Innover,
pour rassembler à Gauche

Contrbution générale en vue du congrès de Dijon.
Premiers signataires : Patrick Bloche, Député de Paris - Christophe Caresche, Député de Paris - Catherine Genisson, Députée du Pas de Calais – Gaëtan Gorce, Député de la Nièvre – Jérôme Lambert, Député de la Charente – Annick Lepetit, Députée de Paris – Jean-Yves Mano, Sénateur de Paris - Christophe Masse, Député des Bouches du Rhône – André Vallini, Député de l'Isère – Philippe Vuilque, Député des Ardennes.




Patrick
Bloche



Christophe
Caresche



Catherine
Genisson



Gaëtan
Gorce



Jérôme
Lambert



Annick
Lepetit



Jean-Yves
Mano



Christophe
Masse



André
Vallini



Philippe
Vuilque




La Gauche doit changer !

C'est là la principale leçon à tirer du printemps dernier. Qui peut encore penser qu'après un tel échec tout pourrait continuer comme avant ?

La Gauche doit changer !

Nos électeurs, nos sympathisants, nos militants ont soif de renouvellement : des idées, des équipes, des pratiques. Ils veulent une Gauche en mouvement qui préfère le débat aux querelles, la proposition à la négation, le rassemblement à la division.

La Gauche doit changer !

Elle doit faire évoluer ses schémas de pensée, renouveler son approche du monde et de la société, renoncer au confort des idées toute faites.

La Gauche doit changer pour retrouver un souffle, une énergie, une capacité d'innover et de mobiliser.

Notre Congrès doit répondre à cette exigence vitale pour l'avenir de la Gauche. Pour y parvenir, il reste encore beaucoup à faire. La longue période de discussion qui s'est achevée en décembre n'a pas permis d'aller jusqu'au bout de l'analyse des années Jospin ; le débat s'est figé avant l'heure autour de pré-motions en lutte pour le pouvoir ; les vrais enjeux, quant à eux, sont en passe d'être occultés, les tenants affichés d'une véritable rénovation des idées ayant, sur la plupart des sujets, choisi de rendre les armes.

C'est pourquoi, nous avons fait le choix de porter dans ce débat cette exigence de renouvellement partagé par tant de socialistes.

A bien y regarder, le véritable débat que nous devons mener à ce congrès de Dijon n'oppose pas le radicalisme au réformisme mais le changement au conservatisme et le renouvellement au conformisme pour bâtir un socialisme de notre temps.

1. Assumons tout d'abord
le bilan des années Jospin

Les anciens avaient coutume de dire que la roche Tarpéienne est tout près du Capitole. Et l'on a certes vite fait de brûler ce que l'on a adoré. Pour notre part, nous refusons ce jeu puéril par lequel ceux qui étaient les plus proches de Lionel Jospin sont aujourd'hui les plus prompts à le condamner. L'échec du 21 avril engage à l'évidence notre responsabilité collective.

En zappant cinq années d'exercice des responsabilités, nous renoncerions à faire le bilan de notre action au gouvernement et par conséquent à en tirer pour l'avenir toutes les leçons utiles.

Pour nous, le devoir d'opposition doit passer avant le droit d'inventaire.

Comment s'opposer à la droite si nous lui fournissons sans cesse des arguments contre notre propre bilan ? Quelle crédibilité peut avoir, dans le débat politique, celui qui n'assume pas son action ?

La décence mais aussi le simple sens des responsabilités et surtout le souci de travailler pour l'avenir doivent nous conduire à assumer ce bilan dans son intégralité. A bien des égards, il est remarquable. Le redressement de notre économie et la relance de la croissance se sont accompagnés d'incontestables progrès sociaux. Qu'il s'agisse de la CMU, de l'APA, de la réduction du temps de travail ou encore des emplois jeunes. Des mouvements en profondeur ont été amorcés sur les sujets de société comme la création du PACS ou la réforme du droit de la famille. Nul doute qu'au fil des mois les Français ne réévaluent ce bilan au regard de la politique de la Droite : la croissance est en panne ; l'emploi en péril ; le dossier EDF a montré combien ce gouvernement se souciait comme d'un guigne du dialogue social et du point de vue des salariés. Assumons notre bilan pour mener à l'Assemblée nationale et devant l'opinion le combat du même mouvement que nous préparons notre congrès et menons notre débat.

Pour nous, la Gauche n'a pas perdu parce qu'elle n'était pas assez à Gauche, mais parce que son projet n'était pas en phase avec les attentes des Français.

Comment dès lors expliquer qu'après avoir fait reculer le chômage et mis tant de réformes en chantier, nous ayons perdu ? Comment avons-nous pu ainsi transformer l'or en plomb ? Au-delà du poids de l'obsession sécuritaire, au-delà des divisions de la Gauche qui ont fait leur œuvre, deux grandes explications s'imposent avec d'autant plus de force qu'elles sont des invitations à agir et à changer.

D'abord, nous avons été victimes d'une manière de gouverner que nous n'avons pas su faire évoluer à temps. Au fil des mois, la distance avec les citoyens s'est accentuée et s'est alourdi le poids de l'Etat sur les partenaires sociaux, de l'administration sur les responsables politiques, des médias sur l'action gouvernementale, du gouvernement sur le parti, étouffant le débat, érodant l'esprit critique. Nous y reviendrons.

Mais plus encore, la cause de notre échec doit être recherchée dans la frilosité avec laquelle nous avons formulé, expliqué, présenté notre action. Voici vingt ans que la Gauche, à l'épreuve du pouvoir, a modifié en profondeur la nature de son action, le contenu de son projet. Confrontée aux responsabilités, elle a su au jour le jour évoluer sans jamais pour autant l'assumer. Lionel Jospin avait à l'évidence compris la nécessité d'une transformation de l'action des socialistes au pouvoir. Il a hésité à la théoriser. Il a renoncé à l'expliquer. Par sa référence constante à l'équilibre, il s'est voulu passeur entre deux époques. Celle ou la Gauche pouvait encore revendiquer le tout Etat des nationalisations et la rupture avec le capitalisme et une époque nouvelle dans laquelle la transformation sociale dépend davantage de la négociation que de l'Etat, où la société aspire à plus d'échanges et de concertation, où les enjeux se sont déplacés du national, à l'européen et au mondial. S'il a eu conscience de cette nécessité, Lionel mais aussi le PS ont jugé qu'il était encore prématuré d'assumer totalement ce changement. Ce faisant, nous avons renoncé à faire reconnaître les vertus mais aussi les contraintes de notre action, justifiant une amertume, légitimant une critique venant de notre Gauche et démobilisant un électorat dès lors insuffisamment convaincu de notre volontarisme politique. S'il n'est qu'une leçon à tirer des cinq dernières années, c'est qu'il est temps que la Gauche mette son discours en accord avec ses actes.

2. Inventons
un socialisme de notre temps

Le socialisme n'est plus ce qu'il était. A nous de lui donner ses nouvelles couleurs. Sans nostalgie ni rupture, sans poussée de fièvre ni renoncement, cette recherche sera l'affaire de tous et devra s'opérer dans l'unité. Se défiant de ceux qui prétendent avoir déjà trouvé la vérité, elle s'appuiera sur le débat et la libre confrontation.

Le socialisme n'est plus ce qu'il était. Il faut le reconnaître, mais ne pas s'y résigner.

La Gauche doit revendiquer sans hésiter l'esprit de liberté, d'innovation, de création.

La condition du renouveau, c'est que la Gauche se revendique pour ce qu'elle est. A laisser paraître qu'elle agirait comme à regret dans le monde d'aujourd'hui, qu'elle ruminerait la nostalgie de solutions passées, elle entretiendrait avec ses électeurs un malentendu qui ne pourrait déboucher que sur un nouvel échec. La Gauche a tout à perdre à entretenir des complexes par rapport à son identité passée. Elle doit assumer ce qu'elle est devenue : une Gauche qui assume l'aspiration à l'égalité et la reconnaissance de l'initiative économique comme les moteurs de notre société ; une Gauche qui veut relever le défi de l'innovation au même titre que celui de la solidarité ; une Gauche qui s'identifie au mouvement contre toutes les formes de rente ou de privilège. La Gauche ne peut être que du côté d'une société en mouvement.

La Gauche doit relever les nouveaux défis de l'égalité, tracer de nouvelles frontières de la démocratie.

Loin d'être un renoncement cette heure de vérité enfin venue doit être au contraire l'occasion d'un nouveau départ. C'est justement parce que nous aurons revendiqué cette réalité que nous retrouverons une claire capacité transformatrice.

Il n'est pas de mission plus urgente que celle qui consiste à redonner force à nos valeurs, à les régénérer en les confrontant aux enjeux d'aujourd'hui. Plus que jamais la Gauche doit incarner la double exigence d'égalité et de démocratie : cette idée que les hommes doivent garder collectivement la maîtrise de leur destin et consacrer ce pouvoir à réduire ce qui culturellement, économiquement et socialement les sépare et les oppose. L'idée socialiste n'a pas disparu avec le mur de Berlin ; elle n'a pas été emportée par la mondialisation ; nul ne l'a reniée au chant du coq. Le but n'a pas changé mais les moyens de l'atteindre se sont déplacés. Ne remplaçons pas le complexe de Tours par celui de Porto Alegre.

3. Choisissons le mouvement
contre le conservatisme,
l'innovation contre le conformisme

Nous considérons que le véritable débat de ce congrès n'est pas entre réformisme et radicalisme mais bien entre mouvement et conservatisme, entre innovation et conformisme.

Pour changer, se reconstruire, se rassembler, la Gauche doit innover : elle doit inventer de nouvelles formes de travail et d'organisation, jeter les bases d'un dialogue fécond avec le mouvement social, avoir le courage de se remettre en question.

Force est de constater qu'une telle exigence se heurte encore à de puissantes résistances : celle que suscitent la défense et la conservation des positions acquises ; la force des habitudes ; le confort des idées toute faites.

L'esprit de boutique s'est emparé des formations de l'ancienne Gauche plurielle tentées par le repli identitaire de préférence à un débat ouvert, plus déstabilisateur pour leurs dirigeants.

Prisonnier des enjeux de pouvoir liés au Congrès, le Parti socialiste donne le sentiment de renoncer à s'adresser à toute la Gauche pour ne chercher son salut qu'à l'intérieur de ses luttes de courant. Le complexe du " plus à Gauche, ou plus rénovateur que moi tu meurs " assèche la réflexion collective ; et alors que l'élaboration des contributions et des motions devraient être l'occasion d'un formidable travail de concertation et de maturation, les cercles de décision se resserrent toujours plus.

Comment dans ces conditions, répondre à la seule question qui vaille : conduire d'un même mouvement la rénovation de la Gauche, c'est-à-dire sa modernisation, avec la reconquête des classes populaires ? Renoncer au premier terme de l'équation, c'est penser que la Gauche pourrait retrouver la confiance des salariés en s'en tenant aux vieilles recettes. Ce serait oublier que le monde du travail a profondément changé. Renoncer au second terme, ce serait renvoyer à l'extrémisme ou à l'abstention les couches les plus souffrantes de la population.

Tel est le défi que nous avons à relever. Et c'est parce que nous voulons que ce congrès soit réussi que nous voulons avec cette contribution relancer le débat pour mieux y aider.

Pour notre part, nous voulons faire le choix de la responsabilité pour qu'une majorité cohérente émerge de notre congrès.

Nous voulons que ce choix soit donc celui du courage mais aussi du renouvellement et permette de bousculer les frilosités, de faire sauter les verrous et dynamiter les chapelles qui bloquent l'émergence d'une Gauche nouvelle.

 Sortons d'une conception hexagonale de la Gauche

    Le monde, de tous côtés, nous interpelle. Combattre, mieux qu'avec des mots, la faim, la guerre, l'oppression, passe par la réaffirmation de la force, de la sincérité, de l'allant de notre engagement européen.

    L'Europe est l'avenir de la Gauche
    Pourtant, une partie de celle-ci en doute, entretenant les craintes, multipliant les mises en garde. Dépassons ces inquiétudes, qui conduisent au renoncement pour relever directement le défi qui nous est lancé. L'Europe forme le seul levier pour maîtriser la mondialisation. Elle doit constituer une contre modèle suffisant pour mettre en place des régulations économiques et sociales efficaces entre nos différents Etats. Elle doit constituer aussi une puissance suffisamment forte disposant d'un poids politique et économique de nature à contribuer à la mise en œuvre d'un nouvel ordre mondial équitable et solidaire.

    L'Europe est un combat
    Certes, cette vision du rôle de l'Europe n'est pas partagée par tous. La mettre en œuvre nécessitera pour la Gauche un combat politique que nous préférons mener plutôt que de le laisser à d'autres ! L'Europe ne peut avancer qu'à la majorité.

    Cela suppose que l'Europe se donne des règles de fonctionnement démocratiques et transparentes. L'élargissement, qui constitue un aboutissement du projet européen fondé sur la recherche de la paix et du progrès et qui, à ce titre, doit être salué par les socialistes, doit nous inciter à un formidable effort de réorganisation institutionnelle. L'Europe ne peut avancer à 25 ou à 30 comme à 6 ou à 15, ce qui implique de peser plus que nous le faisons sur le processus de la Convention en proposant notamment le développement d'avant-garde ou de coopérations renforcées autour des enjeux fondateurs de l'Union. Cela passe aussi par la transparence des délibérations du Conseil en matière législative et l'extension de la co-décision ainsi que une clarification des compétences respectives de l'Union et des Etats membres. Enfin, les parlements nationaux devraient être consultés en amont comme en aval de chaque Conseil européen.

    Fonder la Gauche européenne
    Mener ce combat supposera également que la Gauche s'en donne les moyens, adapte ses méthodes de travail à la prise en compte de ce formidable enjeu : le PSE n'est aujourd'hui que le prolongement de la diplomatie des Etats. Son mode de fonctionnement ne permet pas de dépasser les approches nationales. C'est pourquoi nous lançons un appel à la convocation d'un congrès constituant de la Gauche européenne faisant émerger un véritable parti sur les décombres du PSE. De la même manière, nous suggérons que la Gauche européenne présente à la présidence de la Commission un candidat désigné au suffrage universel par tous les militants du Parti socialiste et sociaux-démocrates de l'Union, de même nous suggérons que les députés au Parlement européen soient désormais élus sur des listes européennes, dans le cadre d'une circonscription unique regroupant tous les pays de l'Union.

 Portons le projet d'une société d'intégration

    Nos concitoyens sont en manque de repères. La cohésion de la société et l'équilibre de la République en sont menacés. L'objectif que doit s'assigner la Gauche, c'est de faire en sorte que chaque individu, quel que soit son âge ou sa situation professionnelle, quel que soit son sexe, ses opinions, ses origines, puisse trouver sa place dans la société et s'y sentir totalement reconnu.

    Cela passe tout d'abord par un nouveau pacte social. Trop de nos concitoyens sont aujourd'hui laissés à l'écart de nos grandes institutions sociales : l'évolution des formes de travail conduit à exclure des mécanismes d'indemnisation et de protection sociale des franges entières de la population salariée. Le sentiment de précarité face notamment aux plans sociaux et aux licenciements mais aussi aux conséquences de la perte d'emploi est de plus en plus partagé dans l'ensemble des catégories populaires qui constituent la majorité de notre population. Mettons en place de nouvelles règles de protection sans lesquelles il est vain de réclamer à nos concitoyens un plus grand esprit de risque et d'initiative. Notre conviction est que c'est justement parce que de nouveaux dispositifs issus de la loi ou de la négociation auront créé de nouvelles sécurités que les initiatives individuelles pourront se libérer. La mobilité en France est bridée par des coûts et des risques qu'il faut s'efforcer de lever grâce à de nouvelles garanties organisées. La transférabilité des droits sociaux qui répond aux besoins de sécurité des salariés en situation précaire favorisera également la mobilité professionnelle. Garantissons la formation continue des salariés sous la forme d'un droit garanti collectivement à la formation tout au long de la vie qui sera aussi l'exemple de l'action publique qui favorise à la fois la liberté et l'égalité des salariés tout en confortant la compétence et l'efficacité dans l'entreprise.

    Cela passe ensuite par la réhabilitation de règles collectives. Lorsque celles-ci disparaissent, ce sont les plus faibles qui sont menacés. Et il ne peut y avoir d'intégration sans adhésion. La Gauche doit d'abord s'identifier, non pas à la défense de telle ou telle catégorie sociale mais à la recherche de l'intérêt général.

    Réaffirmer l'autorité de l'Etat n'est pas incompatible bien au contraire, avec un renforcement de l'autonomie et de la responsabilité du citoyen. C'est au contraire une invitation à délimiter de manière plus nette ce qui relève de la loi de ce qui dépend de la libre initiative des partenaires sociaux, des collectivités locales et du mouvement associatif. C'est aussi une invitation à renforcer la transparence des processus de décision et la représentativité de ceux qui les prennent. C'est justement parce que les règles collectives auront été adoptées de manière plus claire, plus indiscutable qu'elles pourront être appliquées avec plus de fermeté.. Cette conception doit nous conduire également à nous réapproprier la problématique des droits et des devoirs qui doivent être indissolublement liés et qui doivent s'appliquer à tous les niveaux de la société y compris dans la sphère économique et dans la vie politique. La lutte contre la corruption et les discriminations constitue la condition d'une confiance retrouvée des citoyens dans la République. De même, celle-ci doit pouvoir exiger du citoyen qu'il se soumette à des devoirs qui passent par exemple par le paiement de l'impôt ou par la création d'un service civil, écologique ou humanitaire, sur le plan national ou européen.

    Cette restauration des règles collectives suppose également de redonner confiance dans les institutions. Disons-le clairement, l'égalité républicaine est de plus en plus un égalitarisme formel qui profite d'abord aux catégories sociales déjà intégrées. A l'école, dans l'accès au logement ou à l'emploi, la ségrégation sociale et les discriminations sont vécues douloureusement par ceux qui en sont victimes. Beaucoup se sentent condamnés par un " système " qui ne semble leur offrir aucune perspective. C'est pourquoi il nous faut développer beaucoup plus fortement encore des mécanismes de discriminations positives pour les personnes comme pour les territoires. Pourquoi ne pas amplifier, par exemple, l'expérience d'ouverture de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris à des jeunes venus de ZEP ? La République n'est jamais forte quand elle intègre ; elle est toujours faible quand elle se replie sur des principes qu'elle n'arrive plus à mettre en œuvre.

 Changeons notre conception de la République

    En matière institutionnelle, comment ne pas voir que la Gauche est sans cesse au milieu du gué ? Attachée au Parlement, elle s'est ralliée à la Vème République, au point de garantir la primauté du Président jusque dans l'ordre des élections. Prise de remords, une partie d'entre elle cherche désormais son salut à l'extrême opposé, en voulant supprimer, contre toute évidence démocratique, l'élection du chef de l'Etat au suffrage universel direct. Pourquoi ne pas être tout simplement conséquents avec nous-mêmes et faire le choix d'une République moderne en rééquilibrant nos institutions ?
    Rééquilibrons nos institutions d'abord au profit des citoyens :
    • Des citoyens mieux représentés au pouvoir :

         Par une parité accomplie dans les exécutifs locaux et dans les intercommunalités, une limitation du cumul des mandats et des fonctions, une citoyenneté élargie par le vote des étrangers aux élections locales.

         Par une Assemblée nationale plus représentative avec 100 députés élus à la proportionnelle, et plus efficace avec des pouvoirs renforcés tant au plan de l'activité législative (maîtrise de l'ordre du jour et initiative des lois notamment) que du contrôle de l'activité gouvernementale (commissions d'enquêtes, suivi de l'exécution des lois, etc. …)

         Par la suppression du Sénat et la création d'une nouvelle " Chambre des Territoires ", élu à la proportionnelle sur une base régionale, émanant des conseils régionaux et départementaux, des communautés de communes et d'agglomération, mais aussi des Pays et des Conseils économiques et sociaux régionaux.

        Cette " Chambre des Territoires " représenterait des territoires remodelés à terme autour d'intercommunalités, intégrant de nouvelles compétences, et élues au suffrage universel direct, d'une cinquantaine de Conseils départementaux exerçant les compétences des conseils généraux actuels et d'une quinzaine de grandes régions dimensionnées à l'échelle européenne.

      Le raccourcissement des distances et le progrès des techniques de communication depuis vingt ans amènent en effet à redessiner la carte politico administrative française qui date, pour les communes de la Révolution française, pour les départements du XIXème siècle et pour les régions du milieu du siècle dernier.

    • Des citoyens mieux protégés du pouvoir par une justice indépendante et responsable avec l'accomplissement des réformes du Conseil Supérieur de la Magistrature et du parquet (engagées par le gouvernement Jospin) et un Conseil Constitutionnel rénové, dans sa composition comme dans sa procédure, juge aussi de l'exception d'inconstitutionnalité.

    • Des citoyens mieux écoutés par les pouvoirs avec des mandats de 5 ans pour tous les élus et un référendum " désacralisé " à l'initiative du Premier ministre, mais aussi populaire pour faire respirer la démocratie.

    Rééquilibrons nos institutions en faveur du Parlement.
      Parce que nous voulons une démocratie vivante, ne pourrait-on pas envisager de transférer certaines prérogatives du président de la République au profit d'un Premier ministre désigné par l'Assemblée nationale pour la durée de la législature sur un contrat de gouvernement ? Parce que nous voulons un vrai contrôle de l'action du gouvernement, chaque ministre pourrait être responsable devant l'Assemblée nationale. Le président de la République serait rendu à son rôle d'arbitre pour résoudre les crises majeures à travers le droit de dissolution.

      Les institutions que se donne un pays ne sont jamais rien d'autre que l'inscription dans le temps de son projet de société.. Bien davantage que la simple organisation des pouvoirs publics, elles sont la forme visible d'une idée. C'est pourquoi, avant d'être un problème juridique aux mains de spécialistes, la réforme institutionnelle doit rester une question politique à la charge des citoyens.

 Changeons notre manière de gouverner

    Il est frappant de constater combien les socialistes privilégiaient jusqu'à aujourd'hui le débat sur le contenu plutôt que sur les conditions de la réforme. La méthode est pourtant la condition du succès.

    L'adoption par la Gauche d'une culture de gouvernement constitue l'un des grands acquis de notre expérience du pouvoir. Nous ne devons pas y renoncer. Mais nous devons la faire évoluer et changer notre manière de gouverner. Celle-ci reste encore trop influencée et par la haute fonction publique et par l'idée que le changement passe exclusivement par l'intervention de l'Etat et de la loi. Cette conception est trop étroite. Elle procède du haut vers le bas et à pour effet de donner rapidement aux citoyens la conviction que le gouvernement s'éloigne de ses attentes, nourrissant à chaque fois le sentiment d'une trahison des élites. Pour surmonter cette contradiction, nous devons porter une conception novatrice de l'action gouvernementale qui cherche en permanence à associer le citoyen à l'effort de réforme :

       Faisons vivre la démocratie sociale, en faisant des organisations syndicales et professionnelles de véritables partenaires, respectées dans un champ de compétence élargi que justifieraient une réforme en profondeur des règles de représentativité et le recours systématique à l'accord majoritaire.

       Réveillons le Parlement, en lui donnant de véritables moyens de contrôle et d'évaluation de l'application de la loi comme de l'utilisation de l'argent public ;

       Réformons l'Etat non pour répondre à des critères technocratiques mais au contraire pour rendre le service public plus proche du citoyen, plus transparent et surtout responsable, en substituant à la notion de règles à appliquer celle d'objectifs à atteindre.

       Dopons le PS, non pas en lui demandant de jouer le rôle de porte-parole du gouvernement mais de celui de ses électeurs, pour maintenir au pouvoir le dialogue amorcé dans l'opposition.

4. Changeons
le visage de la Gauche
et celui du PS

Pour porter ce projet, la Gauche doit retrouver son unité et le Parti socialiste se réinventer.

 N'hésitons pas à bousculer la Gauche pour réussir son unité

    La Gauche doit sortir des frontières de ses partis traditionnels, surmonter ses clivages pour répondre à la demande d'unité exprimée massivement par ses électeurs. Il serait paradoxal de faire référence sans cesse à l'opinion de Gauche et d'ignorer ses attentes. L'objectif à terme d'un grand parti pluraliste de la Gauche ne pourra être atteint que par étape. Aux socialistes de porter ce message, en prenant partout l'initiative de l'échange, de la confrontation, du débat entre toutes les composantes de la Gauche, à travers par exemple, des forums départementaux. Imaginons dans la perspective de la présidentielle, l'organisation d'une véritable primaire ouverte à tous ses adhérents et tous ses sympathisants ? Soyons exigeants avec nos partenaires, sans concession sur le devoir de responsabilité, attentifs au risque de division qui les ont conduits à ne pas assumer leur part de bilan, offensifs sur le renouvellement de nos idées.

 Inventons le Parti socialiste du 21ème siècle

    Sortons des schémas d'Epinay qui ne sont plus adaptés aux exigences du moment et assumons une triple ambition.

    • Retrouvons le goût du débat

      N'acceptons plus que le débat soit plus vivant hors du parti que dans ses instances.

         Donnons aux militants de nouveaux moyens d'intervention. Récusons les écuries et les chapelles qui figent le débat pour partir au contraire de la préoccupation exprimée par nos militants et nos sympathisants dans la préparation de nos congrès. Cessons de nous appuyer sur les procédures mises en place à Epinay. Que la consultation des militants lancée après notre échec du 21 avril devienne notre mode normal de délibération. Que chaque congrès débute par une consultation débouchant sur un document de synthèse mis en discussion et ouvert aux amendements. Que dans l'intervalle des congrès, une conférence nationale annuelle permette d'évaluer et de confirmer les orientations choisies en associant l'ensemble des parlementaires mais aussi les représentants des sections sur la base du mandat donné par les militants.

         Libérons la parole militante. Créons un secrétariat national à la parole militante chargé de recueillir les préoccupations qui lui sont adressées par les militants et d'en rendre compte aux instances du parti. Enfin un forum sur internet devrait être en permanence mis en place pour favoriser l'échange sur le fond comme sur le fonctionnement de notre parti.

         Simplifions les démarches d'adhésion. L'adhésion représente le premier acte militant. A ce titre, elle constitue un acte important pour les nouveaux adhérents. Dans un contexte où l'engagement collectif politique est un pas de plus en plus difficile à franchir pour les citoyens, notre parti doit prendre toute la dimension de cette démarche. Toute personne souhaitant adhérer doit pouvoir le faire rapidement, notamment par le biais d'internet. Ainsi, l'adhésion directe doit être privilégiée. De même, la matérialisation de l'adhésion par la remise de la carte d'adhérent doit se faire dans de brefs délais.

         La règle " un homme, une voix " doit être généralisée par l'abandon du système des mandats, seule garantie d'une représentation juste et démocratique de chaque adhérent.

    • Préférons l'intelligence à l'allégeance

      Ne laissons plus s'installer un écart entre les règles et les pratiques. Revalorisons la délibération politique.

         Cassons le système généralisé de cooptation qui bloque tout renouvellement réel des instances aussi bien social que générationnel. Faisons élire tous les membres des commissions administratives, des conseils fédéraux et du conseil national directement par les adhérents afin de mettre fin au système opaque de désignation qui prévaut actuellement. Le problème de fond n'est pas celui de la rotation, qui existe déjà, mais celui de la cooptation.

         Changeons nos modes d'organisation en revitalisant les instances délibératives par rapport au secrétariat national. Substituons au " gouvernement des petits déjeuners " qui réserve les décisions à une petite minorité de dirigeants une revalorisation du rôle du conseil national comme de celui du bureau national. Faisons fonctionner le conseil national comme un véritable parlement du parti consulté sur des orientations présentées auparavant à l'ensemble de ses membres et travaillant sous la forme de commission. Mettons fin à la gestion à mi-temps du parti en réorganisant le secrétariat national autour de tâches essentiellement exécutives. Donnons à l'ensemble des secrétaires appelés à exercer ces responsabilités (fédérations, organisations, trésorerie etc.) un caractère permanent, sans cumul avec une autre fonction. En revanche, confions les fonctions thématiques (emploi, études, etc.) à des responsables et des présidents de commission élus par le Conseil national.

    • Retrouvons le chemin des idées

      N'acceptons plus que notre parti subisse le mouvement, le changement des idées, alors qu'il devrait en être à la pointe.

         Renforçons la représentativité de nos dirigeants en appliquant de manière beaucoup plus nette et beaucoup plus forte, notamment autour des instances du parti, les règles de parité et en garantissant une représentation systématique à tous les niveaux du MJS et encourageons, de la même manière, l'accès aux responsabilités politiques de toutes les catégories sociales en favorisant notamment l'effort de formation..

         Tansformons notre logiciel en y intégrant pour de bon les préoccupations d'un monde qui change, en organisant une veille idéologique à travers une vraie direction des études ; convoquons une convention sur l'écologie et le développement durable pour clarifier nos positions sur ces sujets..

         Modifions en profondeur nos relations avec le mouvement syndical, intellectuel, associatif : le parti s'est peu à peu privé de tout dialogue concret, réel, approfondi avec ces différentes organisations. Il en est réduit dans les périodes de difficultés à une sorte de suivisme qui n'est absolument pas satisfaisant. Posons comme règle d'établir avec nos partenaires des relations régulières, formelles, à travers une commission nationale aux relations extérieures rendant compte régulièrement à nos instances.

         Encourageons l'ouverture sur le monde et sur l'Europe par la mise en place d'un jumelage systématique de nos sections avec des sections d'autres grands partis socialistes européens.

Toutes ces propositions devraient faire l'objet d'une Charte de la rénovation soumise par référendum à l'approbation des adhérents dans le cadre de ce congrès.

Aujourd'hui sur la défensive, la Gauche nourrit une vision négative, craintive de la société comme de la mondialisation et ne peut par conséquent ni convaincre, ni rassembler. Nous invitons toutes celles et tous ceux que leur histoire, leurs valeurs, leurs convictions rattachent à la Gauche, à refuser une Gauche frileuse, rétive, tournée vers le passé, pour travailler à une Gauche plus forte, plus sûre d'elle-même, qui parle du monde et au monde, à partir de ses valeurs porteuses d'universalisme et d'avenir.

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