Vive la synthèse, la vraie,
la synthèse de l'audace
Congrès du Mans - 19 novembre 2005

Discours de Patrick Bloche, député de Paris
Tribune du Congrès du Mans


 
Chers camarades, un congrès utile aux Français, tel est l'appel que Bertrand Delanoë nous avait lancé avant l'été. Pour que le congrès du Mans soit réellement utile aux socialistes, à la gauche et aux Français, il faut naturellement que nous puissions nous rassembler. C'est aujourd'hui, compte tenu de l'image que nous donnons de nous depuis de trop longs mois, une impérieuse et urgente nécessité. Que dis-je, un devoir.

Eh oui, chers camarades, sachons aussi nous créer des devoirs. Un devoir que légitimement nous imposent nos militants comme nos électeurs. Un devoir au regard de notre histoire, en cette année, où nous commérons un autre congrès, celui qui en 1905, à la salle du Globe, avait su justement réaliser l'unité des socialistes, un devoir, si nous voulons tous simplement mais sincèrement que le prochain président de la République soit à nouveau un socialiste.

Le rassemblement exige de fait que nous nous retrouvions sur notre démocratie interne et sur nos règles de vie communes. J'en vois deux aussi essentielles l'une que l'autre car l'une ne va pas sans l'autre. C'est d'abord le respect du principe majoritaire qui, au Parti socialiste, n'a qu'un seul fondement : le vote des militants. Et celui du 9 novembre a donné clairement une majorité à notre parti.

C'est ensuite, et cela va avec, le rôle et la représentation des courants minoritaires qui est au cœur de l'histoire et de la culture politique des socialistes. Chers camarades, nous savons tous ici que si une volonté forte est partagée, chasse les arrière-pensées, et les positionnements tactiques, nous trouverons assez spontanément la voie du rassemblement. J'ai pu à nouveau le vérifier dimanche dernier, lorsque le congrès de la fédération de Paris, prenant en compte la crise sociale, morale et démocratique d'une extrême gravité que traverse actuellement notre pays, a unanimement adopté une motion qui avant même le vote de nos parlementaires, dénonçait avec force le recours à cette loi d'une autre époque, qui est celle sur l'état d'urgence.

Notre rassemblement, chers camarades, doit évidemment se faire sur nos idées, sur notre projet. Le congrès du Mans doit être celui d'un parti en mouvement qui s'oppose, mais qui aussi propose.

Aussi, sachons investir tous les champs d'action qui sont au cœur des préoccupations de nos concitoyens. Le champ économique et social, bien sûr, mais aussi tous les autres, pour faire entendre une nouvelle voix.

Sachons vaincre nos craintes, pour beaucoup infondées. Ne soyons pas frileux, ne reléguons pas au sein même de notre parti l'image fausse de notre pays que projettent complaisamment nombre de médias, celle d'une France conservatrice. Sachons poser ensemble les bases d'un socialisme urbain, à l'heure même où l'actualité nous rappelle brutalement que le besoin de sûreté de nos concitoyens dans tous les domaines impose aux socialistes une réponse forte, qui passe plus que jamais par la lutte contre les discriminations, toutes les discriminations, et par la promotion de l'égalité des chances et des droits. Sachons aussi avoir une parole forte et encore mieux, entendue, sur de vrais sujets. Par exemple, dès vendredi prochain, à l'occasion de la journée de mobilisation contre les violences faites aux femmes, en exprimant la volonté des socialistes de lutter contre les mariages forcés, qui, dans notre République, font peser sur nombre de jeunes femmes une contrainte intolérable.

A cet égard, chers camarades, de cette tribune, car on se parle sincèrement, il est insupportable de se faire traiter de bobocrates dès qu'on aborde des problématiques urbaines. Cessons les anathèmes et les invectives, dans toutes les agglomérations et pas seulement qu'à Paris, nous avons vocation à représenter tout autant les exclus que les couches populaires et les classes moyennes. C'est même la condition pour devenir et rester majoritaire.

Lorsque, à Paris, avec Bertrand Delanoë, nous assurons 50% des capacités d'hébergement d'urgence de toute l'Ile-de-France, nous serions des bobocrates ? Lorsque nous explosons nos dépenses sociales pour faire face à la pauvreté et à l'exclusion, nous serions des bobocrates ? Alors arrêtons, chers camarades, ces procès d'intention entre nous.

En fait, chers camarades, les vrais dangers qui guettent le Parti socialiste, ce n'est pas le risque d'une dérive libérale, ou d'un européisme béat, ce n'est heureusement pas le risque de faire de José Bové notre référence idéologique, les vrais dangers, c'est notre immobilisme et notre frilosité. Regardons pourtant autour de nous, chers camarades, sortons de notre nombrilisme hexagonal. Et en restant simplement dans le cadre européen, constatons ensemble combien nos partis frères socialistes et socio-démocrates, eux, bougent et se mettent en mouvement.

Et puisqu'au sein de notre parti, la référence, et je la partage, est plus Zapatero que Blair, désolé, cher Jean-Marie Bockel, ne faisons pas semblant d'ignorer que la première mesure, j'entendais bien, cher camarade, la première mesure que nos camarades espagnols revenus aux responsabilités ont prises dans un pays censé être moins laïc que le nôtre, a été l'ouverture du mariage, mais aussi de l'adoption et de la filiation, aux couples de même sexe.

Alors, à l'heure de l'émergence d'une citoyenneté européenne que nous appelons tous de nos vœux, il y aurait une vérité au-delà des Pyrénées, et pas en deçà ? Qui peut honnêtement le croire un seul instant, ici ?

Alors, oui, chers camarades, la vraie synthèse, c'est celle qui se fera d'abord sur le renouvellement de nos idées, ayons collectivement la force et la volonté d'évacuer au Mans nos querelles d'arrière-garde que nous entretenons soigneusement depuis 20 ou 30 ans, vive la synthèse, la vraie, la synthèse de l'audace.


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