Il existe un autre modèle économique que le modèle anglo-saxon

Eric Besson

Entretien avec Eric Besson, député de la Drôme, secrétaire national chargé des questions économiques, paru dans le quotidien Le Monde daté du 8 septembre 2005
Propos recueillis par Sylvia Zappi


 

En Allemagne, Angela Merkel a annoncé un programme de réduction d'impôts, et notamment de l'impôt sur le revenu. Gerhard Schröder avait mené la même politique. Que pensez-vous de cette volonté de baisse de la pression fiscale ?
La droite allemande fait la même erreur de diagnostic que le gouvernement de Dominique de Villepin. En prétendant relancer l'activité par la baisse de l'impôt, Mme Merkel prend un gros risque économique dans la mesure où la croissance est déjà anémiée outre-Rhin, qu'ils ont un problème sérieux de déficits et que l'évolution des prix du pétrole fait peser une incertitude sur l'économie. Cette politique de réduction fiscale est risquée et coûteuse pour les finances publiques et hasardeuse pour la croissance.

Vous ne partagez donc pas ce " modèle " fiscal ?
Non. Il faut rappeler que, contrairement à ce que prétendent MM. de Villepin et Sarkozy, il n'y a pas qu'un seul modèle fiscal et économique - le modèle anglo-saxon - qui serait performant en Europe. Avec un impôt faible, une grande flexibilité pour les entreprises, c'est un modèle qui, incontestablement, produit des richesses et crée des emplois, mais qui induit aussi de la précarité, des travailleurs pauvres et des services publics défaillants. Il existe un autre modèle, social-démocrate, basé à la fois sur une grande protection sociale et sur une souplesse pour les entreprises avec, sur le plan fiscal, un fort taux de prélèvement obligatoire. On ne peut pas dire que la Finlande, les Pays-Bas ou le Danemark, qui l'ont adopté, soient en crise...

Lors de son université d'été de 2004, le Parti socialiste avait pris pour slogan : " Réhabiliter l'impôt ". Est-ce toujours votre option ?
Nous croyons encore à la doctrine républicaine de l'impôt juste, progressif et redistributif, selon laquelle chacun contribue aux charges publiques à proportion de ses facultés. Nous travaillons sur deux pistes de réforme fiscale : l'élargissement de l'assiette d'imposition par la suppression de la quasi-totalité des niches fiscales afin de parvenir à l'instauration d'un impôt touchant tous les revenus ; et la réforme du calcul des cotisations patronales afin d'y inclure la valeur ajoutée, c'est-à-dire la richesse produite par les entreprises.

Vous avez condamné le projet du gouvernement visant à baisser l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF). C'est toujours un prélèvement pertinent, à vos yeux ?
Il faut faire attention au poids des symboles, dans la période actuelle : les Français sont inquiets face aux inégalités qui montent, ils sont touchés par le chômage et ils voient la précarité gagner. L'obsession de la droite française à parler de façon récurrente de l'ISF est indécente ! La suppression de cet impôt, qui a déjà été diminué à quatre reprises depuis mais 2002, serait une faute politique majeure. En revanche, discuter des modalités de son calcul n'est pas un sujet tabou. Nous pensons qu'on peut toucher à son assiette en l'élargissant à des richesses exonérées comme les oeuvres d'art et, du coup, abaisser les taux. Mais cela doit se faire à rendement constant.

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