Lionel Jospin candidat ! | |
Point de vue signé par Kader Arif, Eric Besson, Francis Chouat, Harlem Désir, Anne Hidalgo, Annick Lepetit, Bernard Poignant, André Vallini, Manuel Valls et Clotilde Valter, paru dans le quotidien Le Monde daté du 29 juillet 2006 | |
Le choix du candidat socialiste à l'élection présidentielle doit être fondé sur un véritable débat politique. Or celui-ci fait, encore aujourd'hui, largement défaut. Seuls compteraient le renouvellement des visages à gauche et la brutalité des postures à droite. Certes, les sondages fournissent toujours des indications utiles. De là à croire qu'ils expriment, dans la durée, une adhésion majoritaire à tel ou telle candidat ou candidate, il y a un risque majeur de passer à côté des vrais enjeux qui structureront le rendez-vous de 2007. Que constate-t-on aujourd'hui ?
1. Malgré nos formidables victoires de 2004 et le récent mouvement social contre le contrat première embauche (CPE), la droite demeure forte. 2. L'extrême droite est toujours aussi haute malgré les tentatives de Nicolas Sarkozy pour lui disputer une partie de son électorat. Plus d'un tiers des Français disent même explicitement que les thèses de l'extrême droite sont recevables, ce qui en dit long sur le " réservoir " dont elle dispose. 3. La gauche de gouvernement n'est guère au-dessus de son score du 21 avril 2002 et la " percée " de l'éventuelle candidate socialiste ne s'appuie pas sur une reconquête de l'électorat de gauche. 4. Le niveau d'abstention élevé montre une résistance à traduire en intentions de vote la volonté de changement qui se manifeste dans les profondeurs de l'opinion. Rien n'est donc joué pour la gauche, et la lucidité des socialistes doit être totale pour qu'au-delà des sondages ils mesurent ce que doit viser leur projet et incarner leur candidat. Toutes les enquêtes confirment que ce qui marque dorénavant l'immense majorité du monde salarié, des milieux populaires aux couches intermédiaires, c'est la crainte de la précarité et de la " descension " sociale. Et cette crainte s'accompagne d'une perte de confiance dans la capacité de l'Etat à produire du sens commun, et à être un levier pour agir. Après cinq années d'abaissement de la France, de fragmentation de la société, de délégitimation de nos institutions, et dans un contexte économique de non-croissance et une situation financière calamiteuse, l'enjeu de la préparation de l'échéance de 2007 n'est pas de choisir un candidat ou une candidate qui concourra parmi d'autres ou qui se placera le mieux sur le terrain de l'adversaire, mais de choisir le type de présidence de la République que nous proposerons : celui qui revalorisera la force de la politique ou celui qui consacrera son effacement. Le choix des socialistes doit donc être celui d'une candidature qui présente les atouts de l'imagination pour remettre la France en ordre, mais aussi en mouvement, de l'expérience, pour redonner confiance aux Français dans un avenir commun, et de la crédibilité, pour rétablir une image positive de la France en Europe et dans le monde. Face à la droite dominée, à ce stade, par la volonté de Nicolas Sarkozy d'opérer une véritable saignée libérale dans le corps social et culturel de la République française, il nous faut convaincre les Français que nous serons à même de relever le défi du travail par une politique volontariste du plein-emploi, de restaurer l'autorité de l'Etat par une pratique vertueuse du pouvoir, d'assurer le respect de la loi par un fonctionnement juste et ferme de notre République, d'insuffler de la démocratie dans nos institutions gravement discréditées par la pratique de la droite, de redonner prestige au rôle de la France en Europe et dans le monde. C'est en ce sens que notre choix dépasse la responsabilité du seul Parti socialiste ; elle est celle de toute la gauche. Lionel Jospin a fait part de sa disponibilité pour le rendez-vous du printemps 2007. C'est une bonne nouvelle, et c'est au Parti socialiste d'en débattre. Sa stature incontestée d'homme d'Etat, son expérience reconnue des affaires nationales comme internationales et sa vision lucide de la crise que traverse notre pays et des défis auxquels il doit faire face le mettent en situation de redonner du sens et de la dignité à la fonction présidentielle, de rassembler la gauche et de convaincre les Français. Il revient aux socialistes de bien y réfléchir avant de faire le choix qui devra leur permettre de réussir le rendez-vous majeur de 2007.
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