En 2007, je n'ai pas envie que la gauche passe un tour

Jean-Marc Ayrault


Entretien avec Jean-Marc Ayrault, député-maire de Nantes, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, paru dans Le Figaro daté du 21 septembre 2005
Propos recueillis par Sophie Huet et Guillaume Perrault
 

Quel bilan dressez-vous des « cent jours » de Dominique de Villepin ?
Les cent jours de Villepin sont aussi inefficaces que les mille jours de Jean-Pierre Raffarin à Matignon. Que le premier ministre ait trouvé son style, qu'il en impose par rapport à son prédécesseur, c'est une évidence. Mais je suis surpris du décalage entre les lauriers que lui tressent les médias et la réalité : sur les trois grandes urgences, la croissance, l'énergie, le logement, ces résultats sont inexistants. Notre opposition au Parlement sera intransigeante. Villepin nous a mis dans la morne plaine de Waterloo. Sarkozy nous promet la morte saison de la Restauration. Car c'est la vraie rupture de cette rentrée. L'UMP a tourné la page Chirac. Sans aucune décence, les numéros un et deux du gouvernement ont ouvert la guerre de succession le jour de son hospitalisation. Avec à la clé un projet de droite pleinement assumé.

Que pensez-vous de la réforme fiscale proposée par le premier ministre ?
Elle n'est ni juste ni efficace. Je ne comprends pas cette obsession de la droite à vouloir privilégier les plus riches dans notre société. Ce sont eux qui vont bénéficier des plus fortes baisses d'impôts, et la réforme de l'ISF va suivre. Les annonces de Villepin et de Sarkozy s'inspirent d'un modèle de plus en plus libéral et conservateur, à l'anglo-saxonne. Le ministre de l'intérieur est le plus franc. Il ne veut pas défendre le modèle social français, mais en changer : promouvoir le mérite plus que l'égalité des chances, la compétition individuelle de préférence à la solidarité. La droite nous lance un vrai défi de société. Nous aurions tort de le mésestimer.

A deux ans de la présidentielle, le PS, affaibli par ses divisions internes, peut-il se contenter d'être un parti d'opposition sans offrir un programme d'alternance ?
Comment être socialiste au XXIe siècle dans une économie mondialisée, tout en restant fidèle à nos valeurs ? C'est cela le défi. Nous devons inventer un nouveau contrat social qui allie justice et efficacité, sans diaboliser l'économie de marché et l'entreprise mais en apportant des nouvelles sécurités aux salariés. Nous ne pouvons pas nous contenter de gérer les acquis. L'extrême gauche nie la réalité et les contraintes de l'économie. Nous voulons, nous, l'améliorer. Ma méthode consiste à faire travailler tous les députés sur les sujets concrets, quelles que soient les sensibilités de chacun. Pour gagner en 2007, il ne faut pas un PS divisé, car c'est le PS qui détient les clés du rassemblement à gauche. Ce qui implique que le PCF et les Verts clarifient leur ligne comme le font les socialistes.

Sur quels sujets travaillez-vous ?
Nous déposerons des propositions de loi sur le logement social, une autre réforme de la fiscalité, l'enseignement supérieur, la formation tout au long de la vie, la recherche... Nous allons aussi faire le bilan de l'action de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur, pour démontrer qu'il a remplacé la police de la proximité par une police de la statistique.

Craignez-vous que se reproduise en 2007 le même scénario qu'en 2002, deux candidats de droite en lice au second tour ?
Si la gauche n'est pas capable de se réunir, on ne peut rien exclure. Par ailleurs, il ne faut surtout pas laisser s'installer l'idée que l'alternance, en 2007, se fera entre deux candidats de droite. C'est une hypothèse effrayante. Je n'ai pas envie que la gauche passe un tour. En 2007, il faut offrir aux Français un vrai choix entre deux modèles de société.

Pensez-vous que Jacques Chirac peut encore briguer un troisième mandat ?
Je n'ai jamais cru que Jacques Chirac pourrait se représenter pour des raisons politiques. La manière dont il fait de la politique depuis quarante ans n'est plus crédible. Cette schizophrénie permanente entre le discours et l'action est insupportable. Cela fait le jeu des extrêmes.

François Bayrou est-il toujours dans la majorité ?
C'est une dissidence de salon, bruyante, mais qui n'exprime pas de vraies divergences avec l'UMP. Le centre est toujours à droite.

© Copyright Le Figaro


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