Sortir de la politique de l'eau tiède

Malek Boutih



Entretien avec Malek Boutih, ancien président de SOS-Racisme, secrétaire national aux questions de Société, paru dans le quotidien Le Monde daté du vendredi 26 juin 2003
Propos recueillis par Isabelle Mandraud et Sylvia Zappi
 

Vous attendiez-vous à la polémique qu'a suscitée votre entrée à la direction du PS ?
Il faut garder des proportions raisonnables à cette histoire. Beaucoup de militants regrettent mon départ car ils avaient une relation de confiance avec moi. J'ai joué un rôle très fort dans SOS, j'y ai apporté un ton nouveau. Mon départ rapide a créé une sorte de choc. Mais ceux qui disent vouloir quitter l'association ne représentent rien : une dizaine de militants ont voulu jouer les vedettes au détriment de centaines d'autres qui sont fiers de leur association.

Que répondez-vous aux scissionnistes qui vous accusent de remettre en cause l'indépendance de l'association ?
L'indépendance n'est pas la niaiserie. J'ai toujours dit que je suis un ami de Julien Dray et adhérent du PS depuis 1986 : ça ne m'a pas empêché de construire SOS en toute liberté. Dominique Sopo, mon successeur, est viscéralement attaché à son indépendance. La nouvelle direction le montrera.

Comment s'est passée votre arrivée à la direction du PS ?
A Dijon, c'était moins spectaculaire que pour Bernard Thibault mais beaucoup de militants sont venus me dire qu'ils étaient contents et fiers de mon arrivée. J'y vais en homme libre, non pour avoir un poste, mais pour être un dirigeant du PS quand il est en difficulté. Le PS a trop tendance à croire que quand l'économie va, tout va - on l'a vu avec le gouvernement précédent. Mon ambition est de l'ancrer à nouveau dans la France populaire, de le sortir de la politique de l'eau tiède.

La question du voile islamique divise les socialistes. Faut-il une loi pour l'interdire ?
Cette question divise l'ensemble de la classe politique. Je suis contre le voile à l'école publique, mais il faut prendre garde à ne pas faire une loi contre une population qui se sent déjà montrée du doigt. Si on veut se sentir Français, on doit l'être dans tous les domaines. Or la laïcité est doublement attaquée par l'intégrisme et par les discriminations. Si la République est capable de défendre ceux qui sont discriminés, elle aura l'autorité nécessaire pour faire respecter la laïcité.

Sur l'immigration, le PS a parfois donné le sentiment d'avoir une politique de droite...
Le PS est exagérément critiqué pour avoir essayé d'allier générosité et responsabilité. Une bonne politique d'immigration, ce n'est pas : une fois je renvoie, une fois je régularise. Le Parti socialiste doit réfléchir à une politique alternative qui assume le fait d'avoir besoin d'immigrés et qui maîtrise les flux.

En instaurant des quotas ?
Pourquoi pas ? François Hollande m'a demandé d'élaborer une nouvelle politique d'immigration qui s'inscrive dans le cadre d'une politique de codéveloppement avec les pays historiquement liés à la France. On aiderait mille fois mieux le Mali en acceptant ses travailleurs plutôt qu'en balançant des aides n'importe comment. Il faut remettre à plat la législation sur les étrangers en instituant une seule catégorie d'immigrés et un seul titre de séjour, comme la green card aux Etats-Unis.

Dans quel état laissez-vous SOS-Racisme ?
L'autorité morale de SOS est très forte parce que nous remportons des victoires contre les discriminations et que nous refusons le communautarisme. C'est l'un des rares lieux où Juifs et Arabes militent ensemble. La Cour des comptes nous reproche des difficultés de gestion, mais note un assainissement durant mon mandat. SOS n'est pas plombée.

Vous affichez volontiers une sympathie pour Jacques Chirac. N'est-il pas, désormais, votre adversaire politique ?
J'ai des rapports de respect et d'amitié avec le président de la République. On peut faire de la politique et respecter ses adversaires sans rentrer dans une guerre des mots dont certains usent. J'entretiens aussi de bonnes relations avec Jean-Louis Borloo, qui innove parfois dans les quartiers. Si je peux lui donner un coup de main, je n'hésiterai pas.

© Copyright Le Monde


Page précédente Haut de page

PSinfo.net : retourner à l'accueil

[Les documents] [Les élections] [Les dossiers] [Les entretiens] [Rechercher] [Contacter] [Liens]