La génération qui monte ne demande pas de piston. Elle veut qu'on la juge sur ses qualités, ses défauts

Malek Boutih



Entretien avec Malek Boutih, ancien président de SOS-Racisme, secrétaire national aux questions de Société, paru dans le quotidien Le Monde daté du 20 février 2005
Propos recueillis par Ariane Chemin
 

On a le sentiment que la droite s'est emparée avec plus de vigueur que le Parti socialiste des questions de la discrimination positive...
Paradoxalement, il n'y a pas que les plus marginalisés qui sont ou se sentent exclus. Ceux qui réussissent se retrouvent en effet dans des lieux de pouvoir où on n'avait pas l'habitude de les voir. La réussite rend plus insupportable la discrimination. Cette génération qui monte ne demande pas de piston. Elle veut qu'on la juge sur ses qualités, ses défauts, pas sur son identité.

Depuis dix ans vous défendez, avec SOS-Racisme, les quotas d'immigration. A gauche, hormis Dominique Strauss-Kahn, vous êtes très seul...
Il pèse sur ce débat une chape de morale, un politiquement correct de plomb qui m'exaspère. Une génération entière a été " syndromisée " par la crise des sans-papiers, et n'ose plus aborder le sujet. Quant au rejet des mots, c'est toujours un prétexte pour ne pas penser. Les responsables politiques en sont restés à la guerre d'Algérie. Pour moi, réussir une politique d'immigration passe forcément par l'instauration de quotas.

Pourquoi ?
Depuis trente ans, on entend le même discours : " On intègre les gens et on refuse les clandestins ". On voit bien que ça ne marche pas. Plutôt que de faire semblant que personne ne rentre illégalement en France, je pense qu'il faut organiser l'arrivée des immigrés en amont, dans un mélange de critères. La France doit assumer ses immigrés et les étrangers se sentir reconnaissants d'être ici. C'est aussi comme cela que les fils d'immigrés seront fiers de leur identité française.

Etes-vous favorable à l'instauration de quotas par métier ?
Oui, à condition qu'ils soient discutés par les partenaires sociaux. L'objectif est de répondre à la demande économique et d'éviter aussi d'utiliser l'immigration pour maintenir de bas salaires. Les syndicats doivent y veiller.

Et par origine géographique ?
Egalement. Il faut privilégier l'immigration de l'Afrique de l'Ouest et du Nord, des pays avec lesquels nous devons établir de réels contrats de codéveloppement plutôt que payer leurs élites. Il faut aussi que le statut des étrangers soit plus stable, comme aux Etats-Unis, avec la greencard.

Pour Laurent Fabius, les quotas ne peuvent s'inscrire dans une logique " socialiste ". Ses amis dénoncent des manières coloniales, un " tri sélectif " des hommes...
Cet argument m'amuse de la part de gens qui font intervenir la police dans leurs fédérations quand elles sont envahies par les sans-papiers. Que propose Laurent Fabius ? Rien. Un silence gêné, qui nous amène dans une impasse ou, pis, vers des promesses que l'on ne pourra pas tenir. Comme hier, cela fera mal à l'identité socialiste.

Pourquoi le problème des discriminations n'est-il pas un des sujets du " projet " socialiste pour 2007 ?
C'est une question transversale qui va de l'école à l'emploi en passant par la culture. Plutôt que d'imposer une doctrine, je préfère que les sympathisants et les militants s'en emparent eux-mêmes.

© Copyright Le Monde


Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]