| La tension est de plus en plus visible entre François Hollande, premier secrétaire du PS, et Laurent Fabius, numéro deux du parti. Y a-t-il une crise à la tête du PS ?Le trouble tient à la réactivité du " non " et à la placidité du " oui " socialiste. Le PS va devoir s'employer à changer cet état d'esprit. Il y a eu un débat sur le traité constitutionnel. Il fut vif, argumenté, charpenté. Mais il a été massivement tranché. Non pas sur la question du premier secrétaire, mais sur le traité et en sa faveur. François Hollande n'avait pas, à juste raison, mis son poste en jeu. Il n'avait pas fait de sa réélection l'enjeu du référendum.
Pour les amis de Dominique Strauss-Kahn, dont vous êtes, la victoire du " oui " n'est donc pas celle de François Hollande ?C'est moins la victoire d'un homme seul que d'un projet collectivement porté. D'ailleurs, François Hollande a symboliquement entériné cette interprétation en gardant Laurent Fabius à ces côtés.
Le " non " de la CGT, dont le secrétaire général, Bernard Thibault, avait été l'invité - ovationné - du congrès de Dijon, en mai 2003, n'aide pas le " oui " de gauche...A un engouement excessif lors d' un congrès ne doit pas succéder un désamour hors de propos. On imagine le profit que souhaitent tirer les partisans du " non " de cette décision.
S'agit-il, comme l'ont dit des socialistes partisans du " non ", d'un " non " de la " classe ouvrière ", ou d'un " non " de l'appareil communiste ?Il y a eu les deux. Certains, au sein de l'appareil, souhaitent toujours que, lorsque le PCF dit " non ", la CGT s'aligne. Il y a eu aussi la quinzaine d'hostilité sociale contre le gouvernement Raffarin. La transformation de la CGT est définitive. Personne ne veut revenir à la CGT de Benoît Frachon. Tout cela a conduit à un " non " de précaution.
N'est-ce pas compliqué, quand on est socialiste, de manifester contre la politique de Jean-Pierre Raffarin et de défendre le "oui" à ses côtés et à ceux de Jacques Chirac ?Le PS doit montrer qu'on peut être contre le gouvernement et pour le traité. Son " oui " ne doit pas être un " oui " sec.
Vous voulez dire, comme M. Fabius, que l'opposition du PS ne doit pas être une " opposition caoutchouc " ?Non ! L'opposition du PS n'est pas à démontrer. A l'Assemblée, dans la rue ou dans les urnes, c'est une opposition de projet à la politique de la droite. Les dirigeants du PS ont manifesté aux côtés des syndicats, le 5 février. Les députés socialistes se sont opposés à la droite sur les 35 heures.
Le PCF appelle à voter " non ", comme l'extrême gauche ou José Bové. Certains Verts s'interrogent. Est-on dans la situation où 60 % du PS - score du " oui " au référendum interne - sont contre le reste de la gauche ?Aucune de ces prises de position ne m'a surpris. En revanche, la querelle au sein de la gauche a changé de nature. Hier, l'opposition concernait le projet européen lui-même. Souvenons-nous de Maastricht ! Aujourd'hui, le débat se concentre sur les moyens d'obtenir une Europe sociale. C'est une demande de plus d'Europe, pas vraiment un refus de celle-ci.
La " gauche durable ", comme on l'appelle au PS, donne néanmoins l'impression d'être morte avant d'être née.La gauche a gagné les législatives en 1997 alors que la ratification du traité d'Amsterdam se profilait à l'horizon. Jean-Pierre Chevènement et Robert Hue y étaient violemment hostiles. L'aile gauche du PS disait que son adoption marquait la fin de l'expérience socialiste. Cela n'a empêché ni les uns ni les autres de gouverner ensemble. |