Poursuivre notre action historique
contre les inégalités


 Extrait de l'intervention de Martine Aubry, secrétaire nationale au Projet, lors du Conseil national thématique du 17 novembre 2001 : Pour de nouveaux choix de société

 
[...] S'il n'intègre pas les sujets économiques, le texte dont nous discutons aujourd'hui n'en est pas moins dense. Nous y formulons des propositions sociales importantes et innovantes [...]. Je voudrais resituer ces propositions dans l'approche plus générale qui, je crois, doit être la nôtre pour le Projet. Car derrière les propositions éclatées à travers les conseils nationaux et colloques thématiques, il y a bien une démarche commune et une cohérence globale qui nous anime et que vous retrouverez dans le projet final. Je ne développerai pas ici l'intégralité de cette problématique, mais simplement la partie qui concerne plus directement les sujets de société que nous abordons aujourd'hui [...].

L'examen attentif des aspirations de nos concitoyens montre une demande croissante d'autonomie tant dans leurs choix de vie que dans leur volonté accrue de participation, et parallèlement une demande croissante de réponses personnalisées à leurs problèmes.

Ce que je voudrais mettre en avant, c'est le fait.
     Que la demande d'autonomie va de pair avec une forte demande de règles sociales ;

     Que l'autonomie suppose d'abord la reconnaissance de tous dans le respect et la dignité puis l'indispensable accès aux droits fondamentaux pour chacun -c'est là notre combat historique contre les inégalités-, ainsi que des réponses appropriées aux nouvelles aspirations.

     Je voudrais enfin mettre en avant que la conjugaison de ces évolutions nous impose de revoir à la fois le positionnement du politique, la façon d'agir de l'état et des services publics ainsi que leur rapport au mouvement social.

Tout d'abord, la société française est traversée par un mouvement d'individualisation, qui concerne aussi bien les valeurs que les comportements [...]. Les demandes des Français sont aujourd'hui plus individualisées, plus diversifiées, plus éclatées que par le passé. Cet éclatement s'explique le parcours différent de nos concitoyens depuis 1997. Nombre d'entre eux vont mieux, mais bien d'autres demeurent encore au bord du chemin.

Loin de moi l'idée d'oublier que l'inquiétude pour l'emploi et la crainte de l'avenir demeurent très prégnantes chez ceux qui sont encore à l'écart du marché du travail. Ces hommes et ces femmes, souvent cassés par une crise longue, ont besoin d'un accompagnement pour reprendre confiance en eux et retrouver une place. Ils nous demandent avec force de continuer à nous battre pour leurs droits : un travail, un logement, un avenir...

Parallèlement, l'amélioration de la situation de beaucoup de nos concitoyens depuis 1997, grâce au recul du chômage en particulier, a ouvert la voie à la montée de nouvelles attentes et de nouveaux besoins. Ceux qui ont retrouvé une place dans le travail et dans la société, ceux qui ont confiance en l'avenir, et qui vont bien expriment de nouvelles aspirations plus qualitatives, qui touchent à la qualité de vie sous toutes ses formes et à la volonté d'être acteur de sa propre vie, ce qui ne signifie pas que les premiers n'y aspirent pas aussi [...].

Le combat historique de la gauche a consisté, conquête après conquête, à favoriser par tous les moyens l'épanouissement, l'émancipation, l'affranchissement des hommes et des femmes de toutes les formes d'oppression et de domination qui les privent de leur libre arbitre et de la maîtrise de leur destin. C'est notre combat. Il doit se poursuivre.

Notre objectif est de concilier les aspirations individuelles avec l'intérêt collectif, et d'organiser une société respectueuse de l'autonomie de chacun mais fondée sur une adhésion à des règles communes. Les aspirations individuelles ne deviennent individualistes que lorsqu'elles ne s'inscrivent pas dans un projet porteur pour chacun et solidaire pour tous. Faire en sorte que chaque homme, chaque femme puisse prendre sa vie en main, et façonner son avenir dans une société dont on respecte les règles et où la solidarité joue son rôle.
Voilà l'enjeu.

Une telle volonté nécessite de combiner des actions multiples : la reconnaissance de chacun dans son identité, l'accès réel pour tous aux droits fondamentaux, des réponses aux nouvelles aspirations, et une liberté conjuguée avec civisme, responsabilité et solidarité.

La reconnaissance de chacun dans le respect et la dignité comporte plusieurs dimensions.

[...] Un enjeu décisif est de concilier ce qui n'est inconciliable qu'abstraitement : les particularismes culturels et les valeurs universelles. Il en est ainsi des particularismes régionaux : les cultures régionales constituent une composante essentielle et vivace de la culture nationale et contribuent à la vie locale et à la solidarité de proximité. De même, la reconnaissance des personnes d'origine étrangère dans ce qui constitue leurs racines ne peut qu'être positive [...]. C'est aussi cette reconnaissance qui doit nous permettre de faire en sorte que les étrangers présents sur notre sol depuis un certain nombre d'années puissent bénéficier d'une citoyenneté de résidence [...] et du droit de vote aux élections municipales.

La reconnaissance de chacun pour ce qu'il porte comme valeurs, comme modes de vie, comme cultures quel que soit son âge est également essentielle. Il n'est plus possible par exemple que le discours sur les jeunes se résume aux problèmes, aux inquiétudes ou aux peurs qu'ils peuvent engendrer. La jeunesse n'est pas synonyme de violence et de délinquance. Au-delà du contrat d'autonomie que nous voulons tous proposer pour les jeunes, nous devons nouer avec eux un véritable pacte de confiance qui prenne en compte leur apport culturel s'appuyant sur leurs modes de vie, leurs pratiques culturelles, et sur leurs valeurs de tolérance pour nous aider à bâtir une société plus solidaire. Notre projet comportera des propositions particulièrement fortes en la matière.

Enfin, acceptons mieux toutes les différences [...] et accentuons encore notre action pour les handicapés comme pour les personnes âgées dépendantes, pour leur rendre leur dignité et à chaque fois que cela est possible leur autonomie. Vincent Assante interviendra tout à l'heure plus précisément sur ce point.

Dès lors qu'une personne est pleinement reconnue, son autonomie passe évidemment aussi par son accès effectif aux droits fondamentaux. C'est vrai de l'école, de la santé, du logement, du droit au travail, du droit à la culture comme de la sécurité. Dans chacun de ces domaines, nous devons faire en sorte que notre ambition forte pour tous devienne une réalité pour chacun. Nos propositions vont dans ce sens.

Mais nous devons aussi répondre aux nouvelles aspirations qui ont émergé ces dernières années, qu'elles concernent la qualité de vie ou les nouvelles sécurités (alimentaire, environnementale...).

C'est donc en poursuivant notre action historique de lutte contre les inégalités et en ouvrant de nouvelles opportunités pour nos concitoyens que nous remplirons pleinement notre rôle politique. Cependant, nous leur dirons aussi que beaucoup dépend d'eux. Nous ne voulons pas promettre aux Français que nous saurons tout résoudre pour eux. Nous leur dirons que nous avons besoin d'eux. Car si nous croyons en la force de l'action collective correctrice des inégalités, nous savons qu'elle doit aller de pair avec la responsabilité et le civisme de chacun. L'état doit remplir son rôle, le citoyen le sien.

Nous ne faisons pas partie de ceux qui choisissent les discours de la démagogie voire du populisme. Et nous savons qu'il y a sur ce terrain beaucoup de concurrents. Au premier rang desquels -nous le connaissons- Jacques Chirac qui n'a qu'un seul slogan en direction des Français : “ Il n'y a rien que je ne puisse vous promettre ” . Il se moque au fond de ce que les Français pensent, de toute façon il est d'accord avec eux. Pour autant, inviter ou inciter au civisme, à la solidarité, à la fraternité n'a de sens que si l'état lui-même sait s'adapter et mieux répondre aux attentes des Français.

D'une manière générale, contrairement à ce qu'on peut parfois penser, le rôle du politique ne se rétrécit pas aujourd'hui : il s'élargit plutôt [...] du point de vue tant spatial que sectoriel. D'une part, l'état doit se projeter de plus en plus au-delà des frontières nationales, dans l'espace et dans le temps, pour penser la sécurité physique comme alimentaire, et la régulation de notre monde. Il doit aussi s'intéresser à la vie quotidienne de nos concitoyens, dans les quartiers, les zones rurales et les villes. Son action va du local au mondial. D'autre part, le politique agit dans des domaines nouveaux qui vont de la vie familiale à la bioéthique, sur des champs qui vont du plus intime au plus fondamental pour l'avenir de l'Homme.

Le rôle de l'état s'en trouve ainsi étendu [...].Malgré tout, son action et celle des services publics devient plus complexe qu'auparavant en raison de la multiplicité des demandes et donc des champs d'intervention potentiels.

Il revient de plus en plus à l'état d'aider notre société à définir ses " préférences collectives ". Son action réside alors dans l'organisation de débats publics éclairés par la parole des experts puis dans l'exercice de sa prise de décision. C'est vrai au niveau local, quand il est amené à solliciter l'avis des habitants d'un quartier, comme au niveau national ou mondial. Prendre position sur l'euthanasie, sur le génie génétique, sur la protection des données privées rendue indispensable par les nouvelles technologies de l'information, confère au politique des responsabilités croissantes, considérables et, dans bien des cas, beaucoup plus importantes que dans le passé.

Au fur et à mesure que nous exprimons notre confiance dans le rôle irremplaçable de l'état, nous devons simultanément réfléchir en profondeur à ses mutations. Car être de gauche, c'est aussi refuser le conformisme, tous les conformismes.

Il nous faut d'abord reconnaître que l'état ne peut plus se penser comme un corps qui surplomberait la société, qui penserait pour elle en lui dictant la voie à suivre. En même temps, nous ne saurions nous résigner à l'idée d'une banalisation de l'état, qui conduirait à le penser comme un acteur parmi d'autres au même titre qu'une entreprise ou une association de consommateurs.

Dans le passé, les personnels de l'état pouvaient s'identifier au service public et à la nation, et penser légitimement que ce qui était bon pour eux, l'était aussi pour l'institution dont ils dépendaient, pour le pays tout entier, et pour chacun de leurs concitoyens. Aujourd'hui, trop souvent, les mêmes personnels sont perçus comme crispés sur la défense de leurs intérêts catégoriels ou corporatistes. Les citoyens ont le sentiment d'être traités par l'état de manière inadéquate, et parfois même injuste ou inégalitaire, tandis que le discours politique sur l'intérêt général semble incantatoire, éloigné des réalités vécues dans la société.
C'est pourquoi nous devons conjuguer des objectifs ambitieux et communs à tous avec des moyens et des méthodes qui prennent en compte la diversité des réalités et permettent la réussite de chacun. Pour cela, nous ouvrirons l'immense et exaltant chantier des services publics qui rendra leur fierté à des agents devenus acteurs des changements et reconnus par tous. Nous nous mobiliserons aussi sur une démocratie sociale plus active et sur une démocratie civile donnant davantage la parole aux citoyens.

C'est sur la base des principes que je viens d'énoncer que nous avons construit l'ensemble de nos propositions, tant celles qui touchent au social et à l'emploi que celles qui concernent la démocratie sous tous ses angles. La même logique doit primer pour nos propositions économiques et fiscales [...].

Beaucoup d'entre vous attendent, à juste titre, des propositions phares pour ce Projet. Nous en aurons. Le capital temps, les 200 000 contrats sociaux de travail, le pacte de confiance et le contrat d'autonomie avec la jeunesse constituent déjà des arêtes importantes de notre projet et dans le texte que nous discutons ce matin. Et il y en a d'autres ! [...]. [Mais] l'individualisation des demandes et l'éclatement des situations font que les Français ne nous jugeront pas seulement sur ces propositions de nature globale. Ils nous jugeront également sur les réponses personnalisées que nous leur apporterons, sur la capacité du politique et de l'état à prendre en considération leurs aspirations propres et à les inscrire dans un projet collectif.

En définitive, ce que nous proposons ce matin sur les questions sociales mais demain plus globalement dans notre projet, est au cœur de l'idéal socialiste. Nous porterons avec enthousiasme nos nouvelles propositions : pour continuer le combat contre les inégalités ; pour accompagner chacun vers l'épanouissement et l'accomplissement de ses projets de vie ; pour construire une société d'autonomie mais aussi de responsabilité et de solidarité.

Que ce soit avec les personnels de l'état et des services publics, avec le mouvement social, syndical ou associatif, avec les citoyens eux-mêmes et notamment les plus jeunes, nous continuerons à construire une société chaque jour plus égalitaire, plus solidaire, plus fraternelle.


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