Il faut que les socialistes résistent à l'air du temps

Jean-Christophe Cambadélis

par Jean-Christophe Cambadélis,
député (PS) de la 20e circonscription de Paris.




Entretien paru dans le quotidien Libération daté du lundi 2 décembre 2002
Propos recueillis par Renaud Dely
 

Avec la poussée d'Alain Lipietz, les Verts s'éloignent un peu plus du PS...
Le choix des militants écologistes n'est pas discutable. La motion Lipietz fixait com me tâche aux Verts d'être les porte-parole des mouvements sociaux, plutôt que de fonder une nouvelle alliance. Au moment où le PS s'interroge sur la façon de constituer une coalition durable, ce résultat nous signale que la partie est loin d'être gagnée. Mais, pour les Verts, se tourner vers les mouvements sociaux, c'est aussi s'engager dans une course-poursuite avec le PCF qui a déjà choisi cette voie pour s'y ressourcer. Enfin, je redoute que, même si Alain Lipietz, Marie-Christine Blandin ou Yves Contassot pratiquent l'union dans les collectivités locales, leur performance apporte de l'eau au moulin d'Olivier Besancenot et de la LCR, qui considèrent qu'à gauche il y a deux familles irréconciliables.

Craignez-vous l'émergence d'un pôle de radicalité (Verts, PCF, LCR) soudé par un réflexe antisocialiste ?
Il y a un espace évident, une préoccupation, mais il existe de très fortes contradictions. Ce pôle est hétérogène dans sa composition, ses buts et son idéologie. L'émetteur de la radicalité, c'est la LCR. Mais je crois que cette formation, comme l'ensemble des mouvements sociaux, ne souhaite pas subordonner son destin aux Verts ou à l'aile radicale du PCF. Plus généralement, nous vivons une crise de définition qui repose sur une question : qu'est-ce qu'être de gauche dans la mondialisation ?

Pour y répondre, le PS se contente de courir après les antimondialisation ?
La tentation existe, mais ce serait une erreur. Plutôt que de donner l'impression de courir de l'un à l'autre, le PS doit clarifier ses positions et accepter la confrontation. Ce ne serait pas respecter les militants associatifs ou syndicaux que de leur faire croire que nous sommes d'accord en tous points avec eux. Il vaut mieux une bonne engueulade qu'une longue déception. Même si ne pas leur courir après ne signifie pas que nous ne soyons pas à leur côté. C'est justement l'objet de notre prochain congrès que de définir l'identité du PS.

C'est plutôt le réflexe « à gauche toute » qui risque de séduire les militants PS...
En apparence, le contexte sert ceux qui prônent un coup de barre à gauche. Mais il faut que les socialistes résistent à l'air du temps. Si nous nous engagions dans un processus de radicalisation, nous perdrions notre âme réformiste, sans pour autant gagner sur le plan électoral. La culture de gouvernement de gauche, c'est ce qui distingue un social-démocrate d'un communiste révolutionnaire. Plusieurs voies s'ouvrent à nous : bricoler une synthèse a minima entre des exigences contradictoires, aller vers une modernisation à marche forcée, quitte à rechercher de nouveaux alliés européens, écologistes ou centristes, se réfugier dans une contestation radicale du libéralisme ou, comme je le souhaite, inventer un réformisme qui ne soit pas le pâle «social-libéralisme» promis à la gauche.

C'est la responsabilité qui incombe à François Hollande ?
Il en a pris la mesure, il doit maintenant en comprendre l'urgence.

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