La majorité plurielle,
la seule voie possible

Jean-Marc Ayrault
Président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault a été réélu maire de Nantes dès le premier tour. A l'heure où les députés retrouvent les bancs de l'Assemblée, il analyse la nouvelle donne au sein de la majorité.
 Entretien accordé au journal Libération daté du mardi 27 mars 2001
 propos recueillis par Didier Hassoux


 

Au vu des résultats des élections municipales, Jean-Pierre Chevènement considère que la gauche plurielle a vécu. Partagez-vous cette analyse ?

Il n'y a pas d'autre stratégie que la majorité plurielle. Jean-Pierre Chevènement se trompe lorsqu'il prétend, avec ses amis du Mouvement des citoyens, avoir, lui, résisté dans ses bastions. Prenez l'exemple de mes voisins de Saint-Nazaire (Loire-Atlantique): c'est la majorité plurielle qui conduit la municipalité. S'il y avait eu une liste MDC isolée, Joël Batteux ne serait pas maire. En dehors de Jean-Pierre Chevènement, personne n'a d'ailleurs envie de remettre en cause cette stratégie de la majorité plurielle. Elle tient depuis bientôt quatre ans. L'union, ça se mérite. Tout le monde doit y contribuer. C'est la seule voie possible.

Il ne faut donc rien changer ?

Je n'ai pas dit cela. Les municipales que nous venons de vivre invitent chacune des composantes de la majorité à balayer devant sa porte. Nous, socialistes, devons être de plus en plus ouverts, attentifs, à l'écoute des autres. Nous devons élaborer davantage ensemble. En plus, les rapports entre le gouvernement et sa majorité doivent s'intensifier. Cela passe notamment par l'élaboration plus en amont des projets, l'association au fur et à mesure de l'avancée des textes. Nous avons encore du travail à faire de ce point de vue.

Mais les élections municipales ont été aussi l'occasion d'une défiance à l'égard du gouvernement...

Ces élections sont avant tout locales. Les Français ont élu des maires et des équipes municipales. Là où l'union a fonctionné, il n'y a pas eu de problème. Là où il y a division, rafistolage, la situation politique devient périlleuse. En outre, dans un certain nombre d'endroits, où le renouvellement du personnel politique était nécessaire, il ne s'est pas fait. Je remarque tout de même que 80 % des députés socialistes candidats ont été élus. Et lorsqu'ils ne l'ont pas été, c'est, la plupart du temps, qu'ils étaient en situation de challenger.
Il est vrai, cependant, qu'une partie de l'électorat populaire s'est abstenue ou s'est prononcée en faveur de listes alternatives. Ce message qu'il faut entendre ne doit pas nous faire changer du tout au tout. Ce que nous avons engagé n'est pas toujours bien perçu chez ceux qui souffrent plus que d'autres de la précarité, de l'insécurité. La politique du gouvernement n'est pas en cause mais plutôt la façon dont elle est perçue sur le terrain. Il y a un temps de retard entre ce qui est décidé en haut et la façon dont cela est vécu par les citoyens. Il faut faire extrêmement attention à cela. De ce point de vue, le rendez-vous annuel de revalorisation du Smic en juin est très attendu. Le signal doit être net. Dans la période qui vient de s'ouvrir, il faut plus insister sur le social que sur le sociétal. Mais les signes à donner ne sont pas uniquement de nature législative. Les projets de loi sont déjà en cours: prestation autonomie, lutte contre les discriminations, validation des acquis professionnels, loi sur la sécurité, etc. Il faudra être vigilant sur la rapidité de leur mise en œuvre concrète.

Ne faut-il pas changer de politique ?

Non. En revanche, il faut continuer à réhabiliter la politique, la rendre plus imaginative, plus mobile, plus à l'écoute. Montrer au citoyen que la politique est utile, qu'elle pèse sur le cours de choses. Ces temps derniers, le discours politique avait été un peu mis entre parenthèses. Il faut retrouver cette vigueur. C'est maintenant que les choses vont se jouer. Il est important que les Français sentent que nous sommes toujours dans le mouvement. Et, parallèlement, que nous savons gérer le pays. C'est le réalisme de gauche.

Et changer de gouvernement ?

C'est l'affaire de Lionel Jospin. Si ce remaniement devait régler des problèmes de compétition entre Verts et communistes, je pense que ce ne serait pas une bonne chose. Il n'y a pas de raison de pénaliser les communistes... ni d'ignorer les Verts. Ce remaniement n'est pas, de mon point de vue, la chose essentielle. Il faut que le gouvernement travaille, aille sur le terrain, regarde davantage, écoute davantage, explique davantage.

La majorité ne risque-t-elle pas de tanguer de nouveau lorsque le Parlement va débattre du projet de loi sur la Corse ?

Je suis assez confiant. Nous faisons un énorme travail sur le projet de loi sur la Corse. Ce n'est pas le sujet sur lequel la majorité sera divisée. Une rédaction plus ciselée du projet évitera tout malentendu et faux débat, notamment sur la question de la langue. Jean-Pierre Chevènement et une partie de la droite tiendront certainement un discours traditionnel, conservateur. Mais tous les gens qui veulent avancer vers des solutions durables se retrouveront sur ce texte.

Disposerez-vous de suffisamment d'appuis UDF pour faire voter l'inversion du calendrier électoral ?

Nous sommes actuellement dans une période de confusion politique due à la cohabitation. A court terme, cela peut plaire. A moyen terme, on s'aperçoit que cela crée beaucoup d'ambiguïté, beaucoup de confusion. Or nous avons besoin de vrais débats politiques. L'élection présidentielle en sera l'occasion. La logique de la clarification politique passe par la modification du calendrier. Nous y tenons. C'est l'intérêt de notre pays.

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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