Une ambition socialiste pour l'Europe |
L’année 2004 est celle des grands rendez-vous pour l'Europe : élargissement, nouvelle Commission, nouveau Président, décision d’adopter ou non la première Constitution européenne, négociation des financements de l’Union jusqu’en 2013 et enfin élection le 13 juin du nouveau Parlement européen représentant les citoyens de 25 pays. Dans un monde déchiré par le terrorisme et la guerre, malade de ses inégalités et ses écarts de richesse, menacé de nouvelles catastrophes écologiques, l’Europe est plus nécessaire que jamais. Elle l’est non seulement pour renforcer la solidarité entre nos peuples et préserver notre modèle démocratique et social, mais aussi pour ouvrir une alternative à la domination d’un seul modèle et d’une seule puissance sur le monde. Plus que jamais, l’Europe est notre choix stratégique pour promouvoir un autre ordre mondial que celui de l’unilatéralisme et de l’ultralibéralisme qui loin d’apporter des réponses aux troubles du monde actuel en ont accrus au contraire l’insécurité et les risques. L’Europe doit faire face à de nouveaux défis. Les attentats de Madrid l’ont atteinte tout entière. « Nous étions tous dans ce train » comme l’ont clamé les Espagnols. Comme eux nous devons choisir la réponse la plus forte, celle de la démocratie et d’une solidarité nouvelle et renforcée autour de nos valeurs. Le combat pour une Europe unie, forte, sociale et solidaire n’est pas pour les socialistes un projet de circonstance, pour lequel notre engagement varierait en fonction des rapports de forces politiques, des conjonctures heureuses et des moments difficiles. Il fait partie de notre identité de socialiste. C’est un choix fondamental fondé sur une évidence : plus que jamais, à l’heure de la mondialisation, l’Europe, qui apporte la paix aux citoyens européens, offre le cadre dans lequel l’action politique volontaire en faveur de l’égalité, de la justice, de la solidarité, de la croissance et de la sécurité peut s’exercer. L’Europe c’est la paix, c’est l’illustration d’une volonté commune qui porte historiquement ses fruits, ce sont des valeurs qui définissent un modèle philosophique que nous voulons affirmer et préserver, d’autant plus à l’heure où les communautarismes, les nationalismes et la xénophobie fragilisent nos démocraties. Il y a une Europe qui protège la paix. Il doit y avoir une Europe qui protège sur le plan social face au chômage, aux précarités, aux délocalisations. Cet engagement ne nous aveugle pas sur les difficultés que traverse aujourd’hui la construction européenne. Le sommet de Bruxelles de décembre 2003 est la manifestation d’une véritable crise de l’esprit et de l’engagement européen au sein des gouvernements ainsi que de la capacité à trouver des compromis dans l’intérêt commun. Les fractures apparues lors de la crise irakienne ont mis en évidence des divergences qu’on ne peut sous-estimer et qui demanderont des efforts et du temps pour être réduites. Les insuffisances du Pacte de stabilité et l’incapacité à gérer le taux de change de l’euro sont devenues évidentes. En outre, un certain désarroi, parfois une méfiance réelle sont perceptibles chez les Français, qu’ils se représentent les institutions européennes comme un univers opaque, qu’ils redoutent l’ouverture à la concurrence dans certains secteurs ou encore les conséquences de l’élargissement. L’Europe va aujourd’hui moins vite que les transformations de l’économie mondiale et moins vite que l’histoire, depuis la fin de la guerre froide et la naissance d’un nouvel ordre géopolitique international. Il lui faut prendre en main sa propre sécurité, défendre ses valeurs et sa vision de la société internationale. Il ne suffit plus de vouloir faire l’Europe, il faut aujourd’hui affirmer un projet, lui donner un contenu, définir une stratégie. L’attitude du Président de la République et du gouvernement français actuel est, dans ce contexte, contre productive dans la méthode et erronée sur le fond : arrogance déplacée à l’égard des nouveaux États membres, rupture brutale et désinvolte du pacte de stabilité sans proposer une stratégie sérieuse de relance de la croissance et de l’emploi, dans le seul but de tenter de remédier aux conséquences d’une politique économique désastreuse et d’une baisse de la fiscalité socialement injuste. Elle est aussi dangereuse : les attaques démagogiques contre les institutions européennes nourrissent le nationalisme et toutes les formes de populisme. Les Français ont des craintes, mais surtout des attentes fortes vis-à-vis de l’Europe. Cela oblige à l’ambition et à l’exigence. Celle de bâtir une Union politique prête à assumer ses responsabilités dans le monde, de renforcer des institutions européennes démocratiques, transparentes et contrôlées par les citoyens, et enfin de créer une Europe sociale, espace de progrès pour tous et d’harmonisation des droits vers le haut. L’année 2004 est lourde de défis et de choix. En mai 2004, intervient l’élargissement, qui doit contribuer au renforcement de l’Europe. Dix nouveaux États seront alors membres de l’Union. Nous voulons réussir cet élargissement, nouvelle Frontière de l’Union européenne. L’enjeu majeur de cette réunification de l’Europe est celui de la paix, de la stabilité de notre continent et de la convergence économique et sociale. Nous avons déjà pu mesurer que la perspective d’entrée dans l’Union européenne avait permis, dans les pays auxquels cet espoir était offert, de gérer sans violence la question explosive des minorités nationales (minorités hongroises ou minorités russes dans les pays Baltes, par exemple) et une transition difficile à l’économie de marché. Il nous faut maintenant favoriser l’intégration des nouveaux États en saisissant les opportunités que représente ce poids nouveau de l’Europe. Pour cela, il est nécessaire de développer une souveraineté européenne qui donne aux peuples européens fierté et identité. À cet effet, nous devons lutter politiquement contre la tendance au repli identitaire, porter un projet politique pour l’ensemble de l’Union, concrétiser pour tous de nouveaux progrès sociaux et faire du Parti des socialistes européens un des creusets permettant de réaliser par le débat une intégration réussie. L’Union européenne doit aussi permettre à l’économie de ces pays de franchir cette difficile transition par un effort de solidarité. Celui-ci est aussi un investissement pour l’avenir : assurer les bases de la prospérité économique et de la solidarité sociale dans ces pays, c’est construire demain celle de nos pays, c’est construire les bases d’une croissance durable pour tous. C’est aussi combattre le dumping social et les délocalisations sauvages. Nous ne nions pas les difficultés. Mais le succès de l’élargissement est d’abord une question de volonté politique : il suppose d'avancer dans l'approfondissement de l'Union et de la doter d’un cadre de prise de décision démocratique plus transparent et plus efficace. Nous avons besoin d’une Constitution : il faut donc trouver les voies permettant de dépasser le blocage actuel. Les élections européennes de juin 2004 permettront aux citoyens de l’Europe élargie de faire des choix qui doivent être proposés avec clarté. Nous, socialistes, ne voulons pas la même Europe que les droites du continent qui oscillent, en fonction des circonstances, entre la mise en place d’un grand marché dérégulé, le repli sporadique sur la défense des égoïsmes nationaux et l’instrumentalisation de l’Europe comme bouc-émissaire. Notre projet est celui d’une Europe qui nous permette d’affronter la mondialisation par de nouvelles régulations, d’assurer la réussite de l’élargissement, de promouvoir la croissance, l’emploi et la solidarité, de porter un modèle social garant de protections pour les salariés et les citoyens, de disposer d’institutions transparentes et efficaces permettant d’agir à 25 ou avec tous les pays qui souhaitent aller de l’avant. Ce projet, c’est aussi celui de l’Europe démocratique. Nous sommes convaincus qu’il n’y aura pas d’Europe sociale sans Europe politique. Pour nous, les citoyens européens doivent enfin devenir les auteurs de leur avenir. Aujourd’hui les institutions européennes demeurent encore trop l’émanation lointaine des souverainetés nationales. Sans la constitution de majorité politique à l’échelle continentale, nous ne pourrons développer notre ambition pour l’Europe. Nous voulons construire un véritable espace public européen. |
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