Initiative pour la confédération | |
Jean-Christophe | |
par Jean-Christophe Cambadélis, Bertrand Gallet, Jean-Marie Le Guen, François Loncle, Jean-Paul Planchou et Michel Vauzelle. Point de vue paru dans le quotidien Le Monde daté du 25 décembre 1991. |
Mal accueillie lors des assises de Prague, l'idée de confédération présente aujourd'hui un intérêt nouveau. Les enseignements tirés de l'échec du putsch de Moscou et de la guerre en Yougoslavie semblent avoir conduit certains esprits sceptiques à reconsidérer leur attitude critique. Pour notre part, nous n'avons pas cessé de croire à l'utilité immédiate de la proposition de confédération face à la situation nouvelle de l'Europe continentale, depuis la chute du mur de Berlin. Les Européens doivent être capables de comprendre, au sens étymologique de ce terme, un double mouvement qui n'est contradictoire qu'en apparence. Ce double mouvement est celui-là même de la libération des peuples d'Europe. Nos compatriotes d'Europe centrale et orientale trouvent ou retrouvent les chemins de la démocratie. Ils souhaitent tout à la fois exercer leur droit à la diversité culturelle - et dans certains cas jusqu'à l'éclatement ou au renoncement à certaines constructions étatiques - et leur droit à s'intégrer à l'Europe qui s'unit. Ils veulent tout à la fois être reconnus en tant que nation, ethnie ou minorité, et être admis dans la Communauté européenne. On retrouve cette double volonté en matière de défense. Pour assurer leur sécurité, certains veulent se doter d'une armée nationale et, dans le même temps, adhérer à l'Alliance atlantique. Il n'y a pas, en réalité, de contradiction dans cette attitude où sont inextricablement mêlés, dans leur légitimité, l'attachement à sa propre histoire et le désir d'ouverture vers l'avenir. Il y a même là le moyen d'écarter le danger national-populiste. Il s'agit, en fait, d'une seule et même façon de concevoir une libération qui ne fait que commencer. Une démarche avant d'être une institution Pour répondre à un mécanisme si complexe d'espoirs impatients, il faut immédiatement proposer une démarche politique capable d'être comprise, non pas seulement par quelques initiés, mais par les peuples eux-mêmes. Un geste spectaculaire de solidarité peut, seul, être porteur de la pédagogie indispensable dans les circonstances présentes. Le conseil de l'Europe, depuis des décennies, montre le chemin. Il peut être à la fois un creuset et un aboutissement dans cette démarche. Pour aborder l'étape qui s'ouvre, il faut instituer - peut-être provisoirement, mais en tout cas immédiatement - un cadre qui soit à la mesure de l'Europe " aujourd'hui rendue à sa géographie et à son histoire ", comme l'a dit le président de la République. Il faut donc reprendre la démarche engagée à Prague par des personnalités qui n'avaient pas, en principe, de mandat électif. A leur tour, des parlementaires, représentants de nos nations, devraient se réunir pour discuter de l'opportunité de créer un " point de rencontre " confédéral de discussion et de décision. De Lisbonne à Moscou, chaque assemblée législative démocratiquement élue pourrait être représentée à un premier forum parlementaire pour la confédération qui se tiendrait dans le courant de l'année 1992. Dans cette perspective, la confédération est pour nous d'abord une démarche avant d'être une institution. Elle peut être un cadre qui exprime le mouvement de libération des peuples qui veulent affirmer leur identité et leur différence et cependant se rassembler. La confédération doit être le geste militant de solidarité que tous les peuples d'Europe centrale et orientale attendent de nous et que notre intérêt est de faire tout de suite. Tous les Européens doivent pouvoir s'y retrouver, dès à présent, à égalité de droits pour y débattre de l'avenir du continent. Il ne s'agira d'ailleurs pas seulement de parlementer, ce qui ne serait déjà pas si mal, mais aussi de sélectionner les grands dossiers d'aménagement de l'espace continental. Les dossiers retenus pourraient recevoir le label confédéral afin d'être mieux défendus devant des organismes financiers comme la BERD. Ils pourraient concerner, avec des partenaires qui feront leurs choix " à la carte ", selon des géométries variables, des domaines comme l'énergie, la sûreté nucléaire, la lutte contre le gaspillage, la dépollution, le traitement des déchets, la qualité de la vie dans les grandes villes, la défense des forêts aussi bien qu'un schéma directeur continental pour les autoroutes et les trains à grande vitesse, ou d'autres questions tout aussi essentielles et urgentes que la recherche d'une politique commune, par exemple face aux grands flux migratoires. Dès lors qu'il est entendu que tout pays démocratique, situé en Europe, a, par ailleurs, automatiquement vocation à adhérer à la Communauté européenne, et, pour sa sécurité, à l'Alliance atlantique, les réticences, voire l'hostilité, de certains dirigeants d'Europe centrale et orientale et des Etats-Unis d'Amérique devraient s'estomper. La confédération n'est pas la Communauté européenne des pauvres. Elle n'est pas une sous-catégorie de la CSCE. Elle ne doit susciter aucune inquiétude quant au rôle et au devenir du Conseil de l'Europe, ni être crainte par ceux qui, comme nous, sont attachés à l'union de l'Europe des Douze. L'Europe se retrouve. La confédération doit lui permettre de se rassembler sans délai. Il est juste et légitime que des parlementaires soient au cœur de cette démarche. |
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