Sénateurs,
votez pour le Pacs

Dinah Derycke et Jean-Pierre Bel


Point de vue signé par Dinah Derycke, sénatrice PS du Nord, et Jean-Pierre Bel sénateur de l'Ariège, paru dans le quotidien Libération daté du mardi 16 mars 1999


 
Après avoir eu beaucoup de mal à accepter le principe de la parité, le Palais du Luxembourg va-t-il à nouveau, à l'occasion du débat sur le Pacs, se transformer en camp retranché, haut lieu du conservatisme ?

Nous voulons témoigner qu'au-delà des questions posées à cette institution, la droite sénatoriale n'engage qu'elle-même dans son incapacité à comprendre l'évolution de notre société. Il y a au Sénat, essentiellement à gauche, des élu(e)s qui entendent mener la bataille pour élargir le champ des libertés et offrir aux deux millions de couples non mariés une situation juridique transparente, réglementée, apaisée, correspondant à leur choix de vie.

Même, si cet instrument juridique ne s'adresse pas exclusivement aux couples homosexuels, nous disons aussi, haut et fort, qu'il est bien temps de rompre avec le situation d'exclusion dont ces derniers font l'objet.

Exclusion, cause d'un mal-être que personne aujourd'hui ne peut ignorer; mal-être aggravé par le développement du sida, qui laisse désemparés et sans recours nombreux de celles et ceux qui ont perdu un compagnon.

Quelle vérité officielle, quelle norme sociale considérée comme dominante peut imposer de maintenir dans une zone de non-droit, une partie de la population ?

Veut-on vivre dans une république marquée par l'idéal de liberté, ou au contraire une république d'inspiration théocratique qui dicterait le bien et le mal jusque dans l'intimité des êtres ?

N'est-il pas justement de la responsabilité de l'Etat, de la république, de veiller à la cohésion au sein de la nation, au lien social indispensable, à la solidarité entre tous ? Ces questions, nous les posons à nos collègues sénateurs sans a priori et sans arrière-pensée.

Pour l'équilibre de nos institutions, parce que nous ne voulons pas d'un régime présidentiel, nous sommes convaincus que le Sénat a un rôle original et important à jouer dans le cadre de notre démocratie.

Mais il faut cesser de donner le spectacle du dernier rempart des privilèges et du conservatisme désuet.

Nous en appelons à la sagesse de notre Assemblée, en sachant qu'à chaque étape de la longue marche vers une plus grande liberté et une plus grande justice, le débat a été âpre et révélateur.

Quand il s'est agi de considérer les femmes comme des citoyennes à part entière, avec le droit de vote, de disposer librement de leur corps avec la contraception et l'IVG, ou encore quand nous sommes passés de l'autorité paternelle à l'autorité parentale, nous avons rencontré toujours les mêmes pesanteurs. Chaque fois, un clivage net nous a opposés aux conservateurs.

Contrairement à l'image entretenue par son actuelle majorité, le Sénat, à maintes reprises, a su prendre le parti de celles et ceux qui souhaitaient traduire au plan juridique les réalités et les vancées de la vie sociale. Sur la majorité à 18 ans, sur la réforme du divorce, sur l'IVG ou encore à propos de l'égalité professionnelle hommes-femmes, le camp conservateur a été mis en échec. Nous sommes certains qu'il est souhaitable et nous pensons qu'il est possible de retrouver aujourd'hui ce bon sens. Il est temps de faire droit à la notion de couple, de reconnaître et protéger la vie civile des personnes au-delà des seuls intérêts matériels, en reconnaissant le lien affectif, personnel et social.

Il est vrai que les fratries n'ont pas leur place dans ce texte, elles doivent être traitées dans un autre cadre, celui du code de la famille.

Le Pacs, pour les hétérosexuels comme pour les homosexuels, est une manière d'officialiser le lien amoureux qui les unit. Il est un engagement comportant aussi des devoirs. Il n'attente en rien au mariage et encore moins à la famille parce qu'il ne donne aucun droit sur les enfants et, du fait même du pacte, ôte toute possibilité d'adoption.

Alain nous apprend que: «Ne vouloir faire société qu'avec ceux qu'on approuve en tout, c'est chimérique et c'est le fanatisme même.» C'est dans cette philosophie du droit de l'autre que s'inscrit le Pacs. Il ne suffit pas de clamer le respect des libertés et la dignité des individus, encore faut-il en garantir l'exercice sans discrimination. C'est la responsabilité même du législateur.

C'est vrai, le Pacs introduit une distinction entre la relation amoureuse, stable et durable, et la famille; il introduit l'idée que la relation amoureuse n'a pas obligatoirement pour finalité la procréation, mais doit tout de même être considérée comme un lien commun parce qu'elle permet aux êtres, quel que soit leur choix sexuel, de se construire et de s'épanouir. La loi n'a pas vocation à faire le bonheur des individus, elle doit contribuer à le permettre et à le protéger.

Reproduit avec l'aimable autorisation du quotidien
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