Les anciens ministres doivent s'effacer

Claude Allègre

Entretien avec Claude Allègre, ancien ministre de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie (1997-2000), paru dans Le Parisien daté du vendredi 25 avril 2003.
Propos recueillis par Dominique de Montvalon
 

Jean-Pierre Raffarin, sous le titre « la France de mai » (Grasset), fait le bilan de sa première année à Matignon...
Ce qui crève les yeux, c'est que la droite au pouvoir n'a pas fait grand-chose. Elle s'est montrée incapable de profiter de l'euphorie de sa victoire pour faire passer les réformes les plus difficiles : rien sur l'éducation, la suppression des emplois jeunes, des moulinets autour du dossier crucial des retraites, et l'économie dans un état d'autant plus déplorable que Raffarin a fait sienne l'idée parfaitement idiote de réduire les impôts de tous.

La gauche est sévère avec la droite, mais dans quel état est-elle ?
Elle doit se décider à faire du tremblement de terre du 21 avril une analyse enfin correcte. Dix-huit mois avant cette échéance, Jospin avait dix points d'avance sur Chirac. A l'arrivée, les deux hommes se sont retrouvés au coude à coude. Cela veut dire quoi ? D'abord, que Jospin a raté son sprint final. Ensuite, que la politique menée dans les deux dernières années a permis à l'échappée Jospin d'être rattrapée par le peloton. Mais cela ne saurait faire oublier les trois premières années.

On aurait tendance à les oublier ?
Je vois s'exprimer sans cesse des gens qui ont eu des responsabilités éminentes au gouvernement puis dans la campagne de Jospin : ils se comportent comme des Martiens. Jospin, lui, a tiré les leçons de l'échec. Et eux ? Pourtant, la campagne a été ratée, et nous avons payé cash la mauvaise utilisation des 180 milliards de surplus de l'an 2000. Et seul Jospin, qui a pourtant de quoi être fier des « trois glorieuses » (1997-2000), devrait se frapper la poitrine ? Paraître passer par profits et pertes les formidables réalisations du gouvernement Jospin, c'est une grande erreur. Si DSK était resté ministre des Finances jusqu'au bout, on aurait terminé la législature avec un déficit zéro. Il y a eu, dans le bilan Jospin, des insuffisances, mais si Jospin était parti au bout de trois ans, il aurait eu droit à une couronne de lauriers, et serait aujourd'hui le super-Mendès France.

Au PS, on entend beaucoup « Sortez les sortants »...
Je crois une synthèse possible. La motion d'Henri Emmanuelli a un point fort : la critique de la deuxième phase de la politique économique de Jospin car, je le répète, la réduction d'impôts sans une réforme fiscale profonde, c'est une mauvaise idée. Une mauvaise idée que Fabius, bien à tort, avait empruntée à Tony Blair alors que ce dernier, lucide, l'avait déjà abandonnée. Mais il y a par ailleurs, dans le texte d'Emmanuelli, beaucoup d'idées irréalistes ou dangereuses. Exemples : militer pour un rapprochement avec l'extrême gauche, ou croire que le salut serait dans une alliance avec un Parti communiste moribond.

Et du côté d'Arnaud Montebourg ?
Dans son texte, il y a, au milieu d'une démagogie facile et d'un juridisme un peu cucul, un seul point fort : la volonté de renouvellement. Jospin l'avait fait en 1995. C'est cette fois la responsabilité de Hollande. Les anciens ministres doivent s'effacer très largement au profit d'une nouvelle génération. Car seul François Hollande a la capacité de réaliser le rassemblement et le renouvellement.

La priorité, pour vous, c'est le changement ?
L'autre soir, à ma réunion de section, j'ai vérifié combien les militants exigeaient le renouvellement. C'est vital pour que le PS regagne sa crédibilité vis-à-vis du pays.

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