Ce serait un aveu de faiblesse

Jean-Marc Ayrault



Entretien avec Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, paru dans le quotidien Le Parisien daté du 22 juillet 2004.
Propos recueillis par Nathalie Segaunes


 

Le gouvernement pourrait recourir au 49-3...
Ce serait un aveu de faiblesse. Pendant cinq ans, Lionel Jospin n'a jamais utilisé cet article pour faire passer ses textes. Et Jospin n'avait pas la majorité absolue. Raffarin, lui, a une majorité écrasante et pourtant il est prêt à utiliser l'arme lourde ! C'est dire à quel point il méprise la représentation nationale. Nous avions proposé un report du texte en octobre, il n'en tient pas compte : c'est de l'obstination. S'il persiste, nous déposerons une motion de censure que je défendrai personnellement

Pourquoi cette bataille d'obstruction ?
Je récuse le terme d'obstruction, il ne s'agit pas de faire du blocage. L'arme du député, c'est l'amendement, il n'y en a pas d'autre. Sur l'assurance maladie, en en déposant plusieurs milliers nous avons pu avoir un vrai débat. A tel point que le président Debré nous a envoyé à tous une lettre de remerciement pour la qualité de notre travail.

N'auriez-vous pas envie de partir en vacances ?
Je suis comme tous les Français, j'aspire à du repos. Mais nous, élus de l'opposition, avons reçu un mandat : ne pas accepter que l'Assemblée soit transformée en chambre d'enregistrement. Le gouvernement charge trop la barque : en un mois, il nous a imposé le vote de quatorze textes ! Que M. Raffarin soit pressé d'en finir alors que tout le monde s'interroge sur son sort personnel de Premier ministre, c'est une chose. Mais le sérieux des sujets en est une autre. On sent qu'il est pressé d'en finir. On a l'impression de quelqu'un qui est en train de préparer sa valise et qui veut mettre le maximum de choses dedans à la va-vite.

Jean-Pierre Raffarin a pourtant laissé entendre qu'il était là jusqu'en 2005...
Si M. Raffarin est là pour conduire la campagne pour le oui à la Constitution européenne, c'est la meilleure façon de la perdre... quand on voit avec quel succès il a mené les campagnes des régionales, cantonales et européennes.

Que reprochez-vous aux lois de décentralisation ?
Le gouvernement défigure la décentralisation. Les lois Mauroy-Defferre avaient été le symbole d'une nouvelle liberté. La décentralisation de M. Raffarin crée des inégalités, des complexités pour les citoyens et beaucoup d'incohérences. C'est un projet qui n'a pas de souffle, qui n'a plus d'ambition et qui est très loin de ce que Raffarin appelait la « mère des réformes ». On a l'impression que ce n'est plus qu'une entreprise de débudgétisation pour faire face aux dettes de l'Etat, avec à la clé l'augmentation des impôts locaux.

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