Nous n’avons pas abandonné nos engagements électoraux



  Intervention de Martine Aubry lors du conseil national du 30 juin 2001

 

L’élaboration d’un projet correspond chez les socialistes à une certaine conception de l’action publique. Il ne s’agit pas pour nous d’un exercice obligé, sorte de figure imposée à laquelle chaque formation politique s’astreint avant une élection importante.

Nous voulons proposer aux Français une vision cohérente de la France dans 10-15 ans. Cohérence avec nos valeurs, notre idéal, et donc notre histoire et nos racines, cohérence avec notre conception de la transformation sociale, cohérence enfin avec l’état du monde et de la société qui nous entourent, avec les aspirations des Français.

Cette démarche nous distingue singulièrement de la droite. Nous n’avons pas de vision étroite et figée de la société. Nous ne sommes pas non plus l’œil rivé sur les études d’opinion, le nez reniflant la moindre mode nouvelle. Depuis 4 ans, nous, nous n’avons pas abandonné nos engagements électoraux au profit de la démagogie et du clientélisme au pouvoir. Demain, pas plus qu’hier, nous n’échangerons donc nos convictions et notre idéal contre le petit manuel de l’opportunisme en campagne.

Nous croyons en la capacité des hommes et des femmes à penser, à partir de valeurs communes, la société dans laquelle ils veulent vivre, et en la puissance d’un volontarisme transformateur de notre société. Notre croyance n’a de sens que parce qu’elle s’inscrit dans une volonté : celle de construire une société moins inégalitaire, plus juste, plus libre, une société de progrès. Le socialisme, pour opérer ces changements, doit savoir maîtriser le temps et arrêter des objectifs et des moyens qui établissent le primat du politique, et donc de la démocratie.

Nous devons proposer aux Français une architecture démocratique ambitieuse qui ne soit pas simplement un nouveau “ Meccano ” institutionnel mais le reflet de la société que nous voulons.

Sans pour le moins renier la légitimité politique que donne l'élection, nous reconnaissons également une crédibilité aux formes d’expression et d’action complémentaire qui sont celles du monde social nées du contrat, ou de la société civile issues de l’engagement individuel et associatif.

Au-delà de l’échelon politique et local, la démocratie participative que nous appelons de nous vœux serait en effet incomplète, si elle s’arrêtait aux portes de l’entreprise et au seuil de la vie civile.

L’avenir des relations sociales dans notre pays, de sa démocratie sociale, soulève aujourd’hui bien des interrogations. Si les socialistes n’échappent pas à ce questionnement, notre ligne directrice reste en tout cas la même.

La loi doit ainsi conserver le rôle protecteur et régulateur que lui confère la Constitution. Elle est garante de l’ordre public social, elle est protectrice et demeure l’outil principal des gouvernants pour donner corps à leurs engagements, lorsque le mouvement naturel de la société ne les remplit pas.

En même temps, les partenaires sociaux conservent par le jeu du dialogue social et de la négociation collective leur place pleine et entière dans le dispositif social.

Pour concrétiser et clarifier davantage cette articulation entre l’État et les partenaires sociaux, entre la force de la loi et la valeur du contrat, nous préconisons la tenue d’une conférence sociale en début de législature. Rassemblant les représentants de l’État nouvellement mandatés par le suffrage universel et les partenaires sociaux, elle serait l’occasion d’engager un débat autour des objectifs de la politique sociale, des démarches y menant et du calendrier. Une conférence sociale annuelle conforterait la concertation ainsi engagée et ferait un bilan des avancées et des lacunes.

Parce que le dispositif de 1966 s’avère aujourd’hui décalé, voire source de blocage, nous proposons parallèlement que la représentativité des organisations syndicales légalement constituées soit réellement fondée sur le vote des salariés.

Dans le cadre interprofessionnel, l’élection des conseillers prud’hommes ou l’agrégation des résultats professionnels permettrait d’identifier les syndicats représentatifs au plan national.

Au plan des branches, des élections le même jour des délégués du personnel et des membres du comité d’entreprise détermineraient les syndicats représentatifs de chaque branche, tout en permettant aux organisations de mener une vraie campagne.

Au niveau des entreprises, pourraient se présenter aux élections les syndicats reconnus représentatifs au niveau national, de la branche ou au regard d’une existence propre au niveau de l’entreprise.

Le recours à des élections à la Sécurité sociale, aujourd’hui souhaitées par la plupart des organisations syndicales contribuerait peut-être aussi à débloquer une situation de plus en plus illisible aux yeux de l’opinion et des salariés.

Le corollaire d’une rénovation de la représentativité des acteurs sociaux s’incarne par ailleurs dans l’affirmation du principe majoritaire. Pour être valable, tout accord collectif devra être signé par des organisations syndicales représentant la majorité des salariés.

La consolidation de l’action syndicale doit bien évidemment s’accompagner d’une meilleure représentation du personnel au sein des petites entreprises, à partir de principes comme la désignation par les organisations syndicales représentatives de la branche de délégués syndicaux compétents pour les PME ; ou bien la désignation de délégués syndicaux interentreprises par bassin d’emploi ; ou encore l’extension des compétences et des conseillers du salarié, assortie du renforcement de leur formation et de leur protection.

Nous devons aussi réfléchir à la meilleure façon d’informer et de consulter les représentants des salariés sur les grandes décisions stratégiques et nous interroger sur un éventuel pouvoir de co-décision par une représentation avec voix délibérative aux conseils d’administration et de surveillance.

Toutes ces améliorations vont de pair avec un système de financement syndical mieux adapté et plus transparent. Nous envisageons de conforter le financement public et éventuellement de créer un chèque syndical.

Plus largement, notre ambition démocratique n’a évidemment de sens que si elle place les citoyens au cœur de notre projet.

Être citoyen, c’est parfois être militant (associatif, syndical, politique) mais c’est aussi être salarié, retraité, parent d’élève, usager de services publics, consommateur, contribuable… À ces différents titres, il faut répondre aux aspirations citoyennes, susciter l’engagement, encourager les vocations, réagir aux revendications de transparence, de débat, de participation.

Nous devons concilier deux mouvements parallèles : l’envie de participer directement et le souhait d’être mieux représenté. Nous devons articuler la prise en compte des aspirations individuelles et l’amélioration des moyens d’action collective.

Nous proposons à cet égard d’agir dans plusieurs domaines, par exemple :
     Remettre le civisme au cœur de notre vie collective en agissant dès l’école et en instaurant notamment une véritable éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme ; mais aussi en rappelant en permanence leurs obligations des citoyens aux Français.

     Faire de tous les résidents des citoyens à part entière, en accordant enfin le droit de vote aux élections locales à tous les étrangers résidant en France depuis un certain nombre d’années et aussi, à titre d’exemple, en faisant évoluer positivement la législation actuelle sur les “ emplois fermés aux étrangers ”.

     Inciter chacun à s’engager dans l’action collective, à donner sous quelque forme que ce soit un peu de son temps et de son énergie aux autres : encourager la solidarité familiale ou de voisinage et les relations intergénérationnelles, soutenir le développement du tissu associatif et la reconnaissance statutaire du bénévolat, favoriser l’ouverture et l’exemplarité des partis politiques.

Nous avons fait la preuve depuis 1997 de l’efficacité du volontarisme politique qui nous anime et du sens de l’action publique que nous conduisons. Si nos orientations évoluent avec la société, nos convictions et notre engagement ne varient pas.

Simplement, si nous voulons réussir dans notre ambition de transformation sociale, nous aurons besoin que les Français s’engagent de leur côté et à nos côtés. Faire avancer la société française dans le sens du progrès et de la fraternité est une responsabilité partagée.


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