Ne tournons pas le dos à la construction européenne

Martine Aubry


Point de vue de Martine Aubry, maire de Lille, paru dans L'Hebdo des socialistes daté du 6 novembre 2004
 
Nous sommes aujourd'hui à un stade déterminant de la construction européenne, c'est-à-dire de l'unification du continent, et de l'établissement des règles qui nous permettent de fonctionner ensemble. Nous devons décider si nous voulons avancer, après le marché unique et l'euro, vers une Europe politique et sociale.

Le projet de traité constitutionnel permet de sortir de l'impasse du traité de Nice et de faire un pas supplémentaire vers l'Europe poilitique et sociale. Il ne représente rien de neuf pour les libéraux, mais apporte de réelles avancées pour les socialistes et les sociaux-démocrates. Ainsi, il introduit une « économie sociale de marché », il prend en compte la Charte des droits fondamentaux, avec notamment le droit de grève ou la protection contre les licenciements abusifs, avec l'introduction d'objectifs sociaux, comme le plein emploi ou la lutte contre l'exclusion et les discriminations. Ces nouveaux droits et objectifs ne figurent pas, actuellement, dans le traité de Nice.

Le projet de traité constitutionnel donne aussi une base juridique solide tant attendue pour les services publics afin de concrétiser une loi-cadre dans ce domaine. Il accroît la démocratie en renforçant les droits du Parlement et en permettant à un million de citoyens d'introduire un projet de loi européenne, alors que jusqu'à présent, seule la Commission à ce pouvoir. L'actualité récente et la déconvenue du présidetn Barroso ont montré combien le rôle du Parlement peut être important face à la Commision. Le conforter lui donnera encore plus de poids pour peser sur les orientations politiques de l'Europe. Si la gauche européenne sait rester unie pour gagner le rapport de forces politique, ce renforcement de la démocratie européenne sera forcément un atout pour nous.

Toutes ces avancées permettront à l'Europe de continuer à évoluer : en vingt ans, nous avons révisé les traités européens à cinq reprises, avec l'Acte unique, à Maastricht, à Amsterdam, à Nice et maintenant avec le traité constitutionnel. Nous devons maintenir et encourager ce mouvement pour aborder sereinement la prochaine étape. Comme les autres, ce traité pourra encore être enrichi car, bien sûr, il ne répond pas à toutes nos revendications.

Pour autant, refuser ce traité signifierait tourner le dos à la construction européenne. Si la France venait à opter pour ce choix, c'est un des membres fondateurs qui se verrait relégué au rang de ceux qui ne veulent plus participer à toutes les avancées de l'Union. Sans la France, la dynamique européenne aurait beaucoup de mal à retrouver un élan pour poursuivre la construction sur le plan politique. Nous n'avons rien à attendre de ceux qui, dans les autres pays européens, rejettent ce projet de traité constitutionnel. Au contraire, des eurosceptiques, des nationalistes et des extrêmistes, nous devons continuer à solidifier les fondations démocratiques d'une Europe qui doit devenir forte sur le plan international et se renforcer sur le plan intérieur. Avec le traité constitutionnel, nous disposerons d'un outil plus efficace pour contrer le cours libéral de l'Europe et, au-delà, d'un monde dominé par la loi du plus fort et la loi de la rentabilité financière à court terme.

Le Parti socialiste est la seule grande formation politique en France à organiser un débat sur la question constitutionnelle. Certains appellent à rejeter ce texte et à sanctionner les avancées proposées, au motif qu'elles sont insuffisantes. D'autres, dont je fais partie, considèrent que cette Constitution apporte de réelles améliorations aux traités actuels, et qu'en l'absence de retour en arrière, il n'y a aucune raison de risquer de stopper la construction européenne. C'est en faisant preuve de volonté politique et en construisant dès maintenant avec courage une avant-garde avec les pays qui veulent avancer que nous pourrons aller vers une véritable Europe politique et sociale.

Le Parti socialiste a toujours été un acteur fondamental de la construction européenne et, même si le socialisme ne se réduit pas à l'idée européenne, il en est indissociable. Le débat, qui doit être clair, transparent et honnête, a lieu aujourd'hui entre les militants dans chaque région, dans chaque ville et dans chaque section et je suis convaincue que le Parti socialiste se prononcera en faveur de l'approfondissement de l'Europe et non pour un immobilisme synonyme de stagnation, d'impuissance et de renoncement.

Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]