Les vrais enjeux du PS

Claude Allègre
Point de vue signé par Claude Allègre, professeur à l'université Denis-Diderot (Paris VII), ancien ministre de l'Education nationale, paru dans le quotidien Libération daté du 7 novembre 2005


 
Les adhérents du Parti socialiste (dont je suis) vont voter afin de choisir leur programme, leur stratégie et la direction qui incarnera ces choix. On lit ici ou là que les diverses motions ne se distingueraient que sur l'Europe. Non seulement c'est inexact, mais c'est même le contraire.

Il y a des différences fondamentales entre la motion majoritaire et les deux principales motions d'opposition que j'appellerais « gauchisantes ». Celle de Jean-Marie Bockel a ses mérites dont celui du courage mais ne me semble pas être centrale aujourd'hui.

Ce qui distingue la motion des sensibilités et personnalités unies derrière François Hollande des motions « gauchisantes », c'est d'abord la stratégie politique et, à plus long terme, l'avenir du PS lui-même.

Les motions « gauchisantes » proposent une alliance totale, structurante, avec le Parti communiste, les Verts et l'extrême gauche, allant même jusqu'à proposer une procédure de primaires pour désigner le candidat à l'élection présidentielle. Ces idées mettent le PS en position marginale, voire de dépendance vis-à-vis des autres composantes et, compte tenu des différences d'audience politique, tentent de le minorer.

La motion majoritaire, elle, est certes favorable à l'union de la gauche, mais à une union se faisant autour du PS qui en constitue le cœur, une union autour d'un programme de gouvernement clair et de l'engagement d'une discipline qui ne conduise pas à l'éclatement des votes de gauche comme on l'a connu le 21 avril, ni non plus aux attitudes de surenchères lors de l'exercice de pouvoir comme lors du gouvernement Jospin ou aujourd'hui dans telle ou telle municipalité.

Naturellement, cette vision du rôle central que doit avoir le PS a des conséquences sur le programme. Pour la motion du premier secrétaire, le PS est un parti qui a pour vocation de gouverner en acceptant toutes les contraintes du pouvoir.

Il ne distingue pas ce qu'il dit dans l'opposition et ce qu'il fera au pouvoir. Sa recherche pragmatique se situe dans l'invention du possible, mais en restant fidèle à nos traditions. Ainsi, ce parti croit aux progrès : conscient des problèmes que pose l'effet de serre il veut s'appuyer sur le nucléaire en matière d'énergie en attendant l'émergence d'autres formes d'énergie, il est conscient de la nécessité de réformes profondes sur la Sécurité sociale ou les retraites, mais il se refuse à la démagogie sur ces sujets essentiels pour notre avenir.

Par suite de leurs alliances, les motions « gauchisantes » proposent, elles, d'abandonner nos valeurs essentielles pour adopter celles des autres, de s'enfermer dans une critique aveugle de tout - en oubliant ce que l'on a fait soi-même autrefois - et de ne proposer rien de crédible. Dans ce cadre, on se garde de condamner les expériences marxistes de gestion bureaucratique de l'économie. Est-ce là qu'on va chercher notre nouvelle inspiration ? Les ambiguïtés des textes et les déclarations de quelques-uns permettent toutes les interprétations.

Les positions sur l'Europe ne constituent pas un clivage mais un révélateur. Sur le fond, je crois que les différences entre socialistes sur la construction européenne sont moindres que ce qu'on a dit. En proposant le vote négatif au référendum en affirmant l'existence d'un « plan B », les leaders des motions gauchisantes ont soit trompé sciemment les militants en mentant, soit manqué de clairvoyance dans la vision d'avenir. Car quel dynamisme en Europe ont-ils déclenché ? Ils ont adopté une vision opportuniste en se calquant sur celle irresponsable de leurs alliés.

Va-t-on confier la direction du pays à des irresponsables, ou à des opportunistes ? Va-t-on accepter la dissolution progressive du PS dans un magma gauchisant ? Va-t-on renier les cent ans qui ont fait l'histoire de notre parti et qui sont marqués par la défense de notre identité et d'un socialisme humaniste responsable ? Va-t-on fouler les combats des grands anciens comme Jaurès et Blum et ceux des gouvernements de la gauche dont les réformes ont changé la vie de millions de Français ?
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