Élections législatives

Lionel Jospin

Tribune de Lionel Jospin à la veille du scrutin (le 7 mai 1997)


 
Mes Chers Compatriotes,

Le 25 mai et le 1er juin prochains, la France va décider de son avenir et choisir une nouvelle Assemblée nationale mais aussi un destin.

Je vous écris après l'intervention du président de la République dans la campagne électorale. Je l'ai trouvée négative, partisane et inéquitable.
Mais cette lettre ne se veut pas une réponse tant sont nombreux les points qu'il faudrait alors corriger.

Je vous écris pour vous redire - au-delà des bruits et des assauts d'une campagne - nos valeurs, nos engagements et les principes qui fondent aujourd'hui ce choix de civilisation que nous vous proposons.

Pour changer, la France doit retrouver confiance en elle-même.
Elle ne le fera qu'en retrouvant confiance en ceux qui la dirigent.
C'est une question de respect, ce respect dont j'ai fait le cœur de notre engagement, le fondement de cet avenir que nous voulons bâtir.

Respect de la Vérité

Nous ne rétablirons le crédit de la parole publique que si les responsables politiques tiennent un langage de vérité.
S'ils reconnaissent les faits, respectent leurs adversaires et surtout restent fidèles à leurs engagements.
Si la France connaît aujourd'hui ce climat de scepticisme, c'est pour bonne part parce que le pouvoir actuel a délibérément tourné le dos à ses promesses essentielles faites dans la campagne présidentielle.
Nous voulons, demain comme aujourd'hui, dire ce que nous ferons et faire ce que nous disons.

Respect de l'individu

Dans la société que nous voulons, la femme, l'homme doivent pouvoir, grandir, s'instruire et s'épanouir librement.
La liberté des individus, le respect des initiatives doivent être pleinement assurés dans la sphère de la production comme dans le domaine de la création.
Mais la liberté n'est pas la licence.
La liberté n'est pas la négation de l'égalité, l'égalité ouvre au contraire le chemin qui conduit à la liberté pour chacun.

L'économie doit être mise vraiment au service de l'homme en créant l'emploi. C'est possible. Le chômage a dépassé en France les limites du tolérable.
La politique économique de la gauche doit se centrer sur ce combat. Nous prenons des engagements pour les services publics, la santé, l'éducation, les retraites, le logement, l'accueil maîtrisé mais digne des étrangers, la coopération avec les autres.

Respect de ce qui nous rassemble

La France est un héritage, nous devons le transmettre à notre tour, présenté, embelli, mis en valeur pour les générations futures.
C'est ce qui justifie nos propositions sur la culture, l'environnement, l'agriculture, les départements et les territoires d'outre-mer.

Mais la France ne se réduit pas à ses paysages, ses terroirs ou ses villes. Elle est une nation, une communauté de citoyennes et de citoyens qui ont besoin, pour vivre ensemble et s'assurer un destin, de se rassembler autour de valeurs communes et de principes respectés par tous. Il faut faire revivre l'esprit de la République et donner un sens à notre avenir.

Respect de l'Europe

L'union européenne est, ne l'oublions pas, le seul espace d'une telle superficie, d'une telle diversité historique et culturelle, où la paix soit installée depuis 50 ans.
Elle réunit de grandes nations qui ont décidé de se projeter ensemble vers le futur. Nous voulons l'Europe sans défaire la France.
Nous ne voulons pas dissoudre l'Europe dans la mondialisation.
Nous ne nous résignons pas à voir l'idéal européen reculer dans l'esprit des peuples, parce que ceux-ci l'indentifient au chômage et à la précarité. Voilà pourquoi nous posons des conditions - d'ailleurs raisonnables - au passage à la monnaie unique.
Pourquoi nous voulons réorienter la politique européenne vers la croissance et l'emploi, pourquoi nous voulons négocier sérieusement l'élargissement aux pays de l'Est.
L'Europe doit défendre pleinement ses intérêts et son modèle sur la scène internationale.

Respect de la démocratie, enfin

Notre pays n'est plus, aux yeux des citoyens du monde, le meilleur exemple de démocratie moderne.
Celle-ci doit être rénovée, non en affaiblissant l'Etat mais en veillant à son impartialité, à son efficacité, à sa transparence.
En ramenant la durée de tous les mandats à cinq ans, en limitant strictement le cumul des mandats, en garantissant l'indépendance de la Justice, en accroissant - dans les faits et non en parole - le nombre des femmes à l'Assemblée nationale, en faisant en sorte que ceux qui travaillent ne soient pas niés dans leurs droits de citoyens lorsqu'ils franchissent les portes des entreprises.


Nous avons su tirer les enseignements des dix années où nous avons été au gouvernement du pays.
J'assume, et le Parti socialiste avec moi, les erreurs passées - en n'oubliant pas celles que je n'aurais pas voulu voir commettre et qui ne seront pas renouvelées, je m'y engage - mais je revendique tout ce qui a changé, rajeuni, réhaussé le visage et Ia grandeur de la France.
Notre engagement est responsable, généreux, concret et porté par un idéal. C'est cette union de l'humanisme et du réalisme qu'attend le peuple de France, un peuple qu'on a voulu surprendre une seconde fois et qui se réveille, s'exprime, exige aujourd'hui une autre politique.

Changeons d'avenir, mes chers compatriotes.
Ayons foi en notre destin, celui d'une France juste et solidaire, dans une Europe que nous pourrons être fiers de construire pour nos enfants, dans un monde qui ne doit pas être cette jungle que nous promettent les fatalistes intéressés du tout libéral et du tout financier.

Faisons battre ensemble le cœur de la France.
Le 25 mai prochain, changeons de majorité,
changeons d'avenir.

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