Mariage gay, oui mais encore



Point de vue signé par Patrick Bloche, député de Paris, coauteur et rapporteur du Pacs, paru dans le quotidien Libération daté du 5 mai 2004


 
Disons-le d'emblée : oui au changement de la loi permettant le mariage de deux femmes ou de deux hommes. Comment, cinq ans après l'adoption du Pacs, refuser aux gays et aux lesbiennes qui le souhaitent de recourir à un officier d'état civil pour se promettre fidélité et à un juge pour se séparer ? Pour une plus grande égalité des droits, il ne saurait y avoir de querelle des anciens et des modernes. Aux premiers, l'ouverture d'une institution matrimoniale séculaire pour les couples de même sexe. Aux seconds, l'objectif d'aligner progressivement les droits des couples pacsés sur ceux des couples mariés. Les deux démarches sont non seulement compatibles, elles sont aussi complémentaires : à chacun(e) d'organiser sa vie commune comme il (elle) l'entend.

De fait, au-delà de tensions aussi artificiellement créées, le débat sur le mariage gay et lesbien apparaît à nos concitoyens pour ce qu'il est : dépassionné. La création à la fois subversive et intégratrice du Pacs en 1999, en consacrant le couple homosexuel dans le code civil, est passée par là. Rappelons que la France a alors été à l'avant-garde de l'Union européenne. La position que viennent d'exprimer les plus hautes autorités de l'Etat sur cette question est sans surprise : Françaises et Français, attendez la prochaine alternance, que nous ayons perdu les élections pour que la loi soit modifiée ! La droite a soudainement les yeux doux de Chimène pour ce Pacs qu'elle a tant honni et combattu. Son succès (plus de 200 000 pacsés) n'est sans doute pas pour rien dans ce virage opportuniste. La vigilance s'impose face à cette prise du Pacs en otage, le terme « amélioration » étant toujours ambigu pour les conservateurs.

Hasard du calendrier parlementaire aidant, la première mise à l'épreuve du gouvernement sur son nouvel état d'esprit déclaré a été révélatrice de la distance qui existe entre ses paroles et ses actes : quelques heures après la conférence de presse du président de la République, le garde des Sceaux refusait à l'Assemblée nationale l'inscription de l'existence (ou de la fin) d'un Pacs en marge de l'état civil avec l'explication aberrante donnée à Christophe Caresche que le Pacs ne concernait pas les personnes !

Signalons surtout que l'évaluation du Pacs a été faite dès la fin 2001 dans un rapport parlementaire que Jean-Pierre Michel et moi-même avons rédigé et qui comprenait nombre de propositions. Parallèlement, l'Inter LGBT, son porte-parole, Alain Piriou, vient de le rappeler, milite pour un ensemble cohérent de modifications visant à rendre le Pacs plus égalitaire et solidaire.

Sur toutes ces questions, malgré tous mes efforts, je n'arrive pas à voir en quoi les socialistes seraient divisés ou encore embarrassés. Certes, ils n'étaient pas parmi les premiers signataires du manifeste rendu public, il y a quelques semaines, par le Collectif pour l'égalité des droits. Et pour cause ! Les initiateurs de ce texte se sont bien gardés de les solliciter... D'ores et déjà, des engagements d'élus ou de responsables socialistes en faveur du mariage gay et lesbien se sont exprimés et Adeline Hazan, avec François Vauglin, prépare la position du PS qui, de par notre culture démocratique, se doit d'être prise collectivement.

Surtout, il faut souligner que les socialistes se sont prioritairement mobilisés sur les questions qui font l'objet des interpellations les plus régulières des gays et des lesbiennes : l'évolution du Pacs déjà évoquée, l'homoparentalité, le transsexualisme et bien sûr la lutte contre l'homophobie.

Dans ce dernier domaine où l'urgence s'impose, à l'initiative de Jean-Marc Ayrault, le groupe socialiste à l'Assemblée nationale avait fait le choix d'inscrire dans une des rares niches parlementaires qui lui sont dévolues une proposition de loi visant à ce que les propos ou écrits sexistes, homophobes, handiphobes ou discriminatoires en fonction de l'état de santé, soient sanctionnés de la même façon que les propos ou écrits racistes, antisémites et xénophobes. La discussion a eu lieu au Palais-Bourbon le 27 novembre dernier. Les députés UMP comme UDF ont montré dans leur expression qu'ils n'avaient guère changé depuis l'adoption du Pacs. Et le texte fut rejeté.

Sur l'homoparentalité, le débat est ouvert au sein du Parti socialiste. Des dirigeants nationaux, comme Bertrand Delanoë et Laurent Fabius, ont déjà pris position publiquement. L'homoparentalité, c'est le droit à l'adoption ou l'accès à la procréation médicalement assistée ouverts aux couples gays et lesbiens. C'est peut-être encore plus, au sein des familles recomposées dont les parents sont de même sexe, une responsabilité et une autorité parentales partagées, dans l'intérêt même des dizaines de milliers d'enfants aujourd'hui concernés.

Alors que près de 50 % des enfants naissent actuellement hors mariage, je suis d'ailleurs stupéfait que le mariage des homosexuel(le)s soit aujourd'hui la (si petite) porte d'entrée ouverte par certains sur l'homoparentalité, en négation de l'évolution constante, ces dernières années, du code civil qui a conduit fort opportunément à autonomiser le statut des enfants de celui de leurs parents !

Remettons donc à plat notre droit sur l'adoption, aujourd'hui incohérent, en préservant la possibilité pour une personne seule de plus de 28 ans d'accueillir un enfant et en n'oubliant pas de faire tomber les discriminations dont sont aussi victimes, ne les oublions pas, les couples hétérosexuels pacsés ou concubins.

Comme on le voit, le mariage gay et lesbien ne saurait être le sujet unique de mobilisation de toutes celles et de tous ceux qui, relayant les demandes de la société, veulent aller plus loin sur le long chemin de l'égalité des droits.
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