Traité constitutionnel : | |
Point de vue signé par François Rebsamen, secrétaire national aux fédérations, Pierre Mauroy, ancien Premier ministre, Stéphane Le Foll, Kader Arif, Robert Navarro, Harlem Désir, députés européens, Jean-Noël Guérini, président de conseil général, Daniel Vaillant, Bruno Le Roux, Patrick Bloche, André Vallini, députés, Jean-Pierre Demerliat, sénateur, paru dans le quotidien Libération daté du 25 août 2004 | |
Dans le débat sur le traité constitutionnel, nous devons dire la vérité aux Français sur le texte et sur ce que nous serons capables de faire, demain, si nous revenons aux responsabilités. Devrions-nous dire non ? 1. Socialistes, attachés à l'harmonisation fiscale et sociale, à un gouvernement économique, à une modification du statut de la banque centrale, nous ne pouvons nous satisfaire du texte qui nous est proposé. Nous en mesurons les insuffisances et les limites au regard de nos ambitions. Mais nous ne saurions objectivement faire de ce traité le nouveau cheval de Troie du libéralisme et faire porter à l'Europe la responsabilité de tous les maux que nous connaissons aujourd'hui (délocalisation, chômage, inégalité). Comme si chaque pays serait plus fort pour faire face, seul, à la mondialisation, comme si chaque gouvernement pouvait se défausser de ses échecs en la matière sur « Bruxelles », comme s'il n'était pas lui-même partie prenante des décisions qui sont prises au niveau européen. Ainsi, le raisonnement des tenants du non au traité constitutionnel est contestable à plusieurs titres. En prétendant que le cadre institutionnel européen contraint aux politiques libérales, il dédouane les gouvernements de leurs responsabilités dans les politiques menées. De plus, il néglige les avancées obtenues par les socialistes européens au sein de la Convention. Nous partageons, enfin, la position de la Confédération européenne des syndicats, et soulignons les évolutions positives de ce texte par rapport à celui de Nice sur au moins quatre points : Le traité rompt avec l'orientation libérale du traité de Rome et affirme que l'Europe est une économie sociale de marché qui a comme objectif le plein emploi, le développement durable, la justice et la protection sociale, l'égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les discriminations, la diversité culturelle. Il reconnaît clairement le rôle des partenaires sociaux et celui du nouveau sommet social tripartite (qui les réunira au niveau européen avec la Commission et le Conseil), base pour un contrat social européen. Il intègre la charte des droits fondamentaux qui devient juridiquement contraignante, y compris pour les droits sociaux et syndicaux. Enfin, et c'est une innovation essentielle, le traité donne une base juridique pour légiférer sur les services publics et d'intérêts généraux selon d'autres critères que ceux de la concurrence, afin de prendre en compte leurs missions de cohésion sociale et territoriale. Quant à la dimension institutionnelle et politique, il n'y a rien de comparable avec le traité de Nice. D'ailleurs, les principaux opposants ne le contestent pas. Le nouveau texte marque des avancées importantes pour la démocratie en Europe (renforcement des pouvoirs du Parlement européen, désignation du président de la Commission, contrôle des parlements nationaux) et instaure le droit de pétition des citoyens européens. 2. On fait le reproche à la Constitution de ne pouvoir être modifiée qu'à l'unanimité. L'argument est recevable, en particulier en ce qui concerne les politiques de l'Union. Mais, cela vaut aussi pour les traités en vigueur. Le rejet du nouveau texte ne ferait pas reculer l'unanimité en matière fiscale et sociale. En revanche, le champ d'application des coopérations renforcées est étendu et permet de construire une avant-garde. En ce sens, l'avenir européen reste ouvert pour les pays qui souhaiteront aller plus loin ensemble dans la construction de l'Europe politique et sociale. 3. Nous refusons de faire le procès des nouveaux venus dans l'Europe à 25 pour justifier un non. Le problème essentiel est d'abord de dépasser les réticences et les blocages que font peser des pays comme la Grande-Bretagne sur la construction européenne et particulièrement sur ses capacités à avancer sur l'harmonisation sociale et fiscale que nous souhaitons tous. Un non du PS français au traité aurait à nos yeux une double conséquence. Il provoquerait une crise qui nous conduirait à l'isolement car tous les partis socialistes européens de gouvernement comme d'opposition sont favorables à ce traité, y compris ceux qui comme nous veulent d'ores et déjà le dépasser. Aucun pays n'est prêt à nous suivre dans cette voie. La crise ne serait pas européenne mais française. Enfin, le non forcerait les socialistes, en cas de retour aux responsabilités, à expliquer piteusement que ce qui était inacceptable hier deviendrait brutalement tolérable. Les volte-face se paient cher en politique. Sauf à se mettre, même temporairement, en dehors de la construction européenne, au prétexte qu'elle ne conduise pas mécaniquement au socialisme. Cette conception est à l'opposé du combat politique que nous avons mené avec François Mitterrand, puis Lionel Jospin. L'Europe avance par compromis ; elle ne peut être un projet abouti. Et la Constitution n'est qu'une étape. C'est pourquoi nous sommes favorables à ce point du débat à un oui socialiste au traité européen. Ce oui s'accompagne de trois exigences :
1. Nous voulons mettre en place une nouvelle convention avant 2009 qui devra : S'engager sur un traité social. Préciser les obligations de la politique économique et monétaire pour la croissance et l'emploi. Modifier les statuts de la Banque centrale européenne. Introduire la majorité qualifiée pour la politique sociale et pour la politique fiscale. 2. Profiter du futur traité constitutionnel pour construire une avant-garde plus intégrée au niveau européen. Ce souhait, partagé par de nombreux socialistes, justifie à lui seul la nécessité de construire des alliances pour porter ensemble des ambitions communes (recherche, politique industrielle, développement durable, politique sociale et fiscale...). 3. Demander, dans le droit-fil du traité constitutionnel, que le groupe socialiste européen engage un travail sur l'écriture de la loi-cadre pour donner une protection aux services publics en Europe et permettre de développer les réseaux européens de services d'intérêt général.
Chacun l'aura compris : nous souhaitons que le PS reste fidèle à son histoire comme à ses engagements et sorte renforcé par ce débat en France et en Europe. Sa démarche doit être exigeante. Elle n'a de sens que si elle fait progresser l'intégration européenne dans les domaines politique et social. L'Europe est un grand projet. Les socialistes y ont, depuis cinquante ans, pris une part décisive. C'est un engagement qui, face à la droite en France mais aussi en Europe, mérite toute notre détermination, notre énergie et notre force de conviction. |
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