Chirac prétend panser par des mots les plaies qu'il a lui-même ouvertes

Eric Besson


Entretien avec Eric Besson, député de la Drôme, paru dans le quotidien Libération daté du vendredi 2 janvier 2004
Propos recueillis par Paul Quinio
 

Quel jugement portez-vous sur les propositions de Jacques Chirac ?
Quand le président de la République parle, c'est pour compenser ce qu'il ne fait pas. On a retrouvé mercredi soir le Jacques Chirac des campagnes électorales, celui des incantations, celui qui prétend panser par des mots les plaies qu'il a lui-même ouvertes. On a retrouvé à la fois le discours très libéral sur « les charges excessives », la baisse des impôts ou « les procédures inutiles » et le discours plus « gaulliste social », théorique et jamais mis en œuvre, sur le rôle d'impulsion de l'Etat. Il m'a donné le sentiment d'avoir conscience que son gouvernement était allé trop loin et qu'il existait un vrai risque pour la cohésion sociale du pays. Car il y a en ce moment en France une vraie désespérance sociale, qui peut se transformer en rupture sociale. Et Jacques Chirac en porte la responsabilité, puisque le pilotage macroéconomique de son gouvernement est un échec.

Le chômage commence pourtant à baisser...
Il a baissé de 0,2 % en novembre, mais a augmenté de 6,2 % en un an, soit 145 000 chômeurs de plus en 2003. Ce gouvernement n'arrive pas à comprendre que si l'emploi est effectivement un objectif, c'est aussi une condition de la confiance, et donc de la croissance. C'est le rôle qu'ont joué en 1997 et 1998 les 35 heures ou les emplois-jeunes, en relançant la consommation populaire. Jean-Pierre Raffarin, lui, mène une politique économique à contre-emploi. Par son incompétence, il a affaibli la croissance potentielle. Parallèlement, il a remis en cause tous les contrats aidés et les mécanismes de traitement social du chômage. Alors qu'il y a en France une tradition de l'Etat protecteur. Pourtant, en ce moment, non seulement l'Etat est dur avec les plus faibles, mais il met à mal les fondements solidaires de notre pays. J'ai d'ailleurs trouvé indécent et presque cynique que le chef de l'Etat ne dise pas un mot des centaines de milliers de personnes qui vont voir leurs indemnités de chômage baisser en ce début d'année.

Approuvez-vous sa proposition de préparer « une grande loi de mobilisation pour l'emploi » ?
Il est pour le moins surprenant d'entendre le Président suggérer que l'on puisse résoudre le problème du chômage par une loi. Par ailleurs, que les entreprises, comme Jacques Chirac l'a dit, créent l'essentiel des emplois, c'est une certitude. Toutefois, quand il cite la loi d'initiative économique, il ne dit pas qu'il s'agit d'une loi prétexte à de nouvelles exonérations fiscales. Quand il cite les jeunes parmi ses priorités, il a raison, car c'est pour eux que le chômage a le plus augmenté l'an dernier : + 7,2 % entre novembre 2002 et novembre 2003. Lors de la campagne, nous proposerons que des emplois d'utilité sociale pour les jeunes soient créés dans les régions. Chirac a dit, à juste titre, qu'il faut relancer la recherche. Cependant, il ne dit pas que son budget est en chute libre. Quant à la baisse des charges, si le coût du travail des personnes les moins qualifiées peut être un objectif, c'est à deux conditions : ne pas le faire sans contrepartie et ne pas parier en permanence sur la précarité. Or ce gouvernement reprend le discours du Medef sur la flexibilité. S'il n'est pas illégitime de tenir compte des besoins de souplesse des entreprises, il faut aussi garantir une meilleure protection des salariés.

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