On a retrouvé la gauche

Martine Aubry



Entretien avec Martine Aubry, maire de Lille, paru dans le quotidien Le Parisien daté du mardi 30 mars 2004
Propos recueillis par Frédéric Gerschel
 

Comment analysez-vous cette écrasante victoire de la gauche ?
L'ampleur des résultats est à la hauteur des difficultés et des angoisses subies par les Français qui en ont bavé depuis vingt mois. Le gouvernement s'attaque aux chômeurs, casse la Sécurité sociale, affaiblit les protections des salariés, abandonne successivement l'éducation nationale, la culture, la recherche. Dans tous les secteurs, les inégalités se sont aggravées alors que notre pays bat des records de déficit et d'endettement.

Jean-Pierre Raffarin peut-il rester ?
La question n'est pas de savoir qui dirigera le gouvernement, mais quelle politique sera conduite. Ce qui est clair, en revanche, c'est que Jacques Chirac ne peut plus se permettre de faire le contraire de ce qu'il dit, de ce que veulent les Français.

Le président de la République doit-il stopper les réformes annoncées ?
Il faut qu'il retire les projets en cours. A commencer par celui de la santé, qui démantèle la Sécurité sociale dont une partie serait confiée aux assurances privées. Il doit aussi abandonner la prétendue loi sur l'emploi : un texte qui accentue la précarité et la soumission des salariés vis-à-vis des entreprises. Jacques Chirac serait également bien avisé de réparer un certain nombre d'injustices qu'il a fait subir aux Français, et notamment aux plus démunis. Le gouvernement a dévoyé le terme même de réforme, qui doit être normalement synonyme de progrès social.

Quelle sera la marge de manœuvre des nouveaux élus PS ?
Ils résisteront à la politique gouvernementale. Ils vont agir dans la limite de leurs compétences et c'est déjà beaucoup, en mettant en place un véritable développement économique, en favorisant l'égalité des chances dans les collèges et les lycées, en menant des politiques de solidarité en direction des familles et des personnes âgées. Mais encore faudra-t-il que le gouvernement accompagne la décentralisation par des moyens financiers suffisants.

François Fillon a parlé d'un « 21 avril à l'envers »...
On a retrouvé la gauche. Le vote de dimanche nous donne une lourde responsabilité. A l'inverse d'un gouvernement qui flatte les clientèles et accentue l'indivualisme, qui accroît le repli sur soi et la peur des autres par une politique sécuritaire aussi dangereuse qu'inefficace, la gauche doit permettre à notre pays de retrouver ses valeurs : justice, responsabilité et solidarité. C'est ainsi que nous pourrons dépasser le 21 avril. Et c'est à ce projet que la gauche tout entière doit désormais se consacrer.

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