Construire notre modèle de cohésion sociale

Éric Besson

 Contribution générale au congrès national de Dijon présentée par Éric Besson et Ancrage.
18 janvier 2003

 
Notre projet est de construire un modèle de cohésion sociale.

Un nouvel internationalisme de gauche pour dominer démocratiquement le capitalisme.
Une alliance européenne pour remettre l’Europe à l’endroit, c’est-à-dire au servie du modèle social européen.
Un plan pour l’égalité, l’éducation et l’intégration afin de donner à nouveau corps à notre pacte républicain.
Un pacte pour l’emploi afin de tirer toutes les conséquences de la place centrale de la valeur « travail » dans notre société.
Un contrat de modernisation des services publics afin de renforcer la cohésion sociale.

Pour mener à bien ce projet, le parti socialiste doit se penser comme un parti de transformation sociale et de gouvernement.

Il doit tout d’abord renouer avec ce qui fait la spécificité d’un parti politique.
Le parti socialiste doit ensuite résolument s’assumer comme parti de Gouvernement.
Enfin le parti socialiste demeure un parti de transformation sociale.

A l’été 2001, « Ancrage » concluait ses travaux d’été par un appel intitulé « le Parti socialiste doit reconquérir l’électorat populaire ».
Nous sentions bien qu’en dépit d’un bilan plus qu’honorable, dont nous restons solidaires, et de réformes législatives majeures, une partie importante de nos concitoyens les plus modestes, touchés par la précarité, l’insuffisance du pouvoir d’achat, l’insécurité ou un cadre de vie dégradé s’éloignait de la gauche et se détachait de la politique.

Le choc du 21 avril a malheureusement montré que le divorce entre l’électorat populaire et la gauche était plus profond que nous ne le pensions. Beaucoup de nos concitoyens ne croient plus que la politique puisse changer leur vie quotidienne. « La mondialisation », « l’Europe », « les marchés financiers », « la compétition internationale » leur paraissent limiter la capacité d’action et de transformation du politique au point que domine le sentiment de l’« impuissance publique ».

Retrouver la confiance de nos compatriotes les plus modestes est pour notre parti à la fois conforme à sa vocation et indispensable pour prétendre exercer à nouveau le pouvoir, objectif que seule une nouvelle alliance entre les couches populaires et les classes moyennes peut autoriser.

Cela suppose de tracer clairement la voie que nous entendons suivre : celle de la construction d’un modèle de cohésion sociale dont les socialistes français et européens seraient porteurs.

Ce modèle de cohésion sociale, nous ne pourrons le concevoir et le bâtir que si nous acceptons la nécessité d’un changement d’échelle de nos réflexions et de notre action. La mondialisation libérale qui sape les fondements de notre pacte social et républicain appelle une réponse qui pour être réellement socialiste doit être aussi internationaliste.

En appelant les socialistes à redéfinir les nouveaux contours d’un « réformisme de gauche » ambitieux, tout à la fois réaliste et volontariste, François Hollande a engagé notre parti dans une démarche à laquelle nous adhérons et que nous soutiendrons lors du congrès de Dijon.

Nous voulons un parti socialiste qui assume à la fois son essence – celle d’un parti de transformation sociale – et son ambition – celle d’un parti de gouvernement.

Un parti de gouvernement car choisir la voie de la radicalité serait renoncer à l’ambition d’incarner demain l’alternance. Cette stratégie peut être celle de l’extrême gauche qui a toujours préféré la facilité de l’opposition à la difficulté de la mise en oeuvre réelle et concrète de son projet. Les socialistes préfèrent faire effectivement progresser la justice sociale.

Un parti de transformation sociale car c’est l’essence et la vocation de notre parti et cette volonté de transformation sociale est toujours la nôtre. L’abandonner pour ne plus se contenter que d’atténuer les dégâts du capitalisme ferait de nous de simples démocrates à l’américaine. Les socialistes refusent la logique du capitalisme et sa prétention à régir l’ensemble des relations sociales pour faire de la société une société de marché.

Mise au service d’un parti de Gouvernement, notre volonté de transformation sociale nous permettra de faire du parti socialiste ce grand parti de la gauche qui seul pourra assurer à une alliance de l’ensemble des forces de gauche sa stabilité et sa cohérence. Nous voulons un parti socialiste fort pour rassembler autour de notre projet et apporter ainsi une réponse de gauche aux défis d’aujourd’hui.

Nous voulons que notre parti construise son projet autour de cinq orientations majeures :

Un nouvel internationalisme de gauche pour dominer démocratiquement le capitalisme

Dominer le capitalisme, c’est d’abord faire prévaloir le droit sur la force.

Parce que l’espace public mondial est sans gouvernement, il importe plus encore qu’au niveau national de fixer des règles du jeu. Des règles internationales et collectives pour que le droit l’emporte sur la puissance et que la négociation et l’équilibre remplacent le « laisser faire ».

Mais la règle n’est rien sans la sanction. Il faut donc renforcer l’autorité de l’ONU, lui donner des moyens d’interposition indépendants des grandes puissances et enfin la doter de l’autonomie financière en lui affectant le produit d’un impôt international. Plusieurs pistes peuvent être explorées : une taxe sur les mouvements spéculatifs de capitaux ou encore une taxe sur les émissions de CO2.

Dominer le capitalisme, c’est ensuite faire du décollage social et économique des pays en voie de développement une réelle priorité internationale.

Il est urgent de faire cesser la condamnation à la pauvreté que subissent deux tiers de notre planète. L’annulation de la dette des pays les plus pauvres constitue un moyen d’aide et de solidarité puissant mais il faut aller au-delà : un effort, au demeurant marginal des pays riches, financé par une ponction sur les revenus de la mondialisation, permettrait d’éviter bien des catastrophes humanitaires, épidémies ou famines.

Dominer le capitalisme, c’est enfin refonder les institutions de régulation d’un nouvel ordre international.

Notre objectif : passer d’une mondialisation orchestrée par le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation mondiale du commerce (OMC) à un internationalisme renforcé par des organisations internationales du travail, de la santé et de l’environnement aussi fortes que le sont aujourd’hui les instituions financières.

Nos moyens : renforcer les institutions les plus fragiles (l’Organisation internationale du travail, l’organisation mondiale de la santé), en créer là où elles font aujourd’hui défaut, et notamment en matière d’environnement ; réformer le FMI en y faisant entrer les pays en voie de développement ; créer, au sein des Nations Unies, un Conseil de sécurité économique et social arbitrant entre les règles multilatérales concurrentes ; et enfin démocratiser les institutions multilatérales. Nous attendons en effet de toute autorité publique qu’elle soit responsable et transparente devant les citoyens.

Une alliance européenne pour remettre l’Europe à l’endroit, c’est-à-dire au service du modèle social européen

Il appartient aux socialistes européens de nouer entre eux une réelle alliance afin que l’Europe soit enfin pensée en terme politique et comme une puissance politique.

Remettre l’Europe à l’endroit, c’est faire prévaloir le bien être de la population sur tout autre objectif.

Or ce bien être dépend au premier chef de la possibilité d’insertion sociale des citoyens européens (l’emploi) et de l’évolution de leur niveau de vie (la croissance). L’objectif premier de toute politique économique est donc bien là dans le plein emploi et le développement d’emplois de qualité. Tous les autres objectifs y sont subordonnés. Il ne peut en aller autrement. Le retour à cette hiérarchie normale des objectifs de la politique économique doit donc figurer en toutes lettres dans la future Constitution européenne.

Dans ce schéma, les nations européennes se doteraient d’objectifs d’emploi comme elles l’ont fait en matière de déficits et de d’inflation mais les seconds seraient subordonnés au respect des premiers. Les critères de Maastricht céderaient donc la place à une véritable coopération stratégique entre les États-membres et les institutions communautaires afin que l’Europe ne se trouve plus prise dans le piège d’une dépression et d’une augmentation du chômage sans qu’aucune réponse ne puisse être apportée si ce n’est en violation des traités.

La Banque centrale européenne sortirait de son splendide isolement : elle n’aurait plus pour seul objectif de maintenir la stabilité des prix mais poursuivrait le plein emploi en plus de la stabilité des prix comme c’est uniquement le cas aujourd’hui.

Enfin l’Europe investirait massivement dans la recherche afin que sa croissance soit portée par les innovations du futur. Il est inconcevable que les Etats-Unis dépensent chaque année en recherche et développement 60 milliards d’euros de plus que l’Europe dans son ensemble !

Remettre l’Europe à l’endroit, c’est la faire converger dans le progrès social à l’occasion du prochain élargissement.

La grande Europe doit favoriser l’alignement des salaires et des conditions de travail des pays de l’Est sur ceux de l’Ouest et non la dérégulation des salaires et des conditions de travail à l’Ouest sous l’effet de la concurrence des travailleurs des pays candidats à l’adhésion. C’est pourquoi la gauche européenne doit se fixer pour objectif principal l’inclusion dans le traité constitutionnel d’un contrat social européen incluant la convergence vers le haut des normes sociales, la création dans chaque pays de l’Union d’un salaire minimum et la protection des services publics.

Remettre l’Europe à l’endroit, c’est la faire enfin accéder à l’âge de la démocratie.

La construction européenne a été conçue par les pères fondateurs de l’Europe comme une entreprise de technocrates éclairés, une sorte d’aristocratie des temps modernes. Sa légitimation reposait non sur le suffrage universel mais sur la compétence et l’indépendance d’esprit de ses promoteurs. L’Europe s’est donc construite sans les peuples, en dehors d’eux et parfois contre eux. Elle en porte encore aujourd’hui les stigmates. Aucune institution européenne n’est véritablement responsable devant les peuples européens. Dans ces conditions, toute extension des compétences de l’Union européenne est en fait une régression démocratique. Comme certains au sein du parti l’ont déjà avancé, il est temps de démocratiser l’Europe et de distinguer clairement le pouvoir législatif du pouvoir exécutif. On doit retrouver dans chacun d’eux les deux souverainetés présentes dans la construction européenne : celle du peuple européen et celles des États-membres. Le pouvoir législatif serait donc bicaméral avec d’une part un Parlement européen élu au suffrage universel direct et doté de pouvoir plus étendus qu’aujourd’hui et d’autre part un comité des Parlements nationaux doté d’une fonction consultative et qui veillerait au respect du partage des compétences entre l’Union et les Etats-membres. De la même manière, le pouvoir exécutif serait composé de deux organes : un conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement et un gouvernement européen constitué des ministres des affaires européennes de chacun des Etats membres et siégeant en permanence à Bruxelles.

Remettre l’Europe à l’endroit, c’est enfin lui redonner un cœur.

Nous nous réjouissons de voir l’Europe enfin réunie. Mais nous savons aussi que nier le risque d’une dilution progressive du projet européen dans une Europe à vingt-cinq serait se voiler dangereusement la face. Nous voulons non seulement préserver le modèle social européen mais également le promouvoir au plan international dans le but de peser sur la gestion internationale de la mondialisation. Il faudra donc un coeur à l’Europe et ce cœur ne peut être que fondé sur le couple franco-allemand, dans une union renforcée, politique, sociale, diplomatique et militaire. On sait qu’unie, l’Europe a les moyens de son ambition. Mais a-t-elle l’ambition de ses moyens ? Ce sera au couple franco-allemand de la lui donner.

Un plan pour l’égalité, l’éducation et l’intégration afin de donner à nouveau corps à notre pacte républicain

Comme l’a dit Blum « la liberté amputée de l’égalité et de la fraternité ne s’appelle plus la liberté, elle s’appelle l’égoïsme. La liberté rendue aveugle aux transformations mécaniques du monde ne s’appelle plus liberté, elle s’appelle exploitation ».

Le contexte inquiétant révélé le 21 avril vient en partie de l’intérieur, d’une crise du pacte républicain qui a longtemps été le moteur de notre pays. Gouverner la France, c’est aussi la faire aimer. Paradoxalement, alors qu’en France, la République est liée au mouvement ouvrier, la gauche montre une grande frilosité à parler de la nation. Le risque, nous l’avons hélas constaté, est de voir les symboles de la nation confisqués par le FN et la droite.

Mais parler de la France ne suffit pas : il faut donner envie d’y vivre, et d’adhérer à ses valeurs : l’égalité et l’intégration sociale.

L’intégration, c’est la réaffirmation de notre projet citoyen

Le développement de la citoyenneté a longtemps été le fait d’institutions: école, patronage, service national, famille qui sont en crise. Aujourd’hui rien ne s’est vraiment substitué à « ces chemins d’initiations ». Nous proposons de travailler à un nouveau chemin de Citoyenneté qu’une simple journée d’appel sous les drapeaux ne peut représenter. Il s’appuiera sur la volonté d’engagement et de générosité des jeunes dont ils savent faire preuve notamment en s’engageant dans des actions humanitaires ou de coopérations internationales.

L’égalité, c’est tout d’abord l’égalité devant les droits fondamentaux.

L’égalité devant le droit à la santé
. Une société plus riche consacre davantage d’argent à la santé, une société plus vieille également. Nous savons donc que les dépenses de santé progresseront dans les années à venir plus rapidement que la richesse nationale. Le choix qui s’offre à la société française est donc simple : accepter un financement privé de ces dépenses et son corollaire, un système de santé à deux vitesses, ou maintenir la mutualisation du financement des dépenses de santé et préserver l’égal accès de chacun aux soins. Notre choix, à nous socialistes, est clair et il exige une consolidation du financement des dépenses de santé.

L’égalité devant le droit à la retraite. L’égalité passe en ce domaine d’abord par la consolidation de la retraite par répartition et de son financement car la voie de la capitalisation est celle de la privatisation des retraites et de la montée des inégalités dans les pensions. L’égalité implique ensuite la reconnaissance d’un droit à la retraite pour les salariés de moins de 60 ans et ayant déjà suffisamment cotisé. Elle nécessite enfin une harmonisation des différents régimes de retraite dans le respect des droits individuellement acquis.

L’égalité devant le droit au logement : le droit au logement, pourtant affirmé par la loi du 31 mai 1990, n'est toujours pas une réalité : on estime que 200 000 personnes sont sans-abri et que 2 millions sont mal logées. Cette situation n'est plus acceptable. Il est aujourd’hui indispensable de promouvoir une offre nouvelle de logements adaptés à chacun.

L’égalité devant le droit à la sécurité. Cette égalité est l’un des grands acquis de la Révolution française. La déclaration des droits de l’homme et de citoyen de 1789 range d’ailleurs la sûreté dans les « droits naturels et imprescriptibles » de l’homme. C’est pourquoi les socialistes veulent apporter une réponse globale et équilibrée à l’insécurité. A la fois mieux prévenir et mieux punir.

Mieux prévenir. La répression ne saurait à elle seule résumer une politique de prévention. Notre ambition : s’attaquer aux racines de la délinquance, à ses causes sociales qui résident dans la misère, le désespoir et le délitement du pacte républicain. Les moyens au service de cette ambition : la refondation du pacte républicain, l’égalité des chances et la priorité donnée à l’éducation et la culture. Car nous n’oublions pas ce mot de Victor Hugo : « Quand vous ouvrez une école, vous fermez une prison ».

Mieux prévenir et ensuite mieux punir. Mieux punir est une nécessité pour la société (les zones de non droit ne doivent pas exister), pour la victime (elle doit pouvoir être assurée d’une juste et réelle réparation) et enfin pour l’auteur des actes délictueux ou criminels : la sanction doit être adaptée et individualisée, elle doit également permettre la réinsertion des délinquants. Le système pénitentiaire doit cesser de fabriquer des récidivistes !

L’égalité, c’est ensuite l’égalité des chances dans la vie.

L’égalité des chances quelle que soit son origine sociale. C’est à l’héritage, l’héritage des fortunes mais aussi l’héritage des savoirs, que l’on doit les inégalités dans les statuts sociaux. C’est donc sur les fortunes et le savoir qu’il faut agir. La fiscalité d’un côté, l’éducation et la culture de l’autre, voilà les deux instruments à privilégier dans notre incessant combat pour l’égalité des chances et la mobilité sociale.

Mettre à mal la progressivité du système fiscal français et son caractère redistributif comme cela fut fait aux États-Unis, c’est accepter un retour aux inégalités patrimoniales constatés au début du XXème siècle en France avant la création de l’impôt sur le revenu. Il est donc urgent de remettre la fiscalité au service de l’égalité des chances et du combat contre la sclérose économique et sociale.

Redonner sens à l’égalité des chances par delà les barrières sociales, c’est refaire de notre projet éducatif la priorité de notre action politique. Ce projet dépasse la seule institution scolaire pour concerner tous les acteurs de la vie publique et privée : les collectivités locales, les associations, les organisations syndicales mais aussi les familles et plus généralement les adultes. L’école, creuset de l’intégration et de l’égalité des savoir, est au cœur de ce projet car elle est au coeur de la République.
Tous les jeunes doivent bénéficier d'un même apprentissage de la citoyenneté, et d’une cohérence entre leur orientation professionnelle et leur formation. Aujourd’hui les enseignants souffrent de l’absence d’orientations claires, de la dévalorisation de leur métier accélérée par des prises de positions spectaculaires autant qu’injustes qui ont contribué à accroître leur malaise.

Nous refusons le modèle libéral dans lequel l’école publique deviendrait l’école des pauvres et l’école privée celle des riches. Et nous donnons au système éducatif deux objectifs majeurs : celui de former des citoyens libres et égaux, épris des valeurs de la République, conscients de leurs droits mais également de leur devoir, celui d’offrir à chacun les mêmes atouts pour s’engager dans la vie. Il faut pour cela rénover notre système éducatif. Faire de « l’école de la réussite pour tous » notre objectif. Revaloriser le statut social des enseignants, véritables fantassins de la refondation du pacte républicain. Réduire l’effectif moyen des classes du second degré de 20 à 25% en contrepartie d’une diminution des options offertes et d’une plus grande polyvalence des enseignants. Revaloriser l’enseignement professionnel en ouvrant davantage l’école sur le monde du travail.

L’école doit aussi être le premier lieu d’accès à la culture pour former des citoyens « debout », c’est à dire libres de leurs choix et capables de vivre ensemble. Autant que l’acquisition des connaissances, le projet éducatif socialiste doit permettre l’éveil de la sensibilité, la rencontre avec les arts, le développement de l’expression et la découverte des autres cultures. Le progrès de la démocratisation est à ce prix.

L’égalité des chances quelle que soit son origine ethnique. Entre les étrangers et la France, le malaise s’est installé : d’un côté le repli identitaire et communautariste, de l’autre le déni de liberté de conscience, le travail au noir, des conditions de vie insalubres, des sans papiers qui doivent finalement être régularisés. Proposons aux étrangers que nous accueillons légalement « un pacte citoyen de résidence ». Un pacte composé de devoirs pour les intéressés car nul ne peut échapper aux lois de notre République qu’il s’agisse de la laïcité, de l’égalité des droits ou du statut de la femme. Un pacte composé de devoirs pour la République car chacun a le droit de revendiquer à son égard l’application des valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité. La République doit donc mener une politique ambitieuse d’alphabétisation et de formation des résidents étrangers, elle doit renforcer la lutte contre les discriminations, supprimer cette « discrimination légale » mais injuste que constitue la double peine, elle doit enfin leur accorder le droit de vote : pour les référendums locaux et les élections locales.

L’égalité, c’est enfin l’égalité devant les politiques publiques.

Les socialistes doivent donc veiller à ce que la décentralisation ne s’accompagne pas d’une exacerbation des inégalités entre les Français au niveau des services rendus. Ils ne sauraient accepter de reproduire à grande échelle et dans l’ensemble des politiques publiques conduites par les collectivités locales le modèle de feu la PSD : des inégalités inégalées !

Les socialistes doivent également veiller à ce que le coût des politiques publiques locales soient équitablement réparti. La décentralisation doit donc s’accompagner d’une réforme de la fiscalité locale : l’impôt local doit remplir deux conditions essentielles : être tout d’abord proportionnel à la capacité contributive des citoyens afin de ne plus pénaliser les ménages les plus modestes ; être ensuite équitablement réparti sur l’ensemble du territoire afin de réduire les disparités de richesse entre les collectivités. C’est pourquoi, dès à présent, les socialistes proposent la création d’un impôt régional nouveau lié au développement des technologies de l’information et de la communication. L’État doit également corriger les distorsions de richesses fiscales entre les collectivités locales afin de ne pas pénaliser les citoyens résidant dans les plus pauvres d’entre elles. La décentralisation a nécessairement pour corollaire le renforcement de la péréquation. Celle-ci doit changer de dimension et représenter 25 % de l’effort financier de l’Etat au lieu de 3,5 % aujourd’hui.

Un pacte pour l’emploi afin de tirer toutes les conséquences de la place centrale de la valeur « travail » dans notre société

Tirer toutes les conséquences de la valeur travail, c’est d’abord garantir à tous un droit au travail.

L’accès à l’emploi est un élément central de notre système de valeur parce que le travail est constitutif de l’identité sociale de chacun d’entre nous. Conquérir le droit au travail, c’est en définitive reconstruire le contrat social de la société salariale dans une de ses composantes fondamentales.

Le droit au travail implique de revenir au plein emploi. Le plein emploi ne doit être ni un rêve, ni un slogan. C’est une ambition politique. Revenir au plein emploi ne signifie pas seulement réduire le chômage mais aussi inverser la tendance à la baisse des taux d’activités aux deux extrémités de la vie active. Cela suppose une forte croissance et donc une politique macroéconomique volontariste à l’efficacité de laquelle les socialistes croient toujours, à la différence des libéraux. Cela exige également de rétablir les 35 heures tout en tirant les enseignements de l’expérience passée afin que leur mise en œuvre ne trouve aucune critique auprès de ceux auxquels elle doit bénéficier. Cela nécessite enfin une politique active de soutien à l’innovation, l’investissement, la formation et la recherche.

Le droit au travail nécessite de rééquilibrer notre fiscalité qui pénalise le travail et donc l’emploi au plus grand profit du capital. La voie jamais sérieusement explorée jusqu’à ce jour d’asseoir les cotisations sociales sur l’ensemble de la valeur ajoutée (salaires + profits) et non seulement sur les salaires mériterait d’être enfin approfondie.

Le droit au travail exige d’éradiquer l’exclusion et le chômage de longue durée. Celui-ci n'est pas seulement un chômage qui dure, c'est aussi un chômage qui casse. Aussi est-il nécessaire de créer pour ces personnes les conditions du retour à l'emploi classique, de mettre en place des parcours individualisés dans la durée et de changer d'échelle dans le nombre des solutions offertes.

Le droit au travail passe enfin par la création d’une véritable sécurité sociale du travail. L’objectif : sécuriser les parcours professionnels des individus tout au long de leur vie active en leur permettant d’alterner périodes d’emploi, de formation, de congés sans encourir le risque d’être écarté durablement du marché du travail.

Tirer toutes les conséquences de la valeur travail, c’est ensuite faire respecter le droit à la dignité dans le travail.

Cette dignité dans le travail passe d’abord par l’application effective et générale du droit au travail. La relation salariale entre l’employeur et son employé est fondamentalement inégalitaire. C’est donc un devoir pour l’Etat d’intervenir car, selon le mot de Lacordaire, « entre le riche et le pauvre, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui libère ». Le droit du travail doit donc s’appliquer dans l’ensemble des entreprises car la dignité ne doit s’arrêter aux seuls salariés des grandes entreprises. L’inspection du travail doit voir ses moyens considérablement renforcer.

La dignité dans le travail exige une juste et correcte rémunération du travail. Il n’est pas admissible qu’il puisse encore exister des travailleurs pauvres. C’est donc un devoir pour les socialistes de lutter contre le travail à temps partiel contraint et de réévaluer fortement le SMIC (en contrepartie d’une baisse des cotisations sociales). Cette réévaluation des rémunérations est également le plus sûr moyen de réapprécier dans l’inconscient collectif la place du travail manuel et donc celles des ouvriers.

La dignité dans le travail impose enfin de s’intéresser aux conditions de travail. La recrudescence des accidents du travail, la précarité de l’emploi - le temps partiels subi, les petits boulots, ou la flexibilité - et la brutalité des licenciements sont des nuisances sociales qui doivent être combattues. Réduire cette nuisance, en faire payer le coût social à ceux qui la causent, voilà l’objectif que doivent se fixer les socialistes.

Tirer toutes les conséquences de la valeur travail, c’est enfin réactiver le dialogue social et le rééquilibrer en faveur au profit des organisations syndicales.

Il n’est plus admissible que la démocratie s’arrête aux portes des entreprises. Tout doit être fait pour conforter les organisations syndicales dans les entreprises. Les conforter en trouvant avec elles les moyens d’accroître leurs effectifs et leurs prérogatives. Les conforter en renforçant leur légitimité par une révision des critères de la représentativité syndicale qui confère à cinq organisations syndicales l’avantage d’une représentativité présumée dans toutes les entreprises et les branches professionnelles quelle que soit leur implantation réelle.

Un contrat de modernisation des services publics afin de renforcer la cohésion sociale

Rarement l’objectif des socialistes de civiliser les forces du marché aura revêtu une telle actualité. Rarement l’effort pour protéger l’éducation, la recherche, la culture, le sport et la santé de la pollution de l’argent aura été à ce point indispensable. Rarement la reconnaissance et la revalorisation des valeurs non marchandes auront été à ce point cruciales.

Parce qu’ils sont au cœur de l’État, parce qu’ils constituent souvent la dernière trace du lien social dans les zones rurale comme urbaine, ils sont au centre de notre projet. Nous refusons donc de les sacrifier à des dogmes - privatisation forcée pour des raisons budgétaires, mécano industriel hasardeux. Nous affirmons au contraire le principe de sanctuarisation de la notion de services publics : plutôt que d’engager des aventures risquant de mettre en péril ces services, nous voulons au contraire donner davantage de pouvoir aux citoyens pour obtenir, partout et pour tous, une même qualité et une même disponibilité des services publics.

Cette position ne s’oppose par à la réforme du secteur public - au contraire, elle conduit à l’aborder avec pragmatisme, et donc avec plus d’efficacité. Il s’agit au contraire de conclure un pacte entre les agents, les usagers et l’Etat.

Cette position nécessite de faire figurer dans la constitution notre attachement à la notion de service public.

Pour mener à bien ce projet, le parti socialiste doit se penser comme un parti de gouvernement et de transformation sociale

Il doit tout d’abord renouer avec ce qui fait la spécificité d’un parti politique.

Sa vocation, comme celle de tous les partis, est de conquérir au moyen du suffrage universel le pouvoir politique en vue de mettre en oeuvre un projet de société et plus généralement un idéal. Idéal, projet de société et conquête du pouvoir, voilà les caractéristiques d’un parti politique.

Un idéal
A nous de réinventer le rêve et l’utopie en politique afin de redonner un sens à notre engagement. A nous de réinvestir le champ des idées pour reprendre le pouvoir culturellement avant de penser l’exercer politiquement.

Un projet de société
Le parti socialiste a pour vocation de traduire dans un projet global les aspirations d’une société française déchirée par des contradictions de plus en plus fortes opposant responsabilité et solidarité, liberté et sécurité, autonomie et égalité. D’un côté la promotion et la défense d’intérêts particuliers, de l’autre un essai de synthèse des aspirations de la France du XXIème siècle. L’exercice est difficile, il exige bien évidemment de développer le dialogue avec le mouvement social (car nos valeurs sont identiques) mais il impose également des choix et des synthèses (car notre champs d’action n’est pas le même).

La conquête du pouvoir politique pour les mettre en œuvre
Le parti socialiste doit faire partager son projet et son idéal avec les français, les convaincre, aller à leur rencontre. Il lui faut s’en donner les moyens : avoir une véritable politique d’adhésion et d’accueil des nouveaux militants, se doter d’un vrai outil de formation, redonner vie aux débats dans les sections. Bref, nous redonner envie. Envie de politique, envie d’idéaux, des idéaux de justice et de dignité, envie tout simplement des socialistes.

Le parti socialiste doit ensuite résolument s’assumer comme parti de Gouvernement

En cela, il se distingue des partis d’extrême gauche
qui concourent à l’expression des suffrages mais ont toujours préféré la révolution du grand soir à la réforme de la condition salariale, la facilité de l’opposition à la difficulté de la mise en œuvre réelle et concrète de leur projet. En privilégiant la pensée révolutionnaire et la rhétorique sur la volonté de transformation sociale et l’action, cette stratégie radicale aboutit à une impasse. Les socialistes n’ont donc aucune mauvaise conscience à avoir, ils ont plus fait progresser la justice sociale et les libertés que l’extrême gauche.

Le parti socialiste ne doit donc pas céder à la mode de la radicalité
Deux tendances s’y sont toujours affrontées : d’une part le guesdisme qui, de Guesde à Guy Mollet, n’a cessé de s’appuyer sur l’intransigeance doctrinale tout en consentant dans la pratique les compromissions les plus étonnantes et d’autre part les réformistes qu’ont incarné Jaurès et Blum. Choisir la première option, c’est renoncer à l’ambition d’incarner demain l’alternance. Choisir la seconde, c’est s’inscrire dans la continuité des plus grands noms du socialisme. C’est Jaurès qui le premier, en 1899, dans le Gouvernement de défense républicaine de Waldeck-Rousseau, soutint la participation d’un ministre socialiste au Gouvernement. C’est Léon Blum qui, en 1926, théorisa puis, en 1936, mit en pratique l’exercice du pouvoir par les socialistes, c’est-à-dire la direction du Gouvernement au mieux des intérêts des classes populaires dans le cadre légal d’un régime démocratique et d’une économie de marché.

Enfin le parti socialiste demeure un parti de transformation sociale

Il l’a toujours été depuis ses origines.
Le socialisme fut bien évidemment d’abord un cri, une révolte morale devant la souffrance humaine et les méfaits du capitalisme. Mais il fut plus que cela, il fut également une critique économique du libéralisme économique, une critique qui devait conduire à la construction de sociétés radicalement nouvelles. C’est le Phalanstère de Fourrier, l’Icarie de Cabet ou encore l’abolition de la propriété privée des moyens de production demandée par la SFIO dès 1905.

Cette volonté de transformation sociale est toujours la nôtre. L’abandonner pour ne plus se contenter que de gérer les méfaits du capitalisme ferait de nous de simples démocrates à l’américaine. Cette volonté de transformation sociale est inhérente à notre identité mais comment la concilier avec notre statut de parti de Gouvernement ? Léon Blum l’avait déjà dit : l’objectif du socialisme réside dans « la libération de la personne humaine qui est elle une fin en soi et la fin dernière du socialisme ». Il précisait au congrès de la Mutualité en 1945 « le but final (c’est) la transformation de la condition humaine. Il faut aussi libérer l’homme de toutes les servitudes accessoires et secondaires (…), lui assurer dans la société collective la plénitude de ses droits fondamentaux et la plénitude de sa vocation personnelle. » Oui les socialistes refusent la logique du capitalisme et sa prétention à régir l’ensemble des relations sociales pour faire de la société une société de marché. Notre volonté de transformation sociale est donc intacte.

Mise au service d’un parti de Gouvernement, cette volonté nous permettra de faire du parti socialiste ce grand parti de la gauche qui seul pourra assurer à une alliance de l’ensemble des forces de gauche sa stabilité et sa cohérence.


– Signataires –

Eric Besson député de la Drôme  Maxime Bono député de la Charente-Maritime  Danielle Bousquet députée des Côtes d'Armor  Pierre Cohen député de Haute-Garonne  Laurence Dumont secrétaire nationale  Hélène Mignon députée de Haute-Garonne  Bernard Piras sénateur de la Drôme  Catherine Tasca membre du conseil national

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