J'ai menacé Matignon de mettre la clé sous la porte

Malek Boutih



Entretien avec Malek Boutih, président sortant de SOS-Racisme, secrétaire national aux questions de Société, paru dans le quotidien Le Figaro daté du jeudi 5 juin 2003
Propos recueillis par Marie-Christine Tabet
 

Vous venez de recevoir le rapport de la Cour des comptes. Il critique durement votre gestion...
On a fait des erreurs de gestion, certes. Mais SOS-Racisme n'est pas riche, je n'ai jamais pris un euro et l'argent public n'a engraissé personne. Claude Bébéar s'est porté garant sur ses deniers personnels pour que SOS-Racisme s'installe dans ses nouveaux locaux. Les salariés ne se font même pas rembourser leurs tickets repas ! SOS-Racisme ne peut pas payer un directeur financier 3 000 à 4 000 euros par mois. Sans compter que nous vivons en permanence dans l'attente de subventions et que 10 % de l'argent public sert à payer des agios. Entre le moment où les programmes sont engagés et le déblocage des fonds, il faut parfois attendre plus de huit mois.

Mais est-il sain que SOS-Racisme dépende à ce point du financement public ?
Non. Mais il n'est pas sain non plus qu'une association HLM, de parents d'élèves ou SOS-Racisme placent dix fois moins de cartes dans une cité que Canal + de décodeurs. Les citoyens qui croient en la cause anti-raciste doivent mettre la main à la poche, les immigrés doivent cotiser. Toutes les associations souffrent de cette désaffection.

Pourquoi l'Etat vous a-t-il coupé toutes les subventions fin 2000 ?
Mon discours a pris tout le monde à contre-pied. Lors des dernières élections, c'est la première fois que SOS-Racisme ne donnait pas de consigne de vote. J'ai montré que je n'étais pas un porteur d'eau. J'ai ouvertement critiqué la loi contre les discriminations. Or l'arme financière sert toujours. D'autres associations moins critiques ont continué à recevoir des financements.

Jospin a voulu la peau de SOS-Racisme avant de puiser dans ses fonds spéciaux pour vous renflouer !
Cela ne s'est pas vraiment passé comme cela. On m'avait soumis à toute une série de contrôles sans trouver la moindre casserole. Je suis allé à Matignon et j'ai menacé de mettre la clef sous la porte un an avant la présidentielle et de convoquer la presse. Voilà pourquoi nous avons été « repêchés »...

Que va devenir l'association après votre départ ?
Elle doit consolider son indépendance. SOS-Racisme va devoir s'engager avec les pouvoirs publics à mettre au point des actions pratiques : par exemple, des scouts républicains. Elle doit répondre aux six millions de Français qui ont voté Le Pen...

Ambitieux pour SOS-Racisme et méfiant à l'égard de la politique, pourquoi quittez-vous l'un pour l'autre ?
Dans le monde associatif, des talents vont émerger. Le monde politique a besoin de gens neufs. J'en ai assez d'être Malek Boutih que l'on invite sur les plateaux télé pour faire « sauter » les politiques. Je veux agir.

© Copyright Le Figaro


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