Européennes 2004
Le gouvernement Raffarin est en fin de vie

Jean-Marc Ayrault



Entretien avec Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, paru dans le quotidien Le Monde daté du 16 juin 2004.
Propos recueillis par Isabelle Mandraud


 

Le PS a obtenu un beau résultat mais l'abstention record qui a marqué ces élections européennes ne relativise-t-elle pas un peu son succès ?
Que dire alors de l'UMP ! Cet argument vaut pour tout le monde. Pour moi, l'abstention a un sens, c'est une autre façon d'exprimer son mécontentement. Elle aurait donc plutôt tendance à renforcer le désaveu. Ce scrutin montre une défiance vis-à-vis des politiques d'alignement forcé au libéralisme et confirme l'urgence d'une Europe sociale qui offre de nouvelles sécurités. Seule la gauche socialiste et sociale-démocrate peut porter ce besoin de sécurité. Sinon, le divorce avec les classes populaires deviendra irrémédiable.

La droite fait valoir que la quasi-totalité des gouvernements en exercice ont été sanctionnés...
En France, le gouvernement est le champion d'Europe de la débâcle. Il a la plus faible assise électorale de l'Union ! A l'Assemblée nationale, 365 députés représenteront 16 % des Français. Jamais un parti de la majorité n'a connu un tel désaveu dans une élection intermédiaire. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin n'a plus de légitimité. Il est en fin de vie et ne fait plus que de la gestion clientéliste. Je ne vois pas comment, avec un tel attelage, il pourra conduire le pays pendant trois ans.

Vous avez déjà appelé le premier ministre à " se démettre ". Et puis après ?
J'ai d'autant moins de mal à le faire qu'en 1992, lorsque la gauche avait subi une grave défaite aux élections régionales et cantonales, j'avais demandé à François Mitterrand de changer de premier ministre. Edith Cresson avait été remplacée par Pierre Bérégovoy. Il faut un signe, un tournant politique, sinon nous sommes à nouveau face à un déni de démocratie. Je n'ai aucune animosité personnelle contre Jean-Pierre Raffarin, mais quelle réponse apporte-t-il ? Comment poursuit-il ? Il y a une perte de confiance, on le voit notamment avec la croissance. La situation est délétère. C'est l'intérêt même du pays qui est en cause.

Comment envisagez-vous le rôle du PS dans une période où il n'y a plus d'élections ?
Il est aujourd'hui le pivot de la gauche. Sa responsabilité est donc grande. Le plus dur reste à faire : la mise à jour de notre logiciel intellectuel et politique. Il reste beaucoup de travail. Je souhaite que les socialistes, comme l'ont fait nos homologues espagnols, travaillent au projet de 2007 avec des propositions novatrices, sérieuses, et non pas dans la nostalgie, les modes ou la compétition de personnes.

Il nous faut définir des priorités claires et sensibles : la rénovation de l'Etat, les nouvelles sécurités sociales, la politique industrielle, l'intégration républicaine, le développement durable et la modernisation de nos institutions. Car l'impression qui domine est celle d'un régime en fin de course.

Vous regrettez le choix du quinquennat ?
C'est une réforme inachevée. Elle n'avait de sens que s'il y avait une suite pour rééquilibrer les pouvoirs. Tout le monde sent bien qu'il faut une refondation.

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