Changer de politique,
changer la politique

Claude Allègre
par Claude Allègre, professeur à l'université Denis-Diderot (Paris VII), ancien ministre de l'Education nationale.
Point de vue paru dans le quotidien Libération daté du vendredi 4 mai 2001


 
Lionel Jospin et son gouvernement ont réussi pour la première fois depuis trente ans à faire baisser le chômage. Ce n'est pas une mince performance. Tous les gouvernements avant lui s'y sont essayés, sans succès. Bien sûr, cette décrue a coïncidé avec une croissance élevée en France, qui n'est pas due au hasard, mais la France a fait mieux que l'Allemagne.

Ce résultat a été obtenu grâce à l'impulsion initiale donnée par le premier gouvernement Jospin et notamment grâce aux emplois jeunes mais aussi au style de renouvellement politique et de modernisation qu'il donna et qui permit de mettre en mouvement un pays à grandes potentialités. Ce résultat spectaculaire laisse encore plus de 2 millions de chômeurs sur le carreau et il n'y a pas lieu de s'endormir sur des lauriers au demeurant fragiles, mais encore une fois ce n'est pas rien ! Les mesures sur la parité hommes-femmes, la couverture maladie universelle et l'allocation pour les personnes âgées sont autant de mesures qui resteront comme des progrès fondamentaux. La loi sur la présomption d'innocence, les débuts de la police de proximité, les mesures d'encouragement à la création d'entreprises innovantes, la rénovation des infrastructures universitaires ou l'harmonisation européenne des diplômes vont dans le bon sens.

Depuis un an et demi, la politique économique s'est petit à petit infléchie et a conduit à verrouiller l'ensemble de l'action politique. Ce qui est en cause c'est la politique dite de baisse des impôts qui est une politique traditionnelle des conservateurs. Ce fut la politique de Ronald Reagan, qui a conduit au délabrement des services publics américains, de Margaret Thatcher, qui, en privatisant les services publics, a indirectement amené la crise de la vache folle par la privatisation des vétérinaires contrôleurs et les accidents à répétition de trains privatisés. C'est la politique que veut mener le président Bush aujourd'hui et qui provoque la critique acerbe de tous les démocrates américains, économistes en tête.

La réduction d'impôts est en France une mesure qui avantage ceux qui les payent, à savoir les riches. Les pauvres n'en payent pas. Même la suppression de la vignette fut un cadeau aux riches puisque ceux qui avaient une grosse voiture se sont vus allégés de plusieurs milliers de francs alors que pour les autres ce n'était que quelques centaines de francs.
L'impôt sous l'ancien régime était impopulaire car il était le symbole de la vie dispendieuse des nobles sur le dos de ceux qui travaillaient et ne l'étaient pas. Mais l'impôt dans une république a - s'il est juste - une autre signification. C'est le moyen de maintenir les services publics en fonctionnement, c'est le moyen de redistribuer la richesse grâce à sa progressivité, c'est le moyen de faire vivre la solidarité nationale.
Réduire les impôts, en réduisant le rôle de l'Etat, en privatisant les services publics, est une politique qui a sa cohérence dans une certaine philosophie libérale car on rend aux consommateurs - les plus riches - de l'argent qu'ils peuvent investir dans l'économie.

Mais où il y a incohérence, c'est quand, s'affirmant socialiste, on s'oppose à toute réduction du périmètre de l'Etat et que, dans le même temps, on réduit les moyens effectifs alloués aux services publics car on les fragilise. Je ne suis pas, pour ma part, opposé à ce que l'Etat se déleste d'entreprises qui opèrent dans le secteur concurrentiel international, mais cela doit se faire en renforçant ce qui est le cœur du service public.
Nos services publics ont besoin d'êtres confortés et réformés, décentralisés, assouplis, débureaucratisés, rassurés aussi, car ils ont peur des diktats bruxellois. Mais ils ont aussi besoin de moyens, surtout en équipements et en infrastructures.

Réduire le nombre de fonctionnaires est un slogan populaire. Mais qui oserait dire qu'il y a trop d'infirmières, de médecins, d'enseignants dans les universités ou dans la formation continue, de policiers pour faire face à la violence, de greffiers ou de magistrats pour rendre une justice plus rapide et plus efficace ?
Il faut distinguer fonctionnaires et fonctionnaires. Il y a ceux qui constituent l'administration, les bureaux. Ils sont certes en France trop nombreux, notamment au ministère des Finances, dans les administrations centrales, et dans les services préfectoraux de l'Etat. Cet excès d'administration pèse sur le budget de l'Etat, mais surtout sur son fonctionnement. Elle amplifie notre tendance historique à la bureaucratie et à la réglementation excessive.
Et puis il y a les agents opérationnels des services publics, Education, Santé, Police, Justice, Transport. Pour ces derniers, dont les tâches sont devenues plus difficiles et qui doivent rendre service à une collectivité de plus en plus exigeante, il n'y a souvent pas assez ni d'agents ni d'argent. Mais ils ont besoin de se moderniser pour satisfaire les besoins des usagers. Service public veut dire au service du public.
Or sur toutes les réformes des services publics ou presque, on a cédé aux corporatismes, après avoir imposé au début une rigueur budgétaire excessive aux ministres chargés de les mettre en œuvre.

L'économie n'est pas une technique neutre, on l'appelait autrefois, avec juste raison, économie politique. On ne peut mener une politique progressiste avec des recettes économiques des conservateurs.
Ainsi, on a beaucoup de difficulté à comprendre le budget de l'année 2000. On a baissé la TVA d'un point, perdant ainsi 35 milliards (soit plus que le budget de la Ville de Paris), avec le plan de réduction d'impôts c'est plus de 110 milliards supplémentaires qu'on a retirés du budget de l'Etat. Au total plus de 100 milliards ont été soustraits du budget.
Suivant les suggestions de Dominique Strauss-Kahn on aurait pu en outre vendre les actions que l'Etat détient dans les entreprises du secteur concurrentiel: Renault, Air France, France Télécom, peut-être Gaz de France (mais pas EDF !). Astucieusement fait, ce programme pouvait rapporter au moins 800 milliards (peut-être plus). Avec cela que pouvait-on faire ?
D'abord, bien sûr, combler le déficit budgétaire pour atteindre l'objectif de l'équilibre en 2002 que DSK avait sagement fixé. La France ne peut vivre à crédit indéfiniment.
Ensuite, abonder un peu le fond de réserves des retraites qu'il faut alimenter sans panique mais avec constance.
Enfin et surtout développer un grand programme de rénovation des infrastructures d'équipement et de modernisation des services publics.
La police est sous-équipée en véhicules et en moyens, les juges ne sont pas tous équipés ni d'ordinateurs, ni du réseau crypté de communication pourtant indispensable, les universités ont besoin de continuer à être rénovées, les écoles et collèges ont besoin d'un grand plan informatique. On aurait pu équiper les hôpitaux en moyens d'examen modernes et développer un grand plan de construction de logements sociaux et pourquoi ne pas faire passer une loi sur le droit au logement. (Quand on pense que la quatrième puissance économique du monde a encore des pauvres et des mal logés et qu'il faut que ce soit des associations privées qui s'en occupent !).

Si les 35 heures ont été imposées aux grandes entreprises avec l'objectif de provoquer l'embauche, il était incompréhensible de vouloir les mettre en œuvre dans la Fonction publique et surtout à l'hôpital sans prévoir de créations d'emplois. L'Etat a lui-même donné l'exemple aux entreprises pour ne pas embaucher et tout miser sur les gains de productivité.
Fallait-il pour autant augmenter massivement et uniformément le nombre de fonctionnaires ? Non, certes. Comment résoudre cette apparente quadrature du cercle ? En jouant sur un contrat pluriannuel d'embauche à flux constant utilisant et guérissant à la fois le vieillissement inquiétant de la fonction publique. Cela créait des emplois et laissait du temps pour se réorganiser. Car la situation future risque d'être difficile. Si on n'anticipe pas les recrutements, on se trouvera dans dix ans devant une pénurie. Il faut plus de dix ans pour former des agents des services publics, un magistrat, un professeur d'université, un haut fonctionnaire, un médecin, une infirmière ou un ingénieur.
La démographie alliée aux 35 heures aurait donc pu donner aux différents ministres du "grain à moudre" afin d'amorcer des réformes profondes pour rénover les services publics.

Et les entreprises me direz-vous ? oui, il faut diminuer leurs charges pour les inciter à embaucher. C'est là aussi un secteur où la politique menée manque de cohérence. L'urgence, c'est de diminuer les charges des PME-PMI. On pouvait diminuer ces charges en leur rendant les excédents d'assurance-chômage créés par la diminution du nombre de demandeurs d'emploi et en allégeant les charges qui pèsent sur le personnel, au profit de l'emploi.
Et là il faut bien parler des 35 heures. La réduction du temps de travail a constitué dans les grandes entreprises une source de progrès, cela a relancé le dialogue social. Mais, d'un autre côté, les négociations ont souvent conduit au gel des salaires, y compris les plus petits. Les économistes feront le bilan, mais il est, je crois positif.
Mais à l'évidence la question dans les PME-PMI est différente.
Vouloir imposer les 35 heures à marche forcée à des petites entreprises c'est leur créer des problèmes inextricables d'organisation du travail et de financement, qui conduisent finalement à jouer contre l'emploi. Il fallait des dispositions spéciales, une stratégie d'assouplissement, d'étalement, qui n'ont pas été prises et qu'avait pourtant préconisées Mme Notat.

Mais la seconde mesure, peut-être la plus urgente pour aider notre économie, c'est la réforme de notre réglementation, autrement dit la réduction de la paperasserie. Il ne s'agit en aucun cas de modifier les règles de protection des travailleurs mais de simplifier les procédures et les contrôles a priori qui gênent la gestion quotidienne des PME-PMI et notamment des plus petites, aujourd'hui effrayées à l'idée d'embaucher.

Il fallait aussi aborder sans archaïsme mais sans reniement la gestion des fonds de pensions.
Cessons l'hypocrisie. Une méthode analogue aux fonds de pension existe pour les fonctionnaires, pourquoi ne pas les généraliser pour les cadres comme complément tout en continuant à conforter le système par répartition ? Veut-on par ces blocages absurdes livrer toutes nos entreprises au contrôle des fonds de pensions américains ? Quant au serpent de mer que constitue l'indispensable réforme fiscale, c'est désormais clair, Bercy ne sait pas ou ne veut pas la faire. Il faudra, comme cela s'est fait ailleurs, la confier à un petit groupe de parlementaires en dépassant les clivages partisans. Au lieu de tout cela, d'une politique dynamique alliant les mesures pour le long terme et le court terme, on a saupoudré ici ou là en cédant à telle ou telle manifestation corporatiste, créé des postes de fonctionnaires pour calmer les esprits plus que pour préparer l'avenir et le résultat est là. Alors que l'année 2000 a été depuis longtemps la meilleure année pour les rentrées fiscales, on n'a pas réduit le déficit budgétaire, sans améliorer les services fournis par l'Etat. Tout cela pourquoi, pour céder à la mode de la baisse d'impôts. Qui s'est aperçu des baisses d'impôts ? La politique de baisse d'impôts n'est pas bonne, mais de plus elle a été mal faite, trop mécaniquement et plombe toute notre politique.

Tout cela touche la politique intérieure et est donc de la responsabilité du gouvernement même si les surenchères dues à la cohabitation ont sans doute joué un rôle important. Par exemple, l'intervention du Président de la République sur les farines animales était proprement scandaleuse, alors qu'il a lui-même une lourde responsabilité dans l'introduction de ces pratiques agricoles, que personnellement j'ai dénoncées depuis longtemps.

Mais que dire de la politique européenne, qui, elle, dépend essentiellement du Président de la République ?
L'Europe est en panne. L'Europe politique est devenue une chimère. L'approfondissement de la structuration de l'Europe ne se fait pas. En revanche l'agrandissement, c'est-à-dire sa dilution, est en marche rapide.
A qui fera-t-on croire qu'une Europe qui a du mal à bien fonctionner à seize va être plus efficace à vingt-cinq ou trente ?
Or la France n'est pas un pays quelconque qui se contente d'observer ou d'accompagner. Elle est, elle doit être l'un des moteurs de la construction européenne. C'est même par là qu'elle peut continuer à jouer un rôle majeur dans la politique mondiale.
L'Europe est en crise politique mais, d'un autre côté, en bonne santé économique. L'Europe va sans doute très largement échapper à la crise américaine. Parce que, d'une part, les échanges commerciaux des pays qui la composent sont très supérieurs aux échanges extérieurs et que l'euro a stabilisé ce marché intérieur en le préservant d'un coup de tabac des dévaluations compétitives; d'autre part, la part importante que joue l'Etat dans le PNB de chaque pays lui donne un plus grand amortissement aux crises. C'est parce que les pays européens n'ont pas une économie purement libérale qu'ils résisteront à la crise qui s'annonce (même si, bien sûr, leur croissance se ralentira un peu). Dans cette période où la construction européenne recule faute d'avancer, la France a été particulièrement décevante.
Elle allait prendre la présidence de l'Union lorsque le ministre allemand des Affaires étrangères a fait une proposition inattendue mais positive de relance de l'Europe politique. On pouvait alors saisir la balle au bond, répondre positivement, et la main dans la main avec l'Allemagne, notre partenaire historique, faire des propositions nouvelles.
Au lieu de cela, ce fut une fin de non-recevoir et la lamentable conférence de Nice qui, au-delà de querelles d'épiciers sur les nombres de votes de tel ou tel pays, a officialisé un élargissement géographique sans aucun approfondissement politique.

Bien sûr la responsabilité n'est pas que française, mais, encore une fois, la France a des responsabilités particulières. Si le moteur franco-allemand n'avait pas existé, il n'y aurait ni Europe ni euro. Or ce moteur est grippé. Par notre faute.
Pour ma part, j'ai fait une proposition concrète qui approfondirait la proposition Fischer: un gouvernement européen autour de l'euro chargé des affaires économiques, sociales, de la recherche, de la coordination des politiques étrangères et de la défense. Ce gouvernement serait contrôlé par un Parlement à deux chambres. Il constituerait le noyau d'une Fédération de nations et serait distinct de la bureaucratie bruxelloise qui, elle, gérerait l'Union élargie, j'allais dire diluée, et qui deviendrait une sorte de grande confédération, un glacis autour de la fédération.
Cette fédération intégrerait les Etats au fur et a mesure de leur adhésion à l'euro (et donc la satisfaction des critères pour y parvenir) et ne serait donc en rien ni un club fermé, ni un noyau réservé aux fondateurs. Mais au contraire une structure forte mais évolutive.
On pouvait sans doute faire d'autres propositions, concevoir d'autres scénarios, d'autres schémas.
On n'en fit aucune.

Quand à l'attitude de la France dans les conseils européens, sous le prétexte de ne fâcher personne, de ne pas être minoritaire, on avalise tout, on accepte tout et en particulier la dérive libérale.
Car au moment où les Etats-Unis (pas W. Bush mais les citoyens !) découvrent la faillite d'une gestion purement privée des services publics et examinent avec une attention bienveillante la situation européenne, l'Europe, elle, pousse ses Etats à privatiser leurs services publics !
Et la France proteste, certes, mais ne dit pas un non catégorique. Bien sûr elle proteste, elle renâcle, mais finalement elle se soumet. Elle ne sait plus dire non. Elle ne sait pas exiger que le service public soit retiré du champ de la libre concurrence et du commissaire correspondant.

L'Europe qui se construit aujourd'hui n'est pas celle que voulaient Delors, Mitterrand ou Kohl. C'est celle de Mme Thatcher qui, elle, savait dire non, celle du grand marché ouvert et dérégulé.
Quand De Gaulle était fâché, il pratiquait la politique de la chaise vide. On le montrait du doigt, mais il obtenait satisfaction. C'est Margaret Thatcher qui comprit cela, pas nos gouvernants. Du coup, elle a imposé sa vision.
L'Europe n'est plus l'Europe car la France n'y joue plus son rôle et le grand rêve volontariste s'est évanoui dans le consensus mou.

J'ai parlé de la politique économique et de la non-politique européenne parce que c'est un axe central, mais, pour mettre la France à l'heure du monde du XXIe siècle, il faudrait parler de bien d'autres choses.
De chantiers que nous avions ouverts et qui s'étiolent, de nouveaux projets rendus nécessaires par l'évolution de la société et dont nous avions tous les moyens financiers pour les mettre en œuvre à condition de ne pas les gaspiller.
La réforme et le développement de notre recherche scientifique et technologique pour la faire sortir d'une structuration présoviétique; l'encouragement, par une réglementation stricte, à l'émergence d'une véritable industrie écologique (voiture propre dans les grandes villes, prévention des catastrophes naturelles et notamment des inondations), la mise en chantier d'une nouvelle politique agricole, secteur essentiel pour nous, en favorisant l'agriculture sans polluant et l'élevage en plein air; complémentairement l'amorce d'une vraie politique d'aménagement du territoire avec un transfert progressif des populations des banlieues vers les villes moyennes et la campagne; une politique pour la jeunesse, la discussion d'une politique des retraites, problème qui est moins urgent qu'on le dit mais qui à terme ne pourra se satisfaire du statut quo, etc.

La France est un pays en pleine mutation, plein d'atouts, mais qui ne sait pas où il va. Nos dirigeants conduisent notre pays comme une auto-tamponneuse à la foire, en cherchant à éviter les chocs et, lorsqu'ils se produisent, en en minimisant leurs effets.
Ce n'est pas de cela dont la France à besoin. La France est encore la quatrième puissance économique du monde, mais, avec son 1% de population mondiale, pour combien de temps ?
Si la France veut continuer à jouer son rôle dans le monde, il faut qu'elle se secoue, qu'elle innove, qu'elle invente sur son avenir, il faut qu'elle fasse plus et mieux que les autres pays.
Pour cela, la bonne gestion est certes nécessaire, elle n'est pas suffisante. La France a besoin d'un horizon, d'un projet, d'une vision. Une vision qui, depuis de nombreuses années déjà, lui manque.

Cette dévaluation de la politique que tous les observateurs déplorent vient à mon sens de l'omnipotence d'une oligarchie qui gouverne: les énarques.
Quelques membres de la haute fonction publique faisant de la politique, ce serait un enrichissement de la politique car ils y apporteraient leurs connaissances administratives et juridiques. Cinquante énarques envahissant les partis de droite comme de gauche ont au contraire transformé la politique en exercice de gestion.
À une époque où le monde change très vite, où la société est en mutation perpétuelle, l'imagination est, avec le courage, la qualité n°1 pour gouverner. Il faut constamment inventer, constamment trouver des solutions nouvelles, imaginer l'avenir et avoir le courage et l'obstination pour les appliquer.
Or les énarques - c'est une constatation - n'ont en général pas d'imagination (les exceptions existent, mais elles sont rares). Ils ont même été sélectionnés pour cela, puisque le rôle d'un administrateur est d'appliquer les idées des autres.
Nos dirigeants n'ont pas d'idées, pas de projets et un sens trop aigu du compromis qui tangente souvent l'absence de courage.
Il faut interdire aux hauts fonctionnaires de faire de la politique (comme la Grande-Bretagne a su le faire). Il faut aussi prévoir des dispositions pour que les travailleurs du privé puissent se présenter et retrouver un emploi après leurs mandats électifs. Pour changer de politique, il faut changer la politique. La France et une République: c'est une référence qu'il faut préserver mais il faut approfondir la démocratie. Il faut limiter le cumul des mandats, et aller plus loin, limiter leur durée: deux-trois mandats maximum?

Ayons une classe politique plus diverse, plus imaginative, et modifions aussi la manière de gouverner.
Je crois qu'il faut consulter davantage les citoyens et s'appuyer sur eux pour faire les grandes réformes. Le référendum prévu par notre Constitution doit être mieux utilisé et pas forcément pour des questions partisanes. Voulez-vous les magasins ouverts le dimanche ? Voulez-vous décentraliser l'Education nationale ?
Consulter les citoyens sur les principes, confier ensuite aux assemblées élues et renouvelées le soin de les mettre en place, voilà une démarche qui redonnerait vie à la démocratie et permettrait des réformes importantes. On peut aussi faire d'autres propositions plus techniques pour redonner de la vigueur à la démocratie: faire du Sénat une assemblée des collectivités locales, supprimer la dictature qu'exerce le ministère des Finances sur les autres ministères grâce au contrôle a posteriori, etc.

Mettre en place un tel programme, une telle vision d'avenir, seule la gauche peut le faire.
La gauche est par définition le parti du mouvement, le parti du changement face aux conservateurs qui sont pour le maintien des avantages acquis, ou aux libéraux qui sont pour la loi du plus fort.
Dans ce pays, il y a beaucoup de gens qui votent pour la droite, parce qu'ils sont heurtés par certains archaïsmes d'une certaine gauche qui, hélas, pèse plus politiquement que son poids électoral véritable. Pourtant, ces citoyens ont été un moment séduits par la démarche du gouvernement Jospin. Pourquoi se sont-ils éloignés? Parce qu'ils ont assisté au retour des vieilles habitudes de la politique politicienne.

Il faut relancer le débat politique dès maintenant avant les grandes échéances, car l'avenir de la France passe aujourd'hui plus par les idées plus que par les hommes. Les idées d'abord !

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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