Pour un « Oui » socialiste

François Hollande



Texte présenté par François Hollande, premier secrétaire du Parti socialiste, à l'occasion du référendum interne du 1er décembre 2004.


 
Le 1er décembre, chaque militant par son vote fera un choix qui déterminera l’avenir de la const ruction européenne.

En effet de la position de notre Parti dépendra l’issue du référendum convoqué pour 2005. Nous sommes la première force politique du pays. Notre « oui », conforme à notre identité socialiste, ouvrira la voie à de nouvelles étapes.

En revanche, nous sommes convaincus que le rejet, et donc l’absence, de traité constitutionnel mettra l’Europe en panne pour longtemps. Une crise, dont nul ne sait comment elle se dénouerait dans le contexte d’une droite majoritaire en France et en Europe, nous priverait pour plusieurs années des moyens politiques pour faire progresser l’Europe politique et sociale.

L’enjeu est décisif. Notre responsabilité est immense. Pour la gauche, pour la France et pour l’Europe. Une fois de plus, nous avons rendez-vous avec l’Histoire.

L'Europe, notre histoire et notre avenir

Les combats pour le socialisme sont inséparables de l’internationalisme.
De Jean Jaurès à Léon Blum, de François Mitterrand à Lionel Jospin en passant par Jacques Delors, les socialistes ont été les inspirateurs des grands traités européens qui ont contribué à favoriser la paix et le progrès. Tous les Premiers ministres socialistes y ont pris leur part : traité de Rome en 1957, élargissement à l’Espagne et au Portugal et grand marché intérieur en 1986, traité de Maastricht en 1992, traité d’Amsterdam en 1997...

La construction européenne est un exemple, de l’Amérique latine à l’Asie et à l’Afrique. Son modèle social et économique est envié par beaucoup de progressistes dans le monde.

Aujourd’hui, après l’élargissement aux pays de l’Est, il s’agit de franchir une nouvelle étape de la construction d’une Europe sociale et démocratique.

Le traité constitutionnel a été voulu par le gouvernement de Lionel Jospin. Dans l’élaboration de ce texte, les socialistes ont arraché de nombreuses avancées dont ils peuvent être fiers : Charte des droits fondamentaux, gouvernement économique, reconnaissance des services publics, des avancées de l’Europe politique, préservation de l’exception culturelle, affirmation du caractère laïc de l’Union.

Les raisons du « oui » sont fondées sur des réponses claires à des questions essentielles :
     Le traité marque-t-il des avancées ou un recul ?
     Permet-il de conduire une politique de gauche ?
     Sera t-il possible de réviser le traité constitutionnel ?
     Quelles seraient les conséquences d’un rejet du traité ?
     Quelles sont les étapes qui doivent suivre l’adoption du traité constitutionnel ?

Le traité constitutionnel est-il le plus progressiste des traités européens ? Oui !

Par rapport aux traités antérieurs, tout ce qui est nouveau est positif et il n’y a aucun recul à déplorer. Certes, nous aurions voulu aller plus loin, mais un traité européen est toujours le fruit d’une négociation entre Etats membres. Il n’est jamais l’alignement sur un seul pays et encore moins sur un seul parti.

La meilleure preuve, est que ce traité est approuvé par l’ensemble des partis socialistes européens, à l’exce ption du parti maltais. Partout, les socialistes sont unis pour défendre ces nouvelles avancées, de Ken « le rouge », le maire de Londres à Gerhard Schröder en passant par José Luis Zapatero.

Le traité constitutionnel a également reçu le soutien de la Confé d é ration européenne des syndicats. Parmi les 74 confédérations représentées, une seule a marqué son hostilité. Tous les syndicats des pays entrants votent pour le traité car ils y voient un point d’appui pour faire avancer leurs droits sociaux.

Le traité constitutionnel est-il le plus démocratique des traités européens ? Oui !

 Extension des pouvoirs du Parlement européen. Il devient co-législateur à égalité avec le Conseil européen dans 80 domaines (contre 37 aujourd'hui). Il étend ses pouvoirs budgétaires en obtenant un droit de décision égal à celui du Conseil dans ce domaine.

 Droit de contrôle sur les législations européennes accordé aux parlements nationaux pour faire respecter les compétences des Etats membres.

 Election du président du Conseil européen pour une durée de 2 ans et demi à la majorité qualifiée (aujourd’hui le président change automatiquement tous les 6 mois, chaque pays dispose de la présidence tous les 12 ans et demi. Il n’est pas tenu compte des majorités politiques).

 Election du président de la Commission par le Parlement européen en fonction du résultat des élections européennes.

 Création d’un gouvernement économique. La responsabilité de l’euro devient ainsi politique et ne relève plus seulement de la Banque centrale européenne, comme aujourd’hui.

 Nomination d’un ministre européen des Affaires étrangères qui exprimera la parole commune des Européens sur la scène internationale.

 Application de la majorité qualifiée dans 20 nouveaux domaines en remplacement de la règle de l’unanimité (justice, agriculture, lutte contre la criminalité, énergie...)

 Introduction de mécanismes de démocratie participative avec le droit de pétition reconnu aux citoyens de l’Union pour faire voter une loi européenne.

Le traité constitutionnel est-il le plus social des traités européens ? Oui !

 Force juridique donnée à la Charte européenne des droits fondamentaux,

 Reconnaissance des partenaires sociaux à travers l’instauration d’un sommet social annuel pour la croissance et l’emploi,

 Création d’une base juridique pour les services publics,

 Dépassement de la libre-concurrence - comme c’était le cas depuis 1957 -, par l’introduction, dans les objectifs de l’Union, de l’économie sociale de marché, du plein emploi, du progrès et de la justice sociale, de la lutte contre l’exclusion sociale, de l’égalité femmes-hommes, du développement durable, etc.

 Institution d’une clause sociale qui garantira, y compris par les tribunaux, une protection sociale adéquate, la lutte contre l’exclusion, un niveau élevé d’éducation et de formation, la protection de la santé.

Le traité constitutionnel reconnaît-il la place de l'outre-mer et la solidarités à son égard ? Oui !

Pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion, le traité constitutionnel autorise toute avancée statutaire que les DOM pourraient demander dans le cadre de la Constitution française.

Comme la France l'avait souhaité pour Mayotte, le passage de la catégorie de pays et territoires d'outre-mer (PTOM) à celle de région ultra-périphérique (RUP) peut désormais se faire sans révision générale du traité, par une déclaration du Conseil des ministres. Enfin, le régime d'association des PTOM est consolidé par le traité constitutionnel. Là encore, c’est un progrès.

Le traité est-il conforme à notre indentité socialiste ? Oui !

Le traité constitutionnel reprend les traités en vigueur aujourd'hui et en améliore certains.

Les partisans du « non » dénoncent la partie III du traité constitutionnel qui n’est pourtant que la codification de tous les grands traités que les pays européens ont signé, le plus souvent à l’initiative de la France et des gouvernements socialistes.

Voudrait-on aujourd’hui les rejeter ?
Aurait-on eu tort de les ratifier ?

Faudrait-il alors donner raison au parti communiste et à l’extrême-gauche qui n’ont jamais accepté l’Europe ?

Ou à Jean-Pierre Chevènement qui, dès 1983, annonçait que nous faisions fausse route ? Non ! Ce sont eux qui avaient et qui ont toujours tort. Les Français nous l’ont confirmé avec nos succès du printemps dernier. C’est notre identité socialiste qui permet toujours de faire avancer la gauche en cohérence avec nos choix européens. Ce serait une faute politique majeure de changer cette stratégie. Les classes populaires ne refusent pas l’Europe mais le libéralisme déchaîné. C’est à nous de faire l’une et de défaire l’autre. Voter « oui » c’est être fidèles et respectueux des engagements pris avec les militants socialistes au congrès de Dijon sur une ligne politique qui nous a tous fait gagner.

Le traité constitutionnel est-il révisable ? Oui !

 Le traité constitutionnel est un traité comme les autres.

 Du traité de Rome au traité de Nice, c’est la règle de l’unanimité qui s’est toujours appliquée. Jamais elle n’a empêché l’Europe de progresser par bonds successifs.

 Si le traité constitutionnel était repoussé, c’est le traité de Nice qui s’appliquerait et c’est à l’unanimité qu’il devrait être renégocié dans des conditions bien plus défavorables.

 Le traité constitutionnel introduit des dispositions nouvelles qui rendront la révision plus facile que par le passé :
     Dès l’entrée en vigueur du traité (en 2006) le Parlement pourra suggérer des propositions de révision.
     La création d’une « clausse passerelle » générale permettra dans les domaines de compétences qui demeurent encore à l’unanimité de passer à la majorité sans révision de l’ensemble du traité.
     La mise en œuvre de coopérations renforcées sera assouplie. Les pays qui souhaitent avancer plus vite pourront le faire plus facilement.

Le traité constitutionnel permet-il de mener une politique de gauche ? Oui !

Les partisans du « non » prétendent, à tort, que le traité constitutionnel serait un « carcan » qui interdirait la conduite d’une politique de gauche. Rien n’est plus faux.

Pas une ligne, pas un mot qui interdise à un gouvernement ou à l’Union européenne de conduire une politique de gauche. Les gouvernements nationaux qui ont le courage de conduire une politique de changement ne sont pas entravés par l’Union européenne.

 L’Europe n’a pas empêché le gouvernement Jospin de voter
   la CMU,
   les 35 heures,
   les emplois-jeunes,
   l’APA,
   la loi contre les licenciements boursiers...

 L'Europe n’empêche pas Zapatero de présenter un budget authentiquement de gauche :
   augmentation de 30 % des crédits sociaux,
   de 20 % des crédits de recherche,
   de 10 % des crédits d’Education.

 L'Europe n’oblige pas Raffarin à décider :
   une véritable politique de casse sociale,
   la destruction des services publics,
   le vote d’un budget qui aggrave les inégalités fiscales.

L'Europe a souvent bon dos. Elle sert de bouc émissaire commode. Elle ne doit pas devenir le paravent de nos impuissances ou de nos renoncements.

Les traités ne sont pas un obstacle à une politique européenne de gauche. Rien dans le traité constitutionnel n’empêchera demain une Commission et un Parlement de gauche de conduire des politiques volontaristes dans les domaines de la recherche, de l’emploi, de l’industrie, d’augmenter le budget européen ou de promouvoir les services publics. Ce sont les gouvernements de droite et la majorité du Parlement européen, qui font aujourd’hui obstacle à ces politiques.

Demain, si la gauche européenne remporte les élections, elle disposera, avec ce traité, de plus de moyens pour agir.

Le non est-il une impasse ? Oui !

Il n’y a pas de « non » tranquille. Il n’y a que des « non  de crise.

 Sur quel projet les partisans du « non socialiste » comptent-ils s’accorder avec les autres défenseurs du « non », en France comme en Europe, pour créer une alternative au texte actuel ?

 Avec qui les partisans du non veulent-ils s’allier ?

   Avec les souverainistes et les euro sceptiques ? Il ne peut pas en être question.

   Avec les partis socialistes, et sociaux-démocrates ? Mais ils sont unanimes à considérer le traité comme une avancée qu’il faut soutenir.

   Avec le mouvement social ? Mais la Confédération européenne des Syndicats vient de réaffirmer son soutien au traité constitutionnel.

   Avec Jacques Chirac ? Il ne saurait en être question.

   Avec le Parlement européen m ajoritairement à droite ? Illusoire.

   Au sein du Conseil européen dominé par 18 gouvernements conservateurs ou libéraux sur 25 ? Inimaginable.

   Avec la Commission dirigée par Barroso et dominée par les libéraux ? Impossible.

Ceux qui préconisent « une crise salutaire » ne parviennent pas à dire comment ils la dénoueraient. Au mieux, nous reviendrions au traité de Nice ce qui serait un recul grave par rapport au traité constitutionnel. Et au pire, nous aurions une négociation difficile pendant des années sous la pression des libéraux sans en connaître l’issue. Le « non » ouvrirait une crise qui ne serait ni « salutaire » ni « salvatrice » mais régressive. Curieuse conception du progrès...

L'adoption du traité permet-elle d'envisager de nouvelles avancées ? Oui !

 Ce traité constitutionnel facilite la formation d’une avant-garde européenne dans les domaines sociaux et économiques (Coopérations renforcées). Nous proposons la réunion, en 2005, d’une conférence des partis socialistes européens volontaires pour identifier les domaines dans lesquels nous voulons aller plus vite et plus loin ensemble.

 Nous proposons de garantir la cohésion de l'Europe élargie en décidant un plan de solidarité à destination des nouveaux pays membres, comme nous l’avons fait avec succès pour l’Espagne et le Portugal. C’est la meilleure façon de lutter contre les délocalisations. En effet, à travers ce plan, il faut :
   augmenter le budget européen,
   continuer à financer les politiques communes actuelles (agricoles, régionales),
   consacrer beaucoup plus de moyens à la recherche et à l’innovation.

 Nous proposons d’utiliser la base juridique contenue dans le traité constitutionnel pour aller plus loin et faire voter une loi-cadre sur les services publics dans toute l’Europe (égalité d’accès, péréquation tarifaire, présence sur tout le territoire).

 Nous proposons de faire adopter lors que nous serons revenus aux responsabilités, un traité social qui s’ajoutera au traité constitutionnel.

Pour un oui de combat

L’ Europe est le seul contre-poids politique à l’hyperpuissance américaine. L’élection américaine est un nouveau défi pour l’Europe. Si George W. Bush l’emporte, elle devra être encore plus forte et cohérente. Inversement, elle devra saisir la main que nous tendront les Démocrates au lendemain de la victoire de John Kerry que nous espérons.

Ce traité marque un progrès indéniable. Il est une étape importante de la construction de l’Europe. D’autres suivront.

Voter « oui », c’est confirmer la dynamique européenne. C’est entretenir la chaîne de l’espérance qui fait que, depuis cinquante ans, l’Europe est le seul ensemble capable d’affirmer, pour lui et pour le reste du monde, un modèle social et de civilisation. C’est poursuivre la plus belle aventure humaine de notre siècle.

Ce traité contribuera à renforcer l’Europe et à la faire avancer sur les valeurs humaines qui sont les nôtres. Ce ne sera possible que si les socialistes européens s’unissent et si les socialistes français prennent, avec eux, toute leur responsabilité. Le moment est venu.


Les signataires :
Kader Arif
député européen
Martine Aubry
maire de Lille
Jean-Marc Ayrault
député-maire de Nantes, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale
Robert Badinter
sénateur des Hauts-de-Seine
Delphine Batho
responsable nationale à la sécurité
Laurent Baumel
Responsable national aux études, conseiller technique au cabinet de Pierre Moscovici, ministre des Affaires européennes (1997-2002)
Jean-Pierre Bel
président du groupe socialiste au Sénat
Alain Bergounioux
secrétaire national chargé des études
Éric Besson
député de la Drôme
Jean-Louis Bianco
député des Alpes-de-Haute-Provence, président du Conseil général
Patrick Bloche
député de Paris
Guy Bono
député européen
Christophe Borgel
membre du conseil national
Malek Boutih
secrétaire national aux questions de société
Jean-Christophe Cambadélis
député de Paris
Christophe Clergeau
conseiller régional des Pays-de-la-Loire
Gérard Collomb
maire de Lyon, sénateur du Rhône
Bertrand Delanoë
maire de Paris
Jean-Pierre Demerliat
sénateur de la Haute-Vienne
Harlem Désir
député européen
Julien Dray
député de l'Essonne
Yves Durand
député du Nord
Claude Estier
ancien président du groupe socialiste au Sénat
Catherine Génisson
députée de la 2ème circonscription du Pas de Calais
Gaëtan Gorce
député de la Nièvre, secrétaire national à l'Emploi
Jean-Noël Guérini
sénateur des Bouches-du-Rhône
Élisabeth Guigou
députée de Seine-Saint-Denis
Adeline Hazan
députée européenne
Anne Hidalgo
première adjointe au maire de Paris
Safia Ibrahim-Ottokoré
responsable nationale, adjointe au maire d'Auxerre
Lionel Jospin
ancien Premier ministre (1997 - 2002)
François Lamy
député de l'Essonne
Jack Lang
député du Pas de Calais
Marylise Lebranchu
députée du Finistère
Claudy Lebreton
président du conseil général des Côtes-d'Armor, président de l'Assemblée des départements de France
Stéphane Le Foll
député européen
Annick Lepetit
députée de Paris, porte-parole du Parti socialiste
Bruno Le Roux
député de Seine-Saint-Denis
Frédéric Léveillé
membre du bureau national
Martine Lignières-Cassou
députée des Pyrénées-Atlantiques
Pierre Mauroy
sénateur du Nord
Michel Morin
premier secrétaire fédéral des Côtes d'Armor, vice-président du conseil régional de Bretagne
Pierre Moscovici
député européen
Bernard Poignant
député européen
François Rebsamen
maire de Dijon
Alain Richard
maire de Saint-Ouen-l'Aumône (95), ancien ministre de la Défense (1997-2002)
Michel Rocard
député européen
Alain Rousset
président du conseil régional d'Aquitaine
Ségolène Royal
présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, députée des Deux-Sèvres
Michèle Sabban
secrétaire nationale aux droits des Femmes, vice-présidente du Conseil régional d'Ile de France
Michel Sapin
président du conseil régional du Centre
Dominique Strauss-Kahn
député du Val-d'Oise
Marisol Touraine
secrétaire nationale à la Solidarité
Catherine Trautmann
députée européenne
Jean-Jacques Urvoas
conseiller régional de Bretagne, premier secrétaire fédéral du Finistère
Daniel Vaillant
député de Paris
André Vallini
député de l'Isère
Clotilde Valter
conseillère générale (Lisieux) du Calvados



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