Un stade avec Vauban

Martine Aubry



Point de vue signé par Martine Aubry, maire de Lille, paru dans le quotidien Le Monde daté du 14 juin 2005


 
Le secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-arts a souhaité faire connaître publiquement son opposition au projet de rénovation du stade de football Grimonprez-Jooris de Lille, situé près d'une citadelle construite par Vauban. Il fonde son opposition sur un certain nombre d'erreurs.

La Ville de Lille ne projette pas de " doubler les hauteurs des tribunes ". La tribune nord actuelle culmine à 22,50 m, ce qui est la hauteur des futures tribunes ; alors qu'aujourd'hui les 4 mâts d'éclairage, qui seront supprimés, atteignent une hauteur de 43,50 m.

Le stade de 1975, qui a fait l'objet d'un avis favorable de l'architecte des Bâtiments de France et d'un permis de construire délivré par le préfet du Nord, n'a pas été construit dans la citadelle mais à côté, sans démolir aucune des défenses avancées (les photos de l'époque en témoignent). Ce ne sont que deux exemples.

Vauban construisit à Lille une citadelle sur une zone semi-marécageuse et de telle sorte qu'elle ne soit pas visible de la ville et de ses abords. Les ouvrages de l'époque indiquent très clairement que la pente du glacis est ainsi faite qu'elle empêche toute vision de la citadelle. Il ne s'agissait pas d'un point de vue esthétique mais d'un impératif militaire.

Les différents historiens et architectes qui se sont penchés sur l'histoire de la citadelle ont, tous, pu constater que cette citadelle et ses abords n'avaient pas été construits comme indiqué sur les plans initiaux de Vauban, qui lui-même fera évoluer son projet.

Depuis sa construction, la citadelle a évolué dans ses aménagements internes et externes. De sorte qu'il n'y a pas d'état initial qu'il faudrait considérer comme une référence intouchable.

Plus récemment, sous Napoléon III, un bois a été planté appelé " bois de Boulogne " , en réplique modeste à celui planté aux abords de Paris. Cette plantation étant absolument contraire à l'esprit et à la lettre de Vauban dans la construction de cet ouvrage de défense militaire, devrions-nous raser ce bois ?

Ou faut-il considérer que la citadelle et la ville, dès lors que l'aspect défensif de cet ouvrage militaire n'était plus d'actualité, ont l'une et l'autre participé d'une même histoire intégrant la citadelle et ses abords dans la vie quotidienne des Lillois.

Cet ouvrage militaire extérieur à la ville est devenu au fil des siècles un ouvrage populaire dans la ville. Dès 1884, un hippodrome est construit au pied de la citadelle. En 1920, le stade Henri-Jooris de 22 000 places est construit à 150 mètres au sud-ouest de la citadelle. En 1950, le parc zoologique est aménagé au pied de l'enceinte militaire. En 1956, un second stade est édifié à l'emplacement du stade actuel afin d'y accueillir des compétitions d'athlétisme. En 1975, le stade actuel est construit, sans détruire aucun élément de la fortification.

Depuis plus d'un siècle, pas une voix ne s'est élevée pour contester la proximité entre la reine des citadelles et diverses structures sportives ou de loisirs.

Alors même que le stade actuel a vieilli, que l'esplanade du Champ-de-Mars est encombrée depuis un siècle de constructions hétéroclites et alors même que Lille et sa communauté urbaine décident d'un projet global de rénovation du stade et de ses abords afin de reconstituer le glacis, des voix mal informées s'élèvent sous l'influence de riverains mécontents.

Notre objectif est de maintenir ce que l'histoire a amené : l'intégration de la citadelle dans la ville sans rien détruire de ce patrimoine historique. Ce projet de rénovation du stade actuel et de ses abords a pour vocation de rendre la citadelle plus accessible et plus lisible. Nous réduisons l'emprise au sol du stade actuel. Nous réduisons la hauteur des infrastructures en intégrant l'éclairage au toit, qui culminera à 28,50 m. Nous débarrassons le Champ-de-Mars et les abords de la citadelle d'un ensemble d'éléments disparates (stand de tir, manège de chevaux, hangar de tennis, etc.).

Chacun peut constater que c'est le maintien de la situation actuelle qui constitue un " acte de vandalisme " .

Il faut sortir de cette vision d'une ville segmentée où il faut spécialiser les fonctions, les usages, les populations. Nous recherchons une harmonie où les amoureux de la citadelle de Vauban et les passionnés de football se croisent, se rencontrent et partagent un peu de leur passion respective pour Lille.
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