Moins solidaires
avec les plus fragiles

Martine Aubry



Entretien avec Martine Aubry, maire de Lille, paru dans le quotidien Libération daté du samedi 20 septembre 2003
Propos recueillis par Hervé Nathan
 

Que pensez-vous de la décision de réduire les droits pour les chômeurs de longue durée ?
Cette mesure me paraît catastrophique. Un tiers des chômeurs indemnisés par l'Etat tomberont dans l'assistance. Le gouvernement fait comme s'ils étaient responsables de leur situation. C'est pourtant d'abord lui qui a mis la France en récession ! Nous vivons aujourd'hui la crise la plus grave en matière d'emplois depuis dix ans : le nombre d'emplois a diminué de 60 000 au 1er semestre 2003. Ce n'est vraiment pas au moment où le chômage augmente sans cesse ­ et notamment le chômage de longue durée ­, où l'on assiste à des avalanches de licenciements, qu'il faut limiter l'accompagnement des chômeurs, dont chacun sait bien qu'ils ont besoin de beaucoup de temps pour se former, pour retrouver un emploi. Le gouvernement choisit ce moment pour diminuer la solidarité vis-à-vis des plus fragiles, alors qu'il devrait venir à leur secours.

N'y a-t-il pas nécessité de faire des économies budgétaires ?
Les déficits publics sont d'abord la conséquence de la politique de baisse des impôts du gouvernement, qui ne profite qu'aux plus riches et pour laquelle on fait payer les plus fragiles. On n'avait jamais vu l'Etat réduire la solidarité dans une période aussi mauvaise. Or le gouvernement a porté atteinte à toutes les politiques de solidarité que nous avions mises en place : il a réduit les contrats emploi-solidarité (CES), stoppé les emplois-jeunes et même diminué les budgets de l'insertion. On rogne sur les droits des plus fragiles, ceux qui n'ont plus que l'Etat pour les soutenir : en matière de logement, d'emploi et pour les personnes âgées. Le président Chirac annonçait qu'il allait mettre la France au travail. M. Raffarin la met au chômage. Nous, nous avions réduit de 1 million le nombre de chômeurs.

Les partenaires sociaux ont eux aussi réduit les prestations de l'assurance chômage...
La situation actuelle était en germe dans l'accord de juillet 2000 sur l'assurance chômage. J'avais alors dit qu'il valait mieux que l'Unedic fasse des réserves pour les temps difficiles plutôt que de baisser les cotisations des employeurs. On savait que le moindre retournement de la conjoncture rendrait la situation impossible. Nous avions été très critiqués. Et, l'an dernier, employeurs et syndicats ont dû relever les cotisations et diminuer les prestations, renvoyant des demandeurs d'emploi vers l'aide de l'Etat.

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