Le Parti socialiste est de retour
Congrès du Mans - 19 novembre 2005

Discours de Jean-Christophe Cambadélis, député de Paris
Tribune du Congrès du Mans


 
Chers camarades, la France va mal, et la gauche n'est pas au mieux. La France va mal et la question n'est pas simplement, pas exclusivement, pas totalement sociale. La France vit une crise d'identité, et son modèle est miné, attaqué.

Les Français sont bridés par le libéralisme dans leur désir d'entreprendre, de créer, d'innover. Les Français sont relégués par l'explosion des inégalités. Où qu'ils se tournent, ils butent sur le mur du marché.

Dubitatifs sur l'amélioration de leur quotidien, mais aussi sur les lendemains qui changent, la France et les Français doutent, et le doute envahit toutes les sphères de la société, alors s'installe une forme de démocratie punitive où le ressentiment le dispute à l'amertume.

Jacques Chirac porte l'immense responsabilité de la dépression française, car il a trop promis et peu tenu. Il a promis de réduire la fracture sociale, il a imposé la fracture libérale, il a surfé sur l'insécurité, et elle vient aujourd'hui tout ruiner.

Quand on voit M. Barroso oser traiter la France comme il le fait, on se dit que, jamais, sous de Gaulle ou sous Mitterrand, on n'en serait arrivé là. Non M. Barroso, la France n'a pas besoin de votre chèque, mais la France a besoin d'une politique européenne antilibérale.

Les Français, peuple héroïque, audacieux, courageux, batailleur, est un peuple facile à troubler, disait déjà Gambetta. Et ne nous trompons pas, la France qui émerge des bruines de la crise n'est pas la France que nous aimons le mieux. Cette France-là a peur. Alors la conjoncture est redoutable, car les Français ont peur lorsqu'ils ne croient pas en leur avenir, lorsqu'ils doutent de la gauche, comme d'eux-mêmes.

Ils se jettent dans les bras d'un homme, grand ou petit qui a l'image de l'énergie, et le masque de l'ordre. Cet homme, nous le connaissons. Stefan Zweig, qui n'aimait pas les politiques, mais écrivait beaucoup sur eux disait : « Il y a deux ordres de politiciens, ceux qui pêchent en eau trouble, les plus nombreux, et puis ceux qui troublent l'eau pour pêcher. » Eh bien j'accuse Nicolas Sarkozy d'avoir troublé la France pour pêcher la présidentielle. Nous l'accusons d'avoir délibérément, consciemment, consciencieusement provoqué l'incident verbal qui a créé les conditions de l'explosion.

Nicolas Sarkozy sait ce que parler veut dire, il connaît le poids des mots, le choc des symboles. Il était informé de l'exaspération, du dénuement, de la désespérance des banlieues, il a voulu l'amalgame entre les minorités délinquantes et les banlieues déshérentes. Son but, c'est d'abord de ruiner l'image de son Premier ministre concurrent pour amener toute la droite sur son terrain : la sécurité. Puis il a demandé le couvre-feu comme on demande la confiance, et il ne va pas s'arrêter là, il va s'attaquer au Code de la nationalité. Il sait que le consensus national est fait sur le terrorisme et c'est tant mieux. Mais il va aller plus loin. Écoutez tous les revanchards de 1968, les aigres de 1981, écoutez-les jubiler autour du regroupement familial, de la matrice islamique des banlieues. Ils préparent le terrain à Nicolas Sarkozy.

Mes amis, nous n'avons pas repoussé en bloc Le Pen pour se faire refiler des bouts de sa position.

C'est une grande offensive d'une grande ampleur qui vient sous le couvert de la sécurité pour éviter la confrontation sociale. Mais le but, nous le connaissons. Nicolas Sarkozy l'a affirmé à sa façon, la remise en cause de notre modèle, de notre modèle social évidemment. Mais la République française, pour Nicolas Sarkozy, la République, c'est pour lui la liberté de s'enrichir. Pour lui, l'égalité est une servitude et la fraternité est celle des communautés. Il ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Une fois installé aux commandes, ce sera pour lui l'occasion d'un tsunami libéral. Une espère de droite poutinienne est en train de naître. Il utilise les peurs légitimes pour obtenir un libéralisme illégitime.

En face, le peuple de gauche n'est qu'un agrégat des peuples désunis. Le syndrome du 21 avril n'est pas totalement dissipé. Pas simplement parce qu'il y aurait dans la tête une prétendue capitulation face au libéralisme. Pas totalement, parce que certains se complaisent dans la seule contestation, mais parce que le doute s'est insinué dans toute la gauche et dans la gauche elle-même.

Peut-on changer réellement l'ordre des choses ? Une gauche réaliste et durable est-elle possible ? Les Français ne boudent pas la gauche. Ils ne la voient pas venir, ils ne la voient pas tenir. Ils ne voient pas le chemin concret de la gauche vers une alternative. Ils ne voient que des mots, un déluge de mots. Voilà pourquoi notre projet est si important, un projet qui ne soit ni ce que fait la droite, ni ce que fit la gauche, un projet concret, socialiste, c'est-à-dire qui se fixe comme horizon la domestication écologique et sociale de l'économie de marché. Mais un projet qui invite à un vivre ensemble. Nous voulons défendre les nôtres, nous ne voulons pas du tout-marché, mais nous voulons une société, camarades.

Jaurès avait déjà, et depuis longtemps réglé le problème et le débat entre la défense de la classe ouvrière et de la République. Nous ne sommes pas des syndicalistes. Nous partageons leur combat et nous fêterons le centenaire de la charte d'Amiens.

Mais nous ne croyons pas depuis longtemps que la grève générale règle tout. Nous voulons transformer par la loi la société. Nous voulons une société juste qui rende notre modèle efficace.

Le projet est indispensable, mais il faut une gauche durable. La durabilité de l'action de la gauche est une question démocratique, et nous ne pouvons pas l'obtenir sans le rassemblement. Moi, je crois au rassemblement. Quels que furent nos débats, et je n'oublie rien, quels que furent nos désaccords, et ils sont toujours là, il faut travailler à surmonter les querelles subalternes pour se concentrer sur l'essentiel. Nous sommes ouverts tout en étant majoritaires.

Lorsque je lis que, somme toute, les divergences sont minimes maintenant, que la matrice socialiste est commune, j'ai envie de dire merci à la majorité du Parti. Lorsque j'entends à cette tribune, qu'il n'y a pas d'une part un socialisme d'accompagnement et de l'autre la vraie gauche, j'ai l'impression que la majorité du parti est passée par-là.

Lorsque je vois les sourires retenus, les embrassades de tribune, j'ai envie de vous dire la majorité du Parti, vous avez souffert, vous avez tenu bon, vous avez été patients, mais maintenant, vous tenez le bout. Vous êtes les commandeurs de l'union.

Maintenant que se sont dissipés les miasmes de la division, maintenant que les socialistes ont une orientation, un cap, que dis-je, une colonne vertébrale, de toute façon, quelles qu'en soient les formes, l'union est en marche, l'union est au rendez-vous du Mans, elle changera le PS, elle transformera la gauche. Elle nous permettra de dire au peuple de France qui nous regarde : le Parti socialiste est de retour.


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