Si le PS ne défend pas la laïcité,
qui le fera ?

Jean-Marc Ayrault

Entretien avec Jean-Marc Ayrault, président du groupe à l'Assemblée nationale, accordé au quotidien Libération daté du 9 février 2004
Propos recueillis par Didier Hassoux


 

Le groupe socialiste semble encore divisé par le projet de loi sur la laïcité. Vous souhaitez l'adopter ?
A titre personnel, je souhaite que nous votions ce projet de loi. Il est devenu le symbole d'une volonté de réduire l'intégrisme et de promouvoir l'égalité hommes-femmes. Si les socialistes ne défendent pas la laïcité, qui le fera ? Je ne comprends pas certaines fractions de la gauche qui manifestent avec les fondamentalistes en opposant la question sociale à la laïcité. On sait depuis Jaurès qu'elles sont le prolongement l'une de l'autre. A travers cette loi, nous réaffirmons que la laïcité n'est pas négociable. Le texte auquel nous avons abouti reste imparfait. Mais nous l'avons amélioré, notamment en introduisant une procédure d'évaluation. Dans un an, le Parlement verra si le terme « ostensible » est sujet à contentieux et s'il faut le remplacer par l'adjectif « visible » comme nous le souhaitons. Dans cette affaire, les députés PS ont cheminé et décideront ensemble.

Certains de vos camarades ne souhaitent pas mêler leurs voix à celle des amis de Jacques Chirac et d'Alain Juppé...
Il n'y a aucun complexe à voter une loi sous prétexte que Chirac s'y est rallié. Comme sur l'Irak, les socialistes ont été à l'origine de ce processus. Rien n'est plus délétère pour les Français que de voir leurs dirigeants hésiter pour défendre leurs principes. C'est dans nos renoncements que Le Pen et l'intégrisme prospèrent. Je souhaite qu'une loi de concorde nationale réunisse les républicains des deux rives. Cela ne nous interdit pas de dénoncer la politique d'abandon social de la droite. Cela ne nous empêchera pas, mercredi, de voter contre le projet Perben 2, attentatoire aux libertés publiques. Quant aux pressions de Jacques Chirac sur les juges dans l'affaire Juppé, je considère qu'elles nous entraînent dans une berlusconisation de nos institutions. Et que le Président manque gravement aux devoirs de sa fonction.

A l'Assemblée, vous avez souhaité que la future loi ne soit pas un aboutissement, mais un commencement. Cela veut dire quoi ?
Notre engagement laïc doit réussir deux tâches inaccomplies : l'intégration sociale des enfants issus de l'immigration et celle de l'islam dans la République. Sans toucher aux lois de 1905, il faut trouver des solutions pour la construction de lieux de culte, leur financement ou la formation d'imams. Le groupe socialiste va faire prochainement des propositions. Je veux le dire à nos compatriotes musulmans : la France peut et doit devenir la preuve que l'islam est compatible avec la démocratie et la laïcité.

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