Oui, deux fois oui : socialiste et européen

Contribution au débat de Dominique Bertinotti, conseillère de Paris, maire du 4^ème arrondissement, diffusée à l'occasion du référendum interne du 1^er décembre 2004
18 novembre 2004

Oui, la question du Traité constitutionnel, aujourd’hui débattue au sein du Parti socialiste, ne concerne pas uniquement l’avenir de l’Europe. Que l’on veuille minimiser l’impact d’un vote négatif sur l’identité future du parti socialiste français, je peux le comprendre uniquement pour des raisons tacticiennes. Mais je ne peux admettre qu’on puisse laisser croire aux militants que ce vote n’aurait pas de conséquences durables sur le contenu même idéologique de notre parti, de celui qui depuis 100 ans fonde notre action collective. Cette confrontation nous impose donc, à chacune et à chacun, et c’est une bonne chose, de se reposer la question : pourquoi ai-je fait le choix du socialisme et quel socialisme ai-je envie de défendre et de promouvoir ?

Etre socialiste aujourd’hui pour moi, c’est avant tout faire rayonner la démocratie et aider à la diffusion de ses valeurs auprès des pays qui tendent à y accéder. C’est savoir le faire et le dire avec détermination mais sans arrogance, avec audace mais sans frilosité. C’est une façon d’être exigeant et intangible sur les principes démocratiques sans douter des capacités de l’Autre à pouvoir atteindre cet objectif. C’est savoir entendre les aspirations des peuples sans verser dans le populisme. C’est être capable de sortir des choses convenues, des préjugés culturels pour faire passer l’Europe de simple entité géographique à une communauté de valeurs et de destin.

Le socialisme tel que je le conçois doit être une forme supérieure de la liberté, son achèvement supplémentaire. Ne vise-t-il pas à l’émergence d’une société juste, fraternelle et solidaire, à l’affirmation renouvelée des valeurs de la République dont l’essence même est sa capacité à intégrer et fédérer les différences. Les socialistes doivent savoir ouvrir leurs cœurs, leurs bras ! Ils ont confiance en la France, en l’Europe et savent de quoi nos peuples sont capables pour peu qu’on sache s’en expliquer, pour peu qu’on sache entraîner, convaincre, pour peu qu’on témoigne par notre engagement personnel et par nos convictions du chemin qui mène à la justice, la vérité, la paix et le progrès. Souvenons-nous du message de Romain Rolland en 1914 : « Le devoir est de construire, plus large et plus haute, dominant l’injustice et les haines des nations, l’enceinte de la ville où doivent s’assembler les âmes fraternelles et libres du monde entier ». Ecrits tellement d’actualité à l’aune de certaines interventions au sujet des peuples nouvellement intégrés à l’Union européenne et de ceux qui aspirent à l’être.

Avons-nous vraiment besoin de l’Autre pour nous identifier, pour exister ? Si tel devait être le cas, ce serait la traduction d’un socialisme qui doute. Que je sache, l’appel ou la référence aux peurs, aux angoisses, aux anxiétés, voire à la résurgence de fantasmes enfouis dans la conscience collective, n’a jamais été porteur d’avenir. La ligne de fracture entre démagogie et démocratie est trop souvent franchie par les hommes politiques, ce que les citoyens ne cessent de leur reprocher ; ce comportement ne peut être en aucune façon celui des socialistes, en tous cas ne correspond pas à ce pourquoi je suis entrée au parti socialiste.

Le combat politique est fait de méandres, de flux et de reflux : c’est le mouvement même de la vie. Cela représente beaucoup d’affrontements avec la réalité, la réalité rêvée et la réalité réelle ! Mais, il faut toujours savoir préserver ce que l’on estime être sa propre permanence, être fidèle à soi-même pour tenter de dessiner les lignes du lendemain. C’est une affaire de volonté, de continuité et de clarté d’esprit. Oui, il vaut toujours mieux graviter autour d’une idée que d’un homme ! C’est pour cela qu’aujourd’hui je réaffirme mon engagement pour le oui, deux fois oui : socialiste et européen.