Encore un effort, | |
par Jean-Christophe Cambadélis, député (PS) de la 20e circonscription de Paris. Tribune parue dans le quotidien Libération daté du jeudi 16 janvier 2003 |
Convenons-en, Olivier Besancenot est médiatique. Certes, moins que Bernard Kouchner ou Jack Lang. Mais il est devenu, lui, une icône de la gauche de radicalité. Besancenot est sympathique ; il est vrai que depuis que l'on connaît la vraie nature d'Arlette, cela était plus facile. Même si synthèse réussie d'Alain Krivine, José Bové, Christophe Aguiton, il a le défaut de toute image de synthèse, une certaine raideur. Mais on ne peut pas faire comme s'il n'existait pas. Il s'adresse aux gauches, ce qui est encourageant. Il termine son appel par ce mot : « et plus si affinités ». Ce qui est pour le moins nouveau. Olivier Besancenot se sent peut-être seul, en tout cas il veut se pacser. Comme nous sommes des passionnés de l'union, voilà qui mérite attention. Pourtant, cela commence mal. La gauche réformiste aurait du mal à s'opposer car Fillon fait du Elisabeth Guigou, ou Nicolas Sarkozy et Daniel Vaillant sont les frères jumeaux de la dérive sécuritaire. Indépendamment du fait que l'on ne voit pas pourquoi, dans ces conditions, la droite défait les lois de la gauche, il y a là un petit souci. Cela sous-entend que pour s'opposer ensemble à la droite, la gauche plurielle doit changer de nature. Ce qui, comme point de départ à l'union, peut sembler excessif. Il eût été possible de dire : « Même du point de vue qui est le vôtre et que nous ne partageons pas, vous devez vous opposer et nous vous proposons un premier pas ensemble. » On peut difficilement prétendre l'union sans préalable et sous-entendre qu'elle est impossible, au regard du prétendu social-libéralisme de la gauche plurielle. Qu'aurait-on dit si le PS proposait l'union à la LCR tout en soulignant la participation de cette dernière à la victoire de la droite ? Certes, Olivier Besancenot a aussi un congrès en juin. Si les congrès de la gauche plurielle se gagnent peut-être à gauche, ils se perdent sûrement à l'extrême gauche dans la posture de flanc-garde de la gauche plurielle. Mais on avouera que dans ces conditions l'union est pour le moins difficile. Mais là où cela se gâte vraiment, c'est dans le paragraphe suivant. La Ligue communiste révolutionnaire est candidate à exercer des responsabilités gouvernementales. Très bien ! Mais au sein « d'un gouvernement de transformation radicale [qui appliquerait effectivement un programme de rupture capitaliste ». Evidemment ! Et de conclure que faire des propositions puis participer à un gouvernement qui ne les reprendrait pas, « ce n'est pas le genre de la maison ». Là on veut bien le croire ! Mais alors la LCR ne participerait qu'à un gouvernement qui reprendrait son programme ? La perspective de la « Maison rouge » est-elle de demander au PS, au PCF, aux Radicaux, aux Verts, voire à Jean-Pierre Chevènement de participer au gouvernement anticapitaliste radical de la LCR ? Fichtre ! Sans être un électoraliste délirant, la proposition laisse quand même rêveur. Mais elle permet pour le moins la possibilité de souligner l'aspect quelque peu dogmatique de nos radicaux. Tout compromis est une compromission. Il n'y a pas là à s'en offusquer. Olivier Besancenot travaille à créer les conditions d'une dénonciation pour insuffisance radicale de la gauche plurielle, mais pas à une union sans préalable. Comme il y a peu de chances que la gauche réformiste change de nature, comme les acteurs de la gauche plurielle ne sont pas mûrs pour un gouvernement ouvrier et paysan, et que la Ligue communiste révolutionnaire n'est pas disposée à intégrer la gauche plurielle même refondée, on doit s'interroger sur les raisons de ces avances. La fin du premier envoi nous éclaire, il a le mérite de la transparence. L'autonomie du mou vement social «provoque parfois des crispations à l'égard des formations politiques». « S'il y a une disjonction [ c'est entre gauche libérale et gauche radicale. Rassembler cette gauche radicale, construire une nouvelle force [...] est depuis longtemps l'objectif de la ligue ». Bon ! Il s'agit donc, une fois entérinée la coupure entre deux gauches, de construire une nouvelle organisation. On peut comprendre que la LCR ait du mal à unir des mouvements hétérogènes et métapolitiques. Il est possible de concevoir qu'Olivier Besancenot voit dans les minorités des formations de la gauche plurielle des partenaires potentiels. Il est évident que la LCR ne souhaite pas se voir voler le feu de la radicalité par d'autres. Mais pourquoi diable faut-il enrôler le PS, le PCF, les Verts, les Radicaux dans cette galère ? « Vous n'y êtes pas », nous dit Olivier Besancenot : « La droite frappe, c'est la gauche mais en pire. » Belle découverte ! Voilà un premier pas qui en appelle d'autres... Car ce n'est pas tout à fait le discours que nous avons entendu pendant cinq ans. Evidemment, la droite défait les réformes de la gauche, elle s'attaque aux avancées législatives de Lionel Jospin et de la gauche plurielle, elle massacre les amendements de Robert Hue, elle fait disparaître ceux de Noël Mamère, voire de Jean-Pierre Chevènement. Triste constatation ! Malheureusement, dans ce débat, il ne s'agit pas d'un simple désaccord. Ce sont les « couches populaires qui trinquent », comme le dit justement Olivier Besancenot. Alors il faut s'opposer à la droite ? Soit ! Mais la proposition du porte-parole de la LCR d'un front politique sur les retraites est-elle judicieuse ? Est-ce respecter le mouvement social que de proposer un front politique au moment où les organisations syndicales viennent pour la première fois de construire le leur. N'est-ce pas, comment dire... un peu substitutif au mouvement social ? Ne doit-on pas d'abord soutenir l'union des syndicats, tout en déployant ses propres propositions ? Mais au fait, quel est le programme de la LCR sur le sujet ? Nous n'évoquons pas un slogan, mais des propositions concrètes de financement et de préservation du système par répartition. La proposition d'Olivier Besancenot a donc la couleur de l'union, l'odeur de l'unité, mais elle n'est pas une alliance. Dommage, car il ne s'agit pas, dans les temps évidemment sombres qui viennent, d'opposer deux gauches, mais d'en construire une qui refuse la double impuissance de la résignation devant le libéralisme et la contestation sans alternative. Alors, encore un effort Olivier Besancenot. |
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