Chez les socialistes, il y a un grand malaise sur l'Europe



Entretien avec Pervenche Berès, leader du PS au Parlement de Strasbourg,
paru dans le quotidien Libération daté du jeudi 25 septembre 2003.
Propos recueillis par Jean Quatremer


 

Le PS semble ne pas savoir que penser du projet de Constitution européenne...
La consultation préalable des militants, à laquelle nous nous sommes engagés lors de notre congrès de Dijon, en mai, ne doit pas interdire aux responsables du PS de donner leur avis. D'autant qu'il me paraît difficile d'attendre l'issue de cette consultation interne pour participer à un débat déjà largement entamé. Or, si le texte de la Convention est rouvert par les gouvernements, il faut que nous ayons nos propres revendications, car il ne faudrait pas qu'il y ait dans la négociation uniquement les demandes des moins-disants européens.

Vous regrettez que le PS soit absent de ce débat ?
Nos responsables sont en attente. Dominique Strauss-Kahn s'est prononcé en faveur du projet de Constitution. Laurent Fabius, lui, a montré ses interrogations. Quant aux leaders des courants minoritaires, ils sont tentés par une position de rejet. Il est clair qu'il existe une tentation d'une partie des courants du PS d'instrumentaliser le débat européen dans le but de modifier les rapports de force au sein du PS. Plus fondamentalement, je sens un très grand malaise au PS. Depuis Maastricht, les socialistes ont très peu élaboré de façon constructive sur l'aventure européenne, hormis les conditions de passage à l'euro. On a l'impression qu'aujourd'hui, ils sont en train de pleurer non pas sur l'élargissement en tant que tel, bien que cette tentation existe, mais sur le fait qu'une grande Europe ne sera pas à l'image d'une France socialiste. Il est clair que le point d'équilibre d'une Europe à 25 ne sera pas le projet socialiste. Ce qui ne veut pas dire que nous n'ayons aucune influence. J'en ai assez d'entendre parler du projet Giscard, ce qui sous-entend qu'il s'agit d'un texte de droite : il y avait 120 socialistes dans la Convention, dont moi-même, et nous avons obtenu l'inclusion de points essentiels, comme la reconnaissance de la force obligatoire de la Charte des droits fondamentaux, le droit de financer les services publics, l'absence de référence à Dieu.

François Hollande réclame un référendum. Et vous ?
Il faut d'abord attendre de voir le texte qui sortira de la CIG . Si le projet est totalement détricoté, on en restera au traité de Nice, ce qui ne nécessite nullement une consultation populaire... Ensuite, le seul référendum qui me paraît honnête devrait avoir lieu en même temps dans tous les pays européens qui souhaitent organiser une telle consultation afin de sortir de la dimension nationale. Sinon le risque est grand que chaque peuple réponde à une question différente de celle qui sera posée.

Les socialistes peuvent-ils se déchirer durablement sur l'Europe ?
Le chantier européen est un test central pour les socialistes. On peut certes renoncer à tout ce qui a fait l'histoire du parti en rejetant son héritage européen et en optant pour une stratégie de crise avec nos partenaires afin de défendre nos idées. Mais la France n'a pas les moyens d'imposer ses vues dans l'Europe des 25. Si nous jouons la crise, nous serons marginalisés, et le jeu continuera sans nous. Si nous sombrons dans la régression infantile sur l'Europe, notre capacité à rester un parti de gouvernement sera posée.

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