Le trouble tient à la réactivité du " non " et à la placidité du " oui " socialiste

Jean-Christophe Cambadélis
Entretien avec Jean-Christophe Cambadélis, député de la 20e circonscription de Paris, paru dans le quotidien Le Monde daté du 10 février 2005
Propos recueillis par Ariane Chemin et Caroline Monnot


 

La tension est de plus en plus visible entre François Hollande, premier secrétaire du PS, et Laurent Fabius, numéro deux du parti. Y a-t-il une crise à la tête du PS ?
Le trouble tient à la réactivité du " non " et à la placidité du " oui " socialiste. Le PS va devoir s'employer à changer cet état d'esprit. Il y a eu un débat sur le traité constitutionnel. Il fut vif, argumenté, charpenté. Mais il a été massivement tranché. Non pas sur la question du premier secrétaire, mais sur le traité et en sa faveur. François Hollande n'avait pas, à juste raison, mis son poste en jeu. Il n'avait pas fait de sa réélection l'enjeu du référendum.

Pour les amis de Dominique Strauss-Kahn, dont vous êtes, la victoire du " oui " n'est donc pas celle de François Hollande ?
C'est moins la victoire d'un homme seul que d'un projet collectivement porté. D'ailleurs, François Hollande a symboliquement entériné cette interprétation en gardant Laurent Fabius à ces côtés.

Le " non " de la CGT, dont le secrétaire général, Bernard Thibault, avait été l'invité - ovationné - du congrès de Dijon, en mai 2003, n'aide pas le " oui " de gauche...
A un engouement excessif lors d'un congrès ne doit pas succéder un désamour hors de propos. On imagine le profit que souhaitent tirer les partisans du " non " de cette décision.

S'agit-il, comme l'ont dit des socialistes partisans du " non ", d'un " non " de la " classe ouvrière ", ou d'un " non " de l'appareil communiste ?
Il y a eu les deux. Certains, au sein de l'appareil, souhaitent toujours que, lorsque le PCF dit " non ", la CGT s'aligne. Il y a eu aussi la quinzaine d'hostilité sociale contre le gouvernement Raffarin. La transformation de la CGT est définitive. Personne ne veut revenir à la CGT de Benoît Frachon. Tout cela a conduit à un " non " de précaution.

N'est-ce pas compliqué, quand on est socialiste, de manifester contre la politique de Jean-Pierre Raffarin et de défendre le "oui" à ses côtés et à ceux de Jacques Chirac ?
Le PS doit montrer qu'on peut être contre le gouvernement et pour le traité. Son " oui " ne doit pas être un " oui " sec.

Vous voulez dire, comme M. Fabius, que l'opposition du PS ne doit pas être une " opposition caoutchouc " ?
Non ! L'opposition du PS n'est pas à démontrer. A l'Assemblée, dans la rue ou dans les urnes, c'est une opposition de projet à la politique de la droite. Les dirigeants du PS ont manifesté aux côtés des syndicats, le 5 février. Les députés socialistes se sont opposés à la droite sur les 35 heures.

Le PCF appelle à voter " non ", comme l'extrême gauche ou José Bové. Certains Verts s'interrogent. Est-on dans la situation où 60 % du PS - score du " oui " au référendum interne - sont contre le reste de la gauche ?
Aucune de ces prises de position ne m'a surpris. En revanche, la querelle au sein de la gauche a changé de nature. Hier, l'opposition concernait le projet européen lui-même. Souvenons-nous de Maastricht ! Aujourd'hui, le débat se concentre sur les moyens d'obtenir une Europe sociale. C'est une demande de plus d'Europe, pas vraiment un refus de celle-ci.

La " gauche durable ", comme on l'appelle au PS, donne néanmoins l'impression d'être morte avant d'être née.
La gauche a gagné les législatives en 1997 alors que la ratification du traité d'Amsterdam se profilait à l'horizon. Jean-Pierre Chevènement et Robert Hue y étaient violemment hostiles. L'aile gauche du PS disait que son adoption marquait la fin de l'expérience socialiste. Cela n'a empêché ni les uns ni les autres de gouverner ensemble.

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