Un projet européen pour les socialistes :
le nouveau fédéralisme

I - L'état de l'Union après Nice
II - Objectifs prioritaires des nouveaux fédéralistes
III - Conclusion

 

Ébauche d’un manifeste

Depuis quatre ans notamment, sous l'impulsion de gouvernements socialistes et du Parlement européen, des progrès considérables ont été réalisés dans l'intégration européenne avec l'introduction de l'euro dans 12 États membres, le lancement de la stratégie de Lisbonne, l'approbation de l'agenda social, la PESC et la création d'une force militaire de réaction rapide aussi bien que la Charte des droits fondamentaux. Mais aujourd'hui, la volonté d'intégrer ces acquis dans les traités et de les soumettre à la méthode communautaire et au contrôle démocratique du PE fait défaut.

Le Conseil européen de Nice des 8 et 9 décembre 2000 n’a débouché que sur de minces résultats : un Conseil européen qui devait se terminer un samedi midi a duré jusqu’au lundi suivant au petit matin avec un accord minimum, obtenu dans une négociation de dernière minute, fragile, compliqué, incompréhensible pour l’opinion publique européenne qui aspire à plus d’ambition, plus de transparence, plus de légitimation démocratique des décisions.

Il faut prendre acte de cet accord dans la mesure où il ne freine pas l'élargissement de l'Union que nous soutenons de toutes nos forces. Il autorise aussi les coopérations renforcées et il sanctionne une modification de l'art. 7 du Traité sur le respect des valeurs de l'Union . Pour le reste, cet accord est bien en-dessous des enjeux actuels de l'Union (création de la zone Euro, efficacité des institutions, rôle de l'Europe face à la globalisation).

Nice a créé une inquiétude. Ce Conseil européen a permis de vérifier l'ampleur de l'usure des ambitions européennes des gouvernements de l’Union et l'augmentation concomitante des égoïsmes nationaux. En plus d’un manque de vision européenne la méthode de la Conférence intergouvernementale a manifesté toutes ses limites au moment où se dessine une crise identitaire de la construction européenne, et où la marche vers l’unification européenne doit franchir une étape décisive.


I - L'état de l'Union
après Nice

 
Tout cela laisse l’Europe en quasi-paralysie de décision et ne répond en rien aux interrogations de nos concitoyens et concitoyenne. Faute d’une réponse vigoureuse, il est exclu de mobiliser les énergies et les enthousiasmes et de pousser les gouvernements à faire les efforts nécessaires vers un peu moins de souveraineté nominale, souvent surtout de prestige, et vers davantage de souveraineté réelle et d'efficacité.

Or l’évidence est là. Il est dans son état actuel deux fonctions que l’Europe ne remplit pratiquement pas.

La première est celle de la défense internationale de son modèle social. Ce que l’Europe a en commun au-delà de la démocratie et du niveau de développement et de revenu, c’est, par rapport au reste du monde, une grande qualité de ses services d’intérêt général et un degré élevé de protection sociale. Or ce modèle est mis en cause, moins de l’intérieur, où dans tous les pays la majorité de nos concitoyens souhaitent le défendre, que de l’extérieur. Qu’il s’agisse des standards financiers internationaux, de l’absence de toute clause protectrice des droits de la personne et de l’environnement dans les règles commerciales, de la surabondance de paradis fiscaux encourageant l’épargne des pays développés à jouer le dumping social, ou simplement de l’absence de contrôle sur l’extrême volatilité des capitaux, le maintien en état de notre art de vivre ne peut plus être assuré par une attitude seulement défensive interne. Il y faut une posture mondiale offensive, où la puissance économique et monétaire soit appuyée par une égale puissance diplomatique et une présence au monde assurée par une capacité militaire au service de la paix, démontrant la générosité de notre construction politique.

L’autre fonction non remplie est celle de la participation de l’Europe à l’édification d’un monde plus harmonieux
. Les guerres locales sont en croissance et de plus en plus dévastatrices. La prolifération nucléaire menace comme jamais. La Russie cherche à la fois la stabilité et sa place dans le monde. Un milliard de musulmans, après bien des siècles d’humiliation et de sous-développement cherchent à trouver la voie du progrès et la dignité, mais font face chez eux à une redoutable contestation intégriste et terroriste. Comment les aider dans ce combat ? Enfin les Etats-Unis, ivres de leur puissance, maladroits de n’avoir ni conseils ni contrepoids, hésitent et alternent entre l’usage de leur immense force au service de leurs seuls intérêts, et l’usage de cette même force au service de la mise en place de règles du jeu communes à l’ensemble de l’humanité, mais qui du coup s’appliqueraient à eux aussi aux dépens d’intérêts immédiats parfois puissants.

Ce sont ces problèmes là, infiniment plus et plus vite que nos problèmes d’harmonisation fiscale ou même d’élargissement, qui conditionnent notre avenir immédiat, notre sécurité, notre environnement, nos emplois et ceux de nos enfants. C’est là que l’absence d’Europe a son prix le plus terrible. Il faut aux Etats-Unis un contrepoids amical mais à leur taille pour que s’élabore une gouvernance mondiale acceptée. Mais ce ne serait être en aucun cas la fonction d’une seule nation : elle n’en veut pas, c’est trop lourd pour elle et ce serait dangereux.

L’édification d’une Europe cohérente, y compris dans ses dimensions de diplomatie et de défense, demeure donc une urgence.

Les Etats membres de l’UE se trouvent dès lors face au choix de s’associer plus étroitement, en adoptant les réformes nécessaires pour approfondir l’intégration et promouvoir le modèle social européen, ou de risquer l’impuissance et la dissolution du projet de l’unité politique de l’Europe, sous le poids croissant de la globalisation et de la force centrifuge de l’élargissement.

Comme socialistes nous devons mettre en avant la nécessité de conserver et de développer, face à la globalisation des marchés et des cultures, certaines valeurs " européennes ", un " mode de vie européen ", un " modèle social européen ". Nous cherchons ainsi à retrouver et à redresser cette balance délicate qui doit exister entre liberté individuelle et responsabilité collective, entre efficacité économique et justice sociale pour tous.

Deux raisons au moins sont à l’origine de notre inquiétude :

D'abord, des raisons politiques et pratiques d’évolution à court terme. Le risque est la dissolution des synergies, la désagrégation des positions dans un cadre de politiques proprement européennes fragilisées et une dérive vers l'intergouvernemental.

En second lieu, des motifs stratégiques d’évolution à moyen et long terme. Tout le monde s’accorde à penser que l’élargissement changera la nature de l’Union européenne. Il est nécessaire de discuter des finalités de l’Union, des méthodes et des instruments les plus adéquats pour faire face aux tâches futures. Ces six derniers mois, ce débat positif sur l’avenir de l’Union a été relancé.

Les préoccupations face aux résultats obtenus à Nice, s’expliquent fondamentalement par le fossé qui existe entre les limites des projets actuels tels qu'ils apparaissent auConseil et l’ampleur des défis futurs.

Dans ce contexte, quelle stratégie ?

Certains spéculent sur l’intérêt d’une crise
. Nous ne partageons pas ce point de vue : les crises sont utiles lorsqu’il existe des solutions qui ne peuvent émerger en raison d’obstacles déterminés. Il ne s’agit, dans ce cas, que d’éliminer ces obstacles pour que la solution se dégage. Cela ne paraît pas le cas dans l’état actuel des choses en Europe : il y a des raisons de penser qu’une crise ne produirait pas aujourd’hui la catharsis désirée mais probablement le contraire : un nouveau pas en arrière difficilement réversible de certains gouvernements, un frein supplémentaire au processus d’intégration, une renationalisation des discours et des politiques, une valorisation de l’intergouvernemental et une usure progressive de l’équilibre communautaire. La solution passe par une utilisation du processus de ratification du traité de Nice pour dire nos conditions quant à l'avenir et à l'organisation du débat en 2004. Cela suppose un rassemblement des forces pour une nouvelle étape de la construction politique de l’Europe, car il faut modifier la situation actuelle et obtenir une nouvelle dynamique d’intégration.

Nous ne pouvons pas attendre 2004 pour lancer une initiative capable de dépasser les limites et les résultats décevants du Conseil européen de Nice : les socialistes doivent être les promoteurs d’une nouvelle Convention sur les principes et les objectifs de l'avenir de la construction politique de l'Europe, sur l'ouverture d'un processus constitutionnel à partir de la réorganisation des Traités, sur une plus claire répartition des responsabilités entre les trois grandes institutions de l'Union européenne dans l'équilibre à reconstruire entre coopération intergouvernementale et méthode communautaire. L'expérience de la Convention pour l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux a démontré la validité de cette méthode et la possibilité d'aboutir à des résultats concrets en associant les Parlements nationaux, la société civile européenne et les forces sociales, entraînant par là même, l'opinion publique européenne à la construction d'une unité politique de l'Europe.

L’Europe ne pourra se construire qu’avec les peuples, et la démocratie européenne s’étendre qu'avec la participation des citoyens.

Mais pour le moment, il existe dans le processus européen un grave manque d’information, de participation et de démocratie. Les dernières élections européennes (13 juin 1999) sont significatives et préoccupantes : abstention élevée et campagnes plus nationales qu’européenne. Elles ont montré le fossé créé entre les opinions et les institutions européennes. Les électrices et les électeurs pensent que leur influence sur les décisions de l’Union européenne est très faible, cela explique leur faible participation aux élections et leur attachement aux considérations de politique nationale : sans un débat sur les orientations politiques en Europe, les élections sont un exutoire pour soutenir ou sanctionner les gouvernements nationaux. De plus, les opinions publiques tendent à mettre en cause la crédibilité démocratique des institutions communautaires et à perdre confiance en elles.

Les citoyens perçoivent l’Union européenne comme éloignée, compliquée, inintelligible. Ils considèrent que le langage employé à Bruxelles est à peine compréhensible. Cette situation a de fortes conséquences politiques, elle doit être combattue.

Ce n'est que sur une telle base que nous pourrons accepter les résultats de Nice. Nous sommes déterminés à promouvoir une initiative politique de large ampleur au sein du parti des socialistes européens, du Parlement européen et des Parlements nationaux ainsi que d'une manière générale dans la société civile pour l'émergence d'un « nouveau fédéralisme ».

Pour nous le "nouveau fédéralisme" doit permettre de prendre en compte le nouveau contexte dans lequel se situe le défi fédéraliste : les nouvelles dimensions de l'Union européenne, le processus de globalisation, les nouvelles perspectives géopolitiques de l'Europe, les tendances à la décentralisation des Etats-nations qui donne une nouvelle dimension au principe de la subsidiarité.

Comme l'a relevé Jacques Delors, dans l'Union européenne, " le tabou du fédéralisme est en train de disparaître ". Il faut caractériser le fédéralisme européen par de nouveaux contenus et de nouveaux objectifs.

Pour nous le " nouveau fédéralisme " comporte l'objectif d'une Fédération des États et des peuples (que certains appellent " Fédération d'Etats-nations ") qui participent à la construction de l'Union politique de l'Europe.

Il se fonde aussi sur la décentralisation la plus large possible des décisions pour donner tout son sens au principe de subsidiarité en associant à la construction européenne les régions, les territoires et les organisations de la société civile. Le nouveau fédéralisme européen, c'est l'Europe de la proximité.

En ce sens, le premier objectif est d’obtenir une plus grande transparence et compréhension de la part des citoyens des institutions de l’UE, de leurs processus de prise de décisions, de leurs relations avec les Etats membres et avec les peuples de l’Union. Les questions essentielles sont : " que voulons-nous faire ensemble ?" et " qui fait quoi ? ".


II - Dans cette perspective,
les objectifs prioritaires
des nouveaux fédéralistes sont les suivants

 

Les traités doivent être réordonnés et simplifiés, dans une perspective de « processus constitutionnel » : en définissant les objectifs de l’Union, en affirmant les valeurs, droits et responsabilités sur lesquels elle s’appuie, et en décrivant clairement son architecture institutionnelle

Aujourd’hui, nous avons sept traités, huit avec celui de Nice, avec des centaines d’articles mal classés, conséquence d'un processus d’accumulation tout au long d’un demi-siècle de construction européenne : une masse inextricable de normes, qui forme un ensemble incohérent, de moins en moins lisible et intelligible.

D’où l’urgence d’une simplification radicale.

La Commission a approuvé en ce sens un rapport, qu'elle avait demandé, de l’Institut Universitaire de Florence, sur la viabilité juridique d’une réorganisation des Traités. L’institut de Florence a élaboré un projet de « Traité fondamental de l’Union européenne », à  « droit constant » c’est à dire sans modifier l’actuelle situation juridique et institutionnelle, en regroupant en moins d’une centaine d’articles, de façon logique, toutes les dispositions relatives au cadre institutionnel et fonctionnel de l’Union européenne, ainsi que les objectifs de ses politiques.

Nous appuyons un effort de simplification et de clarté de ce genre, et nous exigeons l'intégration dans le Traité de la Charte des droits fondamentaux, pour garantir son caractère juridiquement inaliénable et constitutif de l’Union.

L’ouverture d’un « processus constitutionnel » sur la base d’une réorganisation des Traités.

Au-delà des quatre points mentionnés par l'annexe IV du traité de Nice, le débat sur l'élaboration d'une Constitution est ouvert. Un constitutionnalisme radical impliquerait un double risque en l’état actuel du rapport de forces : s’éloigner des processus européens en cours, au nom d’un comportement de témoignage sans doute conséquent mais marginal, ou au contraire, servir d’alibi à ceux qui voient dans une future « Constitution » un instrument pour affirmer de manière irréversible le minimalisme et l’intergouvernementalisme. Le Parlement européen a approuvé récemment le développement d’un véritable processus « constitutionnel » par 395 voix pour, 105 contres et 42 abstentions. Une majorité nette de l’opinion publique de l’Union européenne est favorable à une telle Constitution.

Notre point de vue doit être équilibré : plaider pour un « processus constitutionnel », sur la base de la simplification et de la réorganisation des Traités, et d’une méthode qui assume l'expérience positive de la Convention qui a rédigé la Charte des droits fondamentaux.

Dans notre esprit, l'ouverture de ce débat constitutionnel n'a de sens qu'à deux conditions :
  1. s'il permet à l'Europe de franchir une étape supplémentaire sur le voie de son intégration pour faire face aux défis qui l'attendent. A droit constant, il ne mérite pas tant d'attention ;

  2. s'il permet de vérifier l'adhésion des peuples des différents Etats membres de l'Union à la poursuite de la construction européenne telle qu'elle sera proposée.

Quoiqu’il en soit, il est indispensable d’ouvrir le débat sur le futur de l’Union, aussi bien en ce qui concerne les contenus d’une « Constitution européenne », que les méthodes pour y arriver, les finalités et les politiques qui en découlent.

Simplification des procédures communautaires (en particulier législatives, celles relatives au fonctionnement du Conseil et de la Commission, et aux relations entre l’Union et les Etats membres)

Une perspective communautaire novatrice implique deux idées fortes en relation avec celle des  « pères fondateurs ». Ce doit être une perspective qui renforce le gouvernement européen, et la « gouvernance », dans l’optique lancée par l’actuelle Commission, avec ses objectifs de réforme. La situation actuelle exige cette double perspective : plus de gouvernement politique de l’Europe, à une époque où une action lente, inductive, « non dite », propre au fonctionnalisme des fondateurs n’est plus d'actualité, ainsi que plus d’efficacité de l’administration européenne.

Une personnalisation plus importante de l’UE

En 1998, la Fondation « Notre Europe » a proposé de politiser davantage le débat européen en liant la composition de la Commission européenne au résultat des élections européennes. Celle-ci ainsi que d’autres initiatives doivent être poursuivies et encouragées et le rôle du Parti des Socialistes européens est en ce sens très important. Cette proposition doit être mise en place aux prochaines élections européennes de 2004, au cours desquelles des listes européennes socialistes devraient apparaître, même partiellement (inclusion de candidats dans des listes d’autres pays européens).

A terme, l’hypothèse la plus probable est celle qui lie cette proposition pour la présidence de la Commission à l’inéluctable réforme du mode de désignation ou d’élection du président du Conseil (dans une UE à 30, un Etat attendrait quinze ans avant d’occuper pendant 6 mois la présidence du Conseil). On pourrait proposer, comme le suggère le Commissariat général du Plan français, dans le rapport de Jean-Louis Quermonne : un schéma de Président (au Conseil) et de Premier ministre (à la Commission), ce qui paraît adapté à l'évolution de la méthode communautaire dans un sens plus gouvernemental. Cette proposition suppose la mise en place d'une grande synergie entre le Conseil et la Commission.

L'expérience de Monsieur PESC-Secrétaire général du Conseil, dont le Parlement européen souhaite qu'il soit rattaché à la Commission, plaide pour une évolution de ce type. D'autant plus qu'une dimension essentielle du renforcement du leadership européen repose sur la politique extérieure et de défense. Dans l’établissement d’un rééquilibre communautaire, la dualité qui existe dans ce domaine entre Conseil et Commission devrait être résolue non seulement dans le sens d’une efficacité maximum, mais aussi de la plus grande autorité possible du responsable en la matière.

En Europe, et spécialement dans la famille socialiste et social-démocrate, les propositions du nouveau fédéralisme doivent être renforcées : une plus grande participation démocratique de la citoyenneté européenne, une délimitation claire des compétences, plus de subsidiarité, plus de responsabilité politique (accountability) dans la prise de décisions

Le nouveau fédéralisme doit avoir les compétences modernes d'un bon gouvernement, fondé sur des critères d'efficacité, d'optimisation de l'utilisation des ressources publiques et de recherche d’une plus grande proximité.

En ce sens, le nouveau fédéralisme européen est l'Europe de la proximité, ou si l'on préfère utiliser un mot plus précis mais plus ardu, de la subsidiarité.

Dans cette optique, le rôle de la société civile et des entités territoriales est très important. Nous devons regarder l'application de la subsidiarité - comme concept de base du développement fédéral de l'Union européenne - avec un a priori favorable au niveau inférieur de l'administration, en reconnaissant qu' " on ne doit décider à un niveau supérieur que ce qui ne peut se faire efficacement à un niveau inférieur, et non tout ce qui pourrait être fait au niveau supérieur ".

C'est pour ça que le débat sur la finalité est nécessairement un débat de cas concrets, qui ont une grande importance pour les citoyens. Pour ces sujets les citoyens peuvent accepter qu'ils soient réglés au niveau communautaire et logiquement accompagnés de transfert de souveraineté.

Les domaines où nous demandons en priorité la prise de décision à la majorité qualifiée, accompagnée de la codécision avec le Parlement européen, sont : sécurité alimentaire, agriculture, FED, sociétés civiles, relations externes, la lutte contre la criminalité. Nous voulons éviter un débat de technocrates et nous voulons une opinion sur le contenu.

Nécessité du développement d'un " espace public européen " et d'une " société civile européenne "

Après Nice, la question du statut des partis européens parait bien lancée. Cependant, il faut poursuivre la construction d'un vrai espace public européen et parler également du statut du dialogue social, des associations, des entités et des ONG d'envergure européenne, pour protéger et stimuler son développement réel, en évitant le risque des fausses associations parasites.

Une société civile européenne est en train de naître mais ni son caractère, ni sa composition, ni son fonctionnement ne sont clairs à ce stade. Le processus d'élaboration de la Charte des droits fondamentaux a été en ce sens une expérience significative surtout au regard du rôle joué par les syndicats (spécialement la Confédération européenne des syndicats ) et par les ONG européennes à caractère social.

Cette société civile européenne émergente a besoin de garanties et d'appuis dans une Europe dominée par la logique autorégulatrice du marché et par des systèmes politiques ou institutionnels qui ignorent la participation des citoyens et des associations sauf dans le domaine du lobbying ou d'une représentation formelle.

L'un des objectifs prioritaires du socialisme européen devrait être de renforcer l'espace politique européen, de former une société européenne et de développer une identité européenne.

Il faut aller de façon décidée vers un gouvernement de l'Europe pour promouvoir le " modèle social européen "

Après Nice, la première expérimentation d'une coopération renforcée, avec comme corollaire la généralisation de la majorité qualifiée et la co-décision pour toutes les décisions (sauf celles ayant un caractère constitutionnel) devra être réalisée par les Etats de l'eurogroupe avec l'objectif prioritaire de soutenir l’emploi, de combattre la pauvreté et l’exclusion et de défendre le modèle social européen.

Il ne s'agit pas uniquement de surmonter le déséquilibre existant entre une structure fédérale comme la BCE et l'absence d'une coordination efficace des politiques économiques et sociales dans la zone euro. Il s'agit de développer une stratégie unitaire fondée sur l'application de la Charte dans tous les pays de l'Union et visant à la coordination des Etats nations dans les domaines de la politique économique et sociale, de la politique de l'emploi, de la recherche et de la formation, de la politique fiscale et dans les relations avec les interlocuteurs non européens de l'Union, à une échelle mondiale, en surmontant graduellement les points de blocage qui se sont manifestés à Nice sur le passage des décisions à la majorité qualifiée et sur la codécision. Ce processus ne peut que partir de la mise en œuvre d'une forme de coopération renforcée dans la zone euro qui permette aux Etats d'assumer toutes les décisions nécessaires d'une façon cohérente, efficace et en temps utile, sous l'impulsion de la Commission qui doit voir ainsi reconnu pleinement son rôle de proposition et de promotion et non seulement d'exécution.

Ce processus peut en outre se développer par des expériences de coopération ouverte, que la Commission doit promouvoir et stimuler, en premier lieu dans le domaine de la recherche et de la formation tout au long de la vie, comme l'a indiqué le Conseil européen de Lisbonne.

Il faut simplifier radicalement le lexique européen

La question du lexique européen n'est pas négligeable. L'immense majorité des citoyens européens ne connaît pas ce que sont les institutions européennes ni ce qu'elles font.

Dans l'état actuel, une telle méconnaissance est compréhensible et logique. Les citoyens peuvent difficilement connaître et comprendre le fonctionnement des institutions européennes même celui du Parlement européen, d'abord pour une simple question de lexique.

Il suffit d'examiner le nom des institutions européennes, ainsi que leurs méthodes et programmes. Très souvent, les termes employés sont inintelligibles. Au lieu de désigner clairement et d'expliquer, c'est le contraire : ils introduisent des éléments de confusion sur le caractère des institutions et leur véritable rôle. Ceci produit des réactions d'incompréhension et même de rejet. A quels citoyens européens pourrait-on demander de savoir ce qu'est la DG 7, le COREPER, le deuxième pilier ou l'opting out, ou de faire la différence entre Conseil européen, Conseil de l'Europe et Conseil de l'Union européenne ? Il faudrait une révolution pour obtenir une modification du lexique européen vers plus de simplicité de transparence et de démocratie, pour donner à chaque élément de l'Union européenne un nom naturel, logique et compréhensible pour un citoyen normal.

Voici quelques propositions :
  1. La Commission européenne deviendrait le gouvernement de l'UE ou bien l'exécutif de l'UE et :
    • le ou la président(e) de la Commission serait le ou la Premier(e) ministre de l'UE ;
    • les Commissaires s'appelleraient Ministres de l'UE ;
    • la DG 11 deviendrait par exemple le département de l'environnement de l'UE.

  2. Le Conseil européen serait le Conseil des chefs d'Etat et des gouvernements nationaux

  3. La ou le président(e) du Conseil, serait la ou le Président(e) de l'UE.
Ce changement de lexique peut s’imposer par la pratique avant même toute modification des traités. A titre d'exemple, rappelons que le Parlement européen ainsi appelé depuis 20 ans avait pour nom officiel dans les traités " Assemblée parlementaire européenne ".

Conclusion

 
Nous souhaitons que le prochain Congrès de notre parti permette à notre famille politique d'engager pleinement ce débat et d'apporter sa contribution à la préparation des Conseils européens de Göteborg et de Laeken. Cela n’est qu’un premier ensemble de suggestions. Elles sont soumises au débat, d’autres sont imaginables.

Ce qui en revanche ne fait pas doute est que l’Europe est à la croisée des chemins, s’agissant aussi bien de ses finalités, de son identité, que de ses mécanismes de décision.

C’est avec des institutions communautaires détentrices d’assez de légitimité et d’un mandat clair et vigoureux que l’on pourra espérer sortir de cette crise. La négociation intergouvernementale ne suffit plus.

Le temps est venu d’en appeler à l’opinion publique européenne. Elle seule, dûment saisie de propositions vigoureuses, pourra clairement choisir et imposer une vision cohérente du rôle de l’Europe dans le monde, une participation active de l’Union à la gouvernance de la planète, une politique commune dans les domaines sociaux et fiscaux, un rôle moteur de l’Union dans la lutte contre les pollutions et les risques climatiques, des négociations d’élargissement menées en même temps que les réformes internes nécessaires, le tout sous l’impulsion d’un authentique et efficace gouvernement de l’Europe, de quelque nom qu’on l’appelle.

Ce sont encore les citoyens d’Europe dont la pression permettra de lancer le processus politique nécessaire en évitant la procédure paralysante de la Conférence Intergouvernementale et en imposant une convention capable de proposer un traité constituant.


– Premiers signataires :

Pervenche BERÈS députée européenne, présidente de la délégation socialiste française au Parlement européen  Max van den BERG député européen hollandais  Enrico BOSELLI député européen italien  Paulo CASACA député européen portugais  Gérard CAUDRON député européen français  Joan COLOM I NAVAL député européen espagnol  Claude DESAMA  Proinsias DE ROSSA député européen irlandais  Rosa DIEZ GONZALEZ députée européenne espagnole  Fiorella GHILARDOTTI députée européenne italienne  Klaus HAENSCH député européen allemand  Renzo IMBENI député européen italien  Giorgos KATIFORIS député européen grec  Jo LEINEN député européen allemand  David MARTIN député européen britannique  Pasqualina NAPOLETANO députée européenne italienne  Raimon OBIOLS I GERMA député européen espagnol  Jacques POOS député européen luxembourgeois  Christa RANDZIO-PLATH députée européenne allemande  Michel ROCARD député européen français  Martine ROURE députée européenne française  Gerhard SCHIMID député européen allemand  Martin SCHULZ député européen allemand  Antonio José SEGURO député européen portugais  Bruno TRENTIN député européen italien  Carlos WESTENDORP Y CABEZA député européen espagnol

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