Pourquoi une motion pour
un socialisme libéral ?

Jean-Marie Bockel
Intervention de Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse, sénateur du Haut-Rhin, lors du Conseil national du Parti socialiste du 17 septembre 2005.


 
Mes chers camarades, pourquoi une motion pour un socialisme libéral ?

Notre motion articule une ambition de rénovation en profondeur de notre pensée politique et un certain nombre de propositions concrètes qui pourront utilement contribuer au projet socialiste dans la perspective de 2007.

Pourquoi le socialisme libéral ? Parce que le rejet du traité constitutionnel s’est ajouté à la crise que traverse notre pays, économique, sociale, politique, pour témoigner de l’insatisfaction grandissante, voire la colère, c’est vrai, du peuple, parce que nous avons désormais, mes chers camarades, une obligation de résultat.

Sans que nous devions ici confondre les symptômes et les remèdes, rien ne fonde les appels à une politique anticapitaliste et antilibérale. Rien ne justifie la nécessité d’un prétendu coup de barre à gauche. Où va-t-on, au-delà de nos frontières que le choix d’un Etat centralisateur, dirigiste et égalitaire garantisse le succès économique, le renouveau du modèle social et la vitalité démocratique ?

Social-libéral parce que ni le socialisme de gestion, souvent honteux et inabouti, ni le socialisme de contestation, toujours vigoureux, mais vide d’action, n’ont pu suffisamment incarner nos ambitions de progrès social et d’émancipation partagés ; parce que seul un discours de vérité est aujourd’hui à la mesure des enjeux, parce que seul, il nous donne les leviers pour agir concrètement, parce que dire ce que l’on va faire et faire vraiment ce que l’on dit suffirait presque à la rénovation du socialisme français ; parce que nous devons partir de la pratique et non de la théorie, et qu’en Europe, la social-démocratie nous montre ici et là, et pas simplement dans tel ou tel pays, que la croissance fondée sur l’innovation, le plein-emploi, la hausse de pouvoir d’achat, la lutte contre la pauvreté, l’éducation, la vitalité de services publics rénovés et la santé du pacte social constituent de plus en plus des réalités ; parce que tous ces pays proposent des compromis, d’ailleurs divers, entre liberté et solidarité, dynamiques individuelles et régulations collectives, initiative de la société civile et volontarisme d’Etat ; parce que, à force de confondre libéralisme et ultra-libéralisme, nous devenons aveugles au monde et incapables d’agir sur lui. Nous nous résignons à un Etatisme convenu, nous oublions les possibilités d’un État-Providence rénové.

Les outils d’une politique progressiste doivent changer parce qu’il nous faut un socialisme transformateur, un socialisme des libertés, réconciliant l’idéalisme et le pragmatisme en prise aussi sur le monde d’aujourd’hui. Alors, socialiste libéral, socialiste, parce que nous devons opposer au rapport de force et à l’injustice la nécessité d’une émancipation partagée avec pour fins la justice, la protection sociale, la réduction des inégalités et la promotion des solidarités grâce à une action collective et volontariste.

Libéraux : nous défendons la liberté, la responsabilité individuelle, l’autonomie de la société civile. Oui, le socialisme et le libéralisme peuvent se fondre pour mieux s’accomplir. C’est ce que disaient d’ailleurs les premiers penseurs socialistes, il y a cent ans déjà, bien avant que le beau mot de libéralisme ne soit accaparé et dévoyé par les ultra-libéraux, et au passage diabolisé par les néo-marxistes. Je pourrais citer le réformisme de Jaurès, le social-libéralisme de Rossetti. Je développe cette dimension historique dans notre motion.

Etre socialiste libéral, c’est partir du monde tel qu’il est pour le rendre meilleur. Ce n’est pas dire qu’un autre monde est possible, c’est faire jouer les possibles de notre monde, ici et maintenant.

Voilà qui demande d’abord de regarder le monde en face, la vérité est la condition de l’action véritable parce que nous ne sommes ni ultra-libéraux, ni communistes, nous devons reconnaître et assumer l’ambivalence du capitalisme et de l’économie de marché, ils sont à la fois le meilleur et le pire.

Comme socialistes libéraux, nous reconnaissons le rôle du marché, lieu de production des richesses à partager. Nous assumons la concurrence, source d’innovation et de mobilité sociale. Nous encourageons l’autonomie, source d’épanouissement et de responsabilité, l’esprit d’initiative et d’entreprise, source de créativité.

Mais pour autant, nous croyons à l’importance des régulations, et nous ne nous satisfaisons pas d’un socialisme d’accompagnement. Non. Nous refusons une société de marché car nous avons le projet d’une société solidaire où le non-marchand a toute sa place.

Notre motion propose en conséquence, comme fondement du réformisme de gauche, un nouveau pacte social et une démocratie rénovée.

Des convergences existent, mes chers camarades, avec la motion présentée par François Hollande tout à l’heure, mais aussi en particulier sur le nécessaire renouveau de nos institutions avec les autres textes.

Mais c’est sur les questions économiques et sociales que l’originalité de notre projet nous distingue à ce point du discours de nos camarades, y compris de la majorité du Parti, que nous avons été incités à déposer aujourd’hui clairement une motion soumise au débat et au vote des militants.

Ainsi, sur l’emploi, ce seul exemple, nous proposons un certain nombre de pistes détaillées et concrètes, et l’esquisse, non pas de la copie d’un modèle qui, dans tel ou tel autre pays, fonctionnerait, non. On sait bien que les modèles ne sont pas transposables tels que, il n’est pas pour autant interdit de regarder ce qui marche. C’est pourquoi nous proposons l’esquisse d’une flexi-sécurité à la française dans l’idée, pour aller vers le plein-emploi, de mettre en place un certain nombre de pistes très concrètes comme le contrat de travail unique à durée indéterminée, dans lequel les droits relatifs à la protection de l’emploi et à l’indemnisation se renforceraient progressivement, un contrat dont l’unicité serait principe d’égalité sociale.

Nous développons également l’idée d’un compte mobilité pour chaque Français. Nous parlons, évidemment, de la réorganisation du service public de l’emploi avec les partenaires locaux. Nous proposons de moduler* le coût de l’assurance chômage de façon à faire payer le prix de leur pratique sociale à ceux qui abusent de la précarité, pour ne citer que quelques exemples. Nous développons longuement, comme d’autres motions, tout ce qui nous permet concrètement, nous ne l’avons pas fait, pas suffisamment, même lorsque nous étions aux responsabilités, malgré les bonnes mesures que nous ayons prises pour aller davantage vers l’économie réelle, la primauté à l’éducation, la lutte contre toutes les discriminations.

Je conclus, mes chers camarades, ni marginal ni droitier notre texte. Droitier par rapport à quoi ? Et à qui ? C’est quoi le maître étalon de la vraie gauche ? Qui déplace le curseur ? Qui a construit le logiciel ? Cela m’amuse évidemment, cette caricature, mais le jeu est pervers car on aura toujours quelqu’un plus à gauche que soi. Et si le critère à définir permettant de nous positionner prenait aussi en compte les effets durables sur la vraie vie des résultats de l’action menée, lorsque nous sommes en responsabilité et que nous nous préparons à y être ? Ni droitiers ni marginaux car, mes chers camarades, nos idées progressent dans le Parti, lentement mais sûrement, mais aussi dans l’électorat de gauche, ou potentiellement de gauche, ni séduit par l’UMP, ni même par l’UDF de Bayrou.

Là, je pense que, y compris dans les perspectives que j’évoquais tout à l’heure, notre réflexion, c’est aussi notre part de vérité au projet collectif, et vous l’avez compris, on entend se donner les outils.

Merci de m’avoir vraiment écouté.

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