Pour un socialisme libéral

Jean-Marie Bockel

 Contribution générale au congrès national du Mans présentée par Jean-Marie Bockel, maire de Mulhouse, sénateur du Haut-Rhin, Marc d’Here, membre de la commission nationale de contrôle financier (liste complémentaire), Gilles Norroy, membre de la commission nationale entreprises (juillet 2005).

 
La victoire du Non le 29 mai dernier, a été la défaite du Oui de gauche. La droite et le centre ont largement voté Oui, et si le Non l’a emporté, avec l’ampleur que l’on connaît, c’est qu’il a fait au sein de la gauche de gouvernement, principalement socialiste, un score élevé. Pour quelles raisons les leaders socialistes n’ont-ils pas été capables d’entraîner vers le Oui leurs sympathisants, pourtant largement pro-européens ? La situation sociale dégradée, la persistance du chômage de masse, la grave perte de confiance vis-à-vis des politiques, ont joué un rôle non négligeable dans le refus exprimé par l’électorat de gauche.

Pourtant une autre raison a été plus décisive encore. Comme tout le monde, les électeurs de gauche savent que l’Europe est libérale, pas ultra libérale comme certains l’en accusent sans respect pour le sens des mots, mais libérale, fondée sur les concepts de liberté et d’émancipation, acceptant la loi du marché et la libre concurrence. Les avancées démocratiques et sociales du projet constitutionnel ne contredisaient pas ce caractère. Comment, faisant cette constatation, les électeurs de gauche pouvait-ils suivre ceux des socialistes qui, tout en fustigeant à longueur de discours le libéralisme, leur demandaient d’approuver cette Europe et ce projet libéral ? La contradiction apparaissait trop flagrante pour ne pas entraîner le malaise, la méfiance, le rejet.

Les tenants socialistes du Non, malgré le populisme dont ils ont parfois fait preuve, étaient plus logiques : leur vote de rejet était en ligne avec les campagnes menées par les socialistes contre le libéralisme. De la même façon qu’étaient cohérents les sociaux libéraux qui demandaient d’approuver cette constitution, sans stigmatiser le libéralisme. Le positionnement ambigu, l’attitude craintive, le discours contradictoire « votez pour cette constitution (libérale) et luttez contre le libéralisme », ont encore une fois conduit à l’échec, comme ils avaient provoqué celui de 2002. Le parler cohérent (à défaut du parler vrai) deviendrait-il efficace ?

Aujourd’hui, le PS se trouve une fois encore à un moment crucial de son existence. Nous proposons de faire de cette épreuve difficile, l’occasion du renouveau. La division du parti, entre les partisans du oui et ceux du non, n’est pas conjoncturelle, elle engage notre identité, le sens que nous voulons donner au socialisme, la manière dont nous entendons parler au pays. Elle doit conduire à faire un choix clair entre deux voies contradictoires :

La première, celle qui vient de triompher avec le « non à l’Europe », est celle du conservatisme d’une gauche qui refuse l’évolution du monde et exprime sa peur de l’avenir. C’est aussi la voie des discours convenus, des solutions dépassées, des revendications corporatistes…

La seconde voie est celle de la prise en compte des opportunités de la concurrence et de l’économie de marché, de la recherche de la mobilisation sociale et de la régulation autour des valeurs d’équité, de responsabilité, d’initiative et de solidarité. C’est celle de l’intégration active dans le vaste mouvement européen de rénovation de la gauche et du centre gauche.

Entre ces deux voies, il faudra trancher, car elles sont inconciliables et toute solution intermédiaire serait illisible et conduirait encore une fois à l’échec. Le parti socialiste doit éviter de se laisser aller à la tentation de rechercher une synthèse, forcément artificielle, entre ces deux lignes antagonistes qui traduisent des visions contraires de la société et de l’avenir, avec toutes les divergences que cela implique en terme de valeurs et de principes, de projet politique et d’alliances au plan européen.

Malheureusement ce choix de la clarté, qui serait aussi celui de l’efficacité, n’est pas le plus probable. On peut craindre que l’on se hâte d’oublier les oppositions et les fractures qu’a révélées la campagne référendaire, et qu’au nom de l’ « unité du parti », dans un grand élan simplificateur d’opposition frontale au gouvernement, les socialistes se rassemblent dans la confusion, mêlent les objectifs et les propositions contradictoires, et retournent aux joies du double langage, de l’ambiguïté, de la posture contestataire. Qui peut imaginer la victoire au bout de ce chemin qui nous a par deux fois conduit à la défaite ?

Le parti socialiste est, dans son histoire récente, tombé dans bien des pièges. Le prochain qu’il doit éviter est celui du rassemblement hâtif sur des bases non clarifiées, qui serait factice, porteur de confusion et donc plus dangereux pour lui-même que jamais. Pour éviter ce piège, c’est le choix de la clarté que nous lui proposons, le choix de l’avenir, le choix d’un socialisme moderne et libéral.



LES FONDEMENTS
D’UN SOCIALISME LIBÉRAL

 
Alors que le monde et la société se transforment, seule la rénovation de nos idées et de nos outils nous permettra de rester fidèles à nos valeurs. Pour mettre en oeuvre notre volonté de progrès et de transformation sociale, nous ne pouvons plus nous appuyer sur des principes et des moyens conçus dans un environnement qui a disparu, mais représentant encore le fond idéologique de nos projets et de nos politiques :

C’est la prise en charge uniforme par l’Etat providence, quand s’affirme la nécessité d’adaptation aux situations particulières et aux aspirations de plus en plus diversifiées des citoyens.

C’est le recours à des systèmes sociaux nés dans une période de forte croissance-démographique, de production, de revenus - et qui, aujourd’hui confrontés à la baisse des recettes et à l’accroissement des dépenses, sont désarmés face à l’aggravation de la précarité et de l’exclusion.

C’est une philosophie de l’assistance qui se justifiait quand il fallait élever rapidement le niveau de vie de populations relativement homogènes mais qui est aujourd’hui un obstacle au développement de l’esprit d’initiative et freine le dynamisme dont nos sociétés ont besoin.

C’est la protection des statuts, des droits acquis, parfois la défense des corporatismes qui représentent autant d’obstacles à la mobilité sociale et aux possibilités de réforme.

C’est une méfiance vis à vis des entreprises et du marché qui se traduit par une limitation des conditions de la compétitivité et de la croissance. C’est la focalisation sur la redistribution des richesses, en voulant ignorer les moyens de produire ces richesses.

C’est aussi le choix de l’augmentation des dépenses publiques et de l’interventionnisme d’un Etat, qui devrait se concentrer sur ses missions essentielles, alléger son fonctionnement pour dégager des marges de manoeuvre notamment sociales. C’est une suspicion vis-à-vis de la société civile qui entrave tout dynamisme social et contraint la démocratie.

Sur le plan international, c’était enfin, au-delà d’un internationalisme militant, l’absence de l’Europe dans le rapport de force mondial, alors qu’il lui appartient aujourd’hui de s’affirmer sur la scène internationale, d’être active dans le monde.

Ces principes et ces moyens, ont eu leur légitimité et leur force, mais ils ne sont plus aujourd’hui opérants, marqués principalement par une absence de confiance dans la dynamique de la société, et n’arrivant pas à se défaire du dogme de la toute puissance de l’État, à l’opposé des réalités du monde contemporain, des nécessités d’une démocratie élargie et des aspirations des populations.

Ne faisons plus du libéralisme, avec son exigence de régulation, son besoin de justice, et sa recherche d’une concurrence loyale et égale, l’objet de nos craintes et le bouc émissaire de nos échecs.

Ne le confondons pas avec l’ultra libéralisme synonyme d’absence de règles et de loi du plus fort. Oui, l’alliance du socialisme et du libéralisme est possible, nécessaire même à l’incarnation de nos valeurs. Car, ce sont la liberté de la personne, la responsabilité partagée, l’engagement individuel et collectif, qui ouvrent la voie au progrès et à de nouvelles formes de justice sociale. L’initiative est facteur de dynamisme, la concurrence régulée favorise l’innovation, et, en s’opposant aux situations acquises ou héritées comme aux privilèges, est la condition de la justice, de la mobilité sociale et de l’égalité. Pour incarner son ambition de progrès social et d’émancipation partagée, la gauche doit être en prise avec les mutations du monde contemporain.

Nous sommes d’abord socialistes, parce que nous plaçons la solidarité et la justice sociale au rang des priorités de l’action politique ; nous sommes des socialistes libéraux parce que nous pensons que le projet socialiste n’a de sens et de chances de réussir que dans une société de libertés, de responsabilité, d’émancipation sociale et d’ouverture au monde. Trouvant sa force et son dynamisme dans l’autonomie et la responsabilité des acteurs, éclairé par les exigences de la solidarité, attentif à l’égalité des chances, notre projet vise, dans le cadre d’une démocratie élargie,l’efficacité économique, la justice sociale et un développement véritablement durable.

Une telle ambition, pour la France des années à venir, n’a de sens que si elle est au cœur d’un projet pour l’Europe.



POUR UNE EUROPE
PUISSANTE ET SOLIDAIRE

 
L’Europe demeure un des plus motivants projets collectifs, la seule possibilité, pour chacun de nos pays, d’affronter victorieusement l’avenir. Seule une Europe unie et forte pourra assurer notre développement, approfondir et rénover notre modèle de société, s’affirmer comme un acteur influent et utile au monde. Pour y parvenir, sa puissance économique est un atout, comme son aura culturelle, il lui appartient de s’en donner la volonté et les moyens politiques.

Le rejet, par la France puis par les Pays-Bas, du projet de constitution européenne, a provoqué - et révélé - une crise de l’Europe, avec pour corollaires, un coup d’arrêt à l’avancée de l’Union et un affaiblissement des positions de la France. Continuons à faire vivre le débat européen, autour des principes et des propositions du projet constitutionnel (Le Oui au référendum organisé par le Luxembourg, 13 ème pays à ratifier le traité, montre que celui-ci n’est pas forcément caduc).

Il nous appartient d’abord de répondre aux aspirations des peuples, aux insatisfactions qu’ils ont manifestées, ce qui passe par une modernisation du modèle social et économique européen.

L’échec économique a produit l’échec social (chômage de masse, insécurités diverses, crise de société…) prolongé en crise politique et institutionnelle. Réussite économique, progrès social et vitalité démocratique sont bien interdépendants. C’est une Europe modernisée que nous voulons, qui choisisse une stratégie de croissance et d’emploi, qui accroisse son effort budgétaire et le dirige en priorité vers les secteurs d’avenir. C’est en investissant dans la recherche et l’innovation, en augmentant les qualifications et en inventant les métiers de demain, en stimulant les créations d’entreprises, en sécurisant les parcours professionnels, que nous gagnerons la bataille du développement et de l’emploi. Et non en défendant, par plus de réglementations et de dirigisme, des protections anciennes qui ne fonctionnent plus. Seule la réussite d’une économie ouverte et globale, adaptée au flux des échanges mais inventant de nouvelles formes de solidarité, permettra la diffusion concrète du progrès social.

L’Europe politique est notre objectif. Nous devons lui donner les moyens institutionnels de s’affirmer, de prendre des décisions et de mener des politiques, de renforcer ses capacités d’intervention. Accroître les pouvoirs du Parlement, donner aux acteurs sociaux et aux citoyens les moyens d’intervenir dans son fonctionnement. Renforcer dans les domaines de la justice, de la sécurité, du développement, de la défense de l’environnement, les chantiers d’une coopération concrète, plus intégrée. Nous devons favoriser des coopérations et des rapprochements avec tous les Etats qui souhaitent s’inscrire dans cette démarche d’avancée vers une union toujours plus étroite.

Cette politique sera menée avec les partis socialistes et sociaux démocrates européens, et dans le cadre d’un constant débat citoyen.

Nous voulons enfin une Europe ouverte aux échanges et au monde, qui refuse l’immobilisme et le repliement sur soi. L’Europe n’a pas à devenir, un « rempart » contre la mondialisation, car celle-ci n’est pas seulement une menace, mais elle peut nous aider à l’orienter et à l’humaniser, tout en nous permettant d’en saisir les opportunités comme les chances.



UN NOUVEAU PACTE SOCIAL

 

Une égalité réelle

Le monde est porteur d’injustices renouvelées. Le progrès technique et les échanges, s’ils sont globalement profitables, ne bénéficient pas de manière équilibrée à toutes les catégories sociales. Nous voulons oeuvrer pour une société de justice, dans laquelle les destins se construisent de manière moins irréversible, dans laquelle chacun d’où qu’il vienne, quel que soit son parcours ou ses choix, puisse avoir sa chance de réussir sa vie professionnelle et sociale, de vivre pleinement sa vie d’homme ou de femme. L’anxiété devant l’avenir, le sentiment que rien n’est possible, conduisent les plus fragiles à se réfugier dans la demande d’assistance ou dans la violence, et mènent la société à la résignation ou à la désintégration. Pour y répondre, nous voulons nous engager en faveur d’une société dans laquelle chacun pourra bénéficier d’une réelle « égalité des possibles ».

Aujourd’hui, l’individu est de plus en plus autonome, plus isolé aussi, souvent plus vulnérable.

Les affiliations traditionnelles perdent de leur force, les situations se personnalisent, les trajectoires s’individualisent. Les solutions globales et uniformes ne sont plus adaptées à la diversification des situations, elles ne peuvent répondre aux phénomènes de chômage de longue durée et de précarité et contribuent souvent à maintenir des situations d'exclusion.

Le nouveau pacte social devra, pour rendre la société plus cohérente et solidaire, mettre en oeuvre des solutions différenciées et ciblées. En lieux et places de l’application de principes égalitaires il conviendra de recourir à des mesures concrètes d’équité en faisant plus pour ceux qui sont en situation précaire et en ont le plus besoin. On ne peut plus se limiter à une distribution de prestations égales à des bénéficiaires fortement inégaux en termes de revenu, de patrimoine culturel, de santé, d’espérance de vie. Il faut concentrer les moyens et les dispositifs sur les publics en difficulté, recourir à des mesures d’équité en faisant plus pour ceux qui ont moins. On ne peut poser le principe d’égalité en ignorant qu’il y a inégalité originelle. Seul un traitement inégal des inégaux, une « discrimination positive », peut contribuer à atténuer l’inégalité de départ et à redonner des chances égales pour la suite. Il faut donner plus à ceux qui partent avec moins si l’on veut que tous aient des chances comparables de réussite.

Plutôt que de recourir à l’assistance, qui conduit à la dépendance ou à la résignation, il faut favoriser la prise de responsabilité, l’initiative. Tout doit être fait pour inciter les chômeurs à reprendre le plus vite possible un emploi, ceux qui ont connu un échec à repartir de l’avant. Les conditions d’une autonomie réelle doivent être données aux jeunes en difficulté à partir de mécanismes de soutiens conditionnés par l’engagement dans des formations qualifiantes ou des projets. On doit encourager tous ceux qui peuvent se relancer à le faire, et leur en fournir les moyens. En revanche, ceux qui n’en sont pas, ou plus capables, handicapés, personnes âgées sans ressources, seront sous la responsabilité de la collectivité et devront bénéficier d’aides publiques conséquentes.

Mobilité et sécurité : pour une nouvelle politique de l'emploi

La première des injustices est celle du chômage, retrouver le plein emploi est la première des exigences. Pour y tendre, les supposées vertus du modèle français paraissent dérisoires. Jamais la précarité et l’exclusion n’ont été si importantes. Notre taux de chômage est depuis des années proche de 10 %, le nombre de rmistes s’élève à 1,2 millions de personnes et près de 800 000 travailleurs ont des revenus inférieurs au seuil de pauvreté. Comment ne pas s’indigner des effets dévastateurs en termes de cohésion sociale d’une telle situation ?

Notre responsabilité collective est certaine, même si les allègements de charges des uns, les emplois jeunes et la réduction du temps de travail des autres ont pu favoriser un temps les créations d’emploi. Un regard au-delà de nos frontières nous interdit de considérer le chômage comme une fatalité et l’action politique dépourvue de marges de manoeuvre.

Que peuvent nous apprendre le Royaume-Uni, avec ses 4,7 % de chômeurs, sa croissance dynamique, sa réduction de la pauvreté et son revenu par habitant désormais supérieur à celui de la France, ou encore le Danemark, dont le taux de chômage est passé en six ans de 10 % à 5 % ?

D’abord que la plus grande des précarités est celle du non emploi durable, que l’assistance n’est pas synonyme d’inclusion sociale, que la surprotection des emplois existants est inefficace, que les droits acquis des uns s’exercent au détriment de ceux des autres. Sans copier les Anglais ou les Danois, nous pouvons apprendre de sociétés dans lesquelles la souplesse et la fluidité du marché du travail permettent de refuser le chômage vécu comme destin, de sociétés qui valorisent l’activité et mobilisent les énergies non pour assister mais pour encourager et donner les moyens de l’initiative.

Nous pouvons aussi apprendre que la flexibilité ne s’oppose ni à la protection des salariés ni à l’action volontariste de la puissance publique.

Les solutions qui paraissent défendre les salariés en retardant les réorganisations nécessaires sont contre productives. Empêcher les licenciements est illusoire, les rendre trop difficiles ou coûteux a comme principale conséquence de raréfier les embauches. Plutôt que de se battre pour protéger des emplois obsolètes, il faut agir pour en créer de nouveaux, dépasser les politiques défensives fondées sur la résistance ou sur l’assistance, pour privilégier l’adaptation aux besoins et la responsabilisation des acteurs. Développons la mobilité mais dans le même temps, sécurisons davantage les parcours professionnels et favorisons les attitudes positives des entreprises vis-à-vis de l’emploi par des systèmes incitatifs de bonus malus.

Aidons les entreprises à se créer - particulièrement les petites entreprises et les entreprises innovantes - simplifions leur fonctionnement et permettons leur développement. Les pays qui créent le plus d’entreprises sont ceux qui ont le plus de croissance et créent le plus d’emplois. Un gisement de plusieurs centaines de milliers d’emplois existe dans le secteur des services à la personne. Des mesures fiscales ou réglementaires en favoriseront l’éclosion.

Permettons un retour à l’emploi plus rapide, afin d’éviter l’installation durable dans le chômage. L’essentiel de notre action doit résider dans l’accompagnement personnalisé et incitatif des chômeurs. Le service public de l’emploi doit être plus proche de chaque chômeur, plus attentif à ses aspirations, plus motivant dans ses propositions. Il doit pouvoir, en s’appuyant sur une coopération entre organismes publics et privés, mieux apparier les offres et les demandes. Pour que ce service trouve son efficacité, il faut que les demandeurs d’emploi apportent leur participation et que leurs efforts viennent répondre à ceux de la collectivité. Le caractère contractuel du retour à l’emploi doit s’affirmer en fonction des possibilités du bénéficiaire. La conditionnalité de l’indemnisation, l’attribution des allocations doit devenir un instrument incitant au retour à l’emploi. C’est parce qu’on donnera aux chômeurs les plus grandes chances de retrouver un emploi, au plus près de leurs compétences et de leurs souhaits, qu’il leur appartiendra, dans un esprit de responsabilité, de saisir ces possibilités.

Transformons l’inactivité en temps utile afin que le chômage ne soit plus un « temps gâché » mais une réorientation ou un tremplin. La formation, point clé du retour rapide à l’emploi, doit aussi permettre d’élargir l’employabilité du demandeur d’emploi et le rendre apte à dépasser le seul horizon du prochain poste. Ceci ne sera possible que si la formation devient une formation tout au long de la vie. Dans ce monde où il sera nécessaire de réapprendre plusieurs fois, chacun doit avoir la possibilité d’élever son niveau de compétence, d’accroître sa capacité à s’adapter et à s’orienter vers de nouveaux secteurs, d’avoir une chance « en continu ». Chacun doit se voir accorder un crédit « temps formation », et garantir un droit, transférable d’une entreprise à l’autre, utilisable en période de travail ou de chômage, de participer à des formations répondant à ses besoins et à ses projets.

Le marché et l'entreprise

Le marché est l’espace de la création de richesses, nous devons favoriser son fonctionnement pour permettre sa pleine efficacité. Nous voulons articuler dynamisme économique et partage social, conserver l’efficacité du capitalisme tout en le rendant plus équitable, forger un compromis entre la compétition et la solidarité. Seuls le développement économique et la croissance nous donneront les moyens de la solidarité.

Nous avons besoin d’entreprises dynamiques et responsables. Pour les aider, les pouvoirs publics doivent moins les subventionner que réduire les obstacles administratifs à leur création, maintenir un environnement qui leur soit favorable. Il appartient aussi à l’entreprise de comprendre qu’elle doit jouer son rôle d’acteur social et de créer avec son environnement, ses fournisseurs, ses actionnaires et ses salariés, un réseau au sein duquel chacun aura intérêt à sa réussite, qui sera, dans une large mesure, la réussite de tous.

La liberté des entreprises implique leur responsabilité, économique et financière, mais aussi sociale et éthique. L’action de l’Etat, la pression des forces syndicales et de la société civile, notamment des organisations de consommateurs, doivent inciter l’entreprise à devenir « socialement responsable », à comprendre qu’il y va de son intérêt. On peut proposer aux partenaires sociaux de négocier une « charte de l’entreprise citoyenne », identifiant les comportements souhaitables qui, sans remettre en cause l’objectif de profit, permettraient d’inscrire l’activité des entreprises dans une démarche de responsabilité, de solidarité et de développement durable profitables à tous. Cette charte couvrirait les domaines du recrutement- en facilitant l’insertion des populations discriminées - de la formation, du développement local, du respect de l’environnement, des compensations à apporter et des actions à mener en cas de recours au licenciement économique.

L’entreprise doit prendre conscience que son développement ne peut se faire au détriment de ceux qui y travaillent et que sa réussite est dans une grande mesure liée à leur adhésion et leur motivation. Espace naturel de la lutte pour le partage de la valeur ajoutée, elle peut aussi être un lieu de partenariat dans lequel les conflits ne seront pas niés mais réglés par la négociation qui exige de savoir prendre le « risque du compromis ».

L’Etat doit garantir que, pour ce qui concerne le travail, l’entreprise et les droits sociaux, les partenaires seront incités à négocier avant son intervention. Permettons au dialogue de se manifester aux niveaux utiles, pour que s’élaborent des accords au plus près des réalités des entreprises et des besoins des salariés. L’Etat doit faciliter ce dialogue entre partenaires responsables, dont la représentativité doit être vérifiée, dans un cadre souple qu’il aura fixé, et en entériner les résultats lorsque ces accords engageront des organisations représentant la majorité des salariés.

Les changements à l’oeuvre dans l’économie et dans le fonctionnement des entreprises augmentent la responsabilisation des salariés mais aussi la pression qui s’exerce sur eux, pouvant créer mal être et insécurité si des protections nouvelles ne sont pas négociées. Le code du travail doit s’adapter aux évolutions de l’économie et aux exigences de la concurrence mais les salariés doivent en contrepartie obtenir de nouveaux droits, en terme de protection, d’expression et de formation. On doit pouvoir modifier par la négociation le cadre juridique et redéfinir les obligations, les droits, les garanties qui se trouvent au centre de toute relation salariale. Notamment en ce qui concerne temps de travail et rémunération.

La manière dont a été élaborée et mise en oeuvre la loi sur les 35 heures a souvent eu pour effet de perturber le fonctionnement des entreprises ou des services publics, et a généré certains effets contre productifs y compris pour les salariés qui devaient en être les bénéficiaires. Cette grande réforme de la réduction du temps de travail peut cependant être reprise et prolongée, dans la concertation sociale et assise sur cette belle idée de libération sociale que peut constituer le développement du temps choisi.

Une sécurité professionnelle doit exister. Le CDD, qui contribue à la précarité, doit, en dehors de situations ou de métiers spécifiques, disparaître. Un CDI, réformé, assurant une réelle sécurité tout en étant évolutif dans l’extension de ses garanties, doit devenir la norme. Le temps partiel choisi, sera considéré, dans le cadre d’accords entre les partenaires sociaux et dans les limites de la loi, comme un droit du salarié. L’égalité entre hommes et femmes ne peut souffrir d’exceptions, ni en terme de salaire ni en terme de déroulement de carrière, et les branches et les entreprises doivent convenir d’actions de rattrapage à engager pour la rendre effective. Il est temps aussi que l’entreprise redécouvre l’avantage d’une pyramide des âges cohérente et redonne leur place aux travailleurs plus âgés dont elle a tout autant besoin que de plus jeunes.

Associer les salariés aux performances auxquelles ils ont contribué, relève de la justice comme de l’évidence économique. Les entreprises manifesteraient une vision à courte vue si elles ne consacraient pas une part notable de leurs bénéfices à une amélioration de la rémunération des salariés, et notamment de ceux qui y ont le plus contribué. Le souci de justice et l’intérêt de l’économie - et donc des entreprises -, exigent que le pouvoir d’achat des salariés se situe au niveau le plus élevé possible, que le profit réalisé se traduise par des augmentations salariales ou une participation accrue aux résultats. L’actionnariat salarié, les plans d’épargne abondés de manière dégressive par les entreprises et bénéficiant d’avantages fiscaux, peuvent aussi créer les conditions d’une amélioration à long terme de la situation des salariés, pour leur temps d’activité ou leur retraite et, en les associant plus étroitement à la stratégie, au fonctionnement et aux résultats de l’entreprise, leur faire prendre en compte les intérêts de cette entreprise.

Education et santé : des biens communs à rénover pour les réaffirmer

Dans un monde de concurrence et d’innovation, dans une société des savoirs, l’éducation est la meilleure chance qui puisse être donnée aux individus et le principal facteur de la croissance. Les résultats de notre enseignement ne correspondent pas à nos attentes d’efficacité et de solidarité: il favorise ceux qui disposent des meilleures chances au départ et les situations d’échec scolaire (160 000 sorties annuelles du système, sans diplôme) touchent essentiellement les enfants de familles défavorisées. Cet échec de la formation initiale, désespérant pour les individus, pèse lourdement sur la réussite collective et la cohésion sociale. L’enseignement doit prendre conscience qu’il a une obligation de résultat (pas seulement de moyens) et que l’échec scolaire marque l’échec de l’école. Une rénovation du service public de l’éducation doit avoir ce double objectif : le rendre à la fois plus performant et plus égalitaire.

Décentralisation, personnalisation et ouverture doivent être les maîtres mots d’une réforme du service public de l’éducation qui doit devenir le moyen privilégié de « l’égalité des possibles ».

Des mesures de déconcentration et de décentralisation donneront plus de souplesse au système et, sans remettre en cause la nécessité de préserver une cohérence nationale, diffuseront les responsabilités et les prises d’initiatives. Le rôle de l’administration centrale, dynamisée, sera centré sur des fonctions essentielles : fixer les cadres et les programmes généraux, réaliser une péréquation des moyens, contrôler, habiliter les diplômes...Au delà pourrait être laissée une grande part à l’initiative, à l’adaptation aux caractéristiques locales et relativement aux populations concernées.

Dans le cadre d’une autonomie plus grande des établissements, le chef d’établissement disposera de pouvoirs de gestion et d’animation d’une équipe qu’il aura choisie. Il participera à la valorisation des compétences en recourant à des modalités motivantes d’évaluation, en donnant plus de poids au mérite et aux résultats qu’à l’ancienneté. Les chefs d’établissements et les équipes enseignantes auront des objectifs à atteindre, et disposeront d’une grande autonomie pour y parvenir.

Dans le cadre d’orientations fixées au niveau national ou régional, ils devront donner corps au projet éducatif, adapter les programmes à partir du socle commun, diversifier les méthodes, déterminer les itinéraires pédagogiques, choisir les rythmes. Le nombre d’enseignants ne peut s’accroître mais leur utilisation sera optimisée. Leur plus grande autonomie, leur responsabilisation, de nouvelles modalités de formation et de rémunération, renforceront leur motivation et leurs résultats.

L’école doit donner à tous un bagage commun, elle doit aussi permettre à chacun de trouver la voie de sa réussite sociale et professionnelle. La nécessité de ne laisser personne en route, sans abaisser le niveau général, doit conduire à des enseignements et à des méthodes personnalisés, à des formes d’aide et d’encadrement qui tiennent compte d’aptitudes et d’aspirations différentes. Vouloir parvenir à l’égalité des possibles, condition de la mobilité sociale, ne peut résulter d’une « égalité républicaine » de façade mais exige à l’évidence des politiques différenciées. Elle requiert une inégalité des traitements, consistant à identifier les différences existant entre les élèves, et à y adapter les parcours et les méthodes d’enseignement. Désacralisons le principe du collège unique dont l’échec est patent. Maintenons un socle commun tout en introduisant une diversification des parcours rendue possible par de meilleurs dispositifs d’orientation. Des filières professionnelles parallèles à la filière générale - reliées par des passerelles utilisables dans les deux sens - doivent être créées. Des classes en alternances doivent fonctionner assez tôt, les « écoles de la deuxième chance » se généraliser.

L’école doit accepter une émulation régulée entre les différents systèmes, entre les différents établissements. Les écoles seront évaluées de manière publique et contradictoire sur les résultats obtenus par rapport aux objectifs et aux caractéristiques des populations prises en charge. Cette évaluation qui existe déjà, de manière informelle et incontrôlée, donnera une information publique permettant de souligner les carences, d’évaluer les moyens nécessaires et de mobiliser tous les acteurs.

L’école doit permettre aux enfants et aux adolescents de se construire au coeur de notre monde, réaffirmer son ambition d’une formation humaniste tout en s’ouvrant sur son environnement social et culturel. Elle doit développer des rapports de coopération avec les acteurs locaux, renforcer les contacts et les liens avec les familles. Elle doit prendre davantage en considération le monde professionnel, et le rôle déterminant que jouent les entreprises, s’ouvrir sur le monde du travail et y familiariser les élèves. L’entreprise doit devenir le partenaire de l’école, au travers de réunions d’informations, de travaux dirigés et de stages à tous niveaux.

N’étant pas indépendante de la cité, l’évolution de l’école ne peut ignorer la marche de la société. On ne fera pas une école égalitaire et juste dans une société d’injustice qui laisse prospérer des zones d’exclusion. A l’image du rapport entre l’individu et la société, si l’école contribue à construire la société, la société bâtit l’école et lui donne son orientation.

Cette transformation de l’école doit trouver son prolongement dans l’amélioration de l’enseignement supérieur. L’université n’est plus le lieu de l’égalité des chances et de la promotion sociale. Un plan d’urgence s’impose pour l’université, fondé sur l’autonomie et la mise en concurrence des établissements, permettant de la restructurer et de lui redonner qualité et vitalité. L’avenir de notre pays dépend de l’élévation constante du niveau moyen de formation et de compétences auquel saura conduire l’enseignement supérieur, comme de sa capacité à constituer des pôles d’excellence.

Autre bien commun, la santé publique est un objectif d’intérêt général dont la réalisation requiert une mobilisation de la société. Elle suppose une politique de prévention ciblée sur les plus jeunes et les populations à risques, et une humanisation des rapports des médecins avec leurs patients. L’augmentation de la durée de vie, le développement des techniques médicales de plus en plus coûteuses, les demandes croissantes de soins conduisent à une augmentation naturelle des dépenses de santé, aggravée par une gestion tout à la fois laxiste et rigidifiée du système. On ne pourra éviter la régulation des coûts des soins et de la protection sociale, dont la progression trop rapide mettrait en danger le système lui-même. Pour pouvoir être acceptée, la réforme attendue, doit répartir équitablement les efforts entre les différents acteurs, entre les différents niveaux de revenus, entre les générations. Pour être efficace, elle doit faire appel à la responsabilité de tous.

Le cadre de la politique de santé, ses objectifs, la prévision des dépenses, l’étendue de la prise en charge collective, les recettes, le contrôle des résultats, doivent dépendre du Parlement.

La gestion se fera, elle, dans un cadre régional, avec une autonomie donnée aux conseils d’administration des caisses de sécurité sociale, élargis aux représentants des professions de santé et des associations de malades. Les caisses doivent disposer au mieux des moyens mis à leur disposition et négocier avec les prestataires de soins. Elles seront mises en concurrence et cette émulation régulée sera sanctionnée par une évaluation publique.

La distribution des médicaments doit être rationalisée: les besoins de la recherche exigent un prix de vente suffisant des médicaments nouveaux avec, en contrepartie, un recours accru aux génériques et le non remboursement des médicaments insuffisamment efficaces. Les médecins remplissent une mission d’intérêt général, ce qui doit conduire, tout en respectant le caractère libéral de leur profession, à donner un sens plus collectif à son exercice. Ils doivent être régulièrement évalués, tant dans leurs compétences que dans leurs pratiques. Le modèle d’une médecine d’équipe, performante, doit être trouvé, avec des maisons de santé souple et polyvalentes, inscrites dans des réseaux de santé comprenant les hôpitaux et les cliniques.

Les hôpitaux, source de près de la moitié du déficit de l’assurance maladie, doivent échapper à une bureaucratie paralysante et disposer, dans un cadre de réglementation et de concurrence régionale, de capacités d’initiative, de moyens leur permettant une plus grande autonomie de gestion et une grande souplesse de fonctionnement. Cette autonomie, exercée dans le respect de l’intérêt général et dans le cadre d’objectifs fixés, permettra de très importants gains de productivité.

Les patients doivent pouvoir bénéficier de traitements de qualité au coût le plus bas, dans des filières organisées et contrôlées par les caisses, avec une participation financière liée à leurs revenus et à leur liberté de choix.

La sécurité : responsabilisation, sanction et prévention

La sécurité, est la première des libertés pour les citoyens et la première des responsabilités de l’Etat. L’insécurité est une réalité, principalement pour la partie la plus fragile de la population. En aggravant la ségrégation urbaine, en rendant plus sensibles les inégalités, en favorisant les réactions de repli sur soi et les discriminations, elle a un effet social destructeur. La nécessité de lutter contre l’insécurité est d’autant plus impérieuse que la délinquance se double de la banalisation de la violence. La gauche doit ici définitivement tourner le dos à l’ « angélisme ».

Il convient de redonner toute sa place à la responsabilité. Le respect de la personne implique de la considérer responsable de sa conduite et de ses actes. A ce titre, la contrainte et la sanction peuvent avoir un rôle salutaire. La sanction, motivée, proportionnée et immédiate, est une des faces de la prévention, dans la mesure où, provoquant une prise de conscience, elle tend à éviter la récidive. Pour donner une réponse rapide et adaptée à toute infraction, le taux d’impunité ou de non application des peines est indigne d’un Etat de droit, on pourrait expérimenter pour la petite délinquance des conseils de sages qui proposeraient au procureur des sanctions alternatives à la prison.

La politique de lutte plus active contre les trafics, de présence policière renforcée sur le terrain et particulièrement dans les lieux et aux horaires où le besoin s’en fait sentir, de moyens modernisés et d’encouragement des forces publiques à la rigueur et à l’efficacité, était nécessaire, et connaît quelques succès, mais aussi des échecs comme la lutte contre la violence à l’école. La recherche de l’efficacité, qui devra être poursuivie, ne doit pas empiéter sur la liberté et les règles de droit, elle ne doit mettre en péril ni la démocratie, ni la solidarité que l’on doit aux plus faibles.

Une politique de sécurité équilibrée et efficace ne peut se fonder exclusivement sur l’usage de la force et la répression. La sanction traite les effets, sans attaquer le mal à la racine. Une politique de sécurité publique doit jouer à la fois sur le temps court de la sanction et sur le temps long du traitement des problèmes sociaux et de la mise en place des conditions propres à assurer l’égalité des chances.

L’échec scolaire avec la frustration qu’il provoque, avec la perte de confiance en soi et dans l’avenir qu’il entraîne, est un des facteurs de la délinquance. Il faut accroître les dispositifs de détection des problèmes auxquels peut être confronté un élève dès les petites classes, établir un traitement précoce des difficultés à travers un partenariat entre l’Ecole, les parents, le tissu associatif et les relais sociaux des municipalités. On doit encourager le développement d’établissements expérimentaux qui s’attachent à redonner à des enfants désocialisés, des possibilités de sortir de la spirale de l’échec et de la marginalisation. On doit aussi agir sur le milieu familial, notamment lorsqu’il s’agit d’un mineur, faire en sorte que les parents assument leurs responsabilités éducatives.

Des aides peuvent leur être apportées, des lieux d’accueil offerts, des réunions organisées, qui leur permettraient des échanges avec d’autres parents, des éducateurs, des psychologues. Lorsque l’autorité ne peut être rétablie ou lorsque le cadre familial et l’entourage sont néfastes, il conviendra de proposer des mesures d’éloignement temporaire des jeunes.

Au-delà de l’aspect éducatif, une politique de prévention se traduit par des efforts dans les domaines de l’urbanisme, de « l’insertion » des banlieues dans la ville, dans la lutte contre les discriminations, dans les politiques du logement, de l’emploi et de la formation. Enfin, la prévention passe aussi par des politiques spécialisées, en particulier par le développement des médiateurs, des éducateurs de rue. Les forces de l’ordre ont aussi un rôle à y jouer en étant utilisées comme agents de proximité, de relations au sein d’un quartier.

Insistons sur la coopération des institutions compétentes en matière de sécurité, à l’échelon communal, où le maire doit être le coordinateur des leviers d’action éducatifs, sociaux et sécuritaires.

L’efficacité de tels partenariats a été prouvée à travers l’instauration de « groupes locaux de traitement de la délinquance » qui fonctionnent autour de collèges à problèmes. Enfin, à l’heure où la criminalité, comme le terrorisme, ignore les frontières, la sécurité ne peut plus être une préoccupation purement nationale. Une collaboration européenne, voire la création d’entités communes entre services de police et justice est une exigence. Deux mesures importantes : le renforcement d’Europol afin d’unifier la police européenne et d’améliorer sa lutte contre la criminalité organisée et la mise en place d’un parquet européen, dont Eurojust peut être l’embryon. L’objectif que se sont donnés les Européens, en 1999, de réaliser un « espace de sécurité, de liberté et de justice » doit être réaffirmé.

La politique de la ville : un lien social sans cesse à retisser

La politique de la ville n’a jamais bien fonctionné, et le ministère de la Ville, sans moyens, a été réduit à prendre des mesures disparates, sans vision d’ensemble. Il faut rendre tout leur sens à des politiques thématiques, dédiées à la sécurité, au logement, au transport, aux nuisances dues aux diverses pollutions. C’est en agissant sur tous ces aspects, que l’on pourra améliorer la vie dans les villes, en faire des lieux attractifs, développer tout à la fois les possibilités d’autonomie des individus et la cohésion sociale.

La ville est conçue dans une logique de séparation. Repenser la ville, c’est d’abord la relier, faire disparaître les discontinuités et la ségrégation urbaine : relier les quartiers au centre par un continuum du bâti, par une meilleure desserte des transports collectifs. Rendre le centre plus accessible, mais aussi plus convivial, en y limitant la circulation des voitures, en multipliant les lieux de rencontres et de loisirs. L’élargir par une redistribution géographique des équipements comme des services publics, par une incitation à l’étalement des commerces. Lutter contre la logique de ségrégation urbaine, c’est aussi développer la mixité sociale en veillant à l’application de la loi SRU.

Permettre aux populations défavorisées d’investir le centre, doit être complété par la possibilité donnée à tous de venir, pour des activités professionnelles ou de loisir, dans les périphéries. Ce qui exige la sécurité de ces quartiers, comme l’installation d’entreprises de service, de lieux culturels et de loisirs.

Peut-on plus longtemps accepter de laisser une part importante de la population, en majorité d’origine immigrée, confinée dans des cités « à part », négligées, privées de services et d’espaces publics ? Pour les sites les plus défavorisés, il faut récréer des logements plus humains, mieux insonorisés, rénover les espaces publics. Un environnement convenable et entretenu encourage à sa préservation et à son maintien, rend plus supportable la vie quotidienne, tend à atténuer le sentiment d’abandon ressenti par les résidents. Il faut réimplanter des services publics de proximité, encourager le commerce de petite taille et la création d’entreprises qui bénéficieront d’aides d’autant plus importantes qu’elles emploieront une forte proportion de personnel local. Davantage de partenaires privés sont nécessaires au développement de zones urbaines qui doivent mêler habitations, entreprises, zones de loisirs et d’activités culturelles. On fera intervenir dans ces quartiers les enseignants, les personnels de santé, les travailleurs sociaux, les policiers les plus expérimentés. On favorisera la création de maisons de jeunes, largement auto gérées, fonctionnant sur de vastes amplitudes horaires.

L’aide aux initiatives sera développée et encouragée, car il y a dans la population des cités, une capacité d’enthousiasme, une énergie qui doivent être accompagnées et auxquelles on doit donner les possibilités de s’investir. C’est par l’action de terrain, par l’encouragement aux initiatives que l’on fera oeuvre la plus utile.

La politique du logement est au fondement de toutes les ambitions pour la ville. Complétant l’action de l’Etat, les régions et les communes doivent y jouer un rôle décisif. L’accession à la propriété doit être facilitée, particulièrement pour les occupants des logements sociaux qui doivent pouvoir en faire l’acquisition à des conditions inférieures à celles du marché. L’offre de logement doit progresser à travers un soutien accordé au secteur privé et de nouvelles formes de financement garanties par l’Etat, afin que soient construits plus de logements à loyers maîtrisés. Un effort particulier doit être fait en vue de la construction de logements sociaux et intermédiaires dans des quartiers « bourgeois », pour faciliter la mixité sociale.

Des aides personnalisées doivent être apportées à des populations éprouvant des difficultés particulières d’accès au logement : jeunes, personnes âgées, handicapés. Aucune expulsion ne doit être prononcée sans proposition de relogement. Les logements vacants doivent être remis sur le marché ou réutilisés : des mesures d’incitation pour les propriétaires seront prises, sans exclure la possibilité de réquisition. Lorsque une propriété est pendant une longue période abandonnée, non entretenue, la collectivité possède le droit de l’utiliser : la réquisition est un droit collectif que les pouvoirs locaux devraient utiliser davantage.

Immigration et intégration : de nouveaux modèles à inventer

L’immigration est une donnée. Compte tenu du déséquilibre en terme de démographie et de richesse entre le « sud » et le « nord », il y aura toujours, au-delà d’une immigration organisée, des millions de personnes prêtes à affronter les plus grands dangers pour échapper à la misère ou pour venir tenter leur chance. L’attraction de la richesse et de la liberté est irrépressible. Nous devons affirmer notre vocation d’accueil et notre volonté de travailler à un développement partagé. Nous avons besoin de l’immigration pour compenser une démographie déficiente, pour bénéficier de sa jeunesse, de sa vitalité et de sa diversité. Mais, pas plus aujourd’hui qu’il y a 15 ans, nous ne pouvons « accueillir toute la misère du monde ». Nous devons, en conséquence, maîtriser les flux migratoires et envisager, en France et en Europe, une claire politique de l’immigration doublée d’une réelle politique d’intégration.

La première exigence est de lutter au niveau européen contre l’immigration clandestine, et de sanctionner ceux qui l’organisent ou en profitent. Se doter des moyens pour arrêter les immigrants clandestins aux frontières, mais également procéder aux expulsions nécessaires en collaboration avec les pays d’origine, sans s’interdire d’y surseoir en fonction de critères légalement établis.

L’immigration clandestine étant pour une large part une immigration de la misère c’est aussi en amont que l’on doit agir, en mettant en oeuvre une politique de coopération et de développement, en travaillant à créer dans les pays d’origine les conditions permettant aux migrants potentiels d’y demeurer. Peuvent être développés des accords de coopération décentralisés entre collectivités locales de nos pays et des régions ou groupes de villages de pays sources d’émigration, des accords de formation sur place. On doit pouvoir organiser une politique tenant compte tout à la fois des demandes émanant de pays source d’émigration comme des besoins et des capacités d’accueil de nos sociétés.

Négocier avec ces pays des quotas autorisant des travailleurs à venir se former et travailler en France, quitte à envisager dans certains cas, des séjours temporaires qui permettent des retours de travailleurs qualifiés vers le pays d’origine, et fondent ainsi un véritable droit à l’aller-retour. On peut envisager la définition de critères à la fois professionnels et sociaux, permettant d’orienter les flux vers les secteurs qui en ont besoin. Dans ce cas, et dès avant leur arrivée, les futurs immigrants pourraient bénéficier d’une formation linguistique, et d’une information sur les caractéristiques de notre vie collective. Le droit d’asile doit être restauré dans sa finalité première et bénéficier de moyens suffisants afin d’assurer dans les meilleures conditions une réelle protection contre les persécutions.

Toute politique d’immigration doit être prolongée par une politique d’insertion et d’intégration. Or, la politique d’intégration « à la française » est en panne. L’intégration républicaine, basée sur les principes d’égalité formelle et d’uniformité abstraite ne se réalise plus spontanément. Le minimum relatif à l’apprentissage de notre langue et des principes d’organisation de notre République, le suivi social nécessaire, n’ont même pas été réalisés ! Nous devons nous y attacher, en confiant pour l’essentiel ce rôle à des associations, non seulement vis-à-vis des nouveaux arrivants mais aussi vis-à-vis de ceux déjà installés qui rencontreraient des difficultés d’insertion du fait d’une insuffisante connaissance de notre langue et de nos règles de vie. Abandonnée, ignorée souvent méprisée, la population immigrée s’est repliée sur ses communautés, et de la résignation des parents on est passé à la révolte des enfants contre ce qu’ils identifient comme un « système social hostile ». Comment leur parler de justice si on ne sait pas les accueillir ? Comment leur parler d’égalité alors que les différences de situations sont criantes et que les jeunes d’origine immigrée sont quatre ou cinq fois plus au chômage que les français de souche. Comment leur parler de solidarité et d’insertion dans un pacte républicain alors qu’ils ont vécu dans des cités ghettos, coupés du reste de la société française et conduits à obéir de plus en plus à des modes de fonctionnement communautaires ?

On doit accepter une certaine forme de discrimination positive en faveur de ceux qui sont dans une situation d’inégalité, faire en sorte que la mixité sociale et la mixité ethnique deviennent des réalités concrètes. Pour l’emploi, sans en venir aux quotas, les entreprises, les administrations, doivent être incitées à embaucher des personnes issues de l’immigration, notamment pour les emplois créés dans les zones franches. Au niveau de la vie sociale, des médias, de la représentation politique, il serait équitable et utile que l’administration, les partis politiques, s’attachent, à faciliter l’ascension de personnes issues de l’immigration. Et, doit enfin être reconnu aux étrangers durablement et régulièrement installés dans notre pays, le droit de voter et d’être éligibles aux élections locales.

Affirmons aussi que l’intégration doit faire appel à la réciprocité. Il faut que l’immigrant montre une adhésion aux valeurs comme aux modes de fonctionnement de notre société : apprendre à parler et lire notre langue - on doit l’ y aider gratuitement - avoir connaissance de nos principes républicains et notamment de celui de la laïcité de l’espace public, et les accepter, vouloir prendre sa place dans la société française et européenne. Pour celui qui choisira de devenir français, la participation à une cérémonie de prise ou de confirmation de la nationalité française doit revêtir une toute autre importance qu’aujourd’hui.

On ne peut faire comme si le citoyen était seul face à l’Etat, avec comme seule appartenance celle à la République. L’universalisme abstrait refusant de prendre en considération les particularités conduit à l’échec. Chacun doit avoir la possibilité de vivre et d’exprimer sa culture, de la voir reconnue par la société. Voilà qui rendra possible l’intégration dans un projet commun et le plein exercice de la citoyenneté. L’engagement de tous vers un même destin collectif ne peut concerner que des populations assurées de leur présent, informées et fières de leur passé. Il exige que soient respectées les cultures et les valeurs, qui peuvent s’inscrire dans le cadre de la démocratie et des principes d’une laïcité tolérante. Le multiculturalisme doit être reconnu comme un enrichissement de la culture collective et une condition de la cohésion sociale.

Cette intégration est incompatible avec toute forme d’intégrisme. Une laïcité ouverte doit garantir la liberté de culte ou de pensée et dans cet esprit, l’Islam doit être traité équitablement par rapport aux autres religions. Les moyens permettant l’expression de son culte ou la formation de ses imams doivent lui être donnés, sans qu’il soit contraint de faire appel à la compétence ou au financement de l’étranger.

Reconnaissance de l’Islam, mais, tout autant nécessité, pour les musulmans de vérifier et de favoriser sa capacité à s’intégrer dans la société.



UNE NOUVELLE DÉMOCRATIE :
DE L’ÉTAT A LA SOCIÉTÉ CIVILE

 
L’affirmation de l’autorité de l’Etat est indispensable: rien de solide ni de juste ne peut se construire avec un Etat faible. Garant de la cohésion sociale et de la solidarité, il doit trouver de nouvelles orientations, d’autant plus nécessaires que les exigences de la société civile grandissent à l’aune de sa complexité. Il doit déléguer nombre de responsabilités, apprendre à « faire faire » plus que faire par lui-même. L’Etat doit s’exprimer moins par des réglementations générales que par l’incitation à la concertation, le soutien à l’initiative. Plutôt que de tout gérer, il lui revient d’évaluer, d’orienter, de contrôler.

La réforme de l’Etat, des services publics et de l’administration, constitue une nécessité : l’immobilisme ne protège ni l’Etat ni ses agents et certainement pas les citoyens.

La rénovation des services publics

Les services publics sont une manifestation de la solidarité en permettant l’accès de tous à des biens et services fondamentaux. Leur fourniture dans des conditions d’équité ne doit pas exclure la recherche du moindre coût et de l’efficacité. Elle n’exige ni le monopole, ni la propriété ou la gestion publique. Le statut public peut handicaper certaines entreprises dans leur fonctionnement, la rigidité du statut du personnel étant peu adaptée à la souplesse nécessaire à la vie économique. Il peut les handicaper dans leur gestion, les coûts élevés et les montants de la dette des entreprises publiques le montrent. Il peut enfin les handicaper dans leurs stratégies de développement, d’acquisition ou d’alliances. Quand au monopole, il va soit à l’encontre des besoins du consommateur en interdisant la baisse de prix que permettrait la concurrence, soit à l’encontre des intérêts du contribuable en maintenant artificiellement un prix bas que des impôts accrus et une moindre qualité du service viendront compenser. Combiner service public et marché peut être synonyme d’efficacité et de satisfaction des usagers.

Pour GDF, nous ne sommes pas opposés à une privatisation partielle et nous approuvons Laurent Fabius qui affirme « une entreprise comme GDF doit voir sa structure ouverte même si l’Etat doit rester majoritaire » ( Cité par Isabelle Mandraud dans Le Monde du 24 juin 2005), ou « ce qui devient concurrentiel, tout en restant stratégique et d’intérêt général - l’électricité et le gaz - a vocation à évoluer vers des formes mixtes. »

Le recours à la concurrence, avec une part variable du privé, est source de dynamisme, d’efficacité et de prix bas. Les missions de service public pourront être confiées à différents opérateurs à partir de cahiers des charges largement débattus et donner lieu à évaluation et à un contrôle de la puissance publique. Dans tous les cas, et quelle que soit la part d’ouverture du capital, il faut que l’intérêt du public soit au centre des préoccupations et que les usagers puissent intervenir dans l’évaluation de la mission de service public. La continuité - un des principes constitutifs du service public - doit être effective, ce qui exige que soient mis en place un dispositif de prévention des conflits et un service garanti dans les secteurs les plus sensibles comme les transports. Ceci relève de la responsabilité bien comprise des agents et d’une exigence de respect pour la liberté des citoyens. Cette question doit être abordée par la négociation, et faire l’objet d’un débat public, ne concernant pas les seuls personnels des entreprises mais bien l’ensemble de la société.

La réforme de l'administration

La décentralisation est une des conditions de la réforme de l’Etat, comme de la modernisation et de la démocratisation de la société. Cette démarche qui doit se traduire par une simplification de nos structures et des règles de compétences, doit bénéficier aux régions et aux villes. Elle exige d’augmenter les responsabilités et l’autonomie financière des collectivités territoriales dont les compétences doivent devenir majeures dans des domaines tels que le développement économique, les transports, le logement, la santé, la formation, l’environnement. Chaque transfert de compétences doit s’accompagner du transfert des ressources adéquates et d’une diminution de la fiscalité nationale.

Même si la décentralisation ne peut qu’accroître la diversité entre les territoires, il est nécessaire que des mécanismes de péréquation permettent, mieux qu’aujourd’hui, la mise en oeuvre de l’équité et de la solidarité pour remédier à certaines inégalités. Pourtant il n’est pas souhaitable de prévoir des solutions uniques. L’uniformité administrative ne doit pas être un dogme. Le droit d’expérimentation accordé aux régions, et qui doit l’être aussi aux communautés de communes et d’agglomérations, peut être un levier du changement et de la modernisation. Des réformes de structure, des découpages ou plus certainement des regroupements s’imposeront, qui seront proposés par les collectivités territoriales en fonction des situations locales et des attentes des populations.

Une démocratie ouverte et citoyenne

La crise de la représentation est réelle: nos concitoyens sont nombreux à estimer être mal représentés par les forces et les acteurs politiques. Ils ne leur accordent plus leur confiance. Les résultats des récentes consultations montrent l’ampleur du discrédit. Cette méfiance et ce rejet s’expriment particulièrement chez les jeunes et dans les populations les moins favorisées, Pour répondre à cet éloignement populaire, les démocraties doivent se moderniser et accepter le défi d’une légitimité sans cesse à reconquérir. Les responsables politiques doivent manifester une exemplarité parfois perdue, des privilèges illégitimes doivent être abolis. Un nouveau langage est nécessaire, fait de proximité sans démagogie et d’effort de vérité.

Même si les réformes institutionnelles, ne constituent qu’une petite partie de la réponse certaines s’imposent. Les modalités du suffrage et le rôle effectif des élus devront être réexaminés. Il est important, à l’échelon local, de permettre un contrôle plus fréquent des électeurs en diminuant la durée des mandats municipaux et régionaux qui devront passer de six à cinq ans.

Pour le mandat présidentiel, le choix du quinquennat crée des difficultés. Liant Président et Premier ministre, il peut conduire à un régime présidentiel (la proposition consistant à revenir sur l'élection au suffrage universel du Président de la République est inenvisageable) qui se traduirait par une aggravation des défauts de notre système: pouvoirs accrus du Président en cas de concordance entre lui-même et la majorité législative ; blocage plus grand que sous la cohabitation dans le cas de majorités opposées, car ni dissolution ni renversement de gouvernement ne permettront de sortir des crises. Le septennat non renouvelable -accompagné de limitations dans les prérogatives du Président- permettrait de conserver la spécificité des deux rôles, tout en limitant les inconvénients d’une éventuelle cohabitation, le Président ne pouvant être candidat à l’élection présidentielle suivante.

Le mode de scrutin législatif doit être plus juste, plus représentatif, tout en permettant la constitution de majorités claires. Le changement pourrait être double : n’autoriser à se présenter au deuxième tour que les deux candidats arrivés en tête au premier, afin d’éviter de faire arbitrer certaines élections par des candidats minoritaires. En contrepartie, assurer la représentation parlementaire des courants minoritaires, par l’élection de 10 % des députés à la proportionnelle.

L’Assemblée nationale doit jouer un rôle législatif et de contrôle supérieur. La limitation du cumul des mandats rendra possible une plus grande implication des députés, mais ce rôle accru passe aussi par des moyens supplémentaires et par des responsabilités nouvelles. Elargissement du droit d’initiative, accroissement du nombre et de la responsabilité des commissions parlementaires permanentes, transparence de leurs travaux et capacité qui pourrait leur être reconnue de voter certaines lois techniques.

Les commissions d’enquête doivent se multiplier et les procédures d’évaluation législative des politiques publiques comme de l’application des lois votées, être généralisées. L’opposition parlementaire doit se voir reconnaître un rôle.

Seuls deux mandats électifs pourraient être admis à la condition que l’un d’eux soit un mandat d’élu municipal et aucun mandat ne devrait être cumulé avec un mandat exécutif d’un autre échelon.

Aucun mandat ne doit pouvoir être occupé plus de deux fois consécutivement. En contrepartie, une rémunération suffisante est nécessaire pour les mandats exigeant une occupation à plein temps. L’équité doit exister entre salariés du secteur privé et fonctionnaires quant à l’accès aux mandats politiques, l’évolution vers la parité entre hommes et femmes se poursuivre. La représentation des immigrés doit être mieux assurée, tâche qui incombe d’abord aux organisations politiques.

La rénovation des partis politiques et leur meilleure intégration dans la société civile relèvent de la nécessité. Pour retrouver une crédibilité, ils doivent, et nous pensons d’abord à notre parti, mieux intégrer dans leurs rangs ceux qu’ils ont l’ambition de représenter. Nous ne pouvons prétendre être représentatif de la société, et la transformer, si nous conservons une base sociale si étroite, si notre parti demeure celui des fonctionnaires et des salariés protégés. Nous devons multiplier les débats, les ouvrir sur l’extérieur en y faisant participer des membres de la société civile et en exploitant les technologies de la communication et de l’information. Un parti doit être capable de propositions et de décision, ne se contentant pas de suivre l’opinion mais faisant oeuvre d’éclaireur.

C’est à ce carrefour entre l’écoute et la pédagogie que se situe l’honnêteté du politique et sa fonction sociale. L’éthique de responsabilité doit s’affirmer, la définition et la mise en oeuvre d’un projet prendre le pas sur la recherche de l’image et la tentation démagogique. Notre parti doit recomposer son identité et proposer une alternative crédible en n’oubliant pas lorsqu’il est dans l’opposition, le parler vrai, la critique constructive et les propositions imaginatives mais réalistes.

Pour que le parti soit vivant et créatif, il doit y régner une réelle démocratie interne. Il doit appliquer à son organisation les principes qu’il défend, limiter le cumul des mandats et le nombre de mandats successifs, aller vers la parité, élargir l’accès aux plus jeunes et aux militants de toutes origines dans ses instances. Comme dans d’autres institutions, la démocratie ne sera réelle que si elle est participative, si les militants eux-mêmes prennent des initiatives et affirment leur responsabilité. Il appartient aussi au parti d’agir en collaboration avec les mouvements sociaux, et de devenir un animateur de la vie sociale et environnementale : chaque organisme local devrait prendre en charge, concrètement, une action sociale, culturelle ou environnementale : accompagnement de chômeurs, aide juridique, alphabétisation, protection de l’environnement, animation culturelle…

S’il doit se réintroduire dans la société, repenser sa manière de dialoguer avec elle, il doit également se donner une perspective européenne en incitant les sections et les fédérations à se rapprocher des organisations locales d’autres partis européens, en présentant aux élections européennes et locales, des candidats d’autres pays de l’Union. Agissons pour transformer le PSE en un véritable parti. Il doit fonctionner comme un parti national, faisant vivre une conscience militante collective, avec des débats, des motions d’orientation, des votes de militants au niveau européen. La position unanime de tous les partis socialistes et sociaux-démocrates de l’Union sur le Traité Constitutionnel et les campagnes menées en commun représentent une encourageante base de départ Au-delà de la démocratie institutionnelle, de la démocratie de partis, se développe une démocratie citoyenne. « La démocratie politique ne peut plus se penser exclusivement en terme de démocratie représentative. » La limitation du rôle de l’Etat a comme corollaire l’accroissement du rôle des citoyens et de la société civile.

Rendre participative et transparente la démocratie, face à la montée de nouveaux pouvoirs aux dangers difficilement contrôlables - médiatiques, financiers, scientifiques -, correspond à l’exigence d’un projet de gauche. L’intérêt général n’est plus le monopole de l’Etat. Nous devons contribuer à accroître l’autonomie, la responsabilité, la participation et la capacité de contrôle de la société civile et des corps intermédiaires. C’est dans la société elle-même que résident les principaux acteurs de la régulation économique et sociale. C’est de la liberté de ces acteurs, de leur responsabilité, de leurs initiatives, c’est de la démultiplication de la parole sociale, que naîtra une démocratie ouverte et vivante, que se créera une véritable dynamique de progrès et de transformation sociale.

Les nouvelles mobilisations civiques, les organisations de citoyens, quelles que soient leurs formes ou leurs objets, des associations de locataires ou de consommateurs aux ONG internationales organisées en réseaux, tirent leur légitimité non pas d’un statut ou d’une élection mais de leur représentativité effective, de leur capacité d’action et de mobilisation collective, du témoignage social qu’elles portent, de leur volonté de prendre des responsabilités dans la vie de la société. A nous de savoir entendre et favoriser cette forme de démocratie tout en l’articulant avec les formes de la démocratie représentative, pour ne pas risquer de la voir un jour s’opposer à celle-ci.

Les associations sont au coeur de la démocratie représentative, elles traduisent une volonté d’initiative des citoyens. Le rôle non lucratif qui est souvent le leur ne peut être joué par le marché, les fonctions de proximité qu’elles remplissent ne peuvent être remplies par l’administration. Une politique de soutien et de promotion des associations et de la vie associative doit tendre à la modernisation de la loi de 1901. Afin d’entériner notamment le rôle économique ou d’intérêt général qu’elles incarnent, afin de reconnaître leur fonction de formation civique, de stabiliser leurs situations financières tout en leur permettant d’être moins dépendantes des pouvoirs publics, de mettre à leur disposition des moyens de fonctionnement suffisants, notamment d’emplois aidés ou en partie financés par l’Etat (la suppression des emplois jeunes les handicapent fortement), de reconnaître et de valoriser le bénévolat (onze millions de bénévoles agissent dans plus de 800 000 associations, en France aujourd'hui). En retour, les responsabilités des associations et de leurs dirigeants doivent être mieux définies, une plus grande transparence doit marquer leur fonctionnement, des procédures démocratiques de contrôle mises en vigueur.

Sur le plan local, si la responsabilité politique des décisions doit appartenir in fine aux élus, une de leurs fonctions essentielles est de permettre la participation de tous aux décisions qui les concernent et à la gestion de leur environnement.



AGIR POUR LE MONDE :
DÉVELOPPEMENT DURABLE ET NOUVELLE GOUVERNANCE

 
La solidarité exige d’abord de recourir à une aide directe et immédiate pour les pays qui en attendent souvent la survie de leurs populations. Nous ne pouvons accepter un monde où plus de 800 millions de personnes souffrent de malnutrition, ou des millions d’entre elles meurent faute d’accès à des médicaments. Nous ne pouvons laisser des centaines de millions d’individus dans la souffrance et le dénuement, alors que nous avons collectivement les moyens techniques, économiques et financiers de remédier à cette situation (pour la plupart des produits de base, notamment alimentaires, la production mondiale dépasse les besoins). Apporter des secours d’urgence, élever le niveau d’aide aux 0,7 % du PIB auxquels nous nous sommes engagés à Rio, aller plus loin dans l’annulation de la dette des pays les plus pauvres, leur permettre d’atteindre l’auto suffisance alimentaire, mais aussi faire en sorte que ces pays puissent disposer des moyens d’un réel développement et donc les aider à être progressivement capables de décider de leur avenir et de le construire.

Les socialistes se renieraient s’ils ne faisaient figurer ces impératifs au nombre de leurs priorités, et l’Union Européenne serait fidèle à sa mission en se plaçant au premier rang de la lutte pour le développement. Elle pourrait, en trouvant des partenaires sur d’autres continents, mettre en application sans attendre cette taxe inspirée de la taxe Tobin - en définissant le type d’opérations sur lesquelles la faire porter - et la consacrer au développement des pays les plus pauvres. La responsabilité qui est la nôtre implique de nouvelles formes de solidarité, pour assurer un accès plus général au développement et aux biens publics mondiaux tels que l’eau potable ou un air non pollué, mais aussi le savoir ou la santé.

Cette action globale doit être complétée par un soutien particulier de l’Europe à l’Afrique.

Oui, un « plan Marshall » est ici nécessaire, adapté à la complexité des situations, et qui passe par une aide financière importante et ciblée dans le choix de ses destinataires et des canaux de sa distribution.

Plan qui suppose aussi une annulation encore plus large de la dette ainsi qu’une forte incitation à la mise en place de l’environnement politique, social et économique qui autorisera le développement, lui permettra d’être durable et de profiter aux populations concernées.

Nous devons tout faire, avec les organisations régionales, pour favoriser la paix car elle est la première condition de changements profonds. Ceux-ci exigent une prise de conscience des pays africains eux-mêmes. Il est démagogique de prétendre et illusoire de penser que le progrès puisse se passer de la responsabilisation des populations et de leurs gouvernants. Notre action doit être multiforme, consistant à favoriser des politiques de santé publique, d’éducation, de formation, la lutte contre la corruption et la mise en place d’une administration efficace, premier pas vers un Etat de droit, lui-même accélérateur de la croissance. Ce n’est que si, avec notre soutien, des progrès se manifestent dans ces domaines, que les aides financières ou techniques trouveront une utilité. Ce soutien « qualitatif » doit s’appuyer sur une mobilisation des bénéficiaires et exige que nous sachions adapter nos interventions à la situation de ces pays et à leurs possibilités d’évolution. D’où la nécessité d’agir en respectant, les philosophies, les modes de pensées, les modes de vie des populations et des Etats que nous voulons aider.

Le développement doit s’engager sur un chemin nouveau. Abandonnant la seule recherche de la croissance économique, on doit y mêler des préoccupations sociales, environnementales, éthiques. C’est ce que traduit l’expression développement durable. Notre désir de surconsommation et de recherche de profit immédiat ont de lourdes conséquences sociales, et altèrent notre environnement. Notre responsabilité s’étend loin dans l’espace et la durée, nos actes nous engagent pour le long terme parfois pour le très long terme. La croissance ne peut se poursuivre sans limites, notre modèle de développement ne peut, au risque de bouleverser les équilibres être généralisé. Une remise en question s’impose d’autant plus que le monde non occidental, qui aspire légitimement au développement, ne peut pas admettre qu’en raison des abus de nos sociétés développées on limite ses possibilités d’accès à la croissance, à la modernité et à l’amélioration des conditions de vie de ses habitants.

Nous devons faire le choix de la croissance, tout en cherchant à l’orienter vers une diminution des inégalités et de la précarité à l’échelle du monde, en limitant les risques et les nuisances du progrès, en protégeant les ressources de la planète. Prenons garde pourtant, à ne pas tomber dans un catastrophisme généralisé et à prôner un « principe de précaution » dévoyé dont l’application systématique, en vue d’une illusoire élimination de tout risque, conduit au refus du progrès, de toute avancée scientifique. Aucune justification ne peut être avancée pour autoriser l’emploi de techniques destructrices de la biodiversité ou socialement néfastes. Aucune considération économique ne peut justifier la mise sur le marché de produits qui peuvent être nocifs pour la santé. Mais, à l’inverse, on ne doit pas pouvoir les refuser au nom de simples suppositions ou d’inquiétudes non étayées.

Face à des enjeux mondiaux, la responsabilité est d’abord internationale. Les réponses viendront d’une communauté internationale plus consciente et mieux structurée, d’une gouvernance mondiale étendue et renforcée, respectueuse des diversités. Créons une organisation mondiale de l’environnement pour assurer la protection des éco systèmes, des ressources en eau, ou pour lutter contre le risque d’épuisement des ressources énergétiques et contre le réchauffement de la planète.

Nous le savons, le réchauffement climatique dont les effets peuvent être destructeurs, résulte principalement des modes de production et de consommation que nous avons choisis. Nous devons promouvoir l’aspect défensif qui résulte du protocole de Kyoto en cherchant à étendre le nombre de ses acteurs. Mais nous devons aussi promouvoir l’aspect offensif, en développant la recherche dans le domaine des économies d’énergie, de l’efficacité énergétique, du développement des énergies renouvelables, de la voiture propre, en soutenant les innovations techniques permettant de limiter la pollution et d’éviter l’épuisement des ressources. L’Europe doit mettre les efforts de recherche dans ces domaines au rang de ses priorités. Et pourquoi ne pas envisager, pour inciter à une action internationale cohérente, la constitution d’une Cour Internationale de l’Environnement, chargée de juger les atteintes graves à l’environnement et aux biens publics mondiaux et d’assurer la réparation des dommages en appliquant le principe « pollueur -payeur ».

Démocratisons les organismes internationaux chargés de la santé, de l’éducation ou des droits de l’Homme et faisons en sorte que leurs normes et leurs décisions revêtent le même caractère obligatoire que celles du FMI ou de l’OMC. Faisons en sorte que la loi marchande soit tempérée par les préoccupations environnementales et de santé publique, par les préoccupations sociales : interdiction du travail des enfants, des conditions de travail indignes. Encourageons l’ONU à créer, sur la base de propositions de Jacques Delors, un « Conseil de sécurité économique et de développement humain », dont feraient partie les grandes nations démocratiques des cinq continents, qui aurait un rôle d’impulsion et de coordination des organismes spécialisés, ainsi que de règlement des conflits économiques et sociaux. La jeunesse des pays européens devrait se voir proposer un service civique humanitaire à effectuer dans les pays en voie de développement, chaque jeune citoyen d’Europe, garçon ou fille, étant incité à donner six mois de sa vie pour l’intérêt général et le service aux autres.

Favorisons les mécanismes du marché, en les encadrant. Ouvrons nos marchés aux produits agricoles venant des pays moins développés et autorisons ces pays à une protection, en leur reconnaissant un droit temporaire à un traitement différencié. « L’affirmative action » est ici aussi préférable à une égalité formelle inégalitaire dans ses résultats. Mettons en évidence la contradiction de certains Etats - particulièrement les Etats-Unis- entre leur discours libéral et leur pratique protectionniste. Réduisons fortement les subventions à nos agriculteurs, accélérons la réforme de la PAC , en découplant niveau de production et niveau de l’aide, en faisant dépendre les subventions du respect de normes environnementales. Renforçons, pour les pays les plus pauvres, leurs capacités de production agricole locale, aidons les à développer les cultures vivrières à côté des cultures de rente.

Enfin, appliquons-nous à ce que, dans nos pays, toute décision économique ou sociale, toute politique d’aménagement du territoire, de développement et d’organisation des villes, de logement, de transport prenne en compte ses effets sur l’environnement, sur les modes de vie et sur les relations humaines. Sur un plan national et européen, la diversification énergétique doit devenir une exigence, et l’engagement en faveur des énergies renouvelables plus affirmé. Il est nécessaire d’amener les transports à couvrir le coût réel de leur impact environnemental. On doit encourager des alternatives au transport routier de marchandises par le développement du ferroutage et à l’utilisation de la voiture individuelle dans les villes. Des incitations fiscales doivent accompagner les investissements socialement responsables, une éco- fiscalité porter sur les activités polluantes.

Les ONG, les associations, les syndicats, les partis politiques, doivent être, à leur niveau, les acteurs de cette nouvelle gouvernance en quête de développement durable.

Apportons notre aide en agissant pour promouvoir l’économie solidaire, faisons appel, en les responsabilisant, à l’énergie des plus pauvres, donnons leur les moyens de se lancer, de monter de micro entreprises de service. Les ONG pourraient jouer encore davantage, un rôle décisif dans la lutte contre les famines, les grandes épidémies, l’alphabétisation mais aussi pour un développement économique adapté aux besoins et aux capacités de chacun. Elles ont prouvé qu’elles pouvaient être des acteurs essentiels du développement, et se trouver à l’initiative d’avancées humaines ou sociales décisives. Le droit d’ingérence dont le principe tend à être reconnu, n’est pas né de propositions gouvernementales ou de l’ONU, mais bien de la société civile. Elles pourront d’autant mieux remplir ce rôle qu’on aura facilité leur naissance et leur développement, qu’on aura soutenu leur mobilisation, par des incitations, des facilités d’intervention. Elles seront d’autant plus légitimes à le remplir qu’elles répondront aux exigences de transparence et d’évaluation démocratique que l’on est en droit d’attendre de tout acteur collectif. On doit soutenir leurs initiatives et leurs actions, mais on doit aussi leur permettre de s’exprimer, et on peut envisager, auprès des organismes internationaux des forums regroupant les grandes ONG mondiales, du nord et du sud, qui seraient amenées à délibérer publiquement, évoquer des situations justifiant la solidarité universelle, et apporter avis et propositions. Une société civile mondiale et une citoyenneté planétaire sont en train, confusément, de naître, nous devons en favoriser et en accompagner le développement.



 
Notre projet pour un socialisme moderne et libéral, entend donner de nouveaux outils à notre ambition de transformation sociale. C’est en prise sur le monde que nous incarnerons notre idéal d’une émancipation partagée. Avec les socialistes et les sociaux démocrates d’Europe, nous souhaitons faire souffler le vent nouveau d’un réformisme résolu.


Premiers signataires :

 Paul Arnoux  Sandrine Baudry  Olivier Becht  Michaël Beyribey  Jean-Marie Bockel  Mathé Bonneton  Michel Bonneton  Jean-Marie Bouquery  Laurent Chareyre  Alexandre Da Silva  Bernard Delebecque  Michaël Dervis  Hugues Dietlin  Francine Fillol-Cordier  Carmen Fratte  Fernand Fratte  Mireille Godefroy  Sylvie Grisey  Benjamin Griveaux  Roland Grunberg  Philippe Harquet  Marc d'Here  Jean-Jacques Herrgott  Roger Imbery  Geneviève Jacobs  Jean-Claude Leborgne  Monique Leborgne  Antoine Leonetti  Mireille Mabileau  Philippe Maitreau  Yveline Moeglen  Gilles Norroy  Jean-François Pascal  Catherine Pimmel  Yvan Pollack  Jacques Poncelet  Jean-Claude Prager  Paul Quin  Maud Raber  Anne Elisabeth Reeb  Gérard Reeb  Eugène Riedweg  Chantal Risser  Gérard Risser  Maurizio Rofrano  Chantal Roussy  Jean-Yves Ruetsch  Michel Samuel-Weiss  Evelyne Schmitt-Troxler  Viviane Stoehr  Michèle Striffler  Franck Trouilloud  Abdelaziz Yahia



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