L'Europe contre l'unilatéralisme

Kader Arif
par Kader Arif, secrétaire national à la mondialisation
Entretien paru dans L'Hebdo des socialistes daté du 29 mai 2004


 

Depuis plusieurs mois, la guerre en Irak en est le triste symbole, l’unilatéralisme des États-Unis s’est renforcé. Quelles sont les réponses possibles de l’Europe ?
Il faut tout d’abord montrer aux États-Unis que leur unilatéralisme conduit à un échec. Aujourd’hui la reconstruction de l’Irak ne pourra se faire que si le processus de reconstruction est encadré par les Nations Unies et non plus par les Américains, et que le transfert de souveraineté à l’autorité irakienne intérimaire mise en place le 30 juin puis aux autorités issues des élections à partir de début 2005 soit le plus large possible.

Il faut afficher clairement la primauté que nous donnons au respect du droit international et notre volonté d’avoir des institutions internationales efficaces. Nous voulons un ordre international fondé sur le multilatéralisme. Cette stratégie s’oppose fondamentalement sur ce point à la stratégie américaine de sécurité qui reconnaît pour sa part la possibilité de frappes préventives en contradiction avec le droit des Nations Unies.

Enfin l’unilatéralisme américain étant aussi le fruit de la puissance militaire, il est nécessaire que l’Europe se dote d’une capacité militaire crédible afin d’être un partenaire mieux entendu par les États-Unis. C’est l’objet de la construction de l’Europe de la défense. La mise en commun des moyens de nos armées doit nous permettre d’atteindre cette crédibilité militaire sans pour autant se traduire par des dépenses supplémentaires pour nos pays.

Si globalement, les relations transatlantiques semblent équilibrées dans le domaine commercial, les surtaxations en riposte à l’embargo sur la viande aux hormones posent problème à des producteurs français...
Les mesures de rétorsion prises en 1999 par les USA suite à l’embargo européen sur le bœuf aux hormones ont effectivement été et restent préjudiciables pour les agriculteurs de l’UE. Les Français sont d’ailleurs parmi les premiers concernés puisque, parmi les 60 produits européens que les USA ont alors été autorisés à surtaxer par l’OMC, on trouve le Roquefort, la moutarde, les échalotes, le foie gras, les truffes...

Cette question a mis en évidence la capacité de l’Europe à protéger ses consommateurs en faisant clairement prévaloir dans les faits le principe de précaution face à une conception libérale du commerce des produits agricoles. Si la dangerosité de la viande aux hormones reste source de polémique, il est heureux que le risque cancérigène lié à sa consommation ait conduit la Commission à s’opposer efficacement à l’importation d’un produit dont les consommateurs européens ne voulaient ouvertement pas.

Mais cet épisode a révélé de véritables carences concernant le système de régulation du commerce mondial. L’OMC, en autorisant les sanctions américaines contre l’Europe, n’a basé sa décision que sur des critères strictement commerciaux, sans considérer notamment la place des possibles conséquences sanitaires de son choix, en ne reconnaissant pas la valeur du principe de précaution. Le droit commercial ne doit pas primer sur tout autre considération sanitaire, sociale, environnementale. Il faut intégrer l’OMC dans le système des Nations Unies.

En attendant l’élection de Kerry, les socialistes européens tissent-ils des liens étroits avec les démocrates américains pour développer les convergences ?
Tout à fait. Les socialistes européens et les démocrates américains ont en commun un ensemble de valeurs communes, sur les problématiques de politique intérieure comme sur le plan des questions internationales. Face aux conservatismes, nous partageons le même souci de solidarité et de partage, qui se traduit notamment, par la volonté de défendre et d’améliorer les systèmes de santé et de protection sociale. Voyez la campagne de John Kerry sur ce point.

Pour autant, nos liens ne sont pas encore suffisamment étroits. Nous avons commencé à les renforcer dans le cadre du PSE, puisqu’un groupe de travail commun est mis en place, et les socialistes seront représentés à la convention démocrate d’investiture de Kerry en juillet prochain à Boston. Dans mon esprit, les élections de 2004, européennes et présidentielles américaines, doivent contribuer à renforcer cette nécessaire solidarité.



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