Décentralisation
Raffarin a gâché une belle idée

Jean-Marc Ayrault



Entretien avec Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, paru dans le quotidien Ouest France daté du 15 avril 2004.
Propos recueillis par Roland Godefroy
 

Les socialistes, pionniers de la décentralisation, sont contre le projet Raffarin. Comment expliquer cela ?
Je suis un décentralisateur convaincu. Si je suis opposé à la décentralisation façon Raffarin, c'est justement parce que le Premier ministre est en train de gâcher cette belle idée. Son projet, au lieu de simplifier, crée de la complexité. Il augmente aussi la fiscalité au lieu de jouer l'efficacité. Finalement, il fait exactement le contraire de ce qui était recherché au départ par les lois socialistes Mauroy-Defferre.

Par exemple ?
Le gouvernement charge trop la barque. Il veut transférer onze milliards d'euros aux Régions et aux départements, soit respectivement 15 % et 20 % de leurs budgets. C'est énorme. Le transfert aux départements et aux Régions de 100 000 employés des collèges et des lycées, ouvriers, techniciens, agents de service, pèsera très lourd sur les budgets sans apporter aucun avantage.

Sur les grandes questions, toutes les composantes de votre équipe sont unanimes ?
Mon équipe a été élue sur ce projet. C'est un programme à la fois audacieux et pragmatique. Donc, je n'ai pas d'interrogation sur ce plan-là.

Que réclamez-vous ?
Nous voulons que le transfert de nouvelles compétences aux Régions et aux départements s'accompagne d'un transfert équivalent des ressources qui y sont liées. Sans cela, nous allons vers l'asphyxie des collectivités locales, avec, à terme, le risque d'une explosion fiscale. Si les ressources sont véritablement garanties, si le projet est allégé de ce qui concerne l'Éducation nationale, alors nous reprendrons la discussion. Car nous souhaitons effectivement faire progresser notre pays vers une décentralisation qui donne une nouvelle dynamique à l'aménagement et au développement du territoire, qui ne mette pas en péril l'égalité entre les Régions et donc entre les citoyens.

Vous demandez des garanties financières. Mais le gouvernement vous répond que ce sera le cas, et que, de toute façon, la Constitution le prévoit maintenant ?
Je ne fais pas confiance au gouvernement. S'il était sincère, il aurait commencé par transférer les ressources financières avant les compétences.

Vous demandez une pause ?
Sur un sujet de cette importance, il faut se donner du temps. Pour permettre un vrai dialogue, une vraie négociation au sein des assemblées parlementaires, et aussi avec les associations d'élus, et notamment les nouveaux présidents de Région. Le gouvernement doit prouver qu'il a entendu le message que les Français lui ont adressé lors des élections régionales.

Vous estimez que sa défaite aux régionales rend la droite illégitime pour conduire cette réforme ?
La droite est, bien sûr, légitime juridiquement. Mais elle a perdu une grande partie de sa crédibilité. Son empressement à vouloir faire voter son texte témoigne d'un affolement. Le gouvernement ne s'est pas mis à l'écoute des Français. C'est une faute. On ne peut pas réformer à ce point le fonctionnement de l'État et des collectivités locales sans créer les conditions du consensus.

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