Faire progresser nos valeurs en Europe

Jean-Louis Bianco
Intervention de Jean-Louis Bianco, député des Alpes-de-Haute-Provence, lors du conseil national du parti socialiste, le 9 octobre 2004.


 
Mes chers camarades,

Je suis fier de voir mon Parti débattre sur ce sujet. C’est tout à notre honneur. Le débat était de qualité et il peut servir d’exemple et de réflexion pour d’autres partis.

Je ne fais à personne dans cette salle le procès de n’être pas Européens. Nous sommes tous Européens. De la même manière, Je suis convaincu, au-delà du débat qui est important, qu’en définitive, malgré des divergences sérieuses, ce qui nous rassemble sur l’Europe est plus important que ce que nous divise.

Ce qui nous rassemble, c’est que nous sommes tous Européens, ce qui nous rassemble, c’est que nous sommes tous profondément insatisfaits de l’Europe telle qu’elle est et ce qui nous rassemble, c’est que nous voulons une autre Europe, une Europe sociale.

Mais la question qui nous est posée aujourd’hui sur laquelle nous divergeons : est-ce qu’on ira vers l’Europe que nous souhaitons et est-ce qu’on ira mieux en votant oui ou en votant non ? Il faut faire beaucoup de pédagogie. Nous nous efforçons de le faire les uns et les autres.

Nous avons besoin aussi de préciser certains termes. On a beaucoup débattu, et ce n’est pas un débat de pure forme, ce n’est pas un débat du juriste : traité, constitution, intangible, pas intangible ? Les mots disent bien ce qu’ils veulent dire. C’est un traité constitutionnel. C’est donc un traité. Ce n’est pas une constitution au sens classique du terme. Parce que, pour avoir une constitution, il faut qu’il y ait une constituante, il faut qu’il y ait un peuple, il faut qu’il y ait un État.

Nous sommes donc d’accord : ce traité n’a pas la force et la valeur d’une constitution. Il a la force et la valeur d’un traité, c’est-à-dire qu’il peut être révisé comme tous les autres traités. Ce sera naturellement plus difficile à 25 ou à 30. Mais, des traités précédents, en dix ans, on en a fait quatre : Maastricht, Amsterdam, Nice et celui-là. Ce n’est donc pas gravé dans le marbre pour l’éternité.

En ce qui concerne le contenu même du traité, car encore une fois le débat n’est pas entre le traité idéal, le traité que nous écririons nous, socialistes français. Il est entre ce traité-là et qu’est-ce que l’on met à la place ? Je maintiens qu’il y a des avancées dans les valeurs (ce n’est pas tout à fait rien au niveau d’une constitution), que les phrases concernant l’économie de marché sont nettement meilleures que ce qu’il y a dans tous les traités précédents. On parle d’une économie sociale de marché hautement compétitive ayant pour objectif le plein emploi et le progrès social. C’est mieux que ce qui était dit jusqu’ici. C’est un fait.

De la même manière, la reconnaissance formelle du développement durable, du droit des minorités, de l’égalité homme/femme, la reconnaissance dans la charte de droits qui ne sont même pas reconnues dans la constitution française : le droit à l’intégrité de la personne, le droit d’interdiction des expulsions collectives, le droit à une bonne administration. On peut faire des choses avec le droit à une bonne administration ! Sur le plan démocratique, on l’a dit, le champ de la codécision, c’est-à-dire le pouvoir du Parlement, a plus que multiplié par deux. Il y a plus que deux fois plus de domaines où le Parlement européen aura son mot à dire. Sur le plan de la démocratie participative, il y a le droit de pétition qui n’est pas négligeable parce que c’est un des outils qui peuvent nous permettre de faire progresser nos valeurs en Europe.

Alors, on nous parle de la Turquie. C’est une question en effet extraordinairement importante, c’est une question extraordinairement difficile. Mais je persiste à ne pas voir, sauf si on veut donner des arguments supplémentaires au non, en quoi c’est directement lié au traité constitutionnel.
On nous parle aussi des délocalisations, et nous en avons débattu de manière utile, intéressante, positive à nos journées parlementaires. C’est un problème majeur qui est présent dans la vie, dans la réalité des gens aujourd’hui, et qui sera présent encore plus demain. Le fait que ce soit en nombre pas extraordinairement important n’empêche pas qu’il y a là un problème central dans l’évolution de notre pays et dans l’évolution de l’Europe.

Mais ce problème se règlera-il en disant : c’est la faute au traité, ce qui veut dire qu’on dédouane Raffarin ? Il se règlera par un rapport de force au niveau européen. Nous n’avancerons par rapport aux imperfections du traité qu’en créant un rapport de force plus favorable. Et si nous votons non, avec qui allons-nous construire un nouveau traité ? On rebat les cartes, on remet la main dans les mains des gouvernements. Est-ce que vous faites confiance à Jacques Chirac pour faire une Europe sociale ? Est-ce que vous faites confiance à Baroso pour nous faire une Europe sociale ? Est-ce que vous faites confiance à la majorité de droite du Parlement européen pour faire une sociale ? L’Europe sociale se construira par une avant-garde, et cette avant-garde se construira avec nos camarades des Partis socialistes européens, pas tout seuls en France.

Dans les réunions que j’anime, comme vous, il y avait un vieux militant SFIO qui nous a parlé de la CED (qui a été évoquée brièvement, les uns n’étaient pas nés et les autres n’étaient pas dans le débat politique parmi nous, certains ici se le rappellent). Et ce militant SFIO, socialiste, nous a dit : “ Quand j’étais jeune, j’ai fait une campagne d’enfer contre la CED. Eh bien j’ai fait la plus belle connerie de ma vie, parce que là, on en a pris pour cinquante ans avant de refaire une Europe. ”

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