil constitutionnel du 28 juillet 1993. Le Parlement pourrait ainsi autoriser l'assemblée territoriale de Corse à adapter par ses délibérations, dans certains domaines précisément déterminés et dans le respect des principes qu'il aura fixés, des dispositions législatives déjà en vigueur ou en cours d'examen. Les délibérations adoptées par l'assemblée de Corse dans ces conditions seraient, sous réserve de l'exercice des voies de recours devant la juridiction administrative, exécutoires. De valeur réglementaire, elles ne seraient pas soumises à une validation ultérieure obligatoire de la part du législateur.

    Il est certain toutefois que l'attribution à la collectivité de Corse d'une telle faculté d'adaptation de mesures législatives, en dehors de la procédure décrite par la décision du conseil constitutionnel du 28 juillet 1993, nécessiterait une révision préalable de la Constitution. Celle-ci serait entreprise au regard du bilan des adaptations déjà réalisées d'ici 2004.

    Il est bien entendu que les révisions constitutionnelles ci-dessus envisagées supposeraient l'accord des pouvoirs publics alors en fonction. Elles nécessiteraient en tout état de cause le rétablissement durable de la paix civile.

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2- Le statut fiscal,
la fiscalité sur les successions
et le financement de l'économie

  1. Le statut fiscal :


    1. le dispositif d'incitation à l'investissement
    2. L'objectif de développement économique de la Corse doit guider la définition du statut fiscal appelé à succéder à la zone franche, à compter de janvier 2002.

      Ce statut doit bénéficier d'une certaine stabilité dans le temps, viser la réalisation d'objectifs de nature économique et sociale et faire l'objet d'une évaluation périodique conduisant, en tant que de besoin, à des adaptations.

      Le coût des exonérations devra tenir dans une enveloppe constante, telle qu'elle peut être évaluée aujourd'hui.

      Les objectifs prioritaires sont :
       la relance de l'investissement et le développement de la capacité de production de l'économie de la Corse dans des secteurs définis comme prioritaires : hôtellerie, nouvelles technologies, industrie, énergie ;

       le développement économique des zones défavorisées de l'intérieur de l'île.

      Le Gouvernement proposera au Parlement d'inciter à l'investissement dans les secteurs prioritaires de l'économie de la Corse par un mécanisme reposant sur un crédit d'impôt égal à un pourcentage à déterminer de l'investissement réalisé. Ce crédit d'impôt serait reportable et partiellement remboursable, au terme d'une période à déterminer.

      Ce dispositif de soutien à l'investissement en Corse aura vocation à s'appliquer pendant 10 ans, sous réserve de l'agrément communautaire.

    3. la fiscalité indirecte
    4. La situation actuelle se caractérise par des taux particuliers de TVA, une affectation de 3 % des recettes de TIPP aux départements et de 10 % à la collectivité territoriale de Corse, une affectation totale à la celle-ci des droits sur les alcools, une affectation de 25 % des droits sur les tabacs aux départements et 75 % à la collectivité territoriale de Corse, leur taux étant réduit par rapport au continent. Au total, l'ensemble de ces dispositions se traduit chaque année par une contribution du budget de l'Etat de 930 MF.

      Le Gouvernement proposera au Parlement :
       de maintenir le dispositif existant, sous réserve de sa conformité aux règles communautaires ;

       de remplacer le transfert des droits sur les alcools par un transfert équivalent de TIPP.

      La part de la TIPP transférée au profit de la collectivité pourra être accrue pour tenir compte notamment de la charge résultant des compétences nouvelles qui lui seront transférées.

  2. La fiscalité sur les successions :


  3. Le Gouvernement proposera au Parlement le dispositif suivant :
      le principe de l'obligation de déclaration de succession s'appliquera pour les successions ouvertes à compter du 1er janvier 2001 ;

     la reconstitution des titres de propriété sera effectuée au cours d'une période transitoire de 10 ans ; pendant cette période, des mesures d'aide à l'expertise seront financées avec le concours de la collectivité et de l'Etat ; l'exonération des droits de licitation et de partage ainsi que des droits sur les procurations et les attestations notariées après décès sera reconduite ;

     pendant cette période de 10 ans, l'exonération des droits sera complète. Pour une deuxième période, d'une durée de 5 ans, un dispositif comportant une réfaction de 50 % sur la valeur des immeubles sis en Corse sera mis en place pour les successions ;

     le délai de dépôt des déclarations de succession sera allongé pendant la période transitoire de 10 ans pour permettre, quand c'est nécessaire, la reconstitution des titres de propriété ;

     Le bénéfice des dispositions précédentes sera conditionné par la reconstitution des titres de propriété, lorsqu'ils font défaut ;

     la définition du régime fiscal applicable aux successions à l'issue de ces deux périodes transitoires, de 15 ans au total, fera l'objet d'une concertation entre la collectivité et l'Etat.

  4. Le financement de l'économie :


    1. Le capital-risque
    2. Le capital de la société de capital risque " Femu Qui " sera porté de 4 à 23 MF afin de permettre d'accroître ses interventions. Des solutions adaptées à ses difficultés de fonctionnement seront recherchées.

    3. Le financement bancaire
    4. Un dispositif renforcé de garantie (SOFARIS-région) est en cours de mise en place avec le concours de la BDPME, de la Collectivité de Corse et de fonds communautaires.

      Le Gouvernement souhaite l'installation de la BDPME en Corse, celle-ci paraissant susceptible de contribuer à la dynamisation du système bancaire.

    5. Le crédit-bail
    6. La présence d'un organisme de crédit bail sera encouragée en Corse ; celui-ci pourrait être Corsa Bail, sous réserve du rachat de ses parts par des investisseurs privés.

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3- L'enseignement de la langue corse



Les élus de l'assemblée de Corse ont unanimement demandé la définition d'un dispositif permettant d'assurer un enseignement généralisé de la langue corse dans l'enseignement maternel et primaire, de manière à favoriser la vitalité de cette langue.

Le Gouvernement proposera au Parlement le vote d'une disposition posant le principe selon lequel l'enseignement de la langue corse prendra place dans l'horaire scolaire normal des écoles maternelles et primaires et pourra ainsi être suivi par tous les élèves, sauf volonté contraire des parents.

Pour atteindre l'objectif recherché, il est nécessaire d'accroître le nombre des enseignants du premier degré formés à l'enseignement de la langue corse.

Il est ainsi prévu :
 de donner une forte impulsion à la formation initiale et continue en langue corse des enseignants du premier degré. Les professeurs des écoles seraient recrutés à leur choix par deux concours, dont l'un comporterait des épreuves de langue corse ;

 de recourir davantage à l'intervention des enseignants de langue corse du second degré, en augmentant, si besoin est, le nombre de postes ouverts au CAPES de langue corse, ainsi qu'à des intervenants extérieurs et à des aides-éducateurs recrutés sur le profil " langue et culture corse ".

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4 - Une loi de programmation



Le Gouvernement proposera au Parlement de voter un dispositif législatif prévoyant une programmation sur 15 ans d'investissements publics destinés à combler les retards d'équipements dont la Corse souffre encore dans plusieurs secteurs. Ces investissements seront financés par l'Etat et la collectivité de Corse, selon des proportions tenant compte des capacités de financement de la collectivité ; en moyenne 70 % seront à la charge de l'Etat.

La programmation portera notamment sur les grandes opérations d'infrastructures routières et ferroviaires nécessaires au désenclavement des territoires.

La mise au point de cette programmation sera effectuée en concertation entre le préfet de Corse, qui recevra un mandat du Gouvernement, et la collectivité territoriale.

Un dispositif d'assistance à l'ingénierie publique sera mis en place.

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5- Calendrier législatif



Afin d'assurer la mise en œuvre de celles des propositions ci-dessus qui appellent des mesures législatives pendant la présente législature, le Gouvernement élaborera un projet de loi, qui pourrait être déposé devant le Parlement avant la fin de l'année pour être voté en 2001. Les mesures relatives à la fiscalité sur les successions feront l'objet de dispositions fiscales spécifiques pour être mises en œuvre à partir du 1er janvier 2001.



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