Pour un socialisme moderne

Jean-Marie Bockel

 Contribution générale au congrès national de Dijon présentée par Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse.
18 janvier 2003

 
Le débat qui s’ouvre au sein de notre parti, doit nous permettre d’élaborer un « projet de société pour la gauche à l’heure de la mondialisation », de nous engager sur une ligne claire, rompant avec l’unanimisme quelque peu confus qui a été le notre au cours des dernières années, de bâtir un parti socialiste ouvert, force d’alternative et de propositions.
Nous devons partir d’une analyse sans complaisance des causes de notre défaite, mais aussi d’un examen des projets et des politiques des sociaux démocrates européens, tant il est vrai que la rénovation de notre parti ne se traduira efficacement dans l’action que si elle s’inscrit dans une démarche cohérente avec celle des autres partis socialistes d’Europe.

Alors que les évolutions technologiques, économiques et sociales métamorphosent le monde, ce n’est pas la conservation de nos idées anciennes mais bien leur rénovation qui nous permettra de rester fidèles à nos valeurs de justice sociale, de réduction des inégalités, de solidarité, d’internationalisme. Il ne s’agit pas de bouger plus ou moins les curseurs sociaux de nos programmes mais d’en adapter les principes mêmes à l’évolution de nos sociétés et de transformer notre façon d’envisager et d’exercer les responsabilités. Il ne s’agit pas de faire plus ou moins social ou plus ou moins réaliste sur le plan économique, il s’agit de faire autrement : redonner confiance et espoir aux français, leur montrer qu’ils peuvent agir sur leur destin et leur en donner les moyens concrets.

Notre pays, a besoin d’une société ouverte et solidaire, une société qui, au delà des mesures d’assistance, fonde son dynamisme et sa transformation sur l’initiative et la responsabilité de chacun ; qui s’appuie sur l’égalité des chances et l’équité plutôt que sur un égalitarisme abstrait, qui attende davantage de la concurrence, de la participation démocratique et de la négociation sociale que de réglementations centralisées. Une société qui redonne vie à l’ ambition européenne et dans laquelle des services publics profondément rénovés et un État réformé soutiennent et régulent une économie de croissance et d’ emploi.

C’est sur ces principes que nous voulons, en renouvelant les solutions de la social-démocratie traditionnelle, proposer aux Français une autre politique, humaniste, ambitieuse et moderne, proche de celle menée par les forces de gauche qui, en Europe, ont gagné.



1 Né en 1900, à Florence, Professeur d’économie, adversaire du fascisme, il fut exilé à Lipari où il écrivit « le socialisme libéral » en 1928. Créa à Paris le groupe « justice et liberté », se battit en Espagne. Il fut assassiné sur les ordres de Mussolini en 1937.

« Je veux seulement ramener le mouvement socialiste à ses premiers principes….et démontrer que le socialisme, en dernière analyse, est une philosophie de la liberté. »
Carlo Rosselli1



La défaite sera salutaire si elle nous conduit à nous remettre en cause et à nous engager sur la voie du renouvellement. La rénovation que nous voulons ne sera réellement accomplie qu’après un débat en profondeur, dépassant les clivages convenus, les idées reçues, les ostracismes idéologiques.
A l’heure où la gauche semble vivre la fin d’un cycle majeur de son histoire, où un certain nombre de modèles politiques sont épuisés comme le communisme, ou rencontrent leurs propres limites comme la social démocratie ; à l’heure où le Parti socialiste s’interroge sur son identité et sa légitimité face à l’apparente victoire à l’échelle mondiale, des idées capitalistes et libérales, il est urgent de redessiner une voie possible pour nos valeurs, nos projets, nos actions tout en tirant les leçons de l’histoire ancienne et récente.

La liberté, fondement du socialisme

2 Jean Jaurès
Socialisme et liberté
Revue de Paris
1er décembre 1898.
Les valeurs du combat socialiste, c’est d’abord la lutte historique contre les injustices sociales, sans cesse renouvelées, mais c’est plus que cela. Le socialisme poursuit un objectif prioritaire de transformation de la société en vue du respect d’un ensemble de droits et libertés fondamentales toujours plus grand. Le but final de cette lutte est l’épanouissement de l’individu. « ...pour qu’un individu ne soit à la merci d’une force extérieure, pour que chaque homme soit autonome pleinement, il faut assurer à tous les moyens de liberté et d’action... afin que dans la Cité aucun homme ne soit à l’ombre d’un autre homme, afin que la volonté de chacun concoure à la direction de l’ensemble et que, dans les mouvements les plus vastes des sociétés, l’individu humain retrouve sa liberté »2.
3 Pierre Rosanvallon :
« Le projet social-démocrate est définitivement achevé »
Le Monde 25 mai 2002.
L’individu est donc au centre de la société et ces deux réalités sont également constitutives l’une de l’autre. Cette vision diffère de la conception qui réduit la société à un ensemble d’individus isolés uniquement soucieux de leur propre intérêt et, marque aussi notre rupture avec les doctrines qui posant le primat du groupe social sur l’individu, ont constitué, consciemment ou non, la toile de fond de la pensée traditionnelle de la gauche française, au rebours de son inspiration initiale.

La finalité de notre action collective c’est la liberté de chaque individu pris dans sa dimension sociale ; c’est engager chacun à devenir l’acteur de sa propre histoire, dans une société ouverte qui le permette, en lui donnant la possibilité de bâtir des projets, de se tourner vers l’avenir, d’agir sur son destin et sur son environnement. Aucun projet collectif ne pourra se construire sans l’autonomie et la responsabilité des acteurs qu’ils soient individuels ou librement organisés, sans leur capacité d’initiative source de dynamisme, leur concurrence source d’efficacité et leur collaboration source de transformation. Le défi du socialisme moderne est, plus que jamais, de développer dans un même mouvement l’autonomie individuelle et le besoin de projets collectifs.

L’éthique de la responsabilité

C’est un fait, nos sociétés modernes sont diversifiées, et même atomisées. Le délitement de la société notamment par l’ affaiblissement des repères collectifs traditionnels : famille, idéologies, syndicats, travail… nous oblige à repenser nos idéaux. La responsabilité individuelle implique l’individu au-delà de lui-même : elle s’inscrit dans le partage du projet commun, elle donne sa vitalité et son dynamisme à la société. Utopie au service de l’action concrète, elle constitue un préalable à l’action collective, le socle des solidarités effectives. Favoriser la liberté de l’individu c’est, plutôt que de le protéger en toutes circonstances, développer son autonomie et ses possibilités d’agir dans et sur la société. Car la liberté va de pair avec la responsabilité, et le renforcement du lien social passe par le renforcement de la responsabilité de chacun.

Une « éthique de la responsabilité » est donc à construire, orientée vers l’implication et l’engagement de chacun au sein de sa communauté politique et sociale et, au-delà en prenant en considération les générations futures et le respect de notre environnement planétaire. Elle doit être fondée sur la prévention et l’anticipation des menaces liées au progrès, et des déséquilibres sociétaux Ce sont des pratiques individuelles orientées vers le « mieux vivre ensemble », ancrées dans les liens de proximité tout autant que dans ce qui dépasse le champ de l’action immédiate. C’est avant tout une doctrine du faire ensemble, ce qui implique le politique comme lieu d’exercice et d’application privilégié de cette même responsabilité. C’est cette éthique qui a animé par exemple l’action du mouvement associatif lorsqu’il a assumé l’initiative de la prise en charge de l’exclusion.

L’éthique de la responsabilité concerne aussi ceux qui ont en charge la conduite de la cité. La solidarité et l’égalité ne peuvent pas se contenter d’abstractions, qui masquent trop souvent des inégalités et des égoïsmes de fait. Il s’agit d’instaurer les conditions nécessaires à l’action collective, d’inciter à la responsabilisation au nom de la liberté et à la plus grande égalité d’accès aux moyens permettant l’autonomie du plus grand nombre.

L’autonomie contrepoids de la société complexe

Dans le capitalisme industriel des trente glorieuses, l’homogénéité facilitait le traitement des problèmes, l’organisation des travailleurs, la création d’un système collectif de protection, ce à quoi répondaient bien l’État providence et la social démocratie. Le capitalisme contemporain s’inscrit dans une nouvelle relation de l’homme et du travail. La production de masse se double d’une production personnalisée, ajustée aux besoins et aux désirs de chacun. L’économie de la connaissance valorise les relations interindividuelles ; l’initiative individuelle et la responsabilité deviennent la base de l’organisation et de la dynamique sociales. Ceci renforce l’autonomie de chacun mais aussi son isolement. « Il faut inventer d'autres types de protection, d'autres formes d'action, d'autres définitions de la libération des individus : on a changé de paradigme. La tâche historique des socialistes est d'être la puissance sociale et intellectuelle qui pense ce nouveau mode de production et de nouvelles formes d'émancipation »3.
 
La transformation sociale ne passe plus par les mêmes moyens ni les mêmes échelles. C'est avec chaque individu et pour chacun qu'il faut gérer le changement. A côté de l'éthique, il nous faut donc également construire une méthode politique adaptée à la société d'aujourd'hui, probablement plus modeste dans la forme, mais nécessairement plus ambitieuse dans ses finalités, pluraliste dans son acceptation des valeurs et des idées, plus soucieuse des situations et des devenirs individuels, plus ouverte aux initiatives.

Pour exister aujourd’hui et demain, pour restaurer sa légitimité face aux mutations du monde contemporain, la gauche doit incarner une force de propositions et d’actions concrètes adaptées aux nouveaux enjeux tout en maintenant sa capacité de projection d’idéal, qui l’identifie depuis toujours.

Un renouvellement au service de nos fondements

Trouvant sa force et son dynamisme dans l’autonomie et la responsabilité de tous les acteurs, éclairé par les exigences de la solidarité, attentif aux nécessités de solutions équitables et individualisées, notre projet veut tout à la fois, dans le cadre d’une démocratie élargie, le bien-être économique, la justice sociale et l’efficience écologique.

Pour cela, il ne peut plus exclusivement reposer sur les principes et les solutions qui ont été ceux de la social démocratie traditionnelle et qui aujourd’hui trouvent leurs limites : égalitarisme abstrait, politique sociale à caractère global et donnant la priorité à l’assistance, absence d’anticipation sur les effets pernicieux de certains mécanismes de solidarité, faible rôle de la société civile face à un État interventionniste... D’autres voies doivent être explorées.

Comme d’autres grandes forces de gauche en Europe, nous affirmons que c’est la liberté de la personne, la responsabilité partagée et l’engagement collectif, qui ouvrent la voie à de nouvelles formes de justice sociale : celles-ci ne peuvent plus dépendre d’un égalitarisme théorique mais exigent l’équité et la recherche constante d’une égalité des possibles. Les droits politiques, culturels, sociaux ne peuvent se concevoir sans les devoirs et les obligations qui y sont liés ; l’initiative et la concurrence favorisent l’innovation et sont, pour une société, des facteurs de progrès, de dynamisme et d’efficacité ; la réglementation centralisée des rapports sociaux et économiques peut être suppléée par le contrat et la négociation entre partenaires mutuellement reconnus ; l’État doit recentrer son action sur ses missions essentielles et partager la responsabilité de la régulation avec les acteurs du marché et la société.

Une société de confiance et de libertés

Cette vision, qui est celle d’une gauche moderne, peut entraîner un renouveau des principes d’action de la social démocratie : en faisant appel, au nom de notre humanisme, à la responsabilité de chacun et à l’initiative sociale, elle ouvre un large champ commun de reconquête et de victoires partagées. En réalité il s’agit, quelles que soient les étiquettes, d’une politique essentiellement basée sur la confiance en l’homme et en ses capacités.

A partir des exigences de la responsabilité individuelle et collective et de la solidarité, notre politique veut penser à nouveau des mécanismes aujourd’hui inadaptés, elle souhaite s’engager sur les voies du renouveau de l’action pour l’ensemble des grands chantiers qui s’ouvrent à nous à l’orée du XXIème siècle : la réforme du rôle et du fonctionnement de l’État, la régulation du capitalisme globalisé, l’Europe approfondie et élargie, les nouvelles formes de justice sociale, l’éducation rénovée, les nouveaux regards portés sur le travail et l’activité tout au long de la vie, ainsi que les cessations ou privations d’activité, la remise en cause de nos modes de consommation et de production dévastateurs sur le plan planétaire... et aussi, les nouveaux modes de fonctionnement de notre parti commun.

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FACE A LA MONDIALISATION,
UNE RÉGULATION EFFICACE
PAR L’EUROPE

 
Le début du XXIème siècle marque la généralisation du capitalisme à l’échelle mondiale et le développement de grands pays émergents. Nous constatons un rattrapage accéléré de plusieurs pays sous développés et une transformation en profondeur aussi bien de la carte mondiale que des bases culturelles du capitalisme. La mondialisation n’est certes pas un phénomène nouveau mais elle est devenue la source d’un clivage symbolique marquant de la société d’aujourd’hui : elle est le bouc émissaire de toutes les incertitudes, et en même temps le levier réel de la modernité et du progrès ; elle concerne la plupart des dimensions de la vie sociale et se traduit par l’interdépendance des phénomènes et la globalisation des enjeux.

Nous devons garder l’esprit clair devant le déferlement médiatique provoqué par la mondialisation, tenir un langage objectif et pondéré, parce que nous touchons aux symboles profonds et que, dans ce domaine, l’information doit éviter l’écueil d’un matraquage idéologique, dont nous pourrions avoir à regretter un jour les conséquences. Dans la mesure où la mondialisation signifie un « monde commun », elle est une étape sur la voie d’une utopie internationaliste, qui est la nôtre et, plus concrètement, elle peut représenter le seul espace pertinent pour régler des problèmes qui dépassent chaque État pris isolément, comme ceux de la pollution ou le danger d’épuisement des ressources naturelles, ainsi que l’aide aux pays en voie de développement.

Dans sa dimension économique, la mondialisation est un phénomène aux multiples facettes : l’instantanéité de la diffusion de l’information dans tous les pays de la planète qui exige la rapidité de réaction, la croissance rapide des flux de biens, de services et la mobilité des hommes à travers l’espace sont des éléments uniques dans l’histoire par leur généralité et leur ampleur. Elle a été, et continuera vraisemblablement d’être encore dans les prochaines années, un puissant facteur de croissance, d’amélioration du niveau de consommation, de redistribution des cartes à l’échelle mondiale, et d’un phénomène de rattrapage de nombre de pays en développement. Le progrès global est certain, même si l’inégalité s’est accrue davantage par une croissance plus rapide des riches que par un appauvrissement des pauvres. Le bilan sur longue période pour chaque pays s’avère très contrasté et nous nous trouvons devant des situations scandaleuses comme l’enfoncement d’une partie de l’humanité dans l’extrême pauvreté et l’émergence de « poches de pauvreté » au sein des pays riches, face à laquelle les socialistes doivent pousser à la mise en oeuvre de solutions immédiates.

La mondialisation est aussi porteuse de risques pour la démocratie et présente des anomalies profondes qui appellent une construction améliorée de l’ordre international, la mise en place progressive de nouvelles règles de fonctionnement de l’économie mondiale, le développement de nouvelles agences de régulation pour parvenir à une « gouvernance mondiale ». Un exemple de cette gouvernance serait le financement à l’échelle mondiale, de l’acquisition par les pays les plus démunis des droits d’utilisation des brevets sur certains médicaments essentiels. On pourrait trouver là un premier point d’application d’une taxe mondiale, dont il conviendrait de définir l’assiette.

Pour que cette gouvernance puisse conduire à un développement moins inégalitaire et moins prédateur, à l’élaboration de nouvelles règles sociales environnementales ou sanitaires et permettre le maintien d’une diversité culturelle, il est nécessaire que s’y engagent les peuples et les mouvements citoyens et non les seuls États. Il est surtout nécessaire que l’Europe devienne capable de représenter un contrepoids suffisant sur la scène mondiale et manifeste la volonté d’ user de son pouvoir. Le rôle qu’il lui revient de jouer dans le maintien de la paix doit particulièrement se manifester dans la période présente.

Pour une Europe solidaire et citoyenne

L’Europe est la grande affaire d’aujourd’hui : seule une Europe élargie, plus soudée, porteuse de puissance et de sens, permettra de peser sur l’évolution du monde. C’est un défi majeur et un pari sur l’un des plus motivants projets collectifs !

L'élargissement aux pays de l'Europe centrale et orientale va permettre la réunion des peuples de notre continent séparés par les tragédies de l’Histoire. C’est pour nous une obligation politique et morale. L’intégration à l’horizon 2004 de dix nouveaux pays a été préparée de manière maladroite, mais c’est un bénéfice pour les pays de l’Union. Le problème majeur de l’intégration est celui des mutations qu’auront à subir les pays candidats eux-mêmes, dont le passage à l’économie de marché a déjà entraîné de profonds changements économiques et des réformes qui sont loin d’être achevées. Le chômage y est élevé. Il faudra que les pays de l’Union actuelle acceptent un effort de solidarité, plus important qu’on ne l’envisage aujourd’hui mais tout à fait à leur portée, si on ne veut pas que l’intégration s’accompagne de replis identitaires.

La réforme des institutions, désormais un impératif, doit se faire avec le même élan de clairvoyance que celui qui régnait à l’époque des pères fondateurs. Ne compromettons pas la survie de l’Europe pour préserver de dérisoires parcelles de pouvoir ou des clientèles électorales déjà largement gâtées par la collectivité ! À plus de 25 États, le risque de dissolution du projet européen dans une zone de libre échange est un défi existentiel pour l’Union.

L’élargissement implique l’approfondissement et la clarification de la construction européenne, objectifs auxquels peut répondre l’élaboration d’une constitution européenne et la décision de la soumettre à referendum. Mais quelle constitution ? Elle ne devra pas se limiter à l’énoncé d’une architecture institutionnelle mais, au delà de l’intégration de la Charte des Droits Fondamentaux dans son préambule, définir clairement le projet politique démocratique et de solidarité sociale qui lie les Européens et qui donne sens à leur projet. Evitant la dilution dans l’intergouvernemental, elle devra exprimer clairement une ambition fédérale. Il faut à l’Europe : un Président qui l’incarne, disposant d’une réelle légitimité démocratique ; une représentation démocratique traduisant le double caractère d’union d’États et d’union de peuples ; un Parlement aux pouvoirs renforcés, qui puisse contrôler l’exécutif ; la mise en commun des efforts de défense et la définition d’une politique étrangère commune ; une répartition claire des compétences entre l’échelon européen et les États membres, basée sur le principe de subsidiarité ; des règles de fonctionnement qui permettent de prendre des décisions et de mener des politiques.

Cette évolution ne sera envisageable que si elle est entretenue et soutenue par l’intervention des peuples et des citoyens, mais aussi par une dynamique franco-allemande qui devra se poursuivre au delà des travaux de la Convention. Si les propositions de cette dernière s’avéraient insuffisantes, il devrait revenir à ces deux États d’initier la constitution d’une avant-garde de pays décidés à aller plus loin, ensemble, dans la voie de l’intégration et de l’organisation fédérale.

Fondée surtout jusqu’à présent, sur des politiques économiques, qui doivent être poursuivies, et dont les prochaines étapes devraient être la mise en place d’un gouvernement économique de la zone euro, une politique industrielle adaptée à l’économie de la connaissance, et l’harmonisation fiscale, la construction européenne doit être rééquilibrée dans d’autres domaines. Elle doit développer tous les éléments susceptibles de faire vivre une Europe citoyenne et de progrès social ; elle doit affirmer son identité, approfondir et promouvoir un modèle culturel et social ouvert, tenir à la jeunesse un discours mobilisateur en favorisant son intégration naturelle dans l’Europe par diverses mesures comme la généralisation de cursus européens dans les universités.

L’action politique doit embrasser l’ensemble des problèmes majeurs. La tendance trop répandue jusqu’à ce jour a consisté à traiter les dossiers valorisants en terme politique et d’occulter les dossiers risqués. On reporte indéfiniment les problèmes cruciaux pour lesquels personne ne défile dans la rue : les jeunes ne manifestent pas pour que soit traitée la question des retraites, les malades de demain pour préserver la qualité du système de santé à un coût acceptable par la collectivité, les futurs contribuables pour réduire les déficits publics qui se traduiront immanquablement par une augmentation de leurs impôts, ni les affamés des pays pauvres pour l’aide internationale... On ne traite finalement que les questions mises en exergue par les médias et l’opinion publique.

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LES URGENCES :
LA JEUNESSE
ET LA JUSTICE SOCIALE

4 exemple donné par Zaki Laïdi dans « La gauche à venir ».

Notre priorité : l’éducation

C’est par l’éducation que se trace le chemin du progrès humain. C’est à la fois un impératif dans cette société du savoir et la meilleure garantie de compétitivité de nos économies. C’est surtout la meilleure arme qui puisse être fournie aux individus.

Malgré le « toujours plus » qui a présidé aux politiques suivies, les résultats de notre enseignement ne correspondent pas aujourd’hui à nos attentes d’efficacité et de solidarité : l’enseignement favorise ceux qui disposent des meilleures chances au départ et les situations d’échec scolaire ou les 160 000 sorties annuelles du système sans diplôme, touchent essentiellement les enfants de familles défavorisées. Le système, prétendument égalitaire ne sait pas corriger les inégalités, il tend à les reproduire voire à les accentuer. Les enfants d’enseignants sont plus avantagés encore dans la compétition scolaire que les enfants des cadres supérieurs4.
5 Une couverture logement pour les plus modeste est une priorité.
Décentralisation, personnalisation et ouverture doivent être les maîtres mots d’une réforme du service public de l’éducation qui doit devenir le moyen privilégié de « l’égalité des possibles », la condition de la mobilité sociale. Nous avons à choisir entre deux modèles, celui de l’égalité construite, avec les moyens puissants que la collectivité doit y consacrer, comme on le fait dans les pays nordiques, ou un système décentralisé et concurrentiel, qui a le mérite de l’efficacité mais dont il faut savoir prévenir les dangers d’inégalités supplémentaires par des moyens particuliers d’aide ou de soutien accordés aux plus démunis.

La centralisation excessive de notre système éducatif constitue un facteur de rigidité et de conservatisme. Des mesures de déconcentration et de décentralisation peuvent lui donner plus de souplesse sans remettre en cause la nécessaire cohérence nationale. La diversité doit enrichir les bases communes, et dans l’éducation comme ailleurs l’innovation dépend le plus souvent de la responsabilisation des acteurs concernés.

Si l’ école doit donner à tous un bagage commun - une « morale civique » du respect de l’autre et de la collectivité, un corpus de connaissances de base et une capacité à raisonner- elle doit aussi permettre à chacun de trouver la voie de sa réussite sociale et professionnelle. La nécessité de ne laisser personne en route, sans abaisser le niveau général doit conduire à des enseignements et des méthodes davantage personnalisés, des formes d’aide de soutien et d’encadrement qui tiennent compte d’aptitudes, d’aspirations et d’intérêts différents. Désacralisant le principe du collège unique, dont la situation n’est vraiment satisfaisante ni pour les enseignants ni pour les collégiens, il faut introduire une diversification des parcours, appuyée sur des dispositifs d’orientation plus efficaces et plus transparents, agissant en temps utile et en liaison avec les élèves et les familles. Des classes en alternances doivent pouvoir fonctionner assez tôt, les filières professionnelles doivent gagner en efficacité, les « écoles de la deuxième chance » doivent se généraliser.

Dans ce monde où on aura à réapprendre plusieurs fois, chacun doit avoir l’occasion de se former tout au long de sa vie, d’élever son niveau de culture et de compétence, d’accroître sa capacité à s’orienter vers de nouveaux secteurs, d’avoir une chance « en continu ». Chacun doit se voir accorder un crédit « temps formation » et garantir un droit, transférable d’une organisation à l’autre, utilisable en période de travail ou de chômage, de participer à des formations répondant à ses besoins.

Les retraites

La priorité donnée à la jeunesse suppose aussi que soit réglée au plus vite la question politiquement difficile des retraites. Tout se passe aujourd’hui comme si les plus anciens, les plus favorisés « bloquaient » toute évolution et reportaient sur les jeunes d’aujourd’hui, c'est-à-dire les salariés qui paieront nos retraites demain, la charge de régler les conséquences de la démographie.

Des solutions modulées et progressives sont à envisager, car le système actuel laisse peu de liberté en ce qui concerne l’âge de départ en retraite, est dissuasif vis à vis des départs progressifs, et prend mal en compte les différents parcours professionnels, la pénibilité de certaines tâches. On fera en sorte que la durée prime sur l’âge, ce qui autoriserait à prendre sa retraite à taux normal une fois atteintes les quarante annuités que cela arrive avant ou après soixante ans. Le choix individuel doit être facilité. Les mécanismes de calcul doivent être revus dans le sens de la neutralité technique pour permettre à ceux qui le souhaitent de partir plus tôt, avec un montant raisonnablement plus faible, ou plus tard, avec des montants plus élevés. Cette retraite à la carte demande que chacun puisse, en connaissance de cause effectuer un arbitrage entre son âge de départ en retraite et le montant de sa pension.

Les partenaires sociaux, qui gèrent les retraites complémentaires, ont, en coopération avec l’administration une responsabilité évidente dans cette recherche de solutions qui ne peut en aucun cas se résumer à une mesure générale et uniforme.

Pour permettre un maintien global du niveau des retraites, et assurer un taux de remplacement élevé, notamment pour les bas salaires, la retraite par répartition devra être confortée, ce qui à l’évidence entraînera des efforts financiers pour tous y compris les entreprises. Au delà du fonds de réserve utile mais insuffisant pour répondre au déséquilibre du financement, il faudra soit accepter un allongement de la durée soit une hausse des cotisations, soit combiner les deux.

Un recours à la capitalisation sera sans doute nécessaire, en complément, en veillant à ce que cela ne conduise pas à diminuer les minima des régimes obligatoires. Nombreux sont ceux qui s’efforcent d’ores et déjà de compléter leur retraite par l’épargne. Ne faisons pas la politique de l’autruche, ne laissons pas les inégalités s’installer et se creuser en laissant cette faculté à ceux qui en ont les moyens. Permettons à tous d’accéder de la manière la plus équitable et la plus sûre à ces compléments, dont les plans d’épargne entreprise peuvent constituer une part essentielle. L’État doit y aider, notamment par des mesures fiscales, et les partenaires sociaux doivent jouer un rôle déterminant dans le choix, la mise en place et la gestion de ces « fonds ».

De même, les régimes des fonctionnaires et les statuts spéciaux doivent être réexaminés : si leur alignement brutal sur le régime général n’est pas envisageable, il est légitime de demander progressivement à ces salariés les mêmes efforts qu’aux autres, en termes de durée et de montant de cotisation, ou d’années de référence, quitte à les compenser par exemple avec la prise en compte d’une part des primes dans l’assiette des cotisations et des prestations.

Un ancrage social de l’individu à travers l’emploi et la réduction des inégalités

La phase actuelle du développement du capitalisme est porteuse d’inégalités, dues au fait que le progrès technique ne bénéficie pas, loin s’en faut, d’une manière équilibrée à toutes les catégories sociales. Les « révolutions » libérales des années 80 ont entraîné une augmentation des inégalités salariales et patrimoniales au détriment des jeunes et des populations marginalisées dans le travail. Les facteurs d’inégalités se multiplient, et des réponses doivent pouvoir être apportées à ceux qui concentrent et cumulent toutes les inégalités (revenu, logement, culture, emploi...). Pour nous, l’exclusion est une violence et nous ne pouvons l’accepter.

Pour atteindre notre objectif de réduction de l’injustice et des inégalités, nous nous engageons en faveur d’une société dans laquelle chacun pourra bénéficier d’une réelle « égalité des possibles ». La politique sociale doit être individualisée : plutôt qu’adopter les principes d’un égalitarisme abstrait, il faut concentrer les moyens et les dispositifs d’aides sur les publics les plus en difficulté, recourir à des mesures concrètes d’équité en faisant plus pour ceux qui ont moins. Les conditions d’une réelle autonomie doivent pouvoir être données aux jeunes. La protection des plus fragiles passe en priorité par l’accès aux droits fondamentaux que sont l’ éducation, la santé, le logement5, et bien sûr l’emploi.
6 Le Monde du 16 juin 2001 « Licenciements : Fabius contre Jospin »


Le travail est la base du lien social, l’affirmation d’une liberté fondamentale, un élément essentiel de l’estime de soi et de l’identité individuelle. L’insertion par le travail ou l’activité socialement reconnue demeure la pierre angulaire de toute lutte contre la précarité et l’exclusion qui reste notre priorité même si elle ne se traduit pas forcément par des gains électoraux. Une véritable mobilisation doit exister contre la précarité et en faveur de l’emploi.

La première des injustices, la plus criante en France comme en Europe est celle du chômage. Face à ce fléau, les solutions qui paraissent défendre les salariés, en retardant artificiellement les réorganisations nécessaires sont souvent contre productives. A cet égard le volet anti-licenciement de la loi de « modernisation sociale » était une fausse solution et nous approuvons ce que déclarait Laurent Fabius le 14 juin 20016, au lendemain du vote en première lecture, estimant que cette réforme soulevait « des questions sérieuses », quant aux « nécessités d’une économie moderne qui dans l’intérêt même des salariés doit être rapide, réactive, compétitive », craignant que « la loi n’ait un effet dissuasif sur l’investissement et le recrutement. »
7 Par exemple la diminution des charges sur les bas salaires.


Il faut concilier la flexibilité, dont les entreprises ont besoin et la sécurité nécessaire aux salariés. Notre société ne peut se passer ni de l’une ni de l’autre.

Pour aller vers une société du plein emploi qui doit rester plus que jamais notre objectif
, parallèlement aux actions de soutien à l’emploi et aux aides accordées aux entreprises pour faciliter l'embauche7, notamment celle des jeunes peu qualifiés, une politique de gauche doit pouvoir privilégier les interventions personnalisées, les démarches d’insertion et d’incitation en faisant en sorte de passer du simple filet de sécurité à un véritable tremplin pour l’emploi.
8Dans une note de R. Godino à la fondation Saint Simon, en 1999, le coût estimé de cette mesure était de l’ordre de 4 milliards d’euros et pouvait toucher environ cinq millions de ménages.
Trois pistes parmi d’autres pour aller en ce sens :
     Permettre le transfert de droits sociaux capitalisables d’entreprises à entreprises ( droits à la formation, épargne temps...), ou, avec plus d’ambition, expérimenter une formule de contrat d’activité, qui créerait un régime commun pour différents types de contrats de travail et grâce auquel une personne pourrait, avec la même protection sociale, exercer plusieurs formes d’activité, y compris non marchandes ou de formation personnelle, relever de statuts différents.

     Améliorer les conditions d’attribution du RMI. Celui-ci développe un véritable piège à pauvreté, car le RMIste perd plus qu’il ne gagne à accepter un travail faiblement rémunéré. Aujourd’hui un RMiste qui reprend un emploi perd rapidement son allocation ainsi que d’autres avantages annexes comme l’allocation logement . En cas d’emploi à temps partiel, il n’a pas financièrement intérêt à travailler. Nous pouvons reprendre la proposition de créer une allocation complémentaire de revenu inspirée de l’impôt négatif8.
 
    Cette allocation qui serait dispensée, sous condition d’activité, à tous les ménages dont les revenus seraient compris entre le RMI et le SMIC temps plein, serait décroissante avec la croissance du revenu : égale au RMI, comme actuellement, pour ceux qui n’ont aucun revenu autre, nulle pour ceux qui ont un revenu égal au SMIC temps plein, et dégressive pour ceux dont le revenu est compris entre ces deux extrêmes. Le RMiste aurait toujours intérêt à entrer à nouveau dans le monde du travail, même pour un temps partiel.

     Favoriser les créations de petites et très petites entreprises, notamment en rétablissant intégralement l’aide aux chômeurs créateurs d’entreprises, et en favorisant la création de sociétés du tiers secteur, en permettant le développement de l’économie sociale et environnementale pour laquelle doivent être proposées des formes de financement mixtes et des exonérations fiscales importantes.

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UNE NOUVELLE DÉMOCRATIE :
DE L’ÉTAT A LA SOCIÉTÉ CIVILE

9 « La flamme et la cendre »
Grasset, janvier 2002
Le politique est le régulateur du débat social, souvent son initiateur, ou un arbitre, mais l’expérience montre que son rôle d’acteur de premier plan s’estompe. C’est dans le cadre de cette évolution que l’État doit se transformer. S’il doit demeurer un centre d’impulsion et de cohésion du collectif, assumer ses fonctions régaliennes en s’interrogeant sur sa réelle efficacité en la matière, il doit aussi trouver ses modes d’impulsion et de régulation sur les plans économique et social.

La crise du politique est d’abord celle de l’État. L’affirmation de son autorité est indispensable : rien de solide ni de juste ne peut se construire avec un État faible ou méprisé. L’intervention de l’État, si elle doit être réduite dans certains champs, doit par ailleurs trouver de nouvelles orientations, d’autant plus nécessaires que les exigences de la société civile grandissent à la lumière de sa complexité. Garant de la cohésion sociale et de la solidarité, il doit savoir laisser à d’autres, mieux placés que lui pour les remplir, un grand nombre d’activités, notamment économiques. Il doit savoir déléguer, en son sein et à l’extérieur de ses structures, nombre de responsabilités, apprendre à « faire faire » plus que faire par lui-même.

L’intervention de l’État doit s’exprimer moins par des réglementations générales et l’édiction de règles que par l’incitation et la concertation, le soutien à l’initiative, le contrat, l’arbitrage. Plutôt que de tout gérer il lui revient d’évaluer, d’orienter, de contrôler.

La réforme de l’État, des services publics et de l’administration, constitue une nécessité et un préalable. La gauche doit y prendre sa part, même si elle a tendance à surestimer le rôle d’un État qu’elle sacralise. L’immobilisme ne protège ni l’État ni ses agents, et certainement pas les usagers.

La rénovation des services publics

Les services publics manifestent la primauté de la solidarité en permettant l’accès de tous à certains biens et services fondamentaux. La fourniture de ces services dans des conditions d’équité ne doit pas exclure la recherche du moindre coût et de l’efficacité et n’exige ni le monopole, ni la propriété ou la gestion publique. Le statut public peut notamment handicaper certaines entreprises dans leurs stratégies de développement, d’acquisition ou d’alliances, comme cela a été le cas pour France Telecom. Dans le débat actuel sur EDF, par exemple, il ne nous apparaîtrait pas dommageable, rejoignant là ce qu’écrit Dominique Strauss Kahn9, que la part de l’État descende nettement sous la barre des 50 %.
10 Cf relevé de décisions du CIRE (Comité Interministérielle à la Réforme de l’État) de novembre 2001
Le recours à la concurrence, source de dynamisme et d’efficacité peut être reconnu comme un principe de droit commun, le mode de gestion pouvant donner une plus ou moins grande part à l’entreprise privée. Les missions de service public pourront être assurées, confiées aux différents opérateurs à partir de cahiers des charges largement débattus et donner lieu à évaluation régulière et un contrôle de la puissance publique. Dans tous les cas, et quelle que soit la part d’ouverture du capital ou de privatisation, il faut que l’intérêt du public soit au centre des préoccupations et que les usagers puissent se faire entendre et intervenir dans l’évaluation de la mission de service public. Par exemple, la continuité qui est l’un des principes constitutifs du service public devra être effective, ce qui exige que soit posé le principe du « service minimum » dans les services les plus sensibles, notamment les transports, la difficulté de la démarche ne devant en occulter ni la nécessité ni l’urgence.

La réforme de l’administration

L’administration doit profondément évoluer dans son organisation et ses méthodes, pour parvenir à une plus grande efficacité et à un coût diminué. Trop d’énergies sont stérilisées dans une administration complexe, souvent mal organisée, ayant des difficultés à motiver ses ressources internes et constituée en citadelles cloisonnées rendant difficiles mobilité et coopération. Par l’application des réformes ouvertes en août 2001 à travers la loi organique relative aux lois de finances, le principe de responsabilisation des agents et de contrôle généralisé de la gestion publique devrait aider à la mise en oeuvre concrète d’une réforme dont on parle depuis 25 ans. La réforme concerne à la fois les modes d’organisation internes à la Fonction Publique, la gestion publique et la relation des administrations aux citoyens. Sa mise en oeuvre est engagée au sein de certaines Collectivités et Administrations Centrales, même si tous ses chantiers ne sont pas initiés10.
11 Ce qui serait le cas à l’inverse si les circonscriptions correspondaient aux régions actuelles ; dans certaines d’entre elles il n’y aurait que 2 ou 3 élus, seuls pourraient l’être les représentants des grands partis.
L’initiative, la créativité, la responsabilité doivent être encouragées et avoir plus de poids que l’ancienneté dans le déroulement d’une carrière, l’intervention du mérite et de la performance dans l’évaluation doivent permettre aux agents d’exprimer leurs talents, le contrôle de gestion doit être généralisé, la gestion par projets ainsi que les contrats par objectifs développés, la gestion administrative des agents doit laisser la place à une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences, le recrutement doit être ouvert et la mobilité favorisée entre les trois Fonctions Publiques. Nous appuyons les axes d’une telle évolution et sommes persuadés des bienfaits d’une application généralisée de cette modernisation, non seulement pour les agents concernés, mais aussi pour le public.

Par ailleurs, on ne peut éviter une réflexion sur l’évolution et la modernisation du statut de la fonction publique qui conduira sans doute, dans une perspective d’harmonisation européenne, à rapprocher progressivement les conditions des salariés du public et du privé.

Pour concrétiser sa volonté de réforme, le pouvoir politique doit fixer un cap, donner une perspective, engager des négociations et inscrire son action dans la durée, nécessaire composante de toute mutation structurelle. S'il convient certainement de faire appel à la conscience collective des fonctionnaires et de s’efforcer d’obtenir leur adhésion à un processus revalorisant leurs missions et leurs fonctions, l’évolution du fonctionnement de l’État concerne l’ensemble de la collectivité, c’est donc la volonté commune qui doit l’orienter.

Une décentralisation au profit de responsabilités déléguées

La décentralisation est une des conditions de la réforme de l’État, mais aussi de la modernisation et de la démocratisation de la société. C’est aussi le moyen de rapprocher les citoyens des centres de décisions et d’instaurer, des formes de participation ; de répondre à l’aspiration réelle et croissante des populations à une meilleure prise en compte de leurs préoccupations, de leurs attentes et de leurs projets, à une meilleure maîtrise de leur destin collectif.

La décentralisation a été relancée par le gouvernement, et nous devons nous inscrire sans réticences dans ce grand débat national, qui doit dépasser le cadre des seuls élus, juges et parties. Cette démarche doit d’abord se traduire par une simplification et une modernisation de nos structures et des règles de compétences, et doit bénéficier aux régions et aux villes. Elle exige d’augmenter les responsabilités et l’autonomie financière des collectivités territoriales. Leurs compétences doivent devenir majeures dans des domaines tels que le développement économique, les transports, le logement, la santé, la formation (certains modes d’apprentissage), l’environnement, la politique culturelle. Leurs ressources doivent être garanties et chaque transfert de compétences doit être accompagné du transfert des ressources adéquates ou d’une diminution de la fiscalité nationale permettant l’expression d’ une fiscalité locale rénovée. Le développement des structures intercommunales a été un des éléments positifs de ces dernières années : il convient de permettre l’élection au suffrage universel de leurs exécutifs et d’élargir leurs compétences financières.

Même si la décentralisation ne peut qu’accroître la diversité entre les territoires, qu’il s’agisse de leur situation ou de leurs choix, ce qui va dans le bon sens, il est nécessaire que des mécanismes de péréquation permettent, mieux qu’aujourd’hui, la mise en œuvre de l’équité et de la solidarité pour remédier à certaines inégalités. Pourtant il n’est pas souhaitable de prévoir des solutions uniques et décidées de manière centralisée. L’uniformité administrative ne doit pas être un dogme conduisant au tout ou rien et donc souvent à l’immobilisme. Le droit d’expérimentation accordé aux régions, et qui doit l’être aussi aux communautés de communes et d’agglomérations, peut être un formidable levier du changement et de la modernisation. Des réformes de structure, des découpages ou plus certainement des regroupements s’imposeront, qui seront proposés par les collectivités territoriales en fonction des situations locales et des attentes des populations.

Pour une démocratie citoyenne

Il y a dans nos démocraties, et la France n’y fait pas exception, un problème de représentation : nos concitoyens sont nombreux à estimer être imparfaitement représentés par les forces et les acteurs politiques et à ne plus leur accorder leur confiance.

Une partie de la réponse se trouve dans des réformes institutionnelles
. Certains modes de scrutin doivent être plus représentatifs et plus efficaces à la fois. Pour les élections européennes, le remplacement de la circonscription nationale par quelques grandes circonscriptions régionales permettrait de rapprocher l’électeur des élus sans remettre en cause le caractère proportionnel de l’élection11.
12 Zaki Laïdi, Libération du 11 janvier 2001.
La réforme des élections régionales semble acquise, mais non celle des élections législatives. Elle devrait être double : n’autoriser à se présenter au deuxième tour que les deux candidats arrivés en tête au premier, de façon à éviter de faire arbitrer certaines élections par des candidats minoritaires souvent extrémistes. En contrepartie, pour assurer une représentation de ces courants minoritaires, une faible partie (10 % par exemple) des députés serait élue à la proportionnelle. Cette double réforme permettrait à l’Assemblée de représenter plus fidèlement l’ensemble des citoyens, sans que ne soit rendue plus difficile la constitution d’une majorité stable.

Désignée de manière plus juste, encore faudra-t-il que l’Assemblée nationale joue un rôle législatif et de contrôle supérieur à ce qu’il est aujourd’hui et que celui-ci soit reconnu par les citoyens. La limitation du cumul des mandats rendra possible une plus grande implication des députés, mais au delà cela passe par le développement des commissions parlementaires et la transparence de leurs travaux, par la possibilité qui pourrait leur être reconnue de voter certaines lois. Cela passe aussi par l’élargissement du droit d’amendement, et par une généralisation des procédures d’évaluation législative des politiques publiques et des lois.

Une réforme de grande ampleur doit toucher le Sénat, visant à rendre plus démocratique son mode d’élection, à limiter à 6 années la durée de son mandat et à mieux représenter la réalité urbaine.

L’équité doit exister entre salariés du privé et fonctionnaires quant à l’accès aux mandats politiques : des facilités seront accordées aux salariés du privé pour retrouver un emploi après leur mandat grâce à des possibilités en temps et en moyens de formation, une plus grande accessibilité à certaines professions telles que celles d’avocat, de magistrat, d’enseignant… A l’inverse les fonctionnaires seraient tenus, à l’orée d’un second mandat, d’abandonner la fonction publique.

La rénovation des partis politiques et leur intégration dans la société civile relèvent de l’urgence : nous nous attacherons à celle du Parti socialiste.

Pour un Parti socialiste renouvelé et ouvert

Pour beaucoup d’adhérents, militer au Parti socialiste cause un sentiment de frustration, qui trouve son origine dans plusieurs domaines :
     Une « confiscation » du PS par le microcosme politique.
    La décision et la réflexion politique restent l’apanage d’un nombre restreint de personnes, particulièrement dans les périodes où nous exerçons le pouvoir. Le Parti socialiste a souvent été défini comme un parti d’ élus ou de ceux qui souhaitent le devenir. Dans les sections des villes où le Parti socialiste exerce le pouvoir municipal, la section peut devenir l’appendice du groupe des élus, elle se vide alors de son rôle politique pour n’être qu’au mieux une instance de validation de la politique municipale. Militer sans être élu devient un exercice peu attractif.

     Une classe politique qui ne représente plus le pays réel.
    Pour l’essentiel la vie du Parti socialiste est d’abord l’affaire de ceux qui sont professionnellement intégrés à la politique: élus, salariés de l’appareil politique. La sur-représentation des agents publics est importante et le Parti socialiste reste le grand parti des fonctionnaires. Pour ne citer qu’un exemple, les salariés actifs et à plein temps des entreprises privées ne représentent pas 10 % de l’effectif de la commission « Entreprises », ceci pouvant expliquer que le parti ait eu des difficultés à entendre la voix des salariés du secteur privé. Son action s’est centrée sur la défense des exclus d’une part, sur le maintien des avantages corporatifs des salariés à statut de l’autre.

    A la différence des autres parti socialistes européens qui trouvent dans la coopération étroite avec le syndicalisme une source d’inspiration pour leurs politiques économiques et sociales, le Parti Socialiste Français a raté le rendez vous avec les acteurs syndicaux et précisément avec la CFDT .

     Un étiolement militant.
    Sauf périodes exceptionnelles, les effectifs se contractent, le vieillissement est patent, les jeunes sont en nombre limité. La comparaison avec les effectifs des autres formations européennes est affligeant. En dehors de l’aspect quantitatif, il est frappant de constater que le rôle moteur du PS diminue. Pendant les périodes d’exercice du pouvoir, il n’a pas joué son rôle de Think Tank, laissant le plus souvent cette mission aux clubs politiques. Il n’a pas su participer aux mouvements qui traversent la société, être une enceinte de discussion, de médiation et d’initiative sociale. Il n’a pas su non plus, et sans doute moins encore que les autres partis européens renouveler ses dirigeants, en donnant une place plus importante aux nouvelles générations, qui portent l’avenir et ne se reconnaissent pas forcément dans la pérennité de certaines figures emblématiques.

Nous voulons contribuer à faire du parti socialiste un parti attractif, ouvert, attentif à l’évolution de nos sociétés européennes, à l’écoute des attentes et des besoins de nos concitoyens, prêt à de nouvelles relations avec le mouvement social, vivifié par de vrais débats entre individus responsables. Un parti qui recompose son identité et qui, aujourd’hui, puisse proposer une alternative crédible en menant une opposition déterminée et pragmatique, où la critique s’accompagne toujours de propositions réalistes. Plusieurs mesures sont envisageables.

Favoriser et élargir le débat
en multipliant les discussions entre militants, en exploitant les technologies de la communication et de l’information (« campus numériques » thématiques ouverts au plus grand nombre dans des périodes de débats internes et externes, par exemple), en faisant vivre en temps réel des « boîtes de doléances » et en faisant circuler l’information en vue de sa véritable prise en compte. Au delà, il nous faut trouver les moyens d’une ouverture de nos débats sur l’extérieur du parti, en y faisant participer des membres de la société civile (citoyens, syndicats, chefs d’entreprises, représentants d’associations et d’ONG…) et en donnant la parole à cet électorat différencié et éclectique qui est le nôtre, dont nous devons prendre en compte plus largement les attentes, les frustrations et les exigences.

Rendre le pouvoir aux militants en limitant par exemple la présence des élus dans les CA, en élargissant les profils de ceux qui détiennent les responsabilités nationales et locales au sein du parti. En développant la démocratie directe en organisant des référendums internes, en instituant un droit de pétition.

Équilibrer la représentation de la société civile, dans la désignation des candidats, élargir l’accès aux instances nationales et aux postes de responsabilités politiques à des candidats éloignés de la logique d’appareil mais cependant proches des aspirations de l’électorat. Et avant toute chose faciliter l’adhésion au parti.

Appliquer à son organisation interne les principes qu’il défend, par exemple limiter le cumul des mandats et le nombre de mandats successifs, aller vers la parité, élargir l’accès aux plus jeunes dans les instances de représentations locale et nationale.

Être un animateur de la vie sociale et environnementale : chaque section ou fédération devrait prendre en charge, concrètement, dans son cadre géographique, des actions sociales, culturelles ou environnementales diverses : accompagnement de chômeurs, aide juridique, alphabétisation, protection de l’environnement, animation culturelle... Chaque militant, il faut le rappeler, doit être par ailleurs, membre d’une organisation syndicale ou d’une association.

Redonner une perspective européenne en jumelant chaque section avec une section d’un autre parti socialiste européen, en présentant aux élections européennes, à charge de réciprocité, des candidats citoyens d’autres pays de la Communauté, en faisant en sorte que les militants puissent participer aux débats et aux prises de position du PSE...

Pour une démocratie plus directe

« La démocratie politique ne peut plus se penser exclusivement en terme de démocratie représentative12. »
13 Dans les pays Anglo-saxons le monde associatif parvient à collecter des fonds importants par le biais d’un système de surtaxes, comme le rappelle Maria Nowak, dans le Monde du 11 décembre 2002.
14La suppression des emplois jeunes va fortement les handicaper, il serait utile, ne serait-ce pour cette raison, que le gouvernement reconsidère cette décision.
15 Onze millions de bénévoles agissent dans 880 000 associations, en France aujourd’hui..
La démocratisation de la société passe par la démultiplication de sa prise d’initiatives. Vivifier, rendre plus participative et plus transparente la démocratie face à la montée de nouveaux pouvoirs aux dangers difficilement contrôlables - médiatiques, financiers, scientifiques - et à l’heure où tant de nos concitoyens se détournent avec désenchantement ou parfois écoeurement de la vie publique, correspond à une exigence centrale d’un projet de gauche.

L’intérêt général n’est plus le monopole de l’État. Nous devons contribuer à accroître l’autonomie, la responsabilité, la participation et la capacité de contrôle de la société civile et des corps intermédiaires. La société doit s’introduire dans le face à face entre l’État et le marché car c’est dans la société elle-même que résident les véritables acteurs de la régulation économique et sociale. C’est de la liberté de ces acteurs, de leur responsabilité exigeante, de leurs initiatives ou de leurs conflits, c’est de la démultiplication de la parole sociale, que naîtra une démocratie ouverte et vivante, que se créera une véritable dynamique de progrès et de transformation sociale.

La réhabilitation du projet collectif passe par cette démocratie élargie, - « démocratie démultipliée » disait Pierre Mendès France - permettant à la société civile de jouer tout son rôle par l’extension du débat et de la discussion publique, l’intervention facilitée du monde associatif et des citoyens, et la généralisation de la négociation sociale qui doit, aussi souvent que possible, être préférée à la réglementation centralisée.

Une citoyenneté de responsabilité prolonge une citoyenneté de statut. Les nouvelles mobilisations civiques, les organisations de citoyens, quelques soient leurs formes ou leurs objets, des associations de locataires ou de consommateurs aux ONG internationales organisées en réseaux, tirent leur légitimité non pas d’un statut ou d’une élection mais de leur représentativité effective, de leur capacité d’action et de mobilisation collective, du témoignage social qu’elles portent, de leur volonté de prendre des responsabilités dans la vie de la société. A nous de savoir entendre et favoriser cette forme de démocratie directe tout en l’articulant avec les formes de la démocratie représentative, pour ne pas risquer de la voir un jour s’opposer à celle-ci.

Les associations sont au cœur de la démocratie représentative, elles traduisent une volonté d’initiative des citoyens. Le rôle non lucratif qui est souvent le leur ne peut être joué par le marché, les fonctions de proximité qu’elles remplissent ne peuvent être remplies par l’administration. Une politique de soutien et de promotion des associations et de la vie associative doit tendre à la modernisation de la loi de 1901, entériner notamment le rôle économique capital ou de service public qu’incarnent de nombreuses associations, reconnaître leur fonction de formation civique, stabiliser leurs situations financières tout en leur permettant d’être moins dépendantes des pouvoirs publics13, mettre à leur disposition des moyens de fonctionnement suffisants, notamment d’emplois aidés ou en partie financés par l’État14, reconnaître et valoriser le bénévolat15. En parallèle, car aux droits doivent répondre des obligations, les responsabilités des associations et de leurs dirigeants doivent être mieux définies, une plus grande transparence doit marquer leur fonctionnement, des procédures démocratiques de certification et de contrôle mises en vigueur.
 
Sur le plan local, si la responsabilité politique des décisions doit appartenir in fine aux élus, une de leurs fonctions essentielles est de permettre la participation de tous aux décisions qui les concernent et à la gestion de leur environnement.

Le primat de la négociation sociale

Sur le plan social, la présence et le poids de l’État sont tels que l’enjeu des luttes sociales, en France, se réduit souvent à une tentative d’influer sur ses décisions et peu de négociations importantes se conduisent hors de son influence. La négociation collective n’a jamais pu devenir le mode normal de régulation du social et n’est pas à la hauteur des enjeux. La loi, par définition générale et lente dans son élaboration, les décisions de l’administration parfois éloignée des réalités des urgences et des contradictions du terrain ne sont pas les mieux adaptées pour intervenir sur ce qui touche à l’entreprise, au travail, à la prise en charge des formes de précarité, à la gestion du social.

Ne craignons pas de permettre au dialogue social de se manifester aux niveaux utiles ; de favoriser la contractualisation collective qui rendra possible une nouvelle dynamique sociale et l’élaboration de réformes au plus près des réalités des entreprises et des besoins des salariés ; d’attribuer la maîtrise du social à la sphère sociale. L’État doit faciliter ce dialogue entre partenaires responsables, dont la représentativité doit être effectivement vérifiée, dans un cadre souple qu’il aura préalablement fixé, et en entériner les résultats dès lors que ces accords engageront des organisations représentant la majorité des salariés.

L’État devrait même garantir que, sur tous les sujets concernant le travail, l’entreprise ou les droits sociaux, les partenaires sociaux seront incités à négocier avant toute intervention des pouvoirs publics
. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, il appartient à l’État d’encourager la société civile à se prendre en charge et se réguler elle même.

Plus de liberté pour et dans l’entreprise

Notre rapport au marché doit être clarifié. Le marché est l’espace de l’échange et de la création de richesses, et à ce titre nous devons favoriser son fonctionnement pour permettre sa pleine efficacité. Nous tenons l’esprit d’initiative et la concurrence pour des facteurs de progrès qui permettent une économie dynamique capable d’offrir de vrais emplois dans des entreprises performantes. Nous avons pour objectif, sur les plans européen et national, d’affermir le tissu économique, d’orienter les énergies vers la croissance et l’emploi, de libérer les forces d’innovations et les capacités à entreprendre. Cela exige d’abord que la concurrence puisse s’exercer librement. Les autorités européennes doivent faire appliquer un droit de la concurrence qui permette de concilier la nécessaire puissance de certains groupes européens et le maintien d’une diversité concurrentielle, source de dynamisme.

Toutefois le marché n’est porteur ni d’un projet de société ni de lien social. C’est à la société que revient cette fonction, c’est à l’État qu’appartient le rôle de garant de la cohésion sociale. Notre objectif est d’articuler l’économique et le social, de rendre le capitalisme plus équitable, par un compromis entre la compétition et la solidarité, la dynamique du marché et les valeurs sociales.

Dans notre économie de marché, l’acteur économique principal est l’entreprise
. L’État doit faciliter la création d’entreprises notamment en favorisant la mobilisation de l’épargne, il doit aider au taux de croissance le plus élevé possible par la stimulation de la recherche, la diffusion des innovations, en utilisant, à l’échelle européenne et nationale, les moyens financiers et juridiques les plus énergiques. Ce développement sera facilité si une convergence fiscale et administrative se réalise en Europe et si se précise la perspective d’élaboration d’un statut européen de la société privée.

Un des grands chantiers est de développer une vision moderne de l’entreprise et de créer les conditions culturelles de son évolution sociale et managériale. La liberté des entreprises est une nécessité mais, elle non plus, ne peut se concevoir sans responsabilité. L’action de l’État, la pression des forces syndicales et de la société civile, notamment des organisations de consommateurs, doivent faire en sorte que l’entreprise ne puisse inscrire son développement que dans le cadre d’une relation responsable et d’un partenariat avec le public, avec ses actionnaires, avec ses salariés.

Vis à vis du public, la transparence nécessaire se traduira par la publication d’un bilan et d’un projet social détaillés, complétés par un rapport environnemental ; elle se traduira aussi par la clarté sur les origines et les modes de fabrication, sur les conséquences de son activité sur son environnement immédiat, sur les moyens de s’y intégrer de manière harmonieuse (horaires, transports, non-pollution…). Au delà de ses responsabilités économiques et financières, l’entreprise doit être amenée à respecter une éthique et des valeurs, et elle doit réaliser que cela peut devenir son intérêt. L’entreprise doit être poussée à devenir « socialement responsable ».

Vis à vis des actionnaires
, la transparence de l’information comprendra celle des rémunérations des dirigeants, y compris leurs éléments annexes. Pour aller contre la logique du court terme, induite par le capitalisme financier, on consolidera la représentation des intérêts à long terme dans l’entreprise : les titres bloqués sur une longue période disposeront d’un plus grand pouvoir de gestion que les titres négociables à tout moment, l’épargne qui restera investie pendant une certaine durée dans la même société se verra favorisée fiscalement. Par ailleurs « l’Enronite » est une maladie grave que nous devons soigner avec les règles juridiques et comptables les plus strictes.

Vis à vis des salariés enfin, il faut prendre conscience que moins que jamais le développement de l’entreprise, ne peut se faire au détriment de ceux qui y travaillent et que sa réussite est dans une grande mesure liée à leur adhésion et leur motivation. Espace naturel de la lutte pour le partage de la valeur ajoutée, l’entreprise peut aussi être un lieu de partenariat dans lequel les conflits ne seront pas niés mais, équilibrant tension et coopération, devront être réglés le plus souvent par la négociation.

Les changements qui sont à l’œuvre dans l’économie et dans le fonctionnement des entreprises augmentent la responsabilisation des salariés mais aussi la pression qui s’exerce sur eux, pouvant créer mal être et insécurité si des protections nouvelles et adaptées ne sont pas négociées. Le droit du travail doit mieux s’adapter aux évolutions rapides de l’économie et du monde du travail, mais les salariés doivent en contrepartie obtenir de nouveaux droits, notamment en termes de protection, d’expression et de formation. On doit pouvoir modifier par la négociation le cadre juridique et redéfinir les obligations, les droits, les limitations possibles et les garanties qui doivent se trouver au centre de toute relation salariale. Le contrat fondateur de l’entreprise, (droits et devoirs du salarié et de l’employeur), doit dépasser la notion de contrat de subordination, devenir un contrat fondé sur la reconnaissance d’une contribution mutuelle, précisant l’élargissement des conditions de la participation aux décisions, le renforcement de la représentation du personnel.

Le salaire n’est plus la seule source de revenus de nombre de salariés. L’actionnariat salarié peut créer les conditions d’une amélioration de leur situation en leur permettant de profiter des résultats auxquels ils ont contribué. L’épargne salariale, pour sa part, peut être un élément important d’un nouveau contrat social.

Le dialogue social doit être renforcé et les représentants du personnel doivent pouvoir accéder aux informations des dirigeants tout en participant à un plus grand nombre de décisions. Le législateur, en matière d’évolution interne des organisations (modernisation, temps de travail…) ne doit pas se substituer aux acteurs de la négociation sociale. La manière dont a été élaborée et imposée la loi sur les 35 heures a eu dans nombre de cas pour effet de perturber fortement le fonctionnement des entreprises ou des services publics, et a généré des effets contre productifs y compris pour les salariés qui devaient en être les bénéficiaires. Cette grande réforme de la réduction du temps de travail peut cependant être reprise et prolongée, dans la concertation sociale et assise sur cette belle idée de libération sociale que peut constituer le développement du temps choisi.

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MIEUX VIVRE ENSEMBLE

16 conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance

La sécurité, garante du mieux vivre ensemble

La sécurité est la première des libertés et la première des responsabilités de l’État. Aujourd’hui, en France, l’insécurité n’est pas un « sentiment » mais une réalité, notamment pour la partie la plus fragile de la population, et elle a un effet social destructeur. La nécessité de lutter contre cette insécurité est d’autant plus impérieuse que la montée de la délinquance se double d’une progression continue d’une violence de plus en plus aiguë face à laquelle nos sociétés ont du mal à trouver des réponses pertinentes. Cette montée en puissance touche tous les domaines : dans les lieux publics, sur les lieux de travail, dans les fêtes et manifestations populaires, dans les familles, sur nos routes... Une autre caractéristique de ce phénomène est son rajeunissement.

Les explications formulées seulement en termes économiques et sociaux ne sont plus pertinentes pour rendre compte pleinement de ces phénomènes ; le PS, qui a évolué sur ce point depuis 1997, doit tourner radicalement le dos à l’« angélisme » qui continue parfois de prévaloir, on a encore pu le constater lors des débats sur la loi de sécurité intérieure. Les réponses formulées en termes strictement préventifs ou éducatifs sont nécessaires mais insuffisantes.

Avant tout, il convient de redonner toute sa place à la responsabilité. Le respect de la personne implique de la considérer dans toutes ses dimensions y compris celle de la responsabilité. Si le maintien de l’ordre est une responsabilité collective, le respect de l’ordre est une responsabilité individuelle. Toutes deux doivent se répondre et se conforter. Réaffirmons avec force les règles de la vie en commun et faisons en sorte qu’elles soient respectées. A ce titre, la contrainte peut avoir un rôle salutaire. Ce concept n’est pas contradictoire avec l’insertion et la prévention. Des réponses immédiates, en terme de sanction doivent aussi être apportées. Tout délit doit trouver sanction, y compris les délits mineurs. La sanction proportionnée et immédiate apportée à un délit mineur est une des faces de la prévention, dans la mesure où elle peut tendre à en éviter un plus grave. Afin de donner une réponse rapide et adaptée à toute infraction, il convient d’inventer une justice de proximité efficace : le taux d’impunité constaté est alarmant et indigne d’un État de droit.

Le gouvernement actuel tente d’apporter une réponse partielle à ce phénomène, en créant pour décharger les tribunaux des « juges de proximité ». Cette solution n’est pas forcément la meilleure. Sans doute conviendrait-il mieux d’innover en expérimentant des « conseils de sages », pour traiter la petite délinquance : ces instances proposeraient au Procureur des sanctions alternatives à la peine, ou des sanctions judiciaires à un magistrat spécialisé.

Il convient ensuite, de faire un bon usage des textes existants, en agissant sur le milieu familial dans lequel évolue le délinquant : l’autorité parentale doit redevenir un des socles de notre organisation sociale, quitte à obliger les parents à assurer les responsabilités qui leur incombent quant à l’éducation de leurs enfants. Des leviers doivent être développés en ce sens, en agissant sur les allocations familiales, en les mettant sous tutelle en cas de délit grave ou de récidive. La loi permet d’ailleurs déjà cette mesure quand les jeunes qui ont une obligation de scolarité s’en dispensent systématiquement. Les parents doivent aussi être aidés à assumer leurs responsabilités. Pour ce faire, la multiplication d’« écoles des parents » doit être encouragée. Ces endroits proposeraient au coeur de nos villes et de nos quartiers, un lieu d’échanges avec des éducateurs et des psychologues afin d’aider les parents dans leurs difficultés à restaurer leur autorité, tout en leur faisant prendre conscience de leurs responsabilités constitutives du respect de leurs enfants.

Dans les hypothèses où de telles mesures ne suffiraient pas, il convient alors d’adopter des mesures d’éloignement des jeunes afin de les sortir de leur environnement. La prison, n’étant évidemment pas la bonne solution, il faut trouver des sanctions autres, des substituts à l’enfermement. Pour les cas graves pourtant, pour les jeunes les plus déstructurés, et pour les récidivistes des modalités de placement en milieu fermé s’imposent.

La politique menée actuellement par le ministre de l’intérieur se situe sur le fil du rasoir. La recherche de l’efficacité, pour répondre à la très forte demande sociale de sécurité, ne doit pas mettre en péril les principes démocratiques et la solidarité que l’on doit aux plus faibles. Il semble qu’à ce jour l’équilibre entre efficacité et respect des droits de l’Homme soit respecté. Il nous appartient de reconnaître le positif, tout en restant vigilant sur les débordements possibles. Toutefois, une politique de sécurité équilibrée ne peut se fonder exclusivement sur la répression. Nous devons rappeler fermement que, si la sanction et l’appel à la responsabilité individuelle constituent une partie de la réponse, les acteurs publics ne peuvent s’y limiter.

Contrairement à la droite, nous préconisons de rechercher un équilibre entre une démarche de fermeté et un renforcement des politiques de prévention à tous les niveaux. Au delà des efforts à poursuivre pour l’éducation et la formation, ou pour les politiques du logement, nous réaffirmons la nécessité des politiques de prévention spécialisées, en particulier en développant le nombre et le rôle des médiateurs ou d’ éducateurs de rue, ou celles visant à la réinsertion par l’emploi notamment.

Enfin, nous insistons sur la nécessaire coordination et coopération de toutes les institutions compétentes en matière de sécurité, à l’échelon local notamment. L’efficacité de tels partenariats a été prouvée, par exemple, par l’instauration de « groupes locaux de traitement de la délinquance » qui fonctionnent autour de collèges à problèmes, dans un quartier particulier. Ces expériences permettent un suivi personnalisé des familles et des mineurs délinquants et des victimes, de façon nominative.

Cette collaboration doit cependant être mieux définie, chacun évoluant encore souvent dans un océan de flou et de contradictions. A ce titre, faire présider les CLSPD16 par les maires, va dans le bon sens.
17 « Immigration, marché du travail et intégration », rendu public le 19/11/02).
Ce mouvement doit être poursuivi. Il est regrettable, à ce titre, que les projets de décentralisation du gouvernement actuel n’intègrent pas nettement la dimension de la sécurité. L’évolution vers une plus grande proximité et le mouvement continu vers la « co-production » institutionnalisée de la sécurité auraient nécessité d’inclure cette dimension dans le débat.

Pour une politique de la ville revitalisée !

La politique de la ville montre aujourd’hui de nets signes d’essoufflement. En fait, on découvre que celle-ci n’a jamais véritablement fonctionné, et que le Ministère de la Ville est, sans grands moyens, bien souvent réduit à prendre des mesures disparates, sans vision d’ensemble. Ces insuffisances ont été dénoncées par la Cour des Comptes dans un rapport de février 2002.

L’idée de supprimer la délégation interministérielle à la ville, devenue une administration de gestion qui se superpose aux autres, permettrait de rendre leur sens à de grandes politiques thématiques sur la rénovation urbaine, sur l’éducation, la sécurité, le logement, le transport, la lutte contre les nuisances… c’est-à-dire tout ce qui permet, sur un territoire donné, pendant un certain temps, en agissant sur tous les aspects, de faire repartir vers le haut, des territoires ghettoïsés qui glissaient vers le bas. Elle rendrait aux élus locaux toutes leurs responsabilités.

Les problèmes des villes et de l’intégration des quartiers ne peuvent se traiter sous le seul angle de l’urbanisme : il ne suffit pas de faire sauter quelques tours et des barres d’immeubles pour dé-densifier ces quartiers et résoudre toutes leurs difficultés. Repenser la ville, c’est d’abord la relier : relier les quartiers au centre et redonner à la ville une unité. Des instruments existent pour ce faire, par exemple les GPV, qui permettent de croiser et de fusionner les initiatives visant à la réhabilitation et à l’intégration d’un territoire donné (et de ses habitants). La mixité urbaine et l’intégration des différentes populations qui peuplent une ville relève plus du tissage que du mélange !

Restaurer un lien social fortement dissous, c’est aussi savoir réimplanter ou redéployer des services publics de proximité, encourager le commerce de petite taille et la création d’entreprises : en ce sens, l’économique peut jouer un rôle derrière l’impulsion politique. C’est pourquoi il faut davantage de partenaires privés dans le développement de zones urbaines mixtes, mélangeant habitations, entreprises, zones de loisirs et d’activités culturelles, pour re-densifier le tissu urbain .

Maîtriser l’immigration au niveau européen, réinventer le modèle Français d’intégration

Une politique française et européenne de maîtrise et de rationalisation de l’immigration s’impose. La notion d’ « immigration zéro » n’a pas de sens et doit être abandonnée par le discours politique. L’instauration d’une politique volontariste de régulation des flux migratoires, doit être explorée. On peut envisager la définition de critères à la fois professionnels et plus généraux. Une telle position a été défendue par un rapport du Commissariat du Plan17.
 
L’existence de critères d’immigration ne peut, par elle-même, mettre un terme à l’immigration clandestine. Les solutions à ce problème sont à rechercher au niveau européen. Quelques suggestions peuvent être faites :
     dans le cadre des réformes importantes à venir (sur lesquelles travaille la Convention), l’intégration de la politique des flux migratoires dans la politique étrangère de l’Union ;
     un renforcement substantiel des compétences opérationnelles d’Europol, notamment pour ce qui concerne la lutte contre les filières d’immigration clandestine ;
     les réflexions sur la création d’un corps européen de gardes frontières doivent être poursuivies et menées à bien.
     une politique d’accords négociés de retour avec les pays d’émigration vers l’Europe.
Toute politique d’immigration doit trouver une complémentarité dans une réelle politique d’intégration. Or, la politique d’intégration « à la française » est en panne. On pensait naïvement évacuer le problème en stoppant l’immigration économique en 1974 tout en favorisant le regroupement familial, et en développant une politique généreuse de naturalisation (assouplissement des conditions d’obtention de la nationalité française). Ce double mouvement ne s’est pas accompagné de politiques favorisant l’intégration des personnes ainsi « sédentarisées » puis naturalisées, ni de leurs enfants. Dans l’esprit français, l’obtention de la nationalité française devait être suffisante en tant que telle pour assurer l’intégration de ces nouveaux citoyens : dès lors, ils étaient supposés communier dans le grand ensemble républicain, où les origines raciales, ethniques ou religieuses des uns et des autres n’avaient plus cours. En réalité, l’égalité des individus ainsi intégrés dans le corps national était plus postulée que réelle. Le minimum relatif à l’apprentissage de notre langue et des principes d’organisation de notre République n’a même pas été réalisé ! Cette population immigrée s’est alors refermée sur ses communautés : de la résignation des parents, on est passé à la révolte des enfants contre l’ensemble de ce qu’ils identifient à un « système social hostile ».

Pour autant, convient-il de rompre le principe d’égalité républicaine, en développant par exemple des mesures de discrimination positive pour assurer l’intégration effective des intéressés ? La réponse est sans doute négative, encore qu’il serait bon que l’État, l’administration, voire les partis politiques s’attachent, comme cela est fait pour la parité homme femme à faciliter l’ascension de personnes issues de l’immigration.

Une politique équilibrée consisterait à mettre en accord le principe d’égalité républicaine avec la situation concrète des intéressés. Comment leur parler de justice si l’on n’élargit pas les critères de régularisation des sans-papiers, si l’on ne règle pas de manière humaine la question de l’inadmissible double peine. Comment leur parler d’égalité alors qu’ils vivent principalement dans des « ghettos » obéissant de plus en plus à des modes de fonctionnement ethniques ou tribaux, et coupés de la société française ? Comment leur parler de communauté de valeurs et d’avenir partagé si on ne lutte pas activement contre les discriminations, si on leur demande d’abandonner leur mémoire, de renoncer à une culture que l’on s’obstine à ignorer, voire à mépriser ?

L’engagement de tous vers un même destin collectif, ne peut se faire qu’à la condition de respecter les cultures et les valeurs, celles du moins qui ne sont pas en contradiction avec la démocratie, les droits de l’homme et la laïcité . Le multiculturalisme doit être respecté et reconnu comme un enrichissement collectif.

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POUR UN DÉVELOPPEMENT DURABLE

18 Le SIDA y est également un fléau majeur qui doit représenter le point prioritaire d’application d’une politique d’aide.
La solidarité nécessaire vis à vis des pays du tiers monde pour rendre possible leur développement exige d’abord de recourir à une aide directe et immédiate pour tous les pays qui en attendent leur survie et celle de leurs habitants. La honte de la société mondiale est aujourd’hui la trappe à pauvreté dans laquelle sont enfoncés environ vingt pays notamment africains, dans une relative indifférence des médias. Les socialistes se renieraient s’ils ne faisaient pas de cet impératif une priorité absolue. Revenir aux 0,7 % d’aide auxquels nous nous étions engagés, mais aussi faire en sorte que ces pays puissent disposer des moyens d’un réel développement durable et donc de les aider à progressivement prendre en main leur destin.

L’Europe serait fidèle à sa mission en se plaçant au premier rang de l’assistance à apporter à l’Afrique, qui à la différence de certains pays ou certaines régions qui ont pu sortir du sous-développement, s’y enfonce, n’ayant pas pu s’ intégrer dans le commerce international. Ce continent serait davantage destinataire d’aide et d’investissements, et mieux en mesure de les utiliser s’il pouvait stabiliser la situation politique de nombre de ses États, assurer la paix civile, aller vers l’installation d’un état de droit, éradiquer la corruption, améliorer l’éducation et la santé publique18.
19 Développement des transports publics et limitation de l’utilisation de l’automobile mais plus encore accroissement de l’effort de recherche en faveur du ferroutage.
Notre démarche d’aide, doit tout autant favoriser des politiques de formation, de démocratisation, de santé publique et la mise en place d’une administration efficace, que les éléments économiques ou financiers. C‘est un des aspects du développement durable.

Le développement durable, tel que nous le concevons, veut être au service des hommes et particulièrement des plus pauvres, auxquels il veut assurer un accès plus général au développement technique et aux biens publics mondiaux qu’ils soient matériels comme l’eau, ou immatériels comme la santé et le savoir, tout en ménageant les ressources naturelles, pour assurer des conditions de vie acceptables aux générations à venir
. Faire résolument le choix de la croissance, tout en voulant l’orienter vers une diminution des inégalités et de la précarité à l’échelle du monde, limiter les risques et les nuisances du progrès, protéger les ressources de la planète, intégrer dans les décisions présentes les conséquences qu’elles auront sur les générations futures : tout cela rejoint notre volonté de mettre en avant les concepts de responsabilité et de solidarité...

Nous réalisons que nos sociétés de surconsommation et de profit à court terme altèrent de manière grave notre environnement, mettent en danger notre planète. Notre modèle de développement ne peut, au risque d’assécher les réserves naturelles et de bouleverser dramatiquement les équilibres écologiques, être généralisé. Une remise en question est d’autant plus cruciale que le monde non occidental n’a de cesse de se rapprocher de notre modèle terrifiant. C’est dire l’urgence d’une coopération internationale ambitieuse pour une réorientation du développement.

Face à des problèmes mondiaux, la responsabilité en effet est d’abord internationale et revient à assurer une régulation de la mondialisation.
Favorisons les mécanismes du marché, mais faisons en sorte de les encadrer par une maîtrise publique. Créons, ou contribuons à créer une organisation mondiale de l’Environnement dotée de larges moyens pour lutter efficacement contre l’ effet de serre ou pour la protection de l’eau. Et pourquoi pas une Cour Internationale de l’Environnement qui, à terme, serait chargée de juger les atteintes graves à l’environnement et aux biens publics mondiaux . Démocratisons les organismes internationaux chargés de la santé, de l’éducation ou des droits de l’Homme et donnons à leur normes ou à leurs décisions le même caractère obligatoire qu’à celles de l’OMC ou au FMI. Subordonnons autant que possible la loi marchande au respect des normes sociales et environnementales. Ouvrons les marchés aux produits venant des pays moins développés et autorisons provisoirement ces pays à une protection douanière. Limitons les subventions à nos agriculteurs, ce qui diminuera chez nous la recherche forcenée de la productivité au dépens de la qualité et donnera leur chance aux agriculteurs des pays pauvres. Cherchons les moyens d’une participation mondiale au financement des biens publics mondiaux.

Responsabilité directe, aussi de nos États ou de l’Europe, des responsables politiques y compris locaux qui doivent faire en sorte que toute décision économique ou sociale, toute politique d’aménagement du territoire, de développement des villes, de transport19, de logement, d’énergie prenne en compte ses effets sur l’environnement et sur les modes de vie.
 
Responsabilité des entreprises, comme nous l’avons décrite plus haut ; responsabilité des services publics et en particulier de l’école, qui doit former les esprits au respect de notre environnement, responsabilité des ONG, des associations, des acteurs sociaux, des partis politiques, et notamment du PS, qui doivent agir pour promouvoir l’économie solidaire et le développement humain durable, et construire concrètement au plan local un monde respectueux de l’environnement et de l’avenir. Dans ce rôle de régulation mondiale, il apparaît une forme de démocratie participative à l’échelle du monde, difficile à canaliser mais qu’il faut entendre : on entre dans une sorte de dynamique où le rôle des États, celui des ONG et de la société civile sont engagés dans des relations complexes faites de conflits et de coopérations. Une opinion publique mondiale et une citoyenneté planétaire sont en train de naître, que nous devons encourager.

Responsabilité qui est la notre enfin, citoyens des pays riches, qui devons modifier nos habitudes de consommation, faire preuve de sobriété et éviter les gaspillages.

Ces idées et ces propositions d’une gauche moderne et généreuse, veulent contribuer à donner au débat sa complète dimension démocratique. Elles auront un prolongement dans la mesure où ceux qui s’y reconnaissent souhaiteront se rassembler pour les promouvoir et en faire l’ossature d’un projet de gauche cohérent, novateur et mobilisateur.


Signataires :
Présentée par Vianney HUGUENOT, Premier secrétaire fédéral des Vosges pour permettre d'en débattre au sein du Parti socialiste.

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