entretien avec

Démocratie participative

Sénateur-maire du XXe et candidat à l'élection législative partielle de cet arrondissement de Paris, Michel Charzat vient de publier " Politiquement libre ", , un livre dans lequel il décrit l'expérience originale de démocratie participative locale mise en œuvre depuis 1995.

 
En quoi consiste la démocratie participative locale que vous avez mise en œuvre dans le XXe arrondissement ?

La démocratie participative constitue une nouvelle dimension de l'action politique locale. Il s'agit d'enrichir la démocratie représentative par de nouvelles pratiques d'implication : conseils de quartier, droit de pétition, transparence dans les dossiers d'urbanisme...

Dans le XXe, dès notre arrivée, nous avons installé huit conseils de quartier constitués chacun de 39 conseillers. Un tiers d'entre eux est tiré au sort sur les listes électorales afin d'introduire des représentants directs de la population. Un tiers est constitué de représentants du mouvement associatif et le dernier tiers par des militants politiques habitant le quartier, désignés proportionnellement aux résultats des élections municipales. Ils se réunissent au moins une fois par trimestre, mais entre-temps ils mettent en place des commissions de travail, organisent des animations et prennent en charge un certain nombre d'actions, notamment en matière d'activités économiques.
Nous avons ainsi constitué, à travers un conseil de quartier dans le secteur des Amandiers, la première " régie de quartier " de Paris. L'idée commence à faire tache d'huile, puisque le XIXe et maintenant le Xe arrondissement se sont dotés de structures semblables de participation qui réunissent plusieurs centaines de conseillers et un très nombreux public qui a acquis ainsi le droit à la parole au cours des séances plénières. Ce qui élargit la démocratie à plusieurs milliers de personnes qui apprennent de cette manière à participer à la vie locale.
Les conseillers tirés au sort sont venus en nombre assez important et participent presque autant que les autres aux conseils de quartier. C'est une bonne surprise qui montre un appétit démocratique important dans la population.

Quelle est votre stratégie pour la reconquête de Paris ?

Je suis convaincu qu'un simple changement d'équipe sera insuffisant pour remettre en cause le système actuel de gestion, trop centralisé et très coupé de la population. La gauche a donc la responsabilité de mettre en mouvement les citoyens de la capitale. Pour gérer Paris, la méthode technocratique et administrative a désormais vécu. Il faudra décentraliser, déconcentrer, démocratiser - c'est ce que j'appelle la révolution tranquille des trois D - , comme nous le faisons à notre manière dans les arrondissements animés actuellement par la gauche. Il s'agit de convaincre les Parisiens qu'ils seront les acteurs de la construction permanente d'un projet de qualité de vie qui renouera avec la grande tradition qui fit de Paris, au XIXe siècle, la capitale de la démocratie et de la création dans le monde.

Vous avez deux projets, pour les boulevards des Maréchaux et pour la Seine...

Paris n'a pas aujourd'hui de vision d'avenir.
Cette ville est victime d'une gestion extrêmement conservatrice. Il faut retrouver une ambition à la mesure de la Capitale, sur tous les plans et notamment sur celui de ses nouvelles frontières. En particulier, le boulevard des Maréchaux, cet anneau qui entoure Paris et où habite un Parisien sur dix doit être revitalisé pour accueillir davantage de mixité sociale et devenir un point de jonction entre Paris et son environnement, alors qu'aujourd'hui c'est plutôt une zone de fracture. Le tramway pourrait être l'initiative phare de cette revitalisation qui entraînerait l'installation de nouvelles activités économiques et culturelles.

Quant à la Seine, évidemment, il s'agit d'un axe majeur, d'une promenade sacrifiée au " tout-automobile " dans les années Pompidou et suivantes. Il faut donc rendre la Seine aux Parisiens et aux visiteurs de la capitale, par une opération de réhabilitation, de réappropriation collective de ce lieu magique.

Est-il temps, d'après vous, de reposer la question du droit de vote des immigrés aux élections locales ?

Je constate que cette question est moins sensible qu'elle ne le fut, grâce à la gestion extrêmement sage du dossier par le gouvernement et par Lionel Jospin. Dès lors qu'elle n'est plus au centre d'un débat passionnel qui était suscité par l'extrême-droite, par les xénophobes, dès lors que ce problème semble en voie d'apaisement. J'en veux pour preuve les propos de certains dirigeants de la droite républicaine. Il est possible que cette question soit maintenant reposée de manière responsable et puisse progresser. Pour ma part, je pense qu'aujourd'hui les conditions ne sont pas loin d'être réunies afin que, sans recréer de querelles franco-françaises, nous puissions accorder le droit de vote aux immigrés qui vivent régulièrement sur notre sol depuis un certain nombre d'années, et particulièrement dans leur commune depuis au moins cinq ans.

La démocratie doit s'affirmer face au libéralisme...

On va demander aussi aux Parisiens de choisir entre deux approches de la politique. Une approche démocratique, renouvelée par la mise en place de nouvelles pratiques permettant aux citoyens de résister face au " tout-libéral ". Et une approche libérale portant en germe une crise qui peut être fatale pour la démocratie, dès lors que le seul critère est celui de la réussite individuelle et matérielle. C'est le combat essentiel que le socialisme doit reprendre à son compte, car ce n'est que dans ce cadre qu'il peut redevenir une utopie mobilisatrice, celle de citoyens autonomes dans un monde solidaire.


Propos recueillis par
Claude Polak.

Entretien paru dans L'Hebdo des socialistes - 5 novembre 1999