Contribution Sud

Contribution au Congrès de Grenoble de novembre 2000,
présentée par Stéphane Alaize, Damien Alary, Patrick Allemand, Robert Alphonsi, Sylvie Andrieux-Baquet, Jean-Pierre Appieto, Brigitte Barandon, René Barras, Alain Barrau, François-Xavier Barthes, Jacques Bascou, Gérard Bertrand, Eric Besson, Jean Besson, Jean-Louis Bianco, Véronique Bonnal, Guy Bono, André Borel, Jean-Paul Bret, Vincent Burroni, Grégory Calemme, Marie Arlette Carlotti, Odette Casanova, Jean-Claude Cette, Gilbert Chabroux, Amaury Charvy, animateur MJS (Rhône), Daniel Chevallier, Anne-Julie Clary, Gérard Collomb, Marc Daunis, Martine David, Jacky Darne, Claude Demeizel, Olivier Duhamel, Alain Fabre-Pujol, Robert Gaia, Christian Graglia, Michel Grégoire, Jean-Noël Guerini, Elisabeth Guigou, Didier Guillaume, Sylvie Guillaume, Claude Haut, Cécile Helle, Jean-Louis Joseph, Christine Lazerges, Michèle Matringe, Christian Martin, Alexandre Medvedowsky, Patrick Menucci, Guy Menut, Gabriel Montcharmont, Bernard Nayral, René Olmeta, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Jack Queyranne, Olivier Raynal, Gérard Revol, Martine Roure, Jérémie Serra, Bernard Soulage, Simon Sutour, Pascal Terrasse, Michel Teston et Michel Vauzelle.


 
Forts de notre expérience de militants et d'élus d'un Sud de la France nourri des particularités réelles et imaginaires de nos régions et des pressions plus fortes, ici qu'ailleurs, de l'extrême droite et des questions méditerranéennes - et en particulier des situations des pays du Maghreb - nous avons été amenés à une réflexion approfondie sur les enjeux territoriaux du Sud et sur les défis politiques que celui-ci doit relever. Cette contribution est née du travail commun d'élus et responsables socialistes des régions Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes et Provence Alpes Côtes d'Azur.

Pour nous, la réflexion et l'action autour de dynamiques locales renouvelées doivent être un enrichissement de la dynamique française au sein de l'Union européenne. Là où les diversités locales pouvaient, hier, être un obstacle à l'unité nationale, nous pensons qu'aujourd'hui elles deviennent des atouts forts au sein d'un monde de concurrence des territoires et de relations nouvelles entre développement économique, cohésion sociale de proximité et logique locale de projet : chaque lieu s'inscrivant aujourd'hui à la fois dans des logiques de développement locales, nationales, européennes et internationales.

On peut à la fois avoir un État fort, des régions fortes et des sociétés locales solidaires et créatrices. Seul l'État est le garant de l'intérêt général, de la solidarité et de la cohésion sociale. Mais il faut aussi encourager les initiatives et les dynamiques locales. Plus qu'hier, la lutte contre le chômage et l'exclusion, la croissance économique et la cohésion sociale nous paraissent également portées par des stratégies à plusieurs niveaux, nationales, locales et régionales au sein de l'Union Européenne. Dans un monde où la durée des déplacements réels et virtuels remplace peu à peu la distance dans les échanges entre les hommes et les entreprises, et où la qualité de vie locale et la fiabilité des systèmes de décision dans la proximité deviennent des atouts décisifs du développement, notre engagement local doit être accentué. Aussi sommes-nous favorables à l'introduction nouvelle des diversités locales dans notre réflexion collective nationale et d'un enrichissement de la pensée socialiste. D'autant que traditionnellement le PS est plus sensible aux questions sociales qu'aux enjeux territoriaux. Cela relève de notre tradition, de nos valeurs, de notre histoire. Le besoin d'une réflexion complémentaire sur les territoires n'en est que plus forte comme l'a montré notre dernière convention nationale consacrée aux " Territoires ".

Le Sud bénéficie d'atouts exceptionnels dont son littoral de Perpignan à Nice n'est pas le moindre. Le premier atout du sud est d'être le sud, c'est-à-dire un territoire qui attire massivement de nouvelles populations, créateurs d'entreprises, artistes, chercheurs, jeunes venus bénéficier là d'une qualité de vie qu'ils ne trouvent pas ailleurs. Il y a là un renouvellement migratoire décisif par rapport aux époques précédentes où nos régions accueillaient des populations méditerranéennes en difficultés et des retraités. Il nous faut marier les diverses populations anciennes et les nouvelles. Là, l'affirmation des particularités locales peut solidariser les hommes dans la proximité, si on ne confond pas les particularités des lieux - héritées et émergentes - avec l'origine familiale de ceux qui l'habitent. L'appartenance locale vient alors renforcer les appartenances patriotiques et européennes, favorisant la lutte contre la xénophobie et le racisme.

Notre démarche tourne le dos à des régionalismes passéistes trop souvent xénophobes que la droite se plait souvent à entretenir. Fiers de nos régions du Sud, de leur histoire, de leur culture, de leur art de vivre, nous voulons les renforcer pour mieux nous ouvrir à l'Europe, à la Méditerranée, à l'Afrique et au reste du monde. Car la tradition du sud est d'abord celle de l'accueil de populations venues d'ailleurs et de leur intégration, et ce de tout temps. Notre histoire est celle de victoires successives contre la xénophobie et le racisme entretenus, hier comme aujourd'hui, par une extrême droite virulente à laquelle la droite, par lâcheté ou par implicite connivence, n'a que rarement le courage de s'opposer. Face à ces forces de rejet, quelques fois de haine des autres, ce sont toujours les forces de tolérance et de confiance en l'avenir qui ont triomphé : il importe que cela continue. Et face à la menace, toujours présente aujourd'hui, d'une alliance entre la droite et l'extrême droite, nous voulons affirmer nos valeurs, dire notre volonté d'agir pour que le sud contribue à une Europe plus humaine et plus solidaire.

Pour la puissance française, le sud français a un rôle géostratégique à jouer en coopération avec l'Italie et l'Espagne. Sur ses nouvelles frontières, au sud avec le Maghreb, à l'est avec les pays d'Europe centrale et orientale, l'Europe a besoin de paix et de stabilité. Nous, élus et militants du sud, nous croyons pouvoir contribuer, en affirmant notre existence dans la Nation et dans l'Europe, à mieux lutter pour le développement et la solidarité et contre le crime organisé et les extrémismes politiques et religieux.

Nous avons pour cela le devoir de mieux tirer parti des atouts du sud pour optimiser son développement économique et social, de faire de notre territoire une terre d'accueil pour les nouveaux venus, de faire cohabiter harmonieusement les populations de diverses origines, de développer des projets fondés sur la coopération entre communes, départements et régions, de nous engager activement dans la nouvelle étape de la décentralisation, de plaider enfin pour que l'Europe aide davantage les pays du sud de la Méditerranée et que le sommet euro-méditerranéen de Marseille en octobre 2000 relance le projet élaboré à Barcelone, il y a 5 ans.

L'originalité de la dynamique
du Sud français

Le sud est en construction. Le grand Delta de Lyon à Marseille et de Perpignan à Nice concerne trois régions et regroupera 15 millions d'habitants d'ici 20 ans. Nos ambitions et nos objectifs restent, plus que jamais, les mêmes : lutter contre le chômage, en s'attaquant résolument aux phénomènes d'exclusion qui prouvent l'urgence de mettre en place des modes de développement respectueux des droits des hommes, préservant l'environnement, dont les moteurs restent la solidarité et l'équité. Dans une société relationnelle et de services, il nous faut réinventer, à l'heure de la mondialisation, une économie de la proximité mettant en valeur les ressources de chaque territoire.

Un constat, tout d'abord : entre les différentes " zones " du Sud français, les relations économiques étaient historiquement fort peu développées. La proximité n'a jamais réellement favorisé des relations que des traditions avaient établies sur le mode de la concurrence. Tout en constatant ce faible maillage économique et cette situation de concurrence, les principales villes restent essentiellement tournées vers Paris ou désormais vers Bruxelles.

En matière de développement les situations - très schématisées - sont très contrastées :

 Seules Lyon, Montpellier et Nîmes possèdent une culture urbaine entrepreneuriale liée à des liaisons anciennes entre économie et savoir.

 Le choix de Nice pour accueillir le prochain sommet européen confirme sa vocation internationale. Sa situation au cœur du triangle Marseille, Turin, Gênes lui confère de nombreux atouts à condition d'améliorer ses liaisons avec l'Italie et de s'inscrire dans une perspective de complémentarité avec Marseille.

 Avignon, malgré ses atouts, reste en retard et, au carrefour de trois départements et de deux régions, ne parvient pas à trouver son territoire de développement à la confluence du Rhône et de la Durance. Elle doit profiter de la chance que lui offre le nouveau TGV qui la situera à 2h40 de Paris, 40 minutes de Lyon, 30 minutes de Marseille.

 L'axe Lyon/Méditerranée est en cours de renforcement industriel. Mais il est politiquement faible, car les problèmes des relations avec Lyon - sans doute en termes de réseau de villes et d'inter-régionalité - ne sont pas réglés.

 L'ensemble Toulon/Aix/Marseille/Berre est plus un voisinage qu'une communauté, mais avec beaucoup d'atouts souvent peu mis en valeur. Marseille doit devenir le grand port du Sud de l'Europe, ce qui implique un partenariat plus fort avec Lyon et une complémentarité avec le port de Sète.

 Les départements autour de Perpignan et Carcassonne d'une part, de Digne, Privas, Valence et Gap d'autre part, paraissent en difficulté de position et d'attraction. Souvent transfrontaliers ces territoires doivent demeurer des points d'encrage forts dans nos relations avec l'Espagne et l'Italie.

 Les hauts pays dépeuplés - largement organisés par des Parcs Régionaux ou Nationaux - cherchent un nouvel équilibre entre agriculture de terroir et tourisme de qualité. La création des " pays " peut nécessiter une nouvelle définition des Parcs Naturels Régionaux qui vont avoir une responsabilité supplémentaire dans la mise en œuvre d'un développement durable de qualité.

Comment constituer alors un " arc du sud "- y compris vers l'Italie et l'Espagne - face au poids démographique et économique de la " banane bleue ", cœur de l'Europe industrielle ? Les obstacles sont nombreux, mais à l'heure où l'Europe s'élargit à l'Est, cet objectif définit notre ambition. Nous sommes face à une nouvelle bataille, fondatrice. Les changements connus par ces territoires depuis 30 ans vont être renouvelés dans les 30 ans qui viennent. L'arrivée de nouveaux modes de communication (transports des hommes et circulation de l'information et des idées) qui fait du monde un voisinage bousculera encore davantage les équilibres de cette région. La reconstruction politique et économique de l'espace méditerranéen sera un élément clef de cette évolution.

Ces régions viennent seulement lors du dernier recensement de retrouver, et de dépasser, le poids démographique qui fut le leur dans la France du XIXe siècle. Autrement dit, après un siècle d'émigration essentiellement vers les colonies, vers Paris et le Nord, faiblement compensé par l'arrivé d'Arméniens après 1917, d'Italiens après 1922 et d'Espagnols fuyant le franquisme qui, pour la plupart antifascistes, sont venus renforcer l'idéal républicain, ces régions sont en cours de repeuplement massif et rapide du fait de l'afflux de pieds-noirs après 1962, de populations du Maghreb puis de migration de Français venant d'autres régions depuis trente ans. Ces migrations du Nord vers le sud s'accentueront encore d'ici 2020.

Ces chassés-croisés de population posent des problèmes difficiles d'appartenances et de relations " communautaires ", d'évolution des cultures politiques et de formation des hommes - et plus largement de définitions et de constructions de projets collectifs. Un fort chômage et une importante pauvreté voisinent avec la présence de très puissantes entreprises de hautes technologies, d'un système industrialo-portuaire exceptionnel, d'une agriculture en renouvellement difficile et d'une créativité très forte de nouvelles entreprises. L'enjeu politique de ces régions est dans l'alliance de ces différents savoir-faire et des différentes populations.

L'ensemble est appuyé sur une culture ancestrale de la Cité avec des territoires communaux plus grands que dans la France du Nord. Mais le repeuplement récent a favorisé une extraordinaire extension des espaces périurbains. Le tout au sein d'une société de mobilité favorisée ici par le climat et la facilité des circulations. La vieille culture de la cité évolue donc avec en outre une population nouvelle - en certains lieux majoritaires - qui est nourrie d'une vision plus touristique qu'historique des usages de nos régions. Les taux de chômage sont certainement très différents suivant les origines géographiques des habitants. Une véritable économie de la retraite se met en outre en place, souvent sans grande stratégie.

Autrefois confiné aux " marches " de l'Europe des Six, le Sud a retrouvé une position forte avec le développement des régions et des pays du Sud de l'Europe. Terre de circulation des hommes et des marchandises depuis l'Antiquité, d'Est en Ouest, de Gênes à Barcelone, les régions du sud de la France peuvent s'inventer aujourd'hui un avenir commun. Malgré leurs traditions commerçantes, leurs capacités à échanger, leurs compétences en matière de transports terrestres, maritimes et fluviaux, les régions du Sud ont cependant accumulé de nombreux retards. Elles demeurent aujourd'hui, une terre de contrastes et un territoire singulier au développement très inégal. Sans doute ici plus que dans d'autres parties du territoire national, les déséquilibres de peuplement et les concurrences entre villes sont particulièrement prononcés. D'où un retard très important en matière d'intercommunalité et de réseaux de villes, notamment en région PACA. Ces contrastes et ces inégalités en termes de niveau de vie, de répartition géographique des activités, de formation sont devenus tels - la crise aidant - qu'ils handicapent aujourd'hui lourdement les potentialités de développement.

Par-delà ses singularités, le développement du Sud a reposé depuis des siècles surtout sur l'agriculture et le négoce. Phénomène aggravant, le modèle de croissance des Trente Glorieuses, bâti sur le développement des grandes entreprises industrielles, a - sauf exception - ignoré cette partie du territoire national et finalement accentué ses déséquilibres internes. Aujourd'hui, le chômage reste à un niveau nettement plus élevé que la moyenne nationale, la paupérisation progresse, l'urbanisation très rapide bouleverse les comportements sociaux et dégrade fortement les espaces ruraux et naturels, et ce, dans une région aux équilibres écologiques fragiles, confrontée régulièrement aussi bien aux incendies qu'à des inondations meurtrières et le long d'un littoral soumis à de forts risques de pollution. Bien qu'étant depuis trente ans, au plan démographique, la partie la plus attractive du territoire national aussi bien pour les actifs que pour les retraités, la population du Sud, qui vieillit plus vite qu'au niveau national, reste répartie de manière très déséquilibrée entre les métropoles littorales et un arrière-pays en voie de désertification.

Le monde rural du Sud est en pleine mutation : il arrive au terme d'une crise économique qui a vu s'accentuer la déprise agricole et une mutation de l'agriculture vers les produits de terroirs peu aidée par les politiques européennes mais qui, dans le même temps, a connu un développement touristique considérable, la mise en place d'une politique structurée de protection et souvent le développement massif d'un habitat périurbain. S'est développée une nouvelle ruralité avec l'implantation dans les zones rurales de familles de culture citadine porteuses de nouvelles valeurs et de nouvelles demandes sociales, culturelles et économiques. Les enjeux de cette mutation sont complexes et les risques sont grands ; les collectivités rurales s'essoufflent à aménager les infrastructures nécessaires à une population qui peut quadrupler en saison ; la déprise agricole a des conséquences négatives sur la vocation touristique du cadre de vie. Certes, le sud a connu un développement considérable des activités touristiques, de la vie culturelle, artistique et scientifique et plus généralement de tous les nouveaux secteurs hight tech. Des réussites comme Gemplus, la localisation de nombres de firmes technologiques des secteurs économiques du futur, un savoir de la mer exceptionnel, les dizaines de milliers d'emplois créés notamment autour de Sophia Antipolis, d'Aix et de Montpellier dessinent un horizon porteur qui a besoin de davantage de mise en cohésion, d'interrelations et de stratégies universitaires et éducatives renouvelées et renforcées. L'adaptation des filières de formation à ces nouvelles activités est encore largement un problème non résolu.

Enfin, après avoir connu de fortes immigrations venues des rives de la Méditerranée qui lui ont permis de se forger une identité largement multiculturelle, les régions du sud de la France ont été tentées ces dernières années par le repli identitaire. Le populisme et l'extrême droite ont prospéré sur ce terreau. Peur de la chute sociale, précarisation de l'emploi, crise du modèle urbain, défiance vis-à-vis de l'État, des institutions républicaines et de l'action des partis politiques... Les causes de ce phénomène sont connues. Ici plus qu'ailleurs, leurs manifestations et notamment leur traduction dans l'extrémisme municipal ont été plus profondes et plus dangereuses encore. Alors que pour Fernand Braudel, la Méditerranée était " contact et berceau ", serait-elle en passe, dans un monde où l'Est n'est plus " l'ennemi ", de devenir une nouvelle ligne de front ?

En effet, le discours de l'extrême droite a d'autant mieux réussi à pénétrer les consciences dans le Sud qu'il a su habilement faire croire que la menace venait de la rive sud de la Méditerranée. Le développement et surtout la banalisation de ces idées font craindre que cette "septicémie" politique ne gagne l'ensemble du corps social alors que la droite classique se laisse contaminer par cette idéologie, à quelques exceptions près, et ne récuse pas des alliances contre-nature hier en PACA et en Rhône-Alpes, aujourd'hui en Languedoc-Roussillon. La responsabilité de la gauche n'en est que plus grande. Les prochaines échéances électorales devront être celles de la reconquête démocratique des quatre villes conquises en PACA par le Front National : Toulon, Orange, Vitrolles et Marignane. Sans oublier la question de Nice.

Par-delà le combat idéologique, les partis de gauche ont compris que seule l'action directe sur le terrain en direction des citoyens tombés dans la précarité, seul l'appui sur le terrain aux acteurs sociaux, seule une politique volontariste et innovante en matière de logement social, de transports, de sécurité de proximité, de protection sociale étaient susceptibles d'inverser cette dynamique et de ramener les électeurs, de gauche comme de droite, vers les partis républicains. Une pensée cohérente du développement au sein d'une logique régionale de projet qui tienne compte des particularités du sud sera un atout complémentaire et décisif pour ces luttes déjà engagées.

Favoriser
un autre modèle
de développement

Conscientes de l'enjeu économique et de leurs potentialités, les régions du Sud doivent opérer une profonde mutation. Il n'y a pas de territoires sans avenir, il n'y a que des territoires sans projet : le Sud doit s'engager aujourd'hui dans un autre modèle de développement. Ce nouveau modèle créateur de richesses et d'emplois ne pourra véritablement s'enraciner sans l'émergence d'une réflexion parallèle sur les nouvelles missions des territoires et la mise en œuvre d'un contrat social rénové. Dans une économie où l'ouverture en direction des pays de l'Est et l'axe industriel européen allant des Flandres au Piémont structure le développement de l'Europe, le Sud doit impérativement se positionner au cœur des grands axes d'échanges. La saturation des axes routiers et l'insuffisance de l'offre de transports collectifs restent en effet des contraintes majeures au développement économique et à la qualité de la vie des habitants.

Doté d'infrastructures de communication de niveau international, le Sud doit, pour rester compétitif, organiser et capter les principaux flux de déplacements sud européens et éviter le risque d'engorgement du couloir rhodanien et de son littoral. Une politique maritime de la France et de l'Union pour favoriser le cabotage, le mer-routage et le transport de voyageurs à grande vitesse, notamment sur l'axe Barcelone/Génes est impérative. C'est pourquoi, outre le développement des liaisons aériennes, portuaires et fluviales, les régions du Sud doivent agir en faveur d'une amélioration globale des déplacements Nord-Sud. La réalisation de quelques grands projets d'aménagement est aujourd'hui vitale : le prolongement de l'A 51 qui permettra à la fois d'alléger le trafic de la vallée du Rhône et le désenclavement du haut pays de la région PACA, la ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin, la réalisation de nouvelles percées alpines et pyrénéennes mais aussi le renforcement du Port de Marseille et le développement des liaisons ferroviaires Rhin Rhône et de Barcelone à Gènes. L'État doit y prendre sa part, toute sa part, mais cette ambition, pour réussir, devra également dépasser la concurrence, exacerbée dans le Sud, des territoires et s'appuyer sur une intercommunalité et une interrégionalité de projet. De la même manière, la notion de développement durable appliquée à la mise en valeur du patrimoine culturel et à l'utilisation et à la protection de nos ressources naturelles, doit devenir une référence constante dans la conduite de l'action des pouvoirs publics. Historiquement, l'activité et la vie des habitants, très attachés à une nature qui depuis des siècles dessine et conditionne son organisation se sont toujours façonnées en s'adaptant à cet environnement fragile et menacé.

Confronté à ces profondes mutations et à la gestion de ces déséquilibres qui accentuent les phénomènes d'inégalité sociale et aggravent les fractures sociologiques et géographiques, l'économie du Sud donne aujourd'hui des signes encourageants de reprise qui soulignent la portée et l'impact des efforts consentis ces dernières années. Toutefois, plus que jamais, elle a, pour être en mesure de fonder un nouveau pacte de solidarité et de croissance, besoin de concentrer ses efforts autour de l'emploi et de la formation. Notre vie sociale est ici souvent conflictuelle et le dialogue et la négociation ne jouent pas suffisamment leur rôle de régulation des rapports sociaux. Les conflits durs, avec des sorties de crise difficiles imprègnent la mémoire collective et pèsent sur les comportements. Cet esprit de résistance, trop souvent défensif dans nos régions doit au contraire être un levier fort au service d'un projet novateur qui saura mobiliser les acteurs économiques et sociaux.

Favoriser le développement économique et créer les emplois du futur, c'est bien sûr positionner cette économie au cœur des grands axes de communication et rendre les territoires plus attractifs pour attirer de nouvelles entreprises. C'est aussi améliorer l'environnement immédiat des entreprises, promouvoir une agriculture méditerranéenne de qualité grâce à la dynamique de la nouvelle loi agricole et des contrats territoriaux d'exploitation, accompagner la reconversion des filières traditionnelles, valoriser le littoral en corrigeant progressivement le vieillissement des stations balnéaires afin de les adapter aux nouvelles donnes du tourisme national et international et favoriser l'émergence des activités à forte valeur ajoutée, notamment dans le domaine des nouvelles technologies. Dynamiser l'économie et l'emploi, c'est enfin faciliter la mobilité des individus, combler le retard préoccupant constaté en matière de transports collectifs, mettre en place des aides supplémentaires aux collectivités rurales engagées dans l'intercommunalité et conforter les dispositifs de formation, de recherche et d'innovation.

Participer à la modernisation
d'un État renforcé
des diversités d'une nouvelle
démocratie citoyenne

Ce nouveau modèle de développement dans les zones urbaines comme rurales, ne pourra cependant s'épanouir sans une réflexion d'ensemble sur le rôle fondamental des services publics. Servir le public ! Rendre un service n'est pas tout. La façon dont il est rendu, sa qualité, son efficacité, sa pérennité, sa rapidité importent tout autant. Le Sud présente des caractéristiques urbaines fortes où les problématiques de la politique de la ville sont particulièrement apparentes. Il doit lutter contre la crise urbaine et sociale qui touche ses territoires et ses quartiers. Dans le cadre de politiques territorialisées de développement solidaire et de renouvellement urbain, là aussi, il nous faut apporter aujourd'hui des réponses nouvelles tant en matière de logement social et de mixité de l'habitat, d'égalité des citoyens dans l'accès au travail, à la santé, à l'école... Facteur de valorisation, d'insertion, et de lutte contre les exclusions, il faut faciliter la participation des habitants à la vie sociale et doter les zones rurales, comme les zones urbaines défavorisées, de tous les équipements et services publics qui font défaut dans les domaines de l'emploi, de la poste, de l'éducation, de la santé, de l'action sociale, de la justice et de la sécurité. L'amélioration du cadre de vie passe également par la mise en service d'équipements sportifs, culturels et de loisirs répondant aux souhaits des habitants. Le traitement qualitatif des quartiers en matière d'éclairage, de propreté, de sécurité ou encore d'entretien des espaces publics doit également contribuer à lutter contre le sentiment d'abandon que peuvent ressentir les familles.

Nous devons par ailleurs parvenir, dans ces dix prochaines années, à un maillage intelligent et complémentaire des services publics sur le territoire. Déjà il faudra mieux articuler fonction publique d'État et fonction publique territoriale dont l'organisation doit évoluer en fonction de la décentralisation et des services aux citoyens. La carte des services publics devra bouger dans le même esprit que les réformes déjà engagées par le gouvernement. Nous ne devons plus raisonner à partir de cartes institutionnelles mais en définissant des " zones de solidarité " qui tiennent compte de l'évolution des moyens de communication et des espaces vécus. C'est en partant des bassins de vie ou des bassins d'emploi, en accompagnant la recomposition des territoires en agglomérations et en " pays " que nous réussirons la modernisation des services publics, au service de tous et sur tout le territoire.

Plus généralement, pour ce qui touche aux territoires, la question de la décentralisation et de la redéfinition du rôle respectif de l'État et des collectivités locales est probablement le champ qui requerra les initiatives les plus résolues dans les années qui viennent. La gauche a toujours été en pointe dans ce domaine, avec les grandes lois Mauroy et Defferre au début des années 80, aujourd'hui avec la loi Chevènement sur l'intercommunalité et la loi Voynet sur l'aménagement du territoire et avec les crédits sans précédents dégagés par le gouvernement Jospin pour les contrats de plan Etat-Région. Nous devons une nouvelle fois montrer la voie. La nouvelle étape de la décentralisation s'appuiera sur les pays et les communautés de communes et d'agglomérations qui devront être généralisées, avec des incitations financières de l'Etat, sur l'ensemble du territoire. Dans nos régions, nous en sommes malheureusement encore trop loin. Nous avons en effet la triste spécificité d'être en retard en matière d'intercommunalité sur les autres régions françaises qui elles ont compris souvent bien plus vite que la coopération, la mise en commun de moyens, la cohérence des lieux de vie ne pouvaient que renforcer les territoires dans le monde de demain. Ces regroupements nécessaires, fondés sur les bassins de vie redessineront à partir des territoires vécus les nouvelles collectivités locales qu'il faudra doter d'exécutifs élus au suffrage universel.

De nouvelles compétences en matière d'emploi, de formation, de transport devront être données aux régions et il faudra développer les conférences interrégionales qui organiseront en réseau de coopération les régions actuelles, dans certains domaines comme les infrastructures et les universités. Pour éviter l'empilement et le gaspillage les compétences de chaque collectivité devront être distinguées et clarifiées et la fiscalité locale simplifiée. Les départements seront maintenus mais l'Assemblée départementale devrait être élue au scrutin de liste proportionnel sur le même modèle électoral que les municipalités ou les régions. L'enjeu décisif étant que la lisibilité des décisions publiques soit meilleure aux yeux des citoyens.

Face aux nouveaux défis d'une société en mutation, l'État doit redéfinir son rôle sans brider les énergies nouvelles, locales, citoyennes ou syndicales tout en assumant pleinement sa responsabilité de garant et de défenseur de l'égalité républicaine.

Mettre en place une politique
vers le Sud de la Méditerranée

Mais cette dynamique de développement attendue et souhaitée passe également par la construction d'un véritable partenariat euroméditerranéen. En 1995, la Déclaration de Barcelone a clairement affiché la volonté des 27 pays euroméditerranéens de mener une politique commune de sécurité, de progrès social et culturel et de développement économique. La première étape de ce processus qui se donne pour ambition de faire de la Méditerranée une zone de paix et de prospérité partagée demeure la création en 2010 d'une zone de libre-échange. Pourtant, cinq ans plus tard, ce sont surtout les mots bien plus que les projets concrets qui restent échangés.

En effet, les programmes européens pour la Méditerranée sont aujourd'hui gelés. Le constat est sans appel : malgré l'amorce d'une véritable décrispation sur les problèmes d'intégration, ce processus manque aujourd'hui d'une véritable impulsion politique et d'un "champion européen". La position centrale de la France dans la construction européenne, l'influence exercée de longue date et les relations privées et institutionnelles instaurées de longue date entre les deux rives de la Méditerranée la prédisposent pourtant largement à tenir ce rôle. Ce réinvestissement politique de la France et du Sud ne doit pas se cantonner à des avancées symboliques mais conduire à recentrer l'ensemble des actions sur leur vocation initiale : favoriser la mobilité des hommes, l'échange des savoirs, le développement des pays de la zone et leur insertion dans les échanges mondiaux pour éviter leur marginalisation progressive. Pour ce faire, les pays du Nord doivent dépasser la vision et le projet d'une Europe purement mercantile et jouer pleinement avec les pays du Sud la carte d'une destinée commune.

Ainsi notre volonté d'appuyer le développement et la solidarité sur les réalités diverses des territoires vécus, et des hommes qui y séjournent, dans le cadre d'un État unifié et régulateur, vaut aussi pour les questions que nous devons nous poser vers l'extérieur de l'Hexagone, notamment par rapport à des pays très liés à la France par l'importance des diasporas. Et d'abord l'Algérie, la Tunisie et le Maroc. Les relations avec ces pays sont des questions internationales, elles sont des enjeux pour l'Union européenne, elles sont aussi des questions intérieures aujourd'hui – et plus encore demain. L'objectif de la circulation libre régulée et réciproque des hommes, des idées et des biens est un enjeu national important pour faciliter l'intégration de ces diasporas en France aux échelles d'un monde devenu mobile. En cela, les questions méditerranéennes ne peuvent être en France des questions internationales comme les autres. De même la place de l'Islam au sein de notre société est devenue une question nationale. Déjà les différents acteurs ont fait les efforts nécessaires. Le gouvernement s'efforce de faire émerger un islam représentatif de tous ses pratiquants, les communautés musulmanes s'engagent dans le cadre de la laïcité et les collectivités territoriales commencent à comprendre la nécessité de soutenir l'installation décente des lieux de culte.

Sans pouvoir encore prédire quel type de position ces trois pays pourront occuper à terme dans - ou vis-à-vis - de l'Union européenne, il nous paraît clair que le temps est venu de construire ensemble une mémoire partagée dépassant les drames de l'histoire récente. Là encore, le monde moderne est un monde de territoire, de mémoire et de mobilité des hommes. Les relations entre villes et régions peuvent être des moyens puissants pour faire évoluer ces situations. Nous devons en particulier nous poser ces questions par rapport aux différents pays du Maghreb. Et accepter, qu'une part de l'intégration en France des enfants de l'immigration se joue dans les relations futures de la France avec leurs pays d'origine. La libre circulation au sein des familles des diverses diasporas, pour la formation des hommes et pour le tourisme, doit être un principe clairement posé et contrôlé. La France se doit ici de proposer à l'Union ce qu'on pourrait appeler des pays d'un " troisième cercle " qui organise les relations avec les territoires vécus par les diasporas internes à l'Union européenne. En cela la prochaine conférence euro-méditerranéenne de Marseille en novembre revêt une importance particulière.

Plus largement nous devons nous engager dans des politiques de codéveloppement puissantes vis à vis des pays du sud pour assurer un développement autonome aux pays de Méditerranée et d'Afrique. Les négociations israélo-palestiniennes, les évolutions de la Syrie, de la Jordanie, les relations nouvelles avec la Turquie participent à l'émergence d'une nouvelle situation diplomatique et économique. Dans cette zone les enjeux pour l'avenir sont considérables, ce qui appelle d'autant plus à un renforcement de la position Européenne que la France et son sud peuvent favoriser.

Conclusion

Tournant le dos aux replis frileux et à la peur de l'autre, notre démarche politique, porteuse d'avenir, se fonde sur un développement économique durable et partagé qui mettra fin aux inégalités territoriales dont le Sud souffre encore. Nous sommes convaincus que ce développement doit s'appuyer sur des dynamiques à la fois locales, régionales, nationales et européennes. L'appartenance forte à nos territoires permettra que nos régions soient tournées vers l'avenir, vers des horizons plus vastes à l'Est de l'Europe et au nord de l'Afrique. C'est cette ambition que le Sud veut apporter à une France plus forte dans une Europe plus humaine et plus ouverte.

C'est cet engagement pour un Sud solidaire, riche de ses diversités géographiques et humaines, qui peut faire oublier le triste record du poids électoral de l'extrémiste et du populisme que nos régions ont connu ses dernières années. L'extrême droite ne devra plus, demain, trouver là le terreau de son discours de rejet et de haine. Parce que la droite s'est souvent majoritairement compromise en passant des accords d'appareil avec les élus d'extrême droite ou en reprenant l'essentiel de leurs thèses, la gauche seule peut encore relever le défi, celui d'un progrès partagé, enrichi par la mobilisation de tous les territoires et garanti par un Etat renforcé.

– Signataires :

Stéphane Alaize, député (Ardèche)   Damien Alary, député (Gard)   Patrick Allemand, vice-président du conseil régional PACA (Alpes-Maritimes)  Robert Alphonsi, 1er fédéral (Var)  Sylvie Andrieux-Baquet, secrétaire nationale (Bouches-du-Rhône)  Jean-Pierre Appieto, 1er fédéral (Alpes-Maritimes)  Brigitte Barandon, animatrice MJS (Vaucluse)   René Barras, 1er fédéral (Alpes-de-Haute-Provence)   Alain Barrau, conseil national (Hérault)  François-Xavier Barthes, animateur MJS (Aude)  Jacques Bascou, député (Aude)   Gérard Bertrand, 1er fédéral (Drôme)   Eric Besson, député (Drôme)   Jean Besson, sénateur (Drôme)  Jean-Louis Bianco, président du conseil général (Alpes-de-Haute-Provence)   Véronique Bonnal, 1er fédéral (Hautes-Alpes)  Guy Bono, 1er fédéral délégué (Bouches-du-Rhône)  André Borel, député (Vaucluse)   Jean-Paul Bret, député (Rhône)  Vincent Burroni, conseil national (Bouches-du-Rhône)   Grégory Calemme, animateur MJS (Bouches-du-Rhône)  Marie Arlette Carlotti, conseil national (Bouches-du-Rhône)   Odette Casanova, députée (Var)   Jean-Claude Cette, président de l'union régionale PS de PACA  Gilbert Chabroux, sénateur (Rhône)   Amaury Charvy, animateur MJS (Rhône)   Daniel Chevallier, député (Hautes-Alpes)   Anne-Julie Clary, animatrice MJS (Alpes-Maritimes)   Gérard Collomb, conseil national, candidat socialiste à la mairie de Lyon   Marc Daunis, maire de Vallebonne - Sophia Antipolis   Martine David, députée (Rhône)   Jacky Darne, député (Rhône)   Claude Demeizel, sénateur (Alpes-de-Haute-Provence)   Olivier Duhamel, député européen (Var)   Alain Fabre-Pujol, 1er fédéral (Gard)   Robert Gaia, conseil national (Var)   Christian Graglia, vice-président du conseil régional PACA (Hautes-Alpes)   Michel Grégoire, député (Drôme)   Jean-Noël Guerini, président du conseil général (Bouches-du-Rhône)   Elisabeth Guigou, conseil national, ministre de la Justice   Didier Guillaume, conseil national (Drôme)   Sylvie Guillaume, 1ère secrétaire fédérale (Rhône), secrétaire nationale   Claude Haut, sénateur (Vaucluse)   Cécile Helle, 1er fédéral (Vaucluse), secrétaire nationale   Jean-Louis Joseph, conseil national (Vaucluse)   Christine Lazerges, vice-présidente de l'Assemblée nationale (Hérault)   Michèle Matringe, conseil national (Alpes-Maritimes)   Christian Martin, vice-président du conseil régional PACA (Var)   Alexandre Medvedowsky, conseil national (Bouches-du-Rhône)   Patrick Menucci, conseil national (Bouches-du-Rhône)   Guy Menut, député (Var)   Gabriel Montcharmont, député (Rhône)   Bernard Nayral, député (Hérault)   René Olmeta, candidat socialiste à la mairie de Marseille   Jean-François Picheral, sénateur (Bouches-du-Rhône)   Bernard Piras, sénateur (Drôme)   Jean-Jack Queyranne, ministre des relations avec le parlement (Rhône)   Olivier Raynal, animateur MJS (Ardèche)   Gérard Revol, député (Gard)   Martine Roure, députée européenne (Rhône)  Jérémie Serra, animateur MJS (Hérault)   Bernard Soulage, président du groupe socialiste au conseil régional Rhône-Alpes, secrétaire national    Simon Sutour, sénateur (Gard)   Pascal Terrasse, conseil national (Ardèche)   Michel Teston, président du conseil général (Ardèche)   Michel Vauzelle, président du conseil régional PACA (Bouches-du-Rhône).



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